Dictionnaire des proverbes (Quitard)/Vendôme

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vendome. — Le brouillard de monsieur de Vendôme.

Expression ironique qui signifie la grosse pluie ; ce que les Anglais appellent a scotch mist, un brouillard d’Écosse.

À la fraîcheur de monsieur de Vendôme.

Autre expression ironique pour dire, à l’ardeur du soleil.

Être de la couleur de monsieur de Vendôme.

Expression métaphorique par laquelle on marque qu’une personne ou une chose est invisible.

Quelques parémiographes pensent que ces façons de parler ont été altérées et que le nom de Vendôme y a été introduit par abus au lieu de vent d’amont ; vent pluvieux, froid et invisible qui souffle du côté d’Orient. Quelques autres croient qu’elles n’ont subi aucun changement, et qu’elles sont des allusions à divers traits de la conduite militaire du duc de Vendôme, ce qui paraît plus vraisemblable. Mais il est à remarquer que ce duc n’est point, comme ils l’ont cru, celui qui fit la guerre de la succession d’Espagne, car les expressions dont il s’agit sont antérieures de plus d’un siècle et demi à cette époque. Elles doivent se rapporter au duc de Vendôme qui, en 1522, défendit la Picardie avec autant de prudence que de succès, lorsque cette province fut envahie par les troupes combinées des Flamands et des Anglais sous les ordres de l’amiral comte de Surrey. Le général français, qui avait à lutter contre des forces très supérieures aux siennes, prit le parti d’éviter les batailles rangées, et s’appliqua constamment à ruiner en détail l’armée ennemie, soit en interceptant ses convois, soit en attaquant ses postes avancés, soit en la harcelant sans relâche sur tous les points vulnérables avec une bonne cavalerie. Comme il n’était jamais arrêté dans ses expéditions, ni par la grande pluie, ni par la grande chaleur, et qu’il manœuvrait, au contraire, à la faveur de ces circonstances du temps, pour fondre à l’improviste sur quelque corps isolé ou pour aller ravitailler secrètement les places dans lesquelles il avait eu soin de jeter des garnisons, les soldats s’amusèrent à créer les locutions du brouillard, de la fraîcheur et de la couleur de monsieur de Vendôme, voulant faire entendre que leur chef regardait la grosse pluie comme un léger brouillard, que la grande chaleur était pour lui comme la fraîcheur, et qu’il savait dérober ses mouvements aux ennemis aussi bien que s’il eût été invisible.

Ils allèrent même jusqu’à dire le perroquet de monsieur de Vendôme, autre expression de la même espèce par laquelle on désigne encore un homme dont le silence rend les secrets impénétrables.

Il est plus près de sainte larme que de Vendôme.

Il est plus près de pleurer que de chanter.

Ce dicton est fondé sur une double allusion à une chanson joyeuse dont le refrain est Vendôme, Vendôme, Vendôme ; et à la sainte larme qu’on gardait autrefois religieusement dans l’abbaye des Bénédictins à Vendôme. Cette sainte larme était une de celles que Notre Seigneur répandit à la résurrection de Lazare. Recueillie par un ange dans une petite ampoule et donnée à Marie, sœur du ressuscité, elle échut, dans la suite des temps, à un patriarche de Constantinople, puis à des chevaliers de l’empereur qui l’apportèrent dans une église de Frésingue, où Nitkère, évêque de cette ville, la reçut. Celui-ci en fit présent à Henri Ier, roi de France, ou à Henri III, roi de Germanie, époux de la fille d’Agnès, comtesse d’Anjou et fondatrice de Vendôme ; car la certitude historique est malheureusement en souffrance sur ce point. Mais cela ne tire point à conséquence. On sait positivement que, des mains du roi de France, où de celles de l’épouse du roi de Germanie, la sainte larme passa à l’abbaye de Vendôme où elle fut déposée sur l’autel en signe de donation. Le reliquaire où on la conservait se composait de trois pièces, savoir : la petite ampoule, qui était bleue comme le ciel où l’ange l’avait sans doute prise, un vaisseau de verre transparent qui enveloppait cette ampoule, et un coffret qui contenait le tout. Si l’on désire de plus amples détails, on peut consulter une lettre de trente-huit pages dans le tome ii des Œuvres posthumes du savant Mabillon, qui a pris la défense de la sainte larme contre Thiers, auteur du Traité des superstitions, qui avait osé publier une dissertation dans laquelle il cherchait à prouver la fausseté de cette relique.