Dictionnaire des proverbes (Quitard)/béguine

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béguine. — C’est une béguine.

Les béguines étaient des religieuses dont les uns attribuent l’institution à sainte Bègue, sœur de sainte Gertrude, et les autres à saint Lambert Berggh, dit le Bègue, prêtre de l’église de Liège au douzième siècle. Leur nom, qu’on fait dériver de celui de leur fondatrice ou de celui de leur fondateur, vient peut-être du verbe saxon beggin, prier. Louis IX les appela en France, où elles furent établies dans un grand nombre de villes. Comme elles occupèrent à Paris le couvent de l’Ave-Maria, elles y prirent, vers la fin du quinzième siècle, le titre de Cordelières de l’Ave-Maria, que certains auteurs ont prétendu leur avoir été donné parce qu’elles étaient habituées à proférer ces deux mots de la salutation angélique aussi souvent que les soldats en profèrent d’autres beaucoup moins religieux. Ces pieuses filles, qui avaient réveillé le mysticisme en plusieurs contrées de l’Europe, se relâchèrent de leur ferveur. L’histoire des ordres monastiques dit qu’elles fesaient volontiers toute sorte de vœux, excepté celui de ne pas se marier et de ne pas jouir des plaisirs du monde. Alors un préjugé défavorable se forma sur leur compte, et le discrédit dans lequel elles tombèrent donna lieu à l’expression proverbiale qu’on emploie pour désigner une femme d’une dévotion ridicule et même suspecte.

Observons que, du temps même de saint Louis, on désignait un dévot par le terme de béguin, qui n’a pas conservé cette acception. La preuve en est dans cette phrase de Joinville : « Quant le roy estoit en joye, si me disoit : Séneschal, pourquoy preud’homme vaut mieux que béguin  ? »