Dictionnaire des antiquités grecques et romaines/Avertissement

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AVERTISSEMENT


DU PREMIER FASCICULE




Nous présentons au public le premier fascicule d’un livre qui a coûté beaucoup de temps et de travail. Il est à peine nécessaire de montrer son utilité. Quel que soit en France l’état des lettres grecques et latines, peu de personnes possèdent des notions claires et exactes sur la société antique. Les recherches sur ce sujet restent en dehors des études et des lectures habituelles. Ni les lexiques, où l’on ne trouve guère que le sens littéral des mots, ni les ouvrages historiques, qui donnent la plus grande importance aux événements, ne fournissent sur la vie journalière, publique ou privée, des Grecs et des Romains, les renseignements que nous avons rassemblés dans cet ouvrage, faut-il dire avec quelles difficultés ?

Un dictionnaire des antiquités est encore, malgré ce qu’on a pu amasser jusqu’à nos jours de patientes et ingénieuses observations, une collection de problèmes, quelquefois insolubles parce que les lumières font entièrement défaut et presque toujours d’une explication difficile ou douteuse parce qu’elles sont insuffisantes. Pour se faire du plus petit fait une idée approchant de la vérité, ce n’est pas trop de joindre aux témoignages des auteurs grecs et latins les commentaires des savants modernes et d’y ajouter, toutes les fois qu’il en existe, les monuments figurés. Nous avons essayé de réunir ces divers genres de preuves, qui s’appuient et se contrôlent, dans la forme nécessairement abrégée d’un dictionnaire (c’est celle qui s’accommode le mieux aux besoins d’un plus grand nombre de personnes), mais sans rien négliger de ce qui peut être considéré comme désormais acquis à la science ; nous nous sommes efforcé d’en faire un livre qui fût pour tout le monde d’une lecture facile, une aide pour tous ceux qui voudraient entrer dans l’étude des mœurs antiques plus avant qu’on ne le fait dans les classes, en même temps qu’un instrument de travail pour ceux qui s’occupent particulièrement de l’antiquité. Le texte a été à dessein dégagé de toute abréviation, de toute citation qui pourrait arrêter les lecteurs peu familiers avec les œuvres d’érudition ; tout l’appareil scientifique a été rejeté dans les notes, au bas des pages, où chacun pourra trouver indiqués les textes des écrivains anciens, les observations des modernes, les monuments découverts jusqu’aux temps les plus récents, qui peuvent jeter quelque lumière sur le sujet traité ; enfin, pour ceux qui ne se contentent pas des notions résumées que doit fournir un dictionnaire, les notes et la bibliographie placée à la suite contiennent l’indication des ouvrages spéciaux, des mémoires des académies et des sociétés savantes, des dissertations publiées tant en France qu’à l’étranger, qui leur permettront de pousser aussi loin qu’ils le voudront leurs études. Cependant il y avait un choix à faire dans les citations : il est aussi facile de les multiplier pour certains sujets, qu’il est malaisé pour certains autres d’en trouver sur lesquelles on puisse fonder un commencement de science. Nous avons dû nous restreindre aux témoignages les plus significatifs pour les premiers et admettre largement toutes les indications utiles pour les seconds.

Les gravures, qui sont nombreuses, sont toutes puisées aux sources antiques, soit que les dessins aient été faits directement d’après les monuments, soit qu’ils aient été pris dans des ouvrages qui les reproduisent fidèlement. Il eût été facile aussi de les multiplier à l’infini ; mais il suffira d’un regard jeté sur ce livre pour s’apercevoir que les gravures n’y sont pas de pures illustrations, mais des preuves à l’appui de ce qui est allégué dans le texte : « Selon moi, a dit l’illustre Winckelmann, ce sont les images mêmes qui doivent décider du sens des passages des livres des anciens qui, exposant des choses connues dans ces temps-là, ne sont jamais aussi clairs qu’il le faudrait pour les bien entendre dans des siècles où les usages et les mœurs ont totalement changé. »

Les noms qui servent de titres aux articles, sont ceux qui répondent naturellement au titre du dictionnaire, c’est-à-dire qui désignent toutes les choses de la vie publique et privée des anciens. On n’y trouvera pas de noms d’hommes ni de lieux, parce que nous ne voulions pas y mettre ce qui se trouve déjà dans les dictionnaires d’histoire et de géographie ; nous ne nous sommes pas davantage proposé de faire un dictionnaire de mythologie ; on n’y cherchera donc que les noms des dieux et des héros dont les types et les légendes ne devaient pas rester sans explication à côté d’articles qui parlent de leur culte, de leurs fêtes et d’objets de toutes sortes où ils se trouvent représentés.

