Dictionnaire de théologie catholique/RÉSURRECTION DES MORTS III. L'enseignement de la tradition 1. Les Pères

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Dictionnaire de théologie catholique
Letouzey et Ané (Tome 13.2 : QUADRATUS - ROSMINIp. 553-565).

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est ressuscité pour détruire la mort et manifester notre propre résurrection, v, 6. — b) La II* démentis et la même épître du pseudo-Barnabe insistent sur la nécessité de ressusciter en cette même chair que nous possédons pour recevoir la récompense due à nos œuvres. Barn., xxi, 1 ; II* Clem., ix, 1. — c) Enfin la 7 a démentis esquisse une explication :

Considérons, mes bien-aimés, comment le Seigneur nous manifeste continuellement la résurrection future, dont il a institué les prémices, Jésus-Christ, Notre-Seigneur, en le ressuscitant d’entre les morts. Regardons, mes bien-aimés, la résurrection qui se fait en son temps. Le jour et la nuit nous montrent une résurrection : la nuit cesse (mot à mot : se couche), le jour se lève. Le jour disparaît, la nuit vient et suit. Prenons les fruits. Comment, de quelle façon s’en fait la semence ? Le semeur sort et jette en terre les différentes semences ; tombées sèches et nues dans la terre, elles se dissolvent ensuite ; de leur dissolution la grande puissance de la divine providence les ressuscite et d’une unique graine en fait sortir plusieurs et produire le fruit, xxiv, 1-5.

L’idée de « germe » ou semence est certainement empruntée à I Cor., xv, 38, 42-43. Clément la complète en prenant, au c. xxv, la légende classique du phénix renaissant de ses cendres, et en faisant appel, au c. xxvi, à la puissance divine pour réaliser ses promesses. Il invoque alors ps., xxvii, 7 ( ?) ; ni, 6 ; xxii, 4, et Job, xix, 26.

Pères apologistes.

1. Aristide, d’un simple mot

de son Apologie, n. 15, rappelle que les chrétiens « ont les préceptes du Seigneur Jésus-Christ empreints dans leurs cœurs et qu’ils les gardent, attendant la résurrection des morts et la vie du siècle à venir ». P. G., t. xcvi, col. 1121 ;

2. Saint Justin est plus prolixe et justifie la résurrection par l’exemple du germe.

… Nous aussi, autant et plus que ces (auteurs, Pythagore, Platon, etc.), nous croyons en Dieu ; et nous espérons même que nos corps, morts et confiés à la terre, seront de nouveau à nous, rien n’étant impossible à Dieu. Et, à bien y réfléchir, quoi de plus incroyable, semble-t-il, si nous n’avions pas de corps et que quelqu’un nous dise que d’une petite goutte de sperme humain peuvent être formés les os et les chairs sous la forme que nous leur connaissons ? … Mais comme vous n’auriez jamais cru que d’une gouttelette vous puissiez devenir tels que vous êtes, et pourtant vous vous voyez ; ainsi, de la même manière, croyez que les corps des hommes dissous, et répandus dans la terre comme des semences, peuvent, à un moment donné, sur l’ordre de Dieu, ressusciter et revêtir l’incorruption. I Apol., xviii-xix, P. G., t. vi, col. 356-357. Cf. De resurrec/ione( ?), fragm.v, viii, x, col. 1580, 1585, 1589. Mais l’authenticité de ces fragments est loin d’être assurée.

3. Tatien explique comment, malgré les transformations subies par le corps après la mort, Dieu saura retrouver de quoi le reconstituer :

Nous croyons la résurrection future des corps, quand les temps seront accomplis. Non à la façon des stoïciens qui imaginent sans aucune utilité des cycles au bout desquels les mêmes renaissent toujours après avoir péri ; mais, notre temps étant accompli, nous ressusciterons une seule fois et pour toujours, la résurrection devant réunir tous les hommes et eux seuls, en vue du jugement… Même si nous vous paraissons des menteurs et des bavards, peu nous importe, puisque notre croyance s’appuie sur cette bonne raison : De même, en effet, que, n’existant pas avant de naître, j’ignorais qui j’étais, et que j’existais seulement dans la substance de la matière corporelle, mais qu’une fois né, moi qui n’étais pas autrefois, j’ai saisi par ma génération qu’il ne fallait pas douter de mon existence ; de la même façon, moi qui suis né et qui, par la mort, cesserai d’être et d’être vii, j’existerai de nouveau, tout comme autrefois, après le temps où je n’existais pas, j’ai été engendré. Même si ma chair est consumée par le feu, le monde reçoit ma substance volatilisée (mot à mot : répandue comme de la vapeur). Même si je suis absorbé dans les fleuves ou encore dans la mer, même si je suis déchiré par les fauves, je suis encore dissimulé dans les trésors du riche Seigneur. Le pauvre, l’athée ne connaissent pas tout ce que recèlent ces

trésors ; mais le Dieu qui règne rendra, à son gré, à son état premier, la substance à lui seul visible. Adversus Greecos oratio, vi, P. G., t. vi, col. 817-820. Autre texte, xiii, col. 833.

4. Athénagore a écrit expressément un traité De resurrectione morluorum : aussi entre-t-il dans bien plus de détails que ses devanciers. Sans doute, le traité est incomplet car il laisse de côté la question de l’état des corps ressuscites, tant au point de vue physiologique qu’au point de vue surnaturel ; il néglige les analogies déjà signalées par Clément de Rome, que Minucius Félix et saint Cyrille de Jérusalem mettront en lumière ; il ne renferme aucune des images sensibles de la résurrection qu’on trouvera chez Théophile d’Antioche et surtout chez Tertullien ; deux points néanmoins sont nettement marqués : le fait de la résurrection et sa possibilité eu égard à la puissance divine.

La possibilité de la résurrection fait l’objet de la première partie du traité, c. i-x. Dira-t-on que Dieu ne peut pas ressusciter les morts ? ou bien que, le pouvant, il ne peut pas le vouloir, soit faute de science, soit faute de puissance. Mais il a prouvé qu’il possède l’une et l’autre en formant l’homme. S’il ne pouvait le vouloir, ce serait que la résurrection léserait la justice ou dans le ressuscité lui-même ou dans autrui, ce qui n’est pas, ou bien qu’elle serait indigne de Dieu, ce qui n’est pas davantage, puisque la création n’est pas indigne de lui. En bref, la résurrection est possible, parce qu’elle ne répugne ni à la science, ni à la puissance, ni à la justice de Dieu. Toutefois, Athénagore se pose l’objection du cas de l’anthropophage ou de l’homme mangeant la chair d’un animal, lequel lui-même a dévoré un homme. La réponse d’Athénagore est aussi simple qu’arbitraire : pour chaque animal, il n’existe qu’un aliment spécifique, et la chair humaine n’est pas un aliment assimilable pour l’homme. C. iv-vm, P. G., t. vi, col. 977-989, passim.

Le fait de la résurrection est l’objet de la seconde partie, xi-xxv. Cette résurrection aura lieu, car elle est nécessaire. Quatre raisons le prouvent : la destinée de l’homme, créé pour vivre toujours, c. xii-xin ; sa nature, qui comprend deux éléments unis, l’âme et le corps, c. xiv-xvii ; le jugement, qui doit s’appliquer au composé humain, c’est-à-dire au corps comme à l’âme, c.xviii-xxiii ; la fin dernière, qui ne peut être atteinte en cette vie. C. xxiv-xxv. La raison confirme donc ici les données de la foi. Sur tous ces points, voir L. Chaudouard, La philosophie du dogme de la résurrection de la chair au iie siècle, Lyon, 1905, et ici même, Corps glorieux, t. iii, col. 1891-1894.

5. Théophile d’Antioche, dans le Discours à Aulohjcus, répond aux railleries de son interlocuteur sur la résurrection future et insiste sur la nécessité de croire dès maintenant à ce dogme. La foi précède toutes choses ici-bas : » Quel agriculteur pourrait récolter s’il n’avait auparavant confié la semence à la terre ? Qui pourrait traverser les mers, s’il ne s’était auparavant confié au bateau et au pilote ? » Le malade doit se confier au médecin, l’élève à son maître. Pourquoi ne pas faire confiance à Dieu, surtout après en avoir reçu tant de gages ? Ad Aulolycum, t. I, c. vii, P. G., t. vi, col. 1036 ; cf. c. xiii, col. 1041 sq.

Pères controversisles.

1. Saint Irénée. — La

résurrection de la chair est une des thèses capitales d’Irénée. Voir sa confession de foi, Cont. hxr., t. I, c. x, n. 1, P. G., t. vii, col. 549. Il la défend contre l’erreur fondamentale du gnosticisme selon qui la matière est essentiellement mauvaise et, en conséquence, ne peut être l’œuvre d’un Dieu bon. Cont. hær., t. I, c. vi, n. 2 ; c. xxii, n. 1 ; c. xxvii, n. 3 ; t. V, c. i, n. 2, col. 505, 669670, 689, 1122. Le monde des corps est, lui aussi, du domaine du Verbe et la matière est susceptible de salut, t. V, c. ii, n. 2, 3, col. 1124, 1126 ; c. xx, n. 1, col. 1177.

Dans ce dernier passage, Irénée affirme « le salut de l’homme total, corps et âme ».

Mais comment expliquer la résurrection ? <> Don de Dieu », t. III, c. xx, n. 2, col. 843, la résurrection est l'œuvre à la fois de la puissance et de la justice divines.

Œuvre de la puissance. Nos corps ressusciteront, non ex sua substantia, sed ex Dei virtute, t. V, c. vi, n. '2, col. 1 1 39 : Dieu, « meilleur que la nature », a le vouloir, le pouvoir et le parfaire. L. II, c. xxix, n. 2, col. 813814 :

Si Dieu ne vivifie pas ce qui est mortel, et ne donne pas l’incorruptiHlité à ce qui est corruptible, c’est qu’il est impuissant. Mais qu’en toutes ces choses il soit puissant, nous pouvons le constater d’après notre propre origine. Dieu a piis du limon de la terre et i) en a fait l’homme. lit si, sans qu’il préexistât d’os, de nerfs, de veines et d’organisme propre a constituer l’homme. Dieu a pu les faire de rien pour en former l’animal raisonnable qu’est l’homme, il est moins difficile et moins incroval le eue Dieu, … l’homme étant constitué et ses éléments étant dissous dans la terre, fasse une réintégration du tout, malgré le retour du corps (mot ; 1 mot : de l’homme) dans les éléments d’oii il fut tiré alors qu’il n’existait pas encore. Car celui qui, au commencement, fit, quand il le voulut, exister celui qui n’existait pas. pourra à plus forte raison restituer : "i la vie qu’il leur avait donnée ceux qui déjà ont existé. L. V, c. iii, n. 2, col. 1 12*1-1130.

Un témoignage irrécusable de la puissance divine nous est donné dans la longévité des patriarches, dans la préservation de la mort accordée à Élie et à Hénoch, dans la protection accordée à Jonas et aux trois enfants dans la fournaise. Id., c. iv-v, col. 1130-1136.

Œuvre de la justice aussi. Il est juste que le corps, qui a participé aux bonnes actions avec l'âme, ait sa part de récompense. Les attributs divins appellent la résurrection des corps. L. II, c. xxix, n. 2, col. 81 3-8 14.

Tout en faisant appel aux attiibuts divins pour expliquer la résurrection, Irénée n’ignore pas la comparaison du germe, proposée avant lui par Clément de Rome et Justin. Le corps, formé de la terre, « retourne à la terre, à l’instar d’une très bonne semence », qui germe par l’action de Dieu. Fragment conservé dans les Sacra parallela, P. G., t. vii, col. 1236 ; cf. Conl. hser., t. V, c. vii, n. 2, col. 1140-1141.

Sur quoi s’appuie la croyance en la résurrection future ? Irénée met ici en avant l’autorité des écritures. Pour l’Ancien Testament, voir t. V, c. xv, n. 1, col. 1 163-1 164, et fragm. xxxvi, col. 1248. Dans le Nouveau Testament, nous avons les paroles de Jésus-Christ et ses actes.

Les paroles d’abord. Celles adressées aux sadducéens. L. IV, c. v, n. 2, col. 984-985. Irénée réfute l’argument gnostique tiré de I Cor., xv, 50 : « la chair et le sang » dont il est ici question doivent s’entendre de ceux qui pèchent en s’adonnant à des œuvres charnelles : ceuxlà n’entreront pas au ciel. L. V, c. îx-xii, col. 1 144-1 156.

