Dictionnaire des proverbes (Quitard)/marguerite

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marguerite. — À la franche marguerite.

Telle est la disposition du cœur de l’homme que, dans toutes les passions qu’il éprouve, il ne saurait jamais s’affranchir d’une sorte de superstition. On dirait que ne trouvant, dans le monde réel, rien qui réponde pleinement aux besoins d’émotion et de sympathie produits par l’exaltation de son être, il cherche à étendre ses rapports dans un monde merveilleux. C’est surtout dans l’amour que se manifeste cette disposition. L’amant est curieux, inquiet. Il veut pénétrer l’avenir pour lui arracher le secret de sa destinée. Il rattache ses craintes ou ses espérances à toutes les pratiques que son imagination lui fait croire capables de changer la volonté du sort ou de la disposer en sa faveur. Il veut trouver dans tous les objets de la nature des assurances contre les craintes dont il est agité. Il les interroge sur les sentiments de celle qu’il adore. Les fleurs qui lui présentent son image lui paraissent surtout propres à révéler l’oracle de l’amour. Lorsqu’il va rêvant dans la prairie, il cueille une marguerite, il en arrache les feuilles l’une après l’autre, en disant tour à tour : Elle m’aime, pas du tout, un peu, beaucoup, passionnément. Si la dernière feuille amène pas du tout, il gémit, il se désespère ; si elle amène passionnément, il s’enivre de joie, il se croit destiné à la félicité ; car la marguerite est trop franche pour le tromper.