Dictionnaire des proverbes (Quitard)/basilic

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basilic. — Regard de basilic.

C’est une ancienne croyance populaire, encore existante chez les paysans, que les vieux coqs pondent quelquefois un œuf qui éclot dans le fumier et produit une espèce particulière de basilic, reptile redoutable auquel on attribue le pouvoir de tuer par son seul regard quiconque s’y trouve exposé, et de se tuer lui-même quand il se voit dans une glace[1]. De là ces expressions proverbiales : Lancer des regards de basilic, et Faire des yeux de basilic à quelqu’un ; c’est-à-dire des regards et des yeux enflammés de fureur qui donneraient la mort, s’ils le pouvaient, à la personne contre laquelle ils sont dirigés.

Les vieux coqs ne se mêlent pas de la procréation du basilic, et le basilic n’a pas la puissance destructive qu’on lui suppose. Les auteurs qui, dans un siècle d’ignorance, ont prétendu qu’il laissait échapper de ses rayons visuels un poison meurtrier, ne méritent aucune foi ; ils ont extravagué, et Borel a extravagué plus qu’eux encore, lorsqu’il a parlé dans ses Centuries d’un individu de sa connaissance dont les regards avaient une maligné si pernicieuse, si terrible, qu’ils fesaient périr les petits enfants, desséchaient les mamelles des nourrices, les plantes et les fruits, corrodaient et perçaient toute espèce de verres. Quel embarras n’aurait pas éprouvé cet homme-basilic, s’il eût été obligé de porter des lunettes !

  1. C’est ce qu’atteste un passage curieux du troubadour Aimeri de Péguilain. « Quand je considère la beauté de ma dame, dit-il, je me réjouis des peines que j’endure, et je ressemble au basilic qui se tue en se regardant au miroir. » Du reste, le basilic mort était réputé aussi utile qu’il avait été supposé nuisible pendant qu’il vivait. Heureux qui pouvait trouver son corps ! Ce corps, réduit en cendres, possédait des vertus merveilleuses : il guérissait des maux incurables, et opérait la transmutation des métaux.