Les actes ensuite. Les guérisons et les résurrections opérées par Jésus montrent la puissance de Dieu sur les corps et sont un présage de la résurrection future. L. V, c. xii, n. 5 ; c. xiii, n. 1, col. 1155-1157. La résurrection du Christ garantit la nôtre, t. V, c.vn, n. 1 (Irénée s’appuie ici sur Rom., viii, 11), col. 1 139-1 140 : cf. I. IV, c. ii, n. 4, 7 ; c. v, n. 2, col. 978, 979, 985. L’incarnat Ion elle-même est la meilleure preuve de notre résurrection future, car, si le Verbe a pris notre chair, c’est pour la sauver. L. V, c. xiv, col. 1160-1103. L’eucharistie est gage d’immortalité. L. IV, c. xviii, n. 5 ; t. V, c. ii, surtout n.2, col. 1027-1029, 1123-1128. La doctrine riu corps mystique enfin veut que, comme la tête est ressuscilée, les membres ressuscitent aussi, t. III, c. xix, n. 3, col. 941 ; cꝟ. t. V, c. VI, n. 2 ; c. xiii, n. 4, col. 1 139, 1159-1160.

Les modalités de la résurrection sont touchées par Irénée. Tout d’abord, l’identité des corps ressuscites.

Identité personnelle : l'âme retrouvera son corps et le corps son âme : non aliud est quod moritur et aliud vivificatur. L. V, c. xiii, n. 3, col. 1153 ; cꝟ. t. II, c. xxiii, n. 5 ; t. V, c. iii, n. 2 ; c. xiii, n. 3 : fragm.xii, col. 833834, 1130, 1158-1159, 1235. Ensuite, l’universalité de la résurrection, ad… resuscitandam omnemearnem. L. I, c. x, n. 1, col. 549 ; cf. c. xxii, n. 1 : t. II, c. xxxiii, n. 5 ; t. III, c. xvi, n. 6, col. 669-670, 834, 925. Enfin, reflet des opinions millénaristes d’Irénée, la résurrection ne sera pas simultanée. La première résurrection sera celle des justes, au début du « règne » ; les méchants ressusciteront à la deuxième résurrection, à la fin du règne. L. V, c. xxvi, n. 2 ; c. xxii, n. 2 ; c. xxxiii, n. 4 ; c. xxxiv, n. 1 ; c. xxxv, n. 1, 2, col. 1194, 1211, 1214, 1215, 1218, 1220. Voir aussi Démonstration, c. xli, xlii, P. ()., t.xii, p. 690-691. Sur tous ces points, voir ici Ikénke (Saint), t. vii, col. 2502-2503.

2. Minucius Félix écarte les fables de Pythagoro et de Platon sur la métempsycose. Pour la conservation des éléments corporels en vue de la résuri ection, il ne sait l’expliquer, il s’en rapporte à Dieu qui en est le gardien. Nous retrouvons les formules déjà employées par Clément de Rome, Taticn, Théophile d’Antioche. Octavius, xxxiv, P. L., t. iii, col. 347 ; cf. Rouet de Journel, Ench. patrist., n. 272.

3. Terlullien a exposé et défendu le dogme en question contre les railleries des adversaires dans son Apologdicum, c. xi.vm ; dans tout le traité De resurrectione rarnis et dans le livre V de VAduersus Marcionem. (Références à P. L., éd. de 1844.)

a) Le premier en date est YApologelicum (vers la fin de 197). Tcrtullien y défend la résurrection contre les païens. C. xlvim. Les païens croient volontiers à la métempsycose et raillent la résurrection. Pourtant, si les âmes sont destinées à rentrer dans des corps, n’estil pas plus naturel que ce soit dans ceux qu’elles ont déjà animés ? Dans l’hypothèse contraire, que devient la personnalité humaine ? Des échanges s'établiraient, qui sont matière à plaisanteries. Mois la raison décisive d’accorder les mêmes corps aux mêmes âmes, c’est le jugement divin. Unie au corps pour le mérite et pour le démérite, l'âme doit lui demeurer unie pour la récompense ou la punition. Tcrtullien apporte une deuxième raison qu’il abandonnera dans la suite : l'âme séparée de la matière est insensible : neque pati quicquam potest anima sola sine slabili maleria. P. L., t. I, col. 523.

Comment se fera la résurrection ? C’est à la puissance divine qu’il faut faire appel. Dieu qui a créé l’homme de rien, saura ranimer sa matière inerte : où qu’elle soit, sa substance se retrouvera ; Dieu est le maître de tout et du néant même. Ubicumque resolulus fucris, quæcumque le maleria deslruxcril, liauserit, aboleverit, in niliilum prodegeril, reddet le. Ejus est niliilum ipsum eu jus et lotum. Col. 525.

Il n’est pas question de multiples morts et de multiples renaissances. La vie présente nous introduit à un ordre définitif ; le dernier jour du monde s’ouvrira sur l'éternité. Nec mors jam nec rursus ac rursus resurreclin serf crin, us iidem qui nunc, ncealii posl ; le genre humain reçue illera dans une vie nouvelle le fruit de ses œuvres : les élus, près de Dieu, dans la gloire ; les damnés livrés au feu à qui Dieu communique l’incorruptibilité. Col. 527.

b) Le traité De resurrectione carnis (entre 208 et 211) réfute les hérétiques. Semi-sadriucécns, ces hérétiques gnostiques acceptent l’immortalité de l'âme, mais rejettent la résurrection de la chair. De resurrectione, c. iv, P. L., t. n. col. 799.

Les hérétiques insistent sur la honte de la chair, ses faiblesses, son retour à la terre, pour la dénigrer. A cette satire de la chair, Tcrtullien oppose une sorte rie panégyrique de la chair. La chair est l'œuvre de Dieu dans la création de l’homme ; dans la vie surnaturelle. 252 !

    1. RÉSURRECTION##


RÉSURRECTION. TERTULLIEN

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elle est le moyen et l’instrument de multiples œuvres sanctifiantes. L'Écriture l’exalte souvent, considérant les corps des hommes comme les temples de Dieu et les membres du Christ. Toute chair verra le salut de Dieu. Is., xl, 5. Les textes invoqués sont Is., xl, 6 ; Joël., ii, 28 ; Gal., vi, 17 (par opposition à Gen., vi, 3, et à Gal., v, 17) ; I Cor., ni, 17 ; vi, 15, 20. Dieu n’abandonnera pas à une corruption définitive ce corps qui lui représente les traits du Christ, cette créature qui lui est chère à tant de titres. C. v-xi, col. 800-810.

La puissance divine nous est garante de la possibilité de la résurrection. Si Dieu a créé le monde ex uihilo, ou même s’il l’avait élaboré d’une manière préexistante, il peut refaire pour l'être humain ce qu’il a déjà fait une première fois. Tertullien reprend ici les arguments que nous avons déjà rencontrés avant lui et il les illustre des mêmes analogies : le jour sortant de la nuit, les astres brillant après une éclipse, le renouvellement des saisons, la vie végétale germant dans la corruption, le phénix qui renaît de ses cendres et qu’il croit trouver dans Ps. xci, 13. Voir c. xii-xiii, col. 810-81 1.

Ici comme dans YApologelicum, l’argument décisif est tiré de la justice divine. Le jugement de Dieu doit être parfait ; il ne le serait pas, si l’homme n'était jugé tel qu’il a vécu. Tout l’homme, âme et corps, doit donc veniraujugement.C.xiv, col. 812. Pour illustrerla force de cet argument, Tertullien fait valoir l’union intime de l'àme et du corps dans la moindre de ses actions. Les mouvements secrets du cœur sont imputés à l'àme, et, pour le prouver, Tertullien interpiète en un sens très matériel Matth., v, 28 ; ix, 4. Aucune opération mentale qui ne dépende du corps. Si l’initiative appartient à l'âme, la justice parfaite ne doit pas s’en tenir au principal responsable, mais elle doit rendre même à chaque subalterne selon ses œuvres, ministros facti eu jusque deposcit.Le fait que le corps est l’instrument à l'égard de l'àme doit entraîner pour lui la rétribution de ses œuvres, d’autant que le corps, associé à toutes les opérations de l'âme, fait partie intégrante de l'être moral. C. xv, xvi, col. 813-814. Cette doctrine est consacrée par l'Écriture, l’Apôtre imputant à la chair les fautes commandées par l'âme et demandant au chrétien de glorifier et de porter Dieu en son corps. I Thess., iv, 4 ; I Cor., vi, 20. Toutefois, Tertullien abandonne ici l’argument qu’il avait fait valoir dans VApologelicum et dans le De leslimonio anima :, de l'âme incapable d'éprouver peine ou plaisir sans le corps. C. xvii, col. 816818. En résumé, il faut une sanction complète, laquelle peut s’exercer seulement après la résurrection, nonobstant les peines déjà endurées par l'âme aux enfers dans l’attente du dernier jugement.

Tous ces arguments de raison ne sont que la préface d’une démonstration scripturaire qui remplit les deux tiers du traité. Sur ce point fondamental du dogme, l'Écriture a parlé clairement et non en allégories. Or, la résurrection des corps qui doit se faire à la fin des temps est objet des prophéties et de l’enseignement des évangiles et des écrits apostoliques.

Objet des prophéties. Dans Luc, xxi, 26 sq., le Seigneur décrit les signes précurseurs de la résurrection et du jugement. S’il fallait entendre les prophéties concernant la résurrection d’une résurrection purement spiiituelle, telle que saint Paul la recommande aux Colossiens, c. i-ii, cette résurrection spirituelle, qui doit se faire dès maintenant, serait prématurée. Il faut donc admettre une autre résurrection, la résurrection corporelle, affirmée ailleurs par le même apôtre, Gal., v, 5 ; Phil., iii, Il sq. ; Gal., vi, 9 ; II Tim., i, 18 ; I Tim., vi, 14-15 ; et par saint Jean, I Joa., iii, 2, ainsi que par saint Pierre, Act., iii, 19 sq. C. xxiii-xxiv, col. 823-830. L’Apocalypse annonce, xx, Il sq., une résurrection générale pour la fin des temps. L’exégèse allégorique permettrait de retrouver la résurrection

corporelle prédite en maints passages des prophètes. La prophétie d'Ézéchiel a plus de portée qu’une simple allégorie et vouloir la restreindre, avec les hérétiques, à la simple restauration d’Israël, c’est en méconnaître le sens. Cf. les autres prophéties, Mal., iv, 2 sq. ; Is., lxvi, 14 ; xxvi, 19 ; lxvi, 22-24. Tertullien cite aussi Hénoch, lxvi, 5. C. xxv-xxxii, col. 830-841.

Enseignement des évangiles. S’il est un sujet dont Jésus parla sans parabole ni allégorie, c’est bien le jugement et la résurrection des corps. Voir surtout .Matth., xi, 22-24 (menaces) ; Matth., x, 7 ; Luc, xiv, 14 (promesses). Il est venu sauver tout ce qui a péri. Luc, xix, 10 ; cf. Joa., vi, 39-40. Il recommande de craindre qui peut précipiter dans la géhenne le corps et l'âme, Matth., x, 28 ; cf. Matth., x, 29 ; Joa., vi, 39 ; Matth., viii, 11, etc. Il affirme implicitement la résurrection contre les sadducéens, Matth., xxii, 23 sq. ; et si, pour Jésus, « la chair ne sert de rien », Joa., vi, 64 ; s’il proclame les élus semblables aux anges, Matth., xxii, 30, il ne faut rien conclure de là contre la résurrection : Jésus a voulu simplement convier ses auditeurs à la vie de l’esprit. Enfin, Jésus a ressuscité des morts, donnant par là des arrhes de la résurrection générale. C. xxxiii-xxxviii, col. 841-849.

Enseignement des écrits apostoliques. A part le grand fait de la résurrection du Sauveur, les apôtres n’introduisent aucun élément nouveau touchant la résurrection. D’ailleurs, seuls, les sadducéens les contredisaient. Paul a confessé sa croyance à la résurrection devant le sanhédrin, Act., xxiii, 6, devant Agrippa, xxvi, 28, et à l’Aréopage, xvii, 31. Il inculque la même croyance en presque toutes ses épîtres : il ne faut donc pas s’arrêter à quelques textes obscurs, comme II Cor., iv, 16 ; v, 1 sq. ; I Thess., iv, 14 sq. ; I Cor., xv, 51 sq. ; II Cor., v, 6 ; Eph., iv, 22 ; Rom., vin, 8 sq. ; vi, 6, et surtout I Cor., xv, 50. Sur les difficultés soulevées par les adversaires de la résurrection à l’aide de ces textes et sur les réponses de Tertullien, voir A. d’Alès, La théologie de Terlullien, Paris, 1905, p. 150-159. C. xxxix-l, col. 849-867.

Les derniers chapitres montrent l’identité des corps ressuscites, nonobstant les transformations dont parle saint Paul, I Cor., xv, 36 sq., pour les corps glorieux. La vie périssable fera place à une vie plénière de l’esprit. L'élément mortel sera absorbé pour que le corps puisse revêtir l’immortalité, non par une destruction, perditio, mais par un changement, demutatio, qui lui communiquera une nouvelle manière d'être : nec alius efficialUT, sed aliud. C. lii-lvi, col. 870-877.

