Dictionnaire des proverbes (Quitard)/brebis

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brebis. — Qui se fait brebis, le loup le mange.

Il est quelquefois dangereux d’avoir trop de douceur ; les méchants profitent de l’excessive bonté d’une personne pour l’opprimer. On dit aussi dans le même sens : Faites-vous miel, et les mouches vous mangeront.

Un berger priait son père de lui donner un conseil qui fût le résultat de sa longue expérience : « Mon fils, répondit le vieillard, sois bon, car il est avantageux de l’être ; mais sois-le de manière que le loup n’ose te montrer les dents. »

À brebis tondue Dieu mesure le vent.

Dieu proportionne à nos forces les afflictions qu’il nous envoie.

Il ne faut qu’une brebis galeuse pour infecter tout un troupeau.

Morbida facta pecus totum corrumpit ovile.

Il ne faut qu’un homme corrompu dans une compagnie pour la corrompre tout entière. La contagion du mauvais exemple donné par ceux qu’on fréquente a tant de puissance, qu’elle agit sur les personnes mêmes qui semblent les plus propres à y résister par la solidité de leurs principes. C’est une remarque très fine et très judicieuse de Chamfort que, quelque importuns, quelque insupportables que nous soient les défauts de ceux avec qui nous vivons, nous ne laissons pas d’en prendre une partie. Être la victime de ces défauts étrangers à notre caractère n’est pas même un préservatif contre eux.

Brebis qui bêle perd sa goulée.

Il ne faut pas perdre en paroles un temps qu’il importe d’employer à l’action. Ce proverbe s’applique particulièrement pour signifier qu’à table il ne faut pas trop parler, si l’on ne veut pas être dupe de l’avidité des convives.

Brebis comptées, le loup les mange.

Proverbe pris de celui qu’on trouve dans la septième églogue de Virgile : Non oviam curat numerum lupus. Il s’employait autrefois, comme on le voit dans les Adages d’Érasme (Chil. ii, centur. iv, no 99), pour dire que, si un voleur timide s’abstient de toucher à certains objets parce qu’il sait qu’on les a comptés, un hardi voleur n’est jamais arrêté par une telle considération. Aujourd’hui ce proverbe se prend dans un sens plus général : il signifie que les précautions ne garantissent pas toujours d’être trompé, et même que l’excès de précaution expose quelquefois à l’être. Les joueurs s’en servent fréquemment, et ils entendent qu’il ne faut point compter son argent pendant qu’on joue, car c’est une superstition de la plupart d’entre eux que l’argent compté appelle une mauvaise chance qui le fait vite passer en d’autres mains.