Dictionnaire historique de l’ancien langage françois/1re éd., 1875/Tome 1

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DICTIONNAIRE HISTORIQUE
DE
L’ANCIEN LANGAGE FRANÇOIS
OU
GLOSSAIRE DE LA LANGUE FRANÇOISE
DEPUIS SON ORIGINE JUSQU’AU SIÈCLE DE LOUIS XIV
Par LA CURNE DE SAINTE-PALAYE
MEMBRE DE L’ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET DE L’ACADÉMIE FRANÇOISE
Publié par les soins de L. FAVRE, membre de la Société de l’Histoire de France,
avec le concours de M. PAJOT, Archiviste-paléographe,
CONTENANT :
SIGNIFICATION PRIMITIVE ET SECONDAIRE DES VIEUX MOTS
Vieux mots employés dans les chants des Trouvères.
Acceptions métaphoriques ou figurées des vieux mots français. - Mots dont la signification est inconnue.
ETYMOLOGIE DES VIEUX MOTS
Orthographe des vieux mots. - Constructions irrégulières de tours de phrases de l’ancienne langue.
Abréviations ; études sur les équivoques qu’elles présentent dans les anciens auteurs.
Ponctuation ; difficultés qu’elle présente.
Proverbes qui se trouvent dans nos poètes des XIIe, XIIIe et XIVe siècles.
Noms propres et noms de lieux corrompus et défigurés par les anciens auteurs.
Mots empruntés aux langues étrangères.
Usages anciens.
SUIVI DES
CURIOSITEZ FRANÇOISES, pour supplément aux Dictionnaires
Ou Recueil de plusieurs belles proprietez, avec une infinité de proverbes et quolibets pour l’application de toutes sortes de livres, par Antonin OUDIN.

TOME PREMIER

NIORT
L. FAVRE, éditeur du GLOSSARIUM de Du Cange,
Rue Saint-Jean, 6.

TOUS DROITS RÉSERVÉS
AU LECTEUR
________________


Nous possédons des Dictionnaires de toutes sortes, mais nous n’avons pas un Dictionnaire historique de l’ancienne langue française. L’Académie a tenté de combler ce vide, mais depuis trente ans qu’elle s’occupe de cette œuvre, elle n’a publié qu’un demi-volume. Il lui faudra plusieurs siècles pour achever un Dictionnaire qui n’aura pas moins de cent volumes in-4o.

Ce Dictionnaire existe cependant. Il a été fait par un érudit aussi connu que Du Cange, qui a consacré trente ans de son existence à compulser les anciens manuscrits, les vieux auteurs, les chartes des xiiie, xive, xve et xvie siècles. La publication de cet ouvrage a même été commencée. Un volume a été imprimé, mais il a paru au moment où la révolution de 1789 éclatait ; alors les préoccupations ne se portaient plus sur le passé. Aussi, cette publication n’a pas été continuée. Au grand regret du monde savant, elle n’a point été reprise depuis cette époque.

Nous venons, avec de nombreux et intelligents appuis, publier enfin ce Dictionnaire historique et rendre, à la mémoire du savant La Curne de Sainte-Palaye, l’hommage qu’elle mérite. Non pas que son travail soit dans l’oubli, tous les lexicographes et les philologues qui étudient notre langue ne manquent jamais de consulter ses manuscrits où ils peuvent puiser à pleines mains, assurés d’y trouver des trésors d’érudition et de recherches ; mais pour cela, il faut habiter Paris, et encore doit-on les feuilleter sur place, à la Bibliothèque nationale. Nous voulons, en l’imprimant, le mettre à la disposition de tous les érudits. Notre travail sera celui d’un éditeur consciencieux.

La Curne de Sainte-Palaye, né à Auxerre en 1697, mort en 1781, membre de l’Académie des Inscriptions en 1724 et de l’Académie française en 1738, a consacré la plus grande partie de son existence à réunir les matériaux d’un Dictionnaire historique de l’ancien langage françois. « Mes lectures qui tendoient toutes au même but, dit-il, dans le prospectus qu’il fit paraître en 1756, m’ont mis en état de rassembler une multitude immense de mots surannés. J’ai cru pouvoir en composer, je ne dirai pas un Glossaire aussi savant, et aussi bien fait que celui de Du Cange ; mais du moins un ouvrage de même nature qui auroit aussi son utilité. J’ai tâché, autant que je l’ai pu, de me former sur cet excellent modèle : trop heureux de suivre de très-loin un guide qui marche à pas de géant, un Savant universel qui par des travaux infatigables s’étoit approprié les connoissances de tous les siècles et de tous les pays. « En réunissant sous un même point de vue dans l’ordre alphabétique, les vieux mots épars dans un grand nombre d’Auteurs de tous