Il faut enfin répondre aux objections vulgaires. Dans la résurrection, les infirmités disparaîtront ; tous entreront en possession d’un bonheur sans ombre. C. X-vin, col. 880 ; cf. Is., xxxv, 10 ; Apoc, vii, 17 ; xxi, 4. Qui cherche ici des figures, les trouvera dans la conservation merveilleuse des vêtements et des chaussures portées par les Israélites dans le désert, dans la préservation miraculeuse des trois enfants dans la fournaise, dans la protection accordée à Jonas et dans le privilège d’immortalité conféré à Hénoch et à Élie. Exemples déjà proposés par saint Irénée, voircol. 2523. Si l’on objecte que les mystères de l'éternité ne peuvent concerner nos corps mortels, il faut répondre avec l’Apôtre qu’au contraire nous sommes * héritiers des choses à venir ». I Cor., ni, 22. La grossièreté des fonctions corporelles disparaîtra : la résurrection exige l’intégrité des membres, non leur usage : tel un vieux navire qui ne tient plus la mer, mais qu’on a remis à neuf en considération d’anciens services. Le corps s’abstiendra d’actes qui n’ont plus de raison d'être dans le royaume de Dieu. C. lix-lxii, col. 881-885.

Conclusion : « Toute chair ressuscitera, identiquement, intégralement. Jésus-Christ, médiateur entre Dieu et l’homme, a fiancé dans sa personne la chair à

l’esprit. Là où elle semble périr, elle ne fait réellement que s'éclipser pour un temps ; après avoir passé par l’eau, par le feu, par l’estomac des bêtes, par les entrailles de la terre, elle reparaîtra un jour devant Dieu, pour s’entendre convier à la gloire ». C. lxiii. Cf. d’Alès, op. cit., p. 142-153.

c) Dans le livre V de l’Advcrsus Marcionem, c. ix-x, Tertullien ne fait que résumer le traité De resurrectione carnis, P. L., t. ii, col. 491-501.

4. Saint Hippolyle. — D’Hippolyte, nous recueillons une double démonstration de la résurrection des corps, scripturaire et rationnelle.

On trouve la première dans le traité De l’Antéchrist, lxv-lxvi, P. G., t. x, col. 785-788. L’annonce de la résurrection corporelle se lit dans Dan., xii, 2 ; Is., xxvi, 19 ; Joa., v, 25 ; Eph., v, 14 ; Apoc, xx, 6 et 14. Les justes brilleront alors comme le soleil en sa gloire, Matth., xiii, 43 ; ils entreront dans le royaume qui leur a été préparé dès l’origine du monde, Matth., xxv, 34. La sentence de réprobation prononcée sur les impies, commentée par l’Apocalypse, xxii, 15 et xxi, 8, répond aux menaces d’Is., lxvi, 24. Réveillés par la trompette, les justes qui reposent dans le Christ se lèveront les premiers ; les vivants de la dernière génération seront ravis avec eux dans les nuées au-devant du Christ et demeureront à jamais avec lui. I Thess., iv, 13-17. Ces considérations sont données en vue de se préparer par une vie sainte au prochain retour du Christ. Cf. In Danielem, ii, iv, col. 644, 645 ; Adversus Grsecos, ii, iii, col. 800-801. A l’instar de saint Paul, Hippolyte considère la résurrection du Christ, comme le gage et les prémices de la nôtre. LTp6ç (ïaat.Xîo’a Tivà èmezoli) (Lettre à l’impératrice Mammée), n. 7 et 8, édit. Achelis, dans Texte und Unlersuchungen, t. xvi, fasc. 4, Leipzig, 1897, p. 253. Sur la condition des corps glorieux, voir fragment Sur la résurrection, même édit., p. 254.

Un fragment du traité Contre les Grecs, conservé dans les Sacra parallela de saint Jean Damascène, à l’occasion d’une description de l’Hadès, lieu commun de séjour des âmes qui attendent le jugement dernier, contient une affirmation et une justification rationnelle de la résurrection générale. Sur la description de l’Hadès, voir d’Alès, La théologie de saint Hippolyte, Paris, 1906, p. 200. Mais, au jour marqué, Dieu ressuscitera tous les corps pour le jugement.

Toutes les âmes sont retenues dans l’Hadès, jusqu'à l’heure que Dieu a marquée pour la résurrection de tous, qui ne sera point l’envoi des âmes en de nouveaux corps, mais la résurrection des corps eux-mêmes. Si la vie de ces corps qui se dissolvent vous inspire quelque doute, gardezvous en bien. L'âme a été faite, et faite immortelle, dans le temps ; vous l’avez admis, sur la démonstration de Platon : ne doutez donc pas que Dieu peut également reconstituer le corps des mêmes éléments, le rappeler à la vie et le rendre immortel. Ne dites pas : Dieu peut ceci et non cela. Nous croyons donc que le corps même ressuscite. Car s’il meurt, il n’est point anéanti : la terre reçoit ses restes et les garde : comme une semence confiée au soin fécond de la terre, ils refleurissent. La semence qu’on jette en terre est un grain nu ; mais à l’appel du Créateur, ce grain apparaît florissant dans un vêtement de gloire, après seulement qu’il est mort, qu’il s’est dissous et mêlé au sol. Donc ce n’est pas sans raison que nous croyons à la résurrection des corps. S’il est dissous pour un temps, à cause de la désobéissance originelle, il est jeté en terre comme dans un creuset pour être reformé : il ressuscite non tel quel, mais pur et immortel. A chaque corps son âme sera rendue ; elle le revêtira sans ressentir aucune peine, mais bien de la joie, si, pure, elle habita un corps pur ; si, en ce monde, elle a cheminé avec lui dans la justice, non comme avec un ennemi domestique, elle le reprendra en toute allégresse. Quant aux méchants, ils reprendront leurs corps, non point Changés, non point affranchis de la souffrance ou <le la maladie, non pas glorifiés, mais avec les maladies dont ils moururent ; et s’ils ont vécu sans foi, ils seront jugés par la foi. (Traduction

A. d’Alès, Dict. apol. de la foi calh., t. IV, col. 093). Frugm. Il, P. G., t. x, col. 800.

4° Les Docteurs alexandrins du ine siècle. — 1. Clément d’Alexandrie. — Clément n’a pas traité ex professo la question de la résurrection des corps ; il avait annoncé un livre LTepi àvoccTàascoç que nous ne connaissons pas autrement. Psed., t. I, c. vi ; t. II, c. x, P. G., t. viii, col. 305, 521. Clément trouve un symbole de la résurrection dans l’arbre dont les feuilles ne meurent pas. Id., t. I, c. x, col. 360. Certains hérétiques prétendaient que la résurrection avait déjà eu lieu : Clément montre que nous l’attendons encore. Slrom., t. III, c. vi, P. G., t. viii, col. 1152 ; cꝟ. t. V, c. xiv, t. ix, col. 157. La confession de foi la plus claire sur ce point est tirée du fragment Adumbraiiones in I am Pétri, i, 3, traduction latine d’origine inconnue :

Il était convenable que l'âme ne revînt jamais une seconde fois à son corps sur cette terre, ni l'âme juste, qui est devenue comparable aux anges, ni l'âme pécheresse, qui, en reprenant la chair, pourrait trouver de nouvelles occasions de pécher. Mais à la résurrection, âmes justes et âmes pécheresses reprendront leurs corps. Ils se réuniront suivant la loi de leur être, suivant la naturelle harmonie de leur composition. P. G., t. ix, col. 729.

2. Origène.

La pensée d’Origène nous est mieux connue et cependant elle présente tant de difficultés qu’elle mérite d'être considérée avec plus d’attention.

On ne comprend la position d’Origène qu’en rappelant les conditions dans lesquelles il composa son Traité de la Résurrection, qui ne nous est connu que par les citations qu’en a données Pamphile au livre VII de son Apologia et indirectement par la critique de Méthode. En commentant le ps. i, voir plus loin, Origène avait traité incidemment de la résurrection. C'était le dogme qui heurtait le plus l’hellénisme. Les apologistes, on l’a vii, étaient sobres de détails sur les perspectives de la résurrection dans l’au-delà. Mais les adversaires du dogme multipliaient leurs railleries : pourquoi les chrétiens affichaient-ils tant de dédain pour une vile existence charnelle, qu’ils s’efforçaient de prolonger dans l'éternité? Cf. Cont. Celsum, t. V, n. 14 ; t. VIII, n. 49, P. G., t. xi, col. 1201, 1589.

Origène entreprend donc de défendre la tradition catholique de la résurrection, à laquelle, malgré les difficultés qu’elle comporte, il est fermement attaché. Sur les difficultés que présente la question, voir Cont. Celsum, t. VII, n. 32, t. xi, col. 465 ; In Joannem, tom. x, n. 20, t. xiv, col. 372. Sur l’intention d’Origène de demeurer fidèle à la règle de la foi, De princ, t. II, c. x, n. 1, t. xi, col. 233-234 ; t. I, préface, n. 5, col. 118. Cf. G. Bardy, La règle de foi d’Origène, dans Recherches de science religieuse, 1920, p. 162 sq.

Cette fidélité à la foi chrétienne, Origène l’affirmait dans le premier livre du traité De la résurrection. Il y a d’autres combats que ceux du martyre. Si le martyr doit être récompensé non seulement dans son âme, mais aussi dans son corps, l’ascète qui aura lutté contre les passions doit, lui aussi, être pareillement récompensé. A cet argument traditionnel du mérite, s’ajoutaient les autres arguments empruntés aux apologistes. Cf. Pamphile, Apologia, vii, P. G., t. xvii, col. 594. — Le second livre entendait justifier, devant les incroyants, la doctrine catholique, cum prædixisscl quia quasi ad Gentiles loqueretur, rapporte Pamphile, Apologia, vii, P. G., t. xvii, col. 594. « La première Épître aux Corinthiens lui donnait le fondement de sa démonstration. Le grain que la main du semeur jette en terre, selon la comparaison de l’Apôtre, semble mourir. Il se dissout dans les éléments qui le cachent. Mais aussitôt sa raison séminale, vie invincible, se développe aux confins de la mort. Il perce la matière qui l’entoure. Nouveau démiurge, il se forme sa propre qualité, la dimension et l’aspect qui doivent être les siens. Rien ne lui résiste, ni eau, ni air, ni terre, ni feu. Il grandit, il élève vers le ciel

sa tige et son épi. Cette mort triomphante est le symbole de la résurrection. L’épi n’est pas le grain, et cependant il le continue. On peut dire aussi que le même corps ressuscite, puisque l’état de gloire développera un germe de résurrection, qui est caché dans la matière dont notre être physique est constitué ici-bas — raison séminale de la vie éternelle, analogue à la raison séminale qui fait croître les plantes et les animaux. Le vivant, qui se nourrit et meurt, possède une force psychique supérieure à celle des végétaux. Les ressources biologiques de l’homme n’ont-elles pas à leur tour une puissance propre, celle de vaincre un jour la mort, sous l’appel d’une destinée spirituelle enfin libérée de ses entraves ? Mieux que l’opposition du type individuel et du flux vital, cette théorie de la raison séminale permettait de comprendre un peu ce que peut être l’insertion de l’éternité dans le développement d’une vie qui, abandonnée à son ordre, serait naturellement périssable. »

Telle est la mise au point que l’auteur le plus récent qui ait étudié la pensée d’Origène dans ses premiers écrits, nous fait de la doctrine du De resurreclione. M.R. Cadiou, La jeunesse d’Origène, Paris, 1936, se réfère pour cette mise au point, à Pamphile, Apologia, vii, P. G., t. xvii, col. 595 ; à Méthode d’Olympe, De resurreetione, I, xxiv, édit. Bonwetsch, p. 249 ; III, v, p. 394395, et à Origène lui-même, Comment, in ps. I, ?. 5, et De princ, t. II, c. x, n. 3, P. G., t.xii, col. 1093 et t. xi, col. 236.

Le Commentaire sur le psaume i, n. 5, doit être cité ; il donne à la pensée d’Origène tout son relief : « Tout ami de la vérité, qui considère ce point, doit lutter pour la résurrection, et sauver la tradition des anciens, et prendre garde, pour ne pas tomber dans un verbiage vide de sens, absurde et indigne de Dieu. Sur quoi il faut bien comprendre que tout corps assujetti par la nature aux lois de la nutrition et de l’élimination — soit plante, soit animal — change constamment de substratum matériel. Aussi compare-t-on bien le corps à un fleuve, parce que, à parler exactement, le substratum primitif ne demeure peut-être pas même deux jours identique en notre corps, bien que l’individu, Pierre ou Paul, soit toujours le même (et non pas seulement l’âme, dont la substance en nous n’éprouve ni écoulement ni accroissement). Cependant la condition du corps est de s’écouler : la forme caractéristique du corps demeure identique, et aussi les traits qui distinguent corporellement Pierre ou Paul, comme les cicatrices conservées dès l’enfance et autres particularités, taches de rousseur par exemple : cette forme corporelle, qui distingue Pierre ou Paul, à la résurrection revêt de nouveau l’âme, d’ailleurs embellie ; mais sans le substratum qui lui fut primitivement assigné. Comme cette forme persévère, de l’enfant au vieillard, malgré les modifications profondes que présentent les traits, ainsi doit-on penser que la forme présente persévérera dans l’avenir, d’ailleurs immensément embellie. Car il faut que l’âme, habitant la région des corps, possède un corps à l’avenant de cette région. De même que, si nous devions vivre dans la mer comme les animaux aquatiques, il nous faudrait des branchies et les autres organes des poissons, ainsi, pour hériter du royaume des cieux et habiter une région différente de la terre, il nous faut des corps spirituels ; notre forme première ne disparaîtra point pour autant, mais elle sera glorifiée, comme la forme de Jésus et celle de Moïse et d’Élie restait la même dans la transfiguration.