Nous avons adopté la nomenclature latine comme plus familière à la plupart des lecteurs ; c’est donc sous le nom latin qu’on devra chercher tout ce qui se rapporte aux usages des Grecs aussi bien que des Romains, et les noms même purement grecs qui ont été latinisés. Toutes les fois que, pour les antiquités grecques manque ce nom latin, nous avons fait la transcription littérale du nom grec, en l’écrivant en caractères grecs à côté.

Les mots en lettres capitales renvoient à des articles spéciaux où l’on trouvera des explications plus précises ou plus développées. Les autres noms ou termes techniques expliqués dans le cours des articles, inscrits soit en grec, soit, pour le latin, en lettres italiques, seront réunis à la fin de l’ouvrage dans des index alphabétiques et dans un répertoire méthodique groupant pour la facilité des recherches tous ceux qui se rapportent à une matière déterminée. Nous eussions aimé donner place aux antiquités de certains peuples de la Grèce ou de l’Italie, moins connus que ne le sont Rome et Athènes, et des voisins qu’elles appelaient barbares et qui ont contribué cependant pour quelque chose à les faire ce qu’elles ont été. Ces côtés de l’antiquité sont aujourd’hui explorés à leur tour et on s’aperçoit déjà qu’il faut reviser bien des conclusions trop hâtées ; mais ce travail n’est qu’à son début, et l’on pensera sans doute qu’il a été sage de ne pas admettre ici des faits encore obscurs ou mal établis. Toutefois, on trouvera pour chaque matière l’indication de ce que l’on sait avec un peu plus de certitude sur les Étrusques, dont la part surtout est considérable, et sur les autres peuples qui ont laissé leur empreinte dans la civilisation des grandes nations classiques.

Tous les articles sont signés par leurs auteurs : on remarquera les noms de membres de l’Institut, de professeurs éminents de l’Université, de savants connus par des travaux spéciaux. Nous tenons à remercier ici ces collaborateurs qui nous ont aidé avec tant de persévérance et nous dirons d’abnégation ; car nous savons ce qu’il en faut pour enfermer dans un court article de dictionnaire les résultats de longues et laborieuses recherches, qui mériteraient souvent d’être publiées à part et avec développement pour elles-mêmes. Je les remercie en mon nom et au nom de celui qui avait appelé et réuni les plus anciens d’entre eux, M. Daremberg, si prématurément enlevé, avant d’avoir eu le contentement de voir réalisée l’œuvre dont il avait conçu la première pensée. Détourné par d’autres occupations et principalement par ses études sur l’histoire de la médecine, dans lesquelles il s’est fait une place si élevée et qui ont eu la meilleure part de sa vie, il s’était décidé à m’associer à l’exécution du livre projeté. Il m’avait chargé, il y a une dizaine d’années déjà, de choisir les figures du dictionnaire et de mettre entre ces illustrations et le texte l’accord nécessaire ; il voulut bien, quelque temps après, me déléguer la plus large part dans la direction de l’oeuvre ; à ma demande, il consentit à en modifier le plan ; il finit par s’en remettre presque entièrement à moi du soin de la mener à son terme. L’impression a été commencée sous ses yeux ; il a pu lire les premières feuilles et son approbation a été pour moi un précieux encouragement.

Le public nous donnera-t-il la sienne ? Au moment où un livre paraît, un auteur consciencieux ressent plus vivement les difficultés de l’oeuvre qu’il a entreprise et en voit mieux les imperfections. Celle-ci doit subir à son tour les critiques : nous les appelons ; qu’on veuille bien nous les adresser dans le même esprit qui nous a constamment dirigé, c’est-à-dire avec un sincère désir d’être utile, de servir la science, de dissiper s’il est possible quelques erreurs, de jeter un peu de lumière sur ce qui reste obscur dans la connaissance que nous avons de la vie des anciens.

E. SAGLIO.