Dictionnaire des proverbes (Quitard)/chandelle

La bibliothèque libre.

chandelle. — Devoir à Dieu une belle chandelle.

On dit d’une personne sauvée de quelque danger qu’elle doit à Dieu une belle chandelle, par allusion à la coutume d’offrir des chandelles de cire à Dieu et aux saints, en reconnaissance de leur protection. Autrefois ces chandelles étaient plus ou moins belles, selon le degré d’importance qu’on attachait aux grâces obtenues. Les grands seigneurs offraient des cierges égaux à leur corps en poids et en longueur, et cela s’appelait donner son pesant de cire. Louis XI se fit remarquer plusieurs fois par cette dévotion.

Les habitants de Paris, après la bataille de Poitiers où le roi Jean fut fait prisonnier, eurent un tel effroi des gens de guerre qui ravageaient la campagne, qu’ils offrirent à Notre-Dame une bougie roulée comme une corde et assez longue, dit-on, pour faire le tour de leur ville.

À chaque saint sa chandelle.

Il faut faire la cour à chaque personne qui peut nous faire du bien ou du mal.

Donner une chandelle à Dieu et une au diable.

C’est se ménager adroitement la faveur de deux partis opposés. — Robert de La Mark avait fait peindre sur ses enseignes sainte Marguerite avec le diable, et lui-même, à genoux en leur présence, tenant une chandelle dans chaque main. Cette singulière peinture avait pour inscription les mots suivants : « Si Dieu ne me veut aider, le diable ne saurait me manquer. » Le fait est rapporté par Brantôme.

La chandelle qui va devant vaut mieux que celle qui va derrière.

Sous l’écorce grossière de ce proverbe, dit l’abbé Tuet, est cachée une belle pensée, savoir : que les aumônes qu’on fait durant sa vie sont plus méritoires que les legs pieux qu’on laisse après sa mort.

Moucher la chandelle comme le diable sa mère.

C’est en arracher la mèche en voulant la moucher. — Un voleur, surnommé le Diable, étant conduit au pied de la potence, demanda à embrasser sa mère avec laquelle il était brouillé. On la lui amena, et lorsque cette pauvre femme se fut jetée dans les bras de son fils, ce scélérat lui saisit le nez avec les dents, et en arracha un morceau qu’il lui cracha au visage, en disant : Si vous m’aviez corrigé dans mon enfance, je n’aurais pas commis les crimes qui m’ont fait condamner au supplice, et vous n’auriez pas été mouchée de la sorte. Cette anecdote, qui n’est qu’une variante de la fable d’Ésope intitulée le Voleur et sa Mère, a été l’origine de notre expression proverbiale.

La Mésangère a donné cette autre explication : « Le diable, c’est le soleil ; sa mère, c’est la lune à qui il arrache le nez, quand elle est en décours. » Mais, où a-t-il pris que la lune ait jamais été regardée comme la mère du soleil ?

Il y a des nouvelles à la chandelle.

Cela se dit lorsqu’on voit se former au lumignon ou à la mèche d’une chandelle des boutons nommés champignons, qui sont supposés annoncer l’arrivée de quelque lettre, ou la visite de quelque étranger. C’est le reste d’une superstition qui leur attribuait jadis bien d’autres présages. Suivant qu’ils apparaissaient brillants ou ternes, rouges ou bleus, flamboyants ou fumants, on les regardait comme des indices des événements heureux ou malheureux auxquels on devait s’attendre, et même de la présence des anges ou des diables dans sa maison ; et les gens du peuple pouvaient lire leur destinée dans les lampes, comme les monarques dans les comètes, également bien.

C’est un bon enfant, il ne mange pas des bouts de chandelle.

On sous entend : Mais il sait où l’on en vend ; et c’est pour cela que cette locution populaire, qui paraît vouloir dire, il n’est pas bête, signifie le contraire. Elle fait allusion à un ancien usage de galanterie, qui consistait à avaler des bouts de chandelle allumés, pour l’amour de sa maîtresse. Shakespeare a dit dans son Henri IV (part. ii, act. 3, sc. 4) : Drinks off candles’ ends for flap-dragons ; il avale des bouts de chandelle pour un brûlot. Le flap-dragons désigne des grains de raisin qu’on fesait brûler dans un verre d’eau-de-vie, et qu’on avalait tout enflammés. La même chose se pratique encore fréquemment dans le midi de la France, avec un quartier de poire ou de pomme, qu’on larde d’un morceau d’amande ou de noix, en guise de mèche.

Il y a en Normandie cet autre dicton : Il ne mange pas des bouts de chandelle le vendredi. Ce qui est fondé, à ce qu’on prétend, sur l’histoire d’une vieille dévote qui était à confesse un vendredi soir. Au moment où elle sortait du confessionnal, le prêtre lui recommanda de moucher des chandelles placées tout près de là sur un pupitre ; elle crut entendre qu’il lui disait de les manger, et elle se mit, en effet, à donner un commencement d’exécution à cet acte qu’elle regardait comme une partie essentielle de la pénitence qui lui avait été imposée. Mais fatiguée de mâcher et de remâcher sans en venir à bout, elle s’écria piteusement : Ah ! mon père, je ne pourrai jamais avaler la mèche ! — Eh ! qui vous oblige à le faire ? répondit le confesseur étonné. — Hélas ! mon père, c’est vous, pour mes péchés. — Moi, madame ! vous vous êtes étrangement méprise. Allez, allez, et dites votre chapelet en expiation, afin que Dieu vous pardonne d’avoir fait gras un jour maigre comme le vendredi.