Donc, ne vous scandalisez pas si l’on dit que le substratum primitif ne demeurera point le même : car la raison montre, a qui peut le comprendre, que le substratum primitif ne peut même pas subsister deux jours. Et il faut bien remarquer que autres sont les propriétés du « corps » semé « en terie », autres celles du « corps » ressuscité : Ce qui est semé, c’est un corps animal ; ce qui ressuscite, c’est un corps spirituel (I Cor., xv, 44). Et l’Apôtre ajoute, comme pour enseigner que nous déposerons les propriétés de la terre en conservant la forme dans la résurrection : Ce que je dis, mes frères, c’est que la chair et le sang ne peuvent hériter du royaume de Dieu, ni la corruption de l’incorruptibiIilé (I Cor., xv, 50). Le corps du saint sera conservé par Celui qui jadis donna une forme à la chair ; la chair ne subsistera pas, mais les traits imprimés jadis à la chair seront dés lors imprimés au corps spirituel. P. G., t.xii, col. 1093 A-1096 B. Trad. A. d’Alès, op. cit., col. 995.

Cette doctrine des œuvres de la jeunesse d’Origène éclaire le sens des textes postérieurs. Les textes qu’on pourrait apporter sont innombrables. Quelques-uns méritent une attention plus particulière.

Dans le De principiis, Origène d’une part professe la parfaite identité du corps qui, présentement, nous sert dans l’abjection, la corruption, l’infirmité et de celui dont nous nous servirons dans l’incorruptibilité, la force et la gloire du ciel. L’âme, sans changer de substance, ne peut-elle pas, après avoir été par h’péché un vase d’indignité, devenir par la pénitence un vase d’honneur et le réceptacle du bonheur ? Inutile donc de chercher un cinquième élément, totalement différent et autre que ceux qui constituent notre corps. C’est le même corps qui ressuscitera, mais transforme en mieux. Et, rappelant le texte de l’Apôtre, I Cor., xv, 42-44, Origène montre la possibilité de la transformation sans que soit lésée l’identité : a II y a progrès dans l’homme qui d’abord, homme animal ne comprenant pas les choses de l’Esprit de Dieu, arrive, par l’éducation religieuse, à devenir spirituel et à pouvoir tout juger, alors que lui-même n’est jugé par personne (cf. I Cor., ii, 15) ; de même, quant à l’état du corps, il faut penser que le même corps, qu’on appelle maintenant « psychique », parce qu’il est au service de l’âme, sera susceptible de progrès quand l’âme, unie à Dieu, sera faite un seul esprit avec lui : le corps devenu ainsi au service de l’esprit progressera en un état spirituel… » L. III, c. i, n. 6. P. G., t. xi, col. 340. L’explication se termine sur une idée qui, selon le sens qu’on lui veut donner, devient plus ou moins discutable : « Comme nous l’avons souvent montré, dit Origène, la nature corporelle a été constituée par le Créateur de telle façon qu’elle puisse facilement revêtir telle qualité que demanderont les circonstances ou que lui-même voudra. » Cette aptitude de la matière à revêtir toutes sortes de figures est fréquemment affirmée : De princ. t. II, c. ii, n. 2 ; t. IV, c. xxxm-xxxv ; Cont. Celsum. t. III, n. 41-42 ; t. IV, n. 56-57 ; t. VI, n. 77, P. G.. t. xi, col. 187, 407-410, 973, 1121-1125, 1413. Dans le dernier texte, Origène rappelle que la matière, naturellement susceptible de changement, d’altération, de transformation voulue par le Créateur, peut parfois n’avoir ni forme ni beauté (cf. Is., lui, 2), et parfois revêtir la qualité glorieuse que le corps de Jésus acquit dans la transfiguration.

Si discutable que soit l’idée d’une matière apte a revêtir toutes sortes de figures au gré du Créateur, il n’en est pas moins vrai qu’en l’adoptant, Origène n’en tend pas nier l’identité foncière du corps ressuscité et glorieux avec le corps terrestre. « Il marque seulement la diversité des propriétés, dans la permanence de la forme distinctive », qu’il appelle sTSoç tô x « P ( xxt7)P^’5, < 1 tô awLia, elSoç tô acofiaTixôv.

Cette forme distinctive n’est certes pas, dans la pensée d’Origène, un emprunt à la doctrine aristotélicienne de la forme corporelle : on peut tout au plus faire entre les deux doctrines un simple rapprochement — nous montrerons nous-même plus loin coin ment la théorie aristotélicienne de la forme et de la matière peut aider à préciser l’explication d’Origène et à donner une solution rationnelle du comment de la résurrection. — Cette forme distinctive, dans la pensée d’Origène, est un principe d’énergie, comme l’a fort bien montré J.-B. Kraus, Die Lehre des Origenes ùber die Auferslehung der Todten, Ratisbonne, 1859. C’est ce principe d’énergie qui maintient l’identité du corps dans le flux de la matière en voie de renouvellement continu et, pour l’expliquer, Origène en revient à ce concept, traditionnel dans l’Eglise, du germe qui, dans la dissolution même du grain confié à la terre, explique la résurrection du grain de froment à l’état d’épi. Cette analogie du grain de froment ne prétend pas. de toute

évidence, donner la solution dernière du problème de la résurrection. Néanmoins, dans la pensée d’Origène, elle fait voir que la puissance divine, dans la reconstitution du même corps humain, met en jeu une force inhérente à l'âme, une ralio seminalis, capable de reconstituer l'être humain, sans lui rendre nécessairement sa condition primitive. Voir De princ, t. II, c. x, n. 3 ; t. III, c. vi, n. 1 sq., P. G., t. xi, col. 236, 333 ; Cont. Celsum, t. II, n. 77 ; t. V, n. 19, 22, 23 ; t. VIII, n. 32, 49, col. 914, 1208, 1216, 1564, 1589 ; cf./n Matth., tom. xvii, n. 28, P. G., t. an, col. 1557. L’insistance qu’Origène met à opposer le « corps spirituel » à la chair ne signifie donc nullement que le docteur alexandrin soit opposé à la résurrection : il indique simplement, à la suite de saint Paul, comment le Xoyoç oTC£p[i.aTt.xôç modifiera, dans le sens des exigences de l’esprit, la condition naturelle des corps glorifiés. En réalité, comme le remarque saint Jérôme lui-même (pourtant peu suspect de favoriser Origène), le docteur alexandrin s’est eilorcé d'éviter deux erreurs opposées : le matérialisme grossier qui voudrait, à la résurrection, reconstituer les corps avec toutes les fonctions, tous les besoins de l'état présent ; d’un autre côté, le spiritualisme outré des gnostiques et des manichéens qui excluent du salut le corps, pour en réserver les avantages à l'âme seule.

La pensée d’Origène ne semble pas avoir été bien comprise d’un certain nombre de Pères. Mais, on ne voit pas comment Justinien a pu accuser Origène d’enseigner que les corps ressuscites seraient sphériques. Voir ici, Origénisme, t. xi, col. 1583.

On consultera sur le problème de la résurrection des corps chez Origène : l’art. Origène (G. Bardy), t. xi, col. 1545-1547 ; A. d’Alès, art. Résurrection de la cliair, dans le Dicl. npnl. de la foi catholique, t. IV, col. 994-908 ; J.-B. Kraus, Die Lchre des Origenes tiber die Auferslehung der Todten, Ratisbonne, 1859 ; E. de Faye, Origène, sa vie, son œuvre, sa pensée, t. iii, Paris, 1829 ; P.-D. lluet, Origeniana, t. II, c. ii, q. ix, dans P. G., t. xvii, col. 080-995 ; Pamphile, Apologia pro Origène, x ; R. Cadiou, La jeunesse d’Origène, Paris, 1936, p. 117-126.

3. Adamanlius, dans le dialogue De recta in Deum jide, désigne certainement, dans la pensée de l’auteur anonyme, Origène lui-même, défendant la vérité catholique contre l’hérétique Marinos. La doctrine est cependant indépendante de celle d’Origène. D’une part, en efîet, est rejetée la préexistence des âmes qu’on attribuait à Origène, et les considérations physiologiques touchant le renouvellement du corps dans l’assimilation et l'élimination des éléments sont écartées par une fin de non-recevoir. Le corps ressuscitera tel que nous le possédons actuellement, et non un corps spirituel. Mais, d’autre part, l’auteur admet l’existence d’un principe corporel invariable, tel que l’atteste la permanence des cicatrices et des mutilations. L’analogie du grain jeté en terre et donnant naissance â une lige nouvelle s’y retrouve, v, 16, P. G., t. XI, col. 18531856, 1868.

Les adversaires d’Oriyène.

Par certains côtés,

la doctrine d’Origène prêtait le flanc à la critique. Qu’est cette virtualité physique, ce X6yoç 07rcpp.aTi.xoc qui subsiste après la mort ? C’est par cette force, cette énergie, qu’Origène explique les apparitions de Moïse et d'Élie. Si la résurrection doit s’expliquer seulement par la permanence de cette forme, schème (oyrij.a.), de l’individualité, l’on doit dire que Moïse et Elie sont ressuscites avant Jésus-Christ. Ou bien, pour éviter cet excès, il faut admettre une résurrection vraiment charnelle et contredire Origène. La forme du corps ne survit pas au corps et périt avec lui. Ainsi raisonnent, en substance, les adversaires d’Origène.

1. Saint Méthode d’Olympe.

On a lii, t. x.col. 1610, l’analyse de l’Aglaophon ou dialogue De la résurrection, composé par saint Méthode pour réfuter Origène.

Laissant de côté les considérations accessoires, nous n’avons à retenir que la critique essentielle. Méthode s’efforce de démontrer qu’Origène n’admet pas que la chair soit identiquement restituée à chacun. C’est la forme seule, le schème, l’elSoç xapax-njptÇov °I u i explique la résurrection. Elle seule donc représente la permanence de notre corps actuel. Si la nature du corps est « de s'écouler, de ne jamais demeurer identique à lui-même, mais de cesser et de recommencer autour de la forme qui distingue la figure humaine et maintient l’arrangement des parties », il ne saurait être question de véritable résurrection. Méthode, par la bouche de Memmian, critique les constatations, pourtant physiologiquement exactes, d’Origène et veut y substituer des éléments inadmissibles. Voir t. II, c. ix-xiv, édition Bonwetsch, p. 345-360. Dans l’interprétation de certains textes scripturaires, Origène avait insisté plus que de droit sur l’opposition entre l'âme et « ce corps matériel, véritable prison, où l'âme est captive, pesante enveloppe qui sans cesse la traîne au péché ». Cette dualité absolue de l'âme et du corps, héritée de la philosophie platonicienne, permettait à Méthode de comprendre 1' elSoç yocpaxT7)p[Çov dans un sens peutêtre très différent de celui d’Origène. Cette forme, principe d'énergie et d’identité en un corps sans cesse soumis au flux de la matière qui se renouvelle, devient, pour Méthode, un simple moule, extrinsèque à la matière qui en reçoit ses traits distinctifs. Il emploie même, c. xii, p. 391, la comparaison du tuyau dans lequel l’eau ne demeure pas un seul instant immobile, mais constamment s'écoule, la paroi du tuyau demeurant cependant la même : ce tuyau, c’est la forme dont parle Origène et dans laquelle les éléments corporels passent et se transforment ! Il ne semble pas que .Méthode ait compris exactement la pensée de l’Alexandrin ; il s’est attaché surtout à reprendre certaines formules plus ou moins discutables dont Origène avait enveloppé son système.

Par contre, on ne voit pas trop bien en quoi consiste, pour Méthode, la nature du corps ressuscité. « Cette lacune tient, de toute évidence, au défaut d’idée précise sur la nature et la croissance du corps. Il semble que, pour Méthode, le corps soit une unité stable dont Dieu a directement assuré l’organisation ; de cette synthèse, acquise une fois pour toutes, la mort dissout les éléments, mais au dernier jour Dieu saura retrouver chacun d’eux et restituer ainsi le corps qu’il nous avait jadis formé. » Art. Méthode d’Olympe, col. 1611.

Quoi qu’il en soit, on aurait tort de trouver en Méthode, au titre de sa critique négative contre Origène, un témoin de la tradition catholique. Origène et Méthode sont tous deux les témoins irrécusables de la croyance au dogme de la résurrection de la chair. C’est sur l’explication theologique de ce dogme qu’ils diffèrent, et leur opposition se retrouvera plus tard dans le camp même des théologiens latins. L’idée de « germe », sur laquelle Origène base son explication, appartient, à coup sûr, à la tradition. Nous l’avons constaté dès le début. C’est donc plutôt en ce sens qu’il faut orienter la pensée théologique, si l’on veut rester fidèle aux premières directives du magistère ordinaire.

2. Saint Eusthated' Aniioche reprend, sur un ton plus vif, les critiques de Méthode « de sainte mémoire ». « Origène, dit-il, a frayé imprudemment les voies aux hérétiques, en déterminant comme sujet de la résurrection, la forme, non le corps lui-même, toïç oûpeaicotouç ëScoxs TcâpoSov à60ù>.coç, ird eïSouç àXV oùx èîti acô|i, aTO< ; oojtoû tyjv àvâaxaaiv ôpiaâ^isvoç. De Engastrimytho contra Origenem, xxii, P. G., t. xviii, col. 660. On le voit, c’est la même critique, basée sur la même Interprétation,

3. Saint Pierre a" Alexandrie composa un traité De incarnatione, mais aussi un écrit Sur la non-préexistence des âmes, dont il ne subsiste que des fragments. Voir t.xii, col. 1804. Il est assez difficile de préciser quelle fut la position exacte d’Origène touchant la préexistence des âmes. Voir t. xi, col. 1532. Mais une fois cette doctrine admise comme expressément origéniste, il devenait plus facile de convaincre d’erreur, touchant l’identité du corps ressuscité, le docteur alexandrin. L’insertion de l'âme en des corps matériels en raison d’une faute antérieure semblait donner aux antiorigénistes un argument contre l’opinion d’une simple forme persistante dans la reconstitution du corps au dernier jour. En réalité, Pierre, comme Méthode et Eusthate, en défendant d’une part la vérité de la résurrection des corps de tous les hommes, en attaquant d’autre part comme erronée la doctrine de la préexistence des âmes, n’a pas encore touché le point précis de l’explication théologique envisagée par Origène et qui, logiquement, est indépendante de l’hypothèse d’une préexistence des âmes. Voir, pour les fragments de Pierre d’Alexandrie, P. G., t. xviii, col. 520, et Pitra, Analecla sacra, t. iv, p. 189 sq., 426 sq. Au fond, n’est-ce pas la défectueuse interprétation qu’Origène faisait de Gen., ni, 21 (les tuniques de peau dont Dieu après le péché revêt Adam et Eve), qui est à l’origine de tout le débat ? Voir t. xi, col. 1568.

4. Saint Épiphane est un adversaire plus fougueux encore d’Origène, Hær., i.xiv. Reprenant le grief formulé déjà par Méthode et par Pierre d’Alexandrie, sur l’interprétation deGen., ni, 21, il ne peut admettre que les peaux de bêtes que Dieu façonna à Adam et à Eve pour les en revêtir soient les corps matériels dans lesquels, en punition de sa faute, l'âme a été enfermée. N. 63, P. G., t. xli, col. Il 77. Citant pour ainsi dire textuellement Méthode, Épiphane combat la conception origéniste de la résurrection. Il ne suffit pas de dire qu’une forme, qui ne peut disparaître, assure la permanence de l'être : « La résurrection n’est pas le fait de ce qui ne meurt pas, mais on ne peut en parler qu'à propos de ce qui meurt et qui de nouveau revient à la vie… Or, c’est la chair qui meurt, car l'âme est immortelle. » Ibid., n. 44, t. xli, col. 1125. Et plus loin, reprenant la comparaison de la graine qui se transforme :

(Notre-Seigneur) te confond immédiatement, 6 querelleur, en disant :.Si le grain de froment qui tombe en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il produit beaucoup de fruits (Joa., xii, 24). Qu’entendait-il par ce grain ?… Il parlait de lui-même, de son corps fait de la chair sainte qu’il avait prise de la Vierge Marie, enfin de toute son humanité… Donc le grain de froment mourut et ressuscita. Est-ce tout le grain qui ressuscita ? Tu ne saurais le nier. De qui donc les anges annoncèrent-ils aux femmes la résurrection ? Ils dirent : Qui cherchez-vous ? Jésus de Nazareth ? Il est ressuscité, il n’est plus là ; venez voir la place (Matth., xxviii, 5-6). Comme qui dirait : Venez voir la place, et laites comprendre à Origène qu’il n’y a point ici de reste, que tout est ressuscité. Il est ressuscité, il n’est point ici : voilà de quoi réfuter ton bavardage, montrer qu’il ne reste rien de lui, que cela même est ressuscité, qui fut cloué, percé par la lance, saisi par les pharisiens, conspué. A quoi bon insister pour contendre le bavardage de ce misérable vaniteux ? Ainsi, comme (Jésus) ressuscita, comme il releva son propre corps, il nous relèvera aussi. Hier., lxiv, 67, 68, P. G., t. xli, col. 1188. Trad. A. d’Alès, op. cit., col. 997. Voir aussi Ancoratus, 87-93, P. G., t. xliii, col. 177 sq.

L’argumentation d'Épiphane est-elle absolument impeccable ? Nous ne le pensons pas, car elle fait abstraction d’un élément d’importance capitale en ce qui regarde la résurrection du Christ : la permanence, pendant le triduum de la mort, de l’union hypostatique d’un côté avec l'âme séparée, d’un autre côté avec le corps et même le sang séparé du corps. Voir sur ce point Hypostatique (Union), t. vii, col. 537-539.

Tout aussi adversaire d’Origène que Méthode, Eusthate et Épiphane, saint Jérôme semble cependant fournir les éléments d’une appréciation plus équitable du docteur alexandrin dans sa lettre Contra Joannem Hierosolymitanum, où il le présente soucieux d'éviter les excès opposés d’un matérialisme grossier et d’une conception gnostique du salut accordé à l'âme seule. Voir surtout, n. 25, 26, P. L., t. xxiii, col. 375.

6° L’enseignement des Pères grecs, à partir du i Ve siècle. — Il semble qu’interpréter les assertions des Pères presque uniquement en fonction de la conception d’Origène, pour y trouver une sorte de répudiation au moins implicite de cette conception, soit s’exposer à introduire dans la question un élément préjudiciel, capable de fausser la perspective de la tradition catholique.

1. Tout d’abord, en effet, un certain nombre de Pères se contentent d’affirmer le dogme, sans y ajouter aucune spéculation théologique.

Alexandre d’Alexandrie († 328) confesse « la résurrection des morts, dont Notre-Seigneur Jésus-Christ fut les prémices, lui qui vraiment a revêtu notre chair et pas seulement un corps de simple apparence ». Episl. ad Alex. Constantin., n. 12, P. G., t. xviii, col. 568.

Saint Athanase, tout occupé des questions trinitaires, a laissé cependant percevoir son sentiment sur la résurrection future, en mettant, dans la bouche de saint Antoine mourant, ces dernières recommandations : « Mettez mon corps au tombeau, couvrez-le de terre… Je recevrai ce même corps, incorruptible, à la résurrection des morts, de mon Sauveur lui-même. » Vila Antonii, xci, P. G., t. xxvi, col. 972.

Saint Jean Chrysostome se pose la question de savoir comment le corps, confié à la terre et dissous, pourra néanmoins ressusciter. Dieu qui voit tout saura bien en retrouver les éléments. In I am ad Cor., hom. xvi, n. 3, P. G., t. lxi, col. 142-143. Et, dans le discours De resurrectione morluorum, c’est encore à la puissance divine qu’il fait appel, n. 7, pour expliquer la résurrection des corps et l’incorruptibilité qui suivra. P. G., t. l, col. 429. A noter, au n. 8, l’assertion concernant l’universalité de la résurrection, des justes pour leur récompense, des impies pour leur châtiment éternel dans les supplices du feu. Ibid., col. 430.

On peut encore classer saint Basile parmi les Pères qui se sont contentés d’une affirmation simple de la résurrection : dans l’homélie Quod mundanis adhærendum non sil, n. 12, il expose que Dieu, ayant rendu à Job le double de ce qu' il avait perdu, ne lui a cependant rendu que le même nombre d’enfants, en raison de la résurrection future. P. G., t. xxxi, col. 564. C’est aussi la conclusion de l’homélie In ps. xxxr/i, ?. 21, n. 13, t. xxix, col. 338 : ce sont « les ossements eux-mêmes, qui reprendront vie ». Toutefois, Basile n’a pas voulu passer sous silence le flux perpétuel de la matière, comme Origène l’avait lui-même affirmé. Inps. xliv, n. 1 ; exiv, n. 5, t. xxix, col. 388, 492. Basile laisse donc la porte ouverte à l’explication ultérieure que demande le fait de ces mutations perpétuelles dans le corps humain, en face des exigences de la résurrection.

Mêmes affirmations simples, recueillies en différentes œuvres de saint Grégoire de Nazianze, Oral.. vu, In laudem Cxsarii fratris, n. 21, P. G., t. xxxv, col. 781, 784 (la résurrection y est professée au nom de la prophétie d'Ézéchiel) ; cf. Orat., xlii, n. 6, t. xxxvi, col. 465. On en retrouve encore l’expression nettement formulée dans les Poèmes, t. I, Theol., sect. ii, xviii ; t. II, Hist., sect. i, xi, XLIII, t. xxxvii, col. 787, note au ꝟ. 11, 1106, 1347-1348.

En poursuivant notre enquête au ve siècle, nous trouvons l’affirmation très nette de la résurrection sous la plume de Macaire de Magnésie (fin du iv » ou début

du ve), dans son 'ArcoxpiTixoç, en réponse aux objections opposées par un philosophe païen aux dogmes chrétiens. Au dogme de la résurrection, le philosophe oppose le cas des naufragés mangés par les poissons. qui, à leur tour, servent de nourriture aux hommes, ces derniers devenant enfin la proie des chiens et des vautours. Comment, en tant de transformations, retrouver, au dernier jour, de quoi faire revivre et ressusciter les corps humains ? La réponse est assez peu claire : « De telles remarques, déclare Macaire, ne sont pas d’un homme à jeun et en état de veille, mais sont le fait d’hommes ivres et décrivant des songes… Même si l’or est dispersé en une infinité de lieux cachés, et quoiqu’il soit fondu et disséminé en une infinité de parcelles dans la boue, dans l’argile, dans des amas de diverses matières, dans des tas de détritus, le feu lancé en tout cela saura bien en exprimer intégralement la nature des cléments précieux qui semblaient avoir péri. Que dirons-nous donc de Celui qui a fait lui-même la nature du feu ? » Recours à la puissance divine, sans autre explication : telle est l’attitude de Macaire. Édit. Blondel, Paris, 1876, p. 224.

Même attitude chez saint Nil, dans ses réponses à des objections similaires. EpisL, t. I, exi, exil, P. G., t. lxxix, col. 129 sq.

Sous les formules imagées dont se sert Basile de Séleucie pour décrire la résurrection et le jugement dernier, on ne trouve en définitive que l’affirmation pure et simple du dogme. Oral., xi-, In transfiguralionem Domini, n. 3 ; cf. xiii, In Jonam, P. G., t. lxxxv, col. 460-461, 172 sq.

Saint Cyrille d’Alexandrie, dans son commentaire sur Luc, xxiv, 38, cite en passant I Cor., xv, 44, et en expose ainsi le sens : « C’est ce même corps qui, après avoir été porté dans la terre, revêtira l’immortalité. » P. G., t. lxxii, col. 948. Voir aussi dans le commentaire sur Jean, c. viii, ꝟ. 51 ; c. xi, ꝟ. 44, P. G., t. lxxiii, col. 917, t. lxxiv, col. 65 ; et le commentaire sur Isaïe, c. xxvi, ꝟ. 19, t. lxx, col. 588.

C’est la même foi, très simple et sans considération apologétique autre que le recours à la puissance divine, qu’on retrouve encore chez Théodoret, Qwest, in Gen., interrog. liv, P. G., t. lxxx, col. 157, et, plus tard, chez Léonce deByzance, à propos de la résurrection du Christ et des résurrections qui se produisirent alors. Adversus argument. Severi, P. G., t.Lxxxvi b, col. 1941. Comme saint Irénée, voir ci-dessus, col. 2523, Léonce considère l’eucharistie comme un gage de résurrection et une source d’immortalité, Aduersus Nestorium, t. V, c. iii, xxii, P. G., t. lxxxvi b, col. 1728, 1744-1745. Saint Sophrone confesse pareillement la foi en la résurrection de notre chair, de ces corps dont nous sommes présentement revêtus. Episl. synodica, P. G., t. lxxxii, col. 3181. Cf. Homil., vi, col. 3317, 3318, 3320. Voir aussi saint Maxime, Epist., xliii, ad Joannem Cubic., P. G., t. xci, col. 641 ; cf. i, ad præf. Afric. Georgium. id., col. 389, mais surtout le commentaire au livre De ceci, hicrarch., du pseudo-Denys, c. vii, P. G., t. IV, col. 176.

Le P. Segarra, S. J., De identilale corporis morlalis et corporis resurgenlis, Madrid, 1929 (dont nous nous inspirons dans cette enquête patristique), cite encore nombre d’auteurs, compilateurs ou exégètes : Procope de Gaza, In Gen., P. G., t. lxxxvii a, col. 153, 165, 224-225, 288 ; /n////?e<7., col.ll64 ; /n/s., t.Lxxxv116, col. 2197, 2224 ; André de Césaréc, In Apoc, xx, v. 13, P. G., t. evi, col. 421 ; les moines d’Antiochc, dans les Pandecles, P. G., t. lxxxix, col. 15 18 ; Grégoire d’Antioche, Oral, in mulicrcm unguentiferam, P. G., t. lxxxviii, col. 1848 ; saint Grégoire d’Ami gente, dans son Commentaire sur l’Ecclésiaste, c.xii, t. 5, P. G., t. xcviii, col. 1160 ; Georges Pixidès. dans les vers de son Hexacmeron, 1117-1122, 1293 sq.,

1442 sq., P. G., t. xcii, col. 1520. 1532 sq., 1543 sq. (appel à la puissance divine pour reconstituer les éléments disparus dans de multiples transformations) ; Énée de Gaza, dial. Theophraslus, P. G., t. lxxxv, col. 871-1004 (même attitude en face des transformations, avec cependant, ça et là, des appels aux analogies du germe, de la semence, etc.), voir surtout, col. 976 sq. ; Anastase le Sinaïte, Quæsliones et responsiones, q. cxii, P. G., t. lxxxix, col. 728 ; cf. col. 717 ; In Hexæm., t. VII, ibid., col. 939. Anastase esquisse cependant un semblant d’explication scientifique : le corps humain, quelles que soient les vicissitudes par lesquelles il devra passer, se résoudra dans les quatre éléments dont il est composé, et Dieu saura garder et retrouver ces éléments pour le jour de la résurrection. Qusesl., xcii, col. 728.

Saint Jean Damascène. le dernier des Pères grecs, se contente lui aussi, de l’affirmation simple de la foi. Il faut croire à la résurrection des morts, l'âme immortelle reprenant son même corps mortel, dissous et tombé, lequel doit ressusciter le même et impérissable. Les morts ressuscites se présenteront ainsi au tribunal du Christ, où bons et méchants recevront leur juste rétribution. De fide orlhod., t. IV, c. xxvii, P. G., t. xciv, col. 1220, 1228.

2. Mais il faut faire aussi une place aux Pères, moins nombreux, qui ont risqué quelques spéculations théologiques ou philosophiques pour expliquer l’identité des corps ressuscites, nonobstant les difficultés d’ordre physiologique ou physique.

a) Saint Cyrille de Jérusalem consacre à la résurrection des corps sa xviiie catéchèse. Il commence par rappeler combien salutaire pour l'âme est le dogme de la résurrection, qui nous apprend à conserver pur de tout péché notre corps destiné à la récompense, n. 1, P. G., t. xxxiii, col. 1017. Il se pose ensuite les objections d’ordre scientifique, la putréfaction des corps, le sort des naufragés dévorés par les poissons, les cadavres mangés par les vautours et les corbeaux, ceux qui ont été consumés par les flammes et dont les cendres ont été jetées aux vents, etc., n. 2, col. 1020. Pour résoudre la difficulté, il fait appel à la puissance de Dieu qui saura réunir les éléments dispersés et leur rendre leur nature primitive, n. 3, col. 1020-1021. Cependant, les corps ressuscites seront transformés et, en un sens, spiritualisés. Il intervient donc ici une modification intrinsèque, que Cyrille explique en ces termes : le même corps ressuscitera, ocùt6 toûto (awu, a) èyelpeioLi ; mais il ne sera pas absolument tel qu’il était, toûto non pas toioûto, car le corps des justes revêtira des propriétés surnaturelles et celui des méchants deviendra capable de brûler éternellement, n. 18-19, col. 1040. La formule, toûto où toioûto, qu’on retrouve littéra lement chez saint Amphiloque, Fragm., x, P. G., t. xxxix, col. 109, représente une doctrine déjà unanimement adoptée, puisqu’on en trouve le sens dans ï'Exposilio fidei, n. 17, qui termine Y Adversus hærcscs de saint Épiphane, P. G., t. xlii, col. 813 sq., qu’elle est impliquée dans nombre d’assertions de saint Jean Chrysostome, voir ci-dessus les références (col. 2534). et que son expression même est derechef accueillie plus tard par saint Isidore de Pélusc, Epist., t. II, xliii, P. G., t. lxxviii, col. 485.

b) Saint Grégoire de Nysse est bien près de reprendre la formule d’Origène. Son texte mérite d'être cité intégralement ; nous citons d’après la traduction A. d’Alès, op. cit., col. 998 :

Rien n’empêche de croire que de la niasse commune, les éléments propres feront retour au corps lors de la résurrection ; surtout a bien réfléchir sur notre natuie. Car nous ne sommes pas complètement livrés à l'écoulement et a la tniusformation. Ce serait chose Incompréhensible qu’une totale instabilité de notre nature : a parler exactement, il y

a en nous un clément stable et un autre qui évolue. L’élément qui évolue, par accroissement et décroissance, est le corps, semblable à des vêtements qu’on change avec l’âge. L’élément stable, qui échappe à tous les changements, c’est la forme, qui ne dépouille pas les caractères une fois imprimés par la nature, mais qui, à travers les changements du corps, conserve ses traits distinctifs… Dès lors que la forme demeure proche de l’âme, comme l’empreinte d’un cachet, les éléments qui ont reçu cette empreinte sent reconnus par elle et, lors de la restauration, elle attire à elle ces éléments qui répondent à sa forme, c’est-a-dire ceux qui en furent marqués dès l’origine. De hominis opificio, c. xxvii, P. G., t. xliv, col. 225-228.

On trouve la même doctrine, permanence d’un type dans l’âme, dans le De anima et resurreclione, P. G., t. xlvi, col. 73-80, 145 sq. ; et dans le discours De mortuis, id., col. 532-536. On notera que Grégoire rejette la préexistence des âmes et leur inclusion dans un corps en punition de péchés antérieurs, De anima et resur., col. 125. C’est l’existence de ce type qui, pour Grégoire, explique la permanence ou mieux la réapparition des éléments emportés par le tourbillon vital.

Par là s’explique aussi que la résurrection, tout en maintenant l’identité du corps, sera pour nous la restitution dans l’état primitif que nous a fait perdre le péché d’Adam : <xvâ<7Taai.ç êcmv y) elç to c.pyaïov tîjç cpûasoç T)[zwv àrtoxaTà<TTaaiç. Dès lors doit être exclu des corps ressuscites tout ce qui est conséquence du péché : mort, infirmités, difformités, maladies, blessures, faiblesse, vieillesse et même différence des âges. Ainsi, sans cesser d’être elle-même, éauTr)voûxà<pû)aiv, la nature humaine passera à un état supérieur, spirituel et impassible, eîç 7rv£U(i.aTix7)v riva xal àntxQr] xa-TâcffacFi. v, indépendant de la quantité de matière qui sera successivement entrée en composition du corps sur cette terre. Col. 148 sq.

On ne peut nier que cette explication du type individuel inhérent à l’âme et dégagée de toute compromission avec la doctrine reprochée à Origène de la préexistence des âmes, ne constitue un progrès doctrinal appréciable et un substantiel apport pour l’explication rationnelle de la résurrection.

c) Didyme. — Quelles que soient les difficultés que présente l’eschatologie de Didyme l’Aveugle, sa foi en la résurrection future des corps est inattaquable. Didyme apporte comme preuve de cette croyance la vision d’Ézéchiel, De Trinilale, t. ii, c. vii, n. 1, P. G., t. xxxix, col. 561, et aussi l’enseignement de saint Paul dans la I re aux Corinthiens, cf. S. Jérôme, Episl., c.xix, n. 5, P. L., t. xxii, col. 968-970. Didyme insiste avec force sur le fait que le corps ressuscité ne sera pas un corps matériel, mais un corps céleste, ocôjxa oùpàviov, un corps spirituel, incorruptible. In // am ad Cor., fragm., P. G., t. xxxix, col. 1704 ; In Jud., id., col. 1818. Cf. Bardy, Didyme l’Aveugle, Paris, 1910, p. 163. Le corps céleste, opposé par Didyme au corps terrestre, animal, n’implique pas un changement de corps mais une simple transformation : « La vie ne détruira pas notre tabernacle lorsque nous revêtirons l’immortalité, mais elle l’absorbera, en lui communiquant une qualité supérieure à celle que nous possédons en cette vie mortelle. » In // « m ad Cor., c. v, t. 2, id., col. 1704.

d) Cette transformation d’ordre spirituel et surnaturel qu’imprimera la résurrection au corps humain, d’autres Pères l’appliquent au corps du Christ ressuscité et apparaissant aux hommes lors de la parousie : ce corps glorieux, ce ne seront plus la chair corruptible, les os et le sang, tels qu’ils existent présentement dans la nature humaine, cf. Eusèbe de Césaréc, Episl. ad Conslantiam Augustam, P. G., t. xxiv, col. 653, et Grégoire de Nazianze, Oral., xi., n. 45, P. G., t. xxxvi, col. 424, tous deux accueillis par le IIe concile de Nicée, Actio vi, Mansi, Concil., t. xiii, col. 313-317 et 336.

Ce n’est pas pour autant nier l’identité du corps ressuscité.

Enfin, dans son Apologie pour Origène, Pamphile n’omet pas de signaler le commentaire du psaume i, où précisément l’identité du corps ressuscité est expliquée par l’identité de l’sTSoç. Pamphile ne paraît pas considérer cette explication comme contraire au dogme, qu’il affirme simultanément plus de dix fois à l’aide de textes d’Origène. Apologia, vii, P. G., t. xvii, col. 598 : cꝟ. 594-601.

Les Pères syriaques.

1. La Didascalie des

Apôtres dans sa version syriaque, contient une profession de foi explicite en la résurrection. « Dieu nous ressuscitera des morts tout à fait en cette forme que nous avons présentement, mais aussi avec la gloire immense de la vie éternelle, en laquelle rien ne nous fera défaut. Même si nous avons été jetés au fond de la mer, ou si nos cendres ont été dispersées comme les plumes aux vents, nous demeurons encore en ce monde et tout ce monde est entre les mains de Dieu. » L. V, c. vii, édit. F. Nau, p. 248. Cf. Constitutions apostoliques, 1. Y, c. vii, n. 19, édit. Funk, t. i, p. 259. Suivent les autorités scripturaires invoquées pour prouver le fait de la résurrection, Dan., xii, 2, 3 ; Ez., xxxvii, 1-14 ; Is., xxvi, 18-19. Nous retrouvons ici le symbole du phénix renaissant de ses cendres.

2. Aphraate confesse la foi catholique en la résurrection des corps, à la fin du monde, lorsque les âmes se réveilleront de leur sommeil. Demonstraliones, xxii, n. 17 ; cf. viii, n. 20, Pal. Syr., t. i, p. 1023, 398. La résurrection des justes doit les diriger vers la vie éternelle ; la résurrection des impies les livrera à la mort éternelle. Id.. p. 1023.

Mais Aphraate ne s’en tient pas à cette affirmation générale ; il aborde dans la Démonstration, viii, n.’.i. l’explication rationnelle du dogme. C’est à l’analogie de la semence qu’il demande cette explication, mais d’une semence qui contient un type particulier dont elle ne saurait se départir :

Apprends, insensé, que chaque semence revêt un corps qui lui est propre. Jamais, après avoir semé du froment, tu ne moissonneras de l’orge ; jamais tu ne planteras de la vigne pour produire des figues : tous les végétaux croissent selon leur nature propre. Ainsi le corps qui est tombé en terre, ressuscite de même. Sur la corruption et la dissolution du corps, apprends, par la parabole de la semence, qu’il en est de même de la semence, qui tombe en terre, pourrit, se corrompt et, de la corruption même, croît. germe et fructifie. Et de même que la terre inculte, où n’est tombée aucune semence, ne fructifie pas, quoiqu’elle absorbe toutes les pluies, ainsi du sépulcre où nul mort n’aura été déposé, nul ne surgira au jour de la résurrection des morts, quels que soient les appels de la trompette. Mais si, comme on l’affirme, les âmes des justes montent au ciel et revêtent un corps céleste, elles seront au ciel, avec leurs corps… Ce n’est pas un corps céleste qui descendra dans le sépulcre pour en ressortir. Trad. A. d’Alès, op. cit., col. 999. P. S., t. i, p. 363-366.

Les deux derniers membres de phrase réfutent l’assertion qui prête un corps céleste aux hommes devant ressusciter. C’est avec son propre corps, celui qui a été mis au tombeau, que l’âme se présentera au jugement dernier. L’analogie du germe s’accorde, dans la pensée d’Aphraate, avec l’intervention divine : « Dieu, au commencement, créant l’homme, l’a formé de la terre et lui a donné vie. Si donc il a pu faire que l’homme existe en le tirant du néant, combien lui sera-t-il plus facile de le faire sortir de terre, à l’instar d’une semence ! » Id., n. 6, p. 370.

3. Saint Éphrem confesse, lui aussi, le dogme de la résurrection. « Sous la terre, dit-il, sont les cadavres et les corps de ceux qu’on a ensevelis, et au ciel sont les justes. Ces deux lieux conservent les dépôts des hommes. Aussi la terre et le ciel clameraient, si les justes 2 539

RÉSURRECTION LES PÈRES LATINS

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étaient frustres de la récompense de leur résurrection. » Carmina nisibena, lxxiii. édit. Bickell, p. 222. Dans le sermon pour le deuxième dimanche de l’Avent, il fait une allusion à l’objection que nous avons déjà rencontrée tant de fois, et il la résout par la simple affirmation de la résurrection : « Le Grand Roi commandera et aussitôt avec tremblement la terre s’empressera de rendre ses morts… Ceux qu’une bête féroce aura enlevés ou un poisson dévorés ou un oiseau dépecés, en un clin d’reil seront là et il n’y manquera pas un cheveu ». Opéra, édit. Assemani, t. ii, Rome, 1743, p. 213. L’explication du germe n’est pas inconnue d'Éphrem ; mais il lui donne une forme nouvelle. Les morts sont comparés à des œufs que les ignorants croient sans vie ; ils ne sont pas morts pour la mère qui les couve. Ceux qui n’ont pas la foi croient que les corps ensevelis n’ont plus de vie : mais, en réalité, dans le sépulcre, ils vivent pour celui pour qui toutes choses vivent (cf. Luc, xx, 38). Serm. adv. hær., lii, ibid., p. 552.

8° La tradition chez les Pères latins, à partir du ZTe siècle. — 1. Avant saint Augustin. — Tout comme la tradition orientale, la tradition latine est très ferme sur trois points : le fait de la résurrection, l’universalité de cette résurrection et l’identité des corps ressuscites. En dehors de ces assertions fondamentales, nous ne trouvons que les analogies déjà connues et de simples ébauches d’explication.

Saint Hilaire enseigne la résurrection universelle, des bons comme des impies, au moment de la parousie. In Mallh., c. xx, n. 10 ; In ps. lxii, 3, P. L., t. ix, col. 1032, 402. L’universalité de la résurrection est fondée sur l’universalité de la rédemption : cum omnis caro redempta si ! in Christo, ut resurgat. In Ps. LV, 7, col. 360. La résurrection sera toutefois différente pour les justes et pour les pécheurs. Pour les pécheurs, il ne saurait être question de cette demutalio qui ferait de leurs corps des corps glorieux : leurs corps seront sans consistance, comme la poussière ou comme l’eau. Les impies ne ressusciteront que pour être confondus et punis éternellement. In Ps. lii, 16 sq. ; i.iv, 14 ; r.v, 7-9 ; lxix, 3 ; In Malth., c. v, n. 12, P. L., t. ix, col. 334, 354, 360-361, 491, 948-949. En ce qui concerne les élus, leurs corps seront transformés. Mais en quoi consistera cette transformation glorieuse ? En certains textes, saint Hilaire semble se laisser emporter par des formules oratoires : non seulement les corps des élus deviendraient incorruptibles, immuables, mais ils seraient spirituels, semblables aux anges, car les élus sont comme des dieux en qui la forme divine a absorbe la chair terrestre, cum incorruptio corruplionem et œlernitas infirmilalem et forma Dei formam terreuse carnis absorpseril. In Ps. r, n. 13 ; cf. lxvii, x. 35, LXVUI, n. 31, CXX, n. 14, CXXX7, n. h ; cxviii, lit. iii, n. 3 ; /// Matth., c. ii, n. 29 ; xxxiii, n. 4, P. L., t. ix, col. 258, 16*, 489, 660, 770, 518, 978, 1074. Ces affirmations toutefois ne semblent pas impliquer un réel anéantissement de la matière en Dieu, car ailleurs, Hilaire affirme explicitement la permanence de la matière dans les corps ressuscites, nonobstant la transformation glorieuse. Avant et après la résurrection, ils sont substantiellement identiques. Nous retrouvons, à cet égard, transposées en latin, les formules que nous avons rencontrées elle/, saint Cyrille de Jérusalem et saint Amphiloque : « Dieu réparera les corps anéantis, en se servant, non (l’une autre matière, mais de l’ancienne matière qui fut celle de leur origine, en y ajoutant la beauté dont il lui plaira de les décorer, de sorte que la résurrection des corps corruptibles dans la gloire de l’incorruptibilité ne se fera pas par la destruction de leur nature, mais par un changement dans leur manière d'èlre, ut corruplibilium corporum in incorruptionis gloriam resurrcclio non interitu naturam périmai, sed

qualilalis conditione demulct. Ce n’est pas un corps autre. bien qu’il ressuscite en autre condition, selon la parole de l’Apôtre : seminatur in corruplela, resurget in incorruplione, etc. Il y a donc changement, il n’y a pas destruction, fil demutalio, sed non afjertur abolilio. Et le corps qui a été, en devenant ce qu’il n'était pas, ne perd pas son origine, il ne fait qu’acquérir un honneur. » In Ps. ii, 41 ; cf. LV, 12, P. L., t. ix, col. 285, 362.

Quant à expliquer comment sera possible cette restauration des mêmes corps, Hilaire ne cherche pas d’autre réponse que celle que nous avons déjà si souvent rencontrée : Celui qui, au début, a pu former ces mêmes corps, saura bien les reformer au dernier jour. In Malth., x, 20, col. 974 ; In Ps. lxiii, 9 ; cxxii, 5, col. 411, 670.

Hilaire admet que les corps ressuscites auront la stature de l’homme parfait. Mais demander quelle en sera la forme, quel en sera le sexe, grâce à quels aliments ils demeureront éternels, ce sont là questions non "seulement oiseuses, mais injurieuses pour Dieu, dont la puissance et la providence sont sans bornes. In Matth., v, 8-10 ; xxiii, 3-4, col. 946 sq., 1045.

Zenon de Vérone n’a pas une doctrine autre que celle d' Hilaire. La résurrection est pour tous, justes et impies. Tracl., t. I, tr. xvi, n. 1, P. L., t. xi, col. 371. Pour expliquer la réalité et l’identité des corps, Zenon se sert, lui aussi, de la comparaison du phénix, n. 9, col. 381. C’est « du secret de la nature » que les morts reprendront ce qu’ils avaient autrefois en propre, ex illo naturie secrelo produci quales fuerinl pro sua quique qualilale suscepli. Id., n. 7, col. 379. C’est dans ce secret de la nature que sont déposés les éléments de ce qui meurt. Id., n. 4, col. 377. Bien plus, « il n’y a aucun doute qu’en nos corps, dispersés par la loi de la mort, ce n’est ni la substance, ni l’image qui disparaissent, mais la destruction affecte seulement les éléments inutiles, le changement ce qui est consumé », n. 14, col. 385. Phrase obscure, dans laquelle il est difficile de saisir un sens bien précis.

Saint Jérôme n’a pas toujours, dans la question de la résurrection des corps, tenu la même position. Sa théologie est influencée par les préoccupations origénistes ou antiorigénistes. Avant l’année 394, il est enthousiaste d’Origènc et il admet, en exagérant peut-être même la pensée d’Origène, la disparition des corps matériels à la résurrection des élus, ceux-ci devenant tout spirituels, les sexes eux-mêmes disparaissant. In Episl. ad Eph., v, 29, P. L., t. xxvi, col. 533 ; Adv. Jovinianum, t. I, c. xxxvi, t. xxiii, col. 261. Après 394, condamnant toutes les doctrines origénistes à l’exception de quelques thèses miséricordieuses, il affirme l’identité du corps ressuscité avec le corps actuel : « Les morts sortiront de leurs tombeaux, comme de jeunes mulets libérés de leurs liens… Leurs ossements se lèveront comme le soleil. Toute chair viendra en présence du Seigneur, et Dieu commandera aux poissons de la mer et ils rendront les ossements qu’ils avaient dévorés et les jointures se rapprocheront et les os se souderont entre eux ; et ceux qui dormaient dans la poussière de la terre ressusciteront, les uns pour la vie éternelle, les autres pour l’opprobre et la confusion éternelle. C’est ce qui est mort dans l’homme, qui sera vivifié. » Contra Joanncm hieros., n. 33, t. xxiii, col. 385. Cf. n. 25 sq., col. 375. Cependant les corps glorifiés, sans perdre leur substance, seront spiritualisés et ressembleront en quelque façon aux anges. In Isaïam, t. XVI, c. lvtii, 1 I, t. xxiv, col. 575.

Saint Jérôme s’est préoccupé de concilier le flux sans cesse renaissant des éléments du corps humain avec le lait de l’identité du corps ressuscité et du corps actuellement en vie. Paudra-t-il dire, puisque nous changeons chaque jour, que nous revêtirons autant île personnalités diverses que nous aurons éprouvé de change 2

ments ? « J'étais autre à dix ans, écrit-il, autre à trente, autre à cinquante, et autre aujourd’hui que mes cheveux sont tout blancs. Mais, conformément aux traditions des Eglises et à l’enseignement de saint Paul, il faut répondre que nous ressusciterons tous à l'état d’hommes parfaits et dans la plénitude de l'âge du Christ. » EpisL, cviii, n. 24, P. L., t. xxii, col. 902.

Nous avons vu ailleurs, voir Purgatoire, col. 1216, que saint Ambroise admettait plusieurs résurrections. Mois la première seule est la résurrection des corps à la fin du monde, les autres n'étant que des résurrections spirituelles, désignant l’entrée des élus au ciel ou la fin de leurs purifications. La véritable résurrection, la résurrection des corps, se présente, chez Ambroise, sous de multiples affirmations. Elle sera pour tous, justes et impies, la justice de Dieu l’exigeant, puisque le corps a sa part des actions de l'âme. De excessu jrairissui Sattjri, t. II, n. 88, P. L., t. xvi (1843), col. 1340. Elle implique l’identité du sujet qui est mort et qui reçoit une vie nouvelle. Id., n. 68, 77, col. 1334, 1337. Le terme seul de résurrection indique qu’il en doit être ainsi, heec est enim resurrectio… ut, quod cecidil, hoc resurgat ; quod mortuam fueril, reviviscat. Id., n. 87, col. 1340. Enfin, dans la résurrection des élus, le corps subira une transformation, une spiritualisation, qui devra cependant respecter la réalité matérielle du corps : immulabuntur justi in incorruplionem, nuinenle corporis veritale. In Ps. i, n. 51 ; In Lucam, t. X, n. 168, 170 ; cꝟ. t. VII, n. 94, t. xiv, col. 949 ; t. xv, col. 1846, 1846, 1723. On trouve esquissée l’analogie de la semence et indiqué le recours à la puissance divine pour expliquer la résurrection des corps. De excessu…, t. II, n. 60-64, t. xvi, col. 1332-1333.

2. Le dogme de la résurrection chez saint Augustin. — Pendant quelque temps, Augustin avait admis l’erreur du millénarisme. Cf. De civilale Dei, t. XX, c. vii, n. 4, P. L., t. xli, col. 669 ; cf. Serm., ceux, n. 2, t. xxxviii, col. 1197. Mais il repoussa plus tard cette doctrine et, pour lui enlever son meilleur point d’appui, présenta dans le livre XX De civilateDei, une explication allégorique de la vision de Patmos. La première résurrection serait la rédemption et l’appel à la vie chrétienne ; le règne de Jésus-Christ et de ses saints n’est autre que l’Eglise et son apostolat ici-bas ; les mille ans sont ou bien les mille dernières années qui précéderont le jugement ou mieux la durée totale de l'Église terrestre. De civ. Dei, t. XX, c. vi, n. 1, 2 ; c. vii, n. 2 ; c. ix, n. 1, t. xli, col. 665, 606, 668, 672.

Ainsi donc, la résurrection de la chair se produira à la fin du monde. On peut dire qu’elle apparaît chez Augustin comme l’un des dogmes qui préoccupait alors vivement les esprits et donnait lieu à des questions bien étranges et même grossières. Augustin en a traité surtout dans les Serm., cc.ci.xi et ccclxii, t. xxxix, col. 1599 et 1611, dans VEnchiridion, c. lxxxiv-xcii, t. xl, col. 272-275, et dans le De civilate Dei, t. XXII,

c. V, XM-XXIX.

a) Tout d’abord, saint Augustin confesse comme un dogme de la foi chrétienne le fait de la résurrection universelle, à la fin des temps : « Un chrétien, dit-il, ne doit pas douter le moins du monde que la chair de tous les hommes, de ceux qui sont nés et de ceux qui naîtront, de tous ceux qui sont morts et de tous ceux qui mourront, ne ressuscite un jour. » Enchir., lxxxiv, t. xl, col. 272 ; cf. lxxxv-lxxxvii ; cf. Serm., ccxli, n. 1, t. xxx viii, col. 1133 : » La résurrection des morts est la croyance propre des chrétiens. » Toutefois, Augustin hésite, à propos de I Thess., iv, 14-16, pour le cas des derniers survivants ; s’ils ne meurent pas, ils n’auront pas à ressusciter. Il incline toutefois à penser que, par le péché originel, tous les hommes sont condamnés à la mort. De octo Dulc. quæsl., q. iii, n. 3, vellem hinc audire doctiores… ; n. 4-6, t. xl, col. 159 161. Cf. EpisL, cxciii, n. 9-13, t. xxxiii, col. 872-874.

b) Quoi qu’il en soit, les corps ressuscites seront identiques aux corps possédés sur cette terre. Dans son sermon cclxiv, n. 6, Augustin explique que, même dans les élus dont le corps sera « transformé », l’identité sera sauvegardée : « La chair ressuscitera, mais que devientelle ? Elle est changée, elle devient elle-même corps céleste et angélique. Eh ! quoi, les anges auraient-ils des corps ? Voici la différence : cette chair qui ressuscite, c’est la même qui est ensevelie, qui meurt, c’est cette chair qui se voit, qui se touche, qui a besoin de manger et de boire pour subsister, cette chair qui est malade, qui endure la souffrance ; c’est donc cette même chair qui ressuscitera, chez les impies en vue des peines éternelles, chez les justes, pour être transformée. Et quand sera faite cette transformation, qu’arrivera-t-il ? C’est alors que le corps sera appelé céleste et non plus chair mortelle ». T. xxxviii, col. 1217 ; cf. Serm., cclvi, n. 2, col. 1192 ; Enchir., c. lxxxix, t. xl, col. 273.

Nonobstant cette identité, tous les corps sans distinction revêtiront l’incorruptibilité, aussi bien les damnés que les élus. Chez les damnés, l’incorruptibilité empêchera le feu de consumer les corps. Serm., ci i. i. Inc. cit. ; Enchir., c. XCII, col. 274. Chez les élus, cette incorruptibilité se doublera de la transformation spirituelle dont il vient d'être parlé et qui leur communiquera les qualités des corps glorieux. Voir ce mot. t. iii, col. 1896.

c) La restitution des corps dans leur intégrité sera due à la puissance divine : « A Dieu ne plaise que, pour ressusciter les corps et leur rendre la vie, la toute-puissance du Créateur ne puisse rappeler les éléments détruits par les bêtes ou par le feu ou réduits en poussière et en cendre, ou dissous dans les liquides ou répandus dans les airs… » De civ. Dei, t. XXII, c. xx, n. 1, t. xli, col. 782. Cependant Augustin nous laisse entendre que la répartition des éléments matériels importe beaucoup moins à l’intégrité du corps ressuscité, que la disposition générale : « Si une statue d’un inétal fusible était liquéfiée par la chaleur, ou si elle était broyée en poussière ou mélangée dans une autre masse, et que l’artiste voulût de nouveau la reconstituer avec la même quantité de matière, il n’importerait pas à son intégrité quelles parcelles de matière seraient rendues à tel membre de la statue, si cependant tout ce qui lui appartenait était repris pour lui être rendu. C’est ainsi que Dieu, artisan admirable et ineffable, nous rendra notre chair, avec une célérité admirable et ineffable, dans tout ce qui la constituait. « Qu’importe à sa réintégration complète que les cheveux redeviennent cheveux et les ongles redeviennent ongles, ou que les éléments qui les constituaient soient changés en chair ou en d’autres parties, dès lors que la providence de l’artiste veille à ce que rien d’indécent ne se produise. » Enchir., c. lxxxix, col. 273.

Cette comparaison du moule fait songer à l’elSoç -/apaxTT, ptÇov d’Origène et l’indilTérence des éléments matériels relativement à la reconstitution future des corps ressuscites paraît entr’ouvrir la porte à des conceptions moins rigides que l’identité strictement matérielle.

d) En plus de l’identité, il y aura, dans les corps ressuscites, une intégrité parfaite, dégagée de toute défectuosité. Au sens littéral de Luc, xxi, 8, nous ne perdrons aucun des cheveux de notre tête ; il n’y aura que les choses laides et disproportionnées qui disparaîtront. Toutes les parties essentielles, tous les organes, même ceux de la génération, nous seront conservés. De civ. Dei, t. XXII, c. xix ; cf. c. xiv, t. xli, col. 780, 777. Les infirmités seront supprimées. Enchir., c. lxxxix, col. 273. Saint Jérôme, en vertu du principe que tous doivent ressusciter à l'âge parfait du Christ, voir cidessus, col. 2541, en déduisait que les petits enfants ressusciteraient avec des corps doués du développement physique auquel la nature les destinait, mais dont les avait privés une mort prématurée. Augustin penche vers le même sentiment, sans oser cependant se prononcer. Serm., ccxlii, n. 3, 4, 5, t. xxxviii, col. 1140 : De civ. Dei, t. XXII, c. xiv, t. xli, col. 776-777 ; cf. xx, n. 1, col. 782. Le cas des fœtus et des monstres est examiné, en même sens, dans YEnchiridion, c. lxxxv, i.xxxvi, lxxxvii, t. xl, col. 272.

e) Les corps des élus seront transformés et deviendront, selon la parole de l’Apôtre, en quelque sorte spirituels. On retrouve ici une pensée chère à Origène, dont Augustin, semble-t-il, développe le thème en s’efforçant peut-être d’en corriger quelques expressions exagérées : « De même que l’esprit, quand il est tombé sous l’esclavage de la chair, mérite d’être appelé charnel, de même le corps mérite à bon droit d’être nommé spirituel, lorsqu’il obéit parfaitement à l’esprit. Ce n’est pas certes qu’il soit changé en une substance spilituelle, comme quelques-uns l’ont prétendu sur cette parole de l’Apôtre : « c’est un corps spirituel qui se lèvera » ; c’est qu’il obéira avec une promptitude et une facilité merveilleuse à la volonté de l’esprit jusqu’à lui être complètement uni par les indissolubles liens de l’immortalité bienheureuse. Il n’éprouvera plus lien alors de ses souffrances, de ses infirmités, de ses lenteurs actuelles. Il sera incomparablement supérieur, non seulement à ce que nous le voyons dans la santé la plus florissante, mais encore à ce qu’il était dansl’oririgne, avant qu’il eût été flétri par le péché. » De civ. Dei, t. XIII, c. xx, t. xli, col. 303.

() Enfin saint Augustin s’efforce de venger le dogme de la résurrection des attaques dont il est l’objet de la part de l’incrédulité. Il s’appuie sur le fait de la résurrection de Jésus-Christ, modèle et gage de la nôtre, et sur le miracle que la foi en cette résurrection établit dans le monde, De civ. Dei, t. XXII, c. v, col. 756 ; sur la création et aussi sur les merveilles de la nature, non moins mystérieuse que la résurrection. Episl., cii, q. i, n. 5, t. xxxiii, col. 372. Sur ce sujet, il n’apporte donc aucune donnée bien neuve.

3. Après saint Augustin. —

La tradition latine, après saint Augustin, piétine et se répète constamment. Nous n’indiquerons la plupart du temps que les textes auxquels on pourra se référer.

Saint Prosper d’Aquitaine, Sentent., t. I, ccxvi, P. L., t. li, col. 457 ; cf. S. Augustin, In Ps. lxii, n. 6, P. L., t. xxxvi, col. 751 ; Gennade, Liber eccl. dogm., P. L., t. LVin, col. 982 ; S. Léon le Grand, dont les paroles relatives à la résurrection du Christ peuvent, quant à l’identité des corps et à la transformation de la chair, s’appliquer à notre résurrection, Serm., lxv, c. iv, P. L., t. liv, col. 363 ; cf. Serm., lxxi, c. iv, col. 388 ; lxvi, c. iii, col. 360 ; S. Pierre Chrysologue, Serm., lxii, clxxvi, t. lii, col. 375, 664 ; le poète Prudence, Calhemerinon, iii, t. lix, col. 810 ; S. Paulin de Noie, Carm., xxxiv, vers 150 sq., t. lxi, col. 679 ; S. Fulgence de Ruspe, De Trinilate, c. xiii, t. lxv, col. 508 ; Denys le Petit, Libri de creatione hominis (de saint Grégoire de Nysse) interprelalio, c. xxvii, xxviii, t. lxvii, col. 393-395 ; cf. P. G., t. xliv, col. 214 sq. ; S. Grégoire de Tours, qui proclame facile à Dieu de ressusciter à la vie les éléments même dispersés et absorbés. Mon. Germ. hisl., Script, rerum Merov., t. i, p. 419-423.

Saint Grégoire le Grand mérite une mention un peu plus spéciale. Le patriarche de Constantinople, Eutychius, avait plus ou moins déformé le dogme de la résurrection. Si l’on en croit le récit de saint Grégoire, Moralium, t. XIV, c. lvi-lviii, P. L., t. lx.w, col. 1077 sq., Eutychius, s’appuyant sur I Cor., xv, 50, refusait aux corps ressuscites une chair palpable, les corps glorieux devant être, à son avis, spiritualisés et inaccessibles au toucher. C’était, en somme, une explication défectueuse de la qualité de subtilité. Cette idée devait être partagée par d’autres en Orient, car nous lisons dans la vie d’Eutychius par Eustrate, c. ix, de vifs reproches à l’adresse des accusateurs du patriarche, P. G., t. lxxxvi b, col. 2373, 2376. Saint Anastase d’Antioche lui-même, très ami de saint Grégoire le Grand, n’hésite pas à écrire, à propos du Christ ressuscité : « … Son corps demeura, non sa chair ; non pas que la substance qui en est le sujet eût disparu, mais parce qu’elle a été transformée par la gloire. » De resurreclione Christi, n. 7, P. G., t. lxxxix, col. 1359. On trouve des expressions analogues chez Anastase le Sinaïte, Vise dux, P. G., t. lxxxix, col. 73, et chez saint Isidore de Péluse, qui appelle les corps ressuscites, corps éthérés et spirituels, ou encore sans pesanteur (odOépia), Episl., t. II, xliii ; t. III, lxxvii, P. G., t. lxxviii, col. 485, 785. Saint Grégoire, dans sa controverse avec Euthymius, rejette ce que de telles conceptions ont d’exagéré. Il fait appel à la prophétie d’Ézéchiel, aux autres autorités scripturaires, à l’argument tiré des Pères, aux analogies que présente la nature. Moralium, t. XIV, c. lv, P. L., t. lxxv, col. 1075 sq. ; In Ezechielem homiliæ, t. II, hom. viii, n. 6 sq., t. lxxvi, col. 1030-1034. A l’objection traditionnelle des hommes dévorés par les animaux féroces, il répond simplement : Quid mirum si possit omnipotens Deus in illa resurreclione mortuorum carnem hominis distinguere a carne besliarum, ut unus idemque pulvis et non rèsurgat in quantum pulvis lupi et leonis est, et lamen resurgai in quantum pulvis est hominis ? N. 8, col. 1033. On dit qu’Eutychius, avant sa mort, se rétracta et que, tenant la peau de sa main, il disait à ses visiteurs : Confileor quia omnes in hac carne resurgemus (Bréviaire romain, leçon IV, second nocturne).

Nous trouvons, en Espagne, trois écrivains qui s’inspirent des idées de saint Augustin touchant la résurrection : Taïo.évêque de Saragosse, Epist. ad Quiricum, P. L., t. lxxx, col. 729 ; saint Ildefonse de Tolède, qui s’inspire surtout de VEnchiridion, dans De cognilione baptismi, c.lxxxiii-lxxxviii, P. L., t.xcvi, col.l31 sq. ; saint Julien de Tolède, qui puise surtout au De fide et symbolo. Ce dernier attribue aux enfants, lors de la résurrection, la stature des hommes faits. Il cite en faveur de cette opinion, non seulement saint Augustin (que nous avons vu hésitant), mais Julien Pomère, au 1. VII de son De anima et qualilate ejus, que nous ne connaissons que par Isidore de Séville et le continuateur de Gennade. Voir ici, t.xii, col. 2537. Saint Julien parle de la résurrection dans le Prognosticon, t. III, c. xiv-xxxii, P. L., t. xevi, col. 503 sq. ; l’opinion sur les enfants au c. xx, col. 505.

Au viiie siècle, saint Bède le Vénérable s’inspire encore d’Augustin dans son exposition In Lucse evangelium, t. IV, c.xii, P. L., t. xcii, col. 488-489, et dans l’homélie ix, In die festo Innocenlium, t. xciv, col. 52-53.


II. LES INSTITUTIONS ET LA LITURGIE.

Les cimetières et l’inhumation des morts.


La coutume traditionnelle dans l’Église catholique d’inhumer les morts et de les placer dans des lieux de repos (xoiu.7)-ut ; pia = dortoirs), atteste l’espérance en la résurrection future. Sans doute, l’Église n’attache pas un rapport étroit entre l’inhumation et le fait de la résurrection future, comme s’il était nécessaire de confier ù un lieu déterminé les corps qui, plus tard, devront en être tirés par Dieu pour être réunis à leur âme. La résurrection des corps n’est en rien liée à l’usage de l’inhumation. Quelle que soit la théorie philosophique proposée pour expliquer la résurrection générale à la fin du monde, cette explication doit faire abstraction de la façon dont le corps, qui est poussière, retourne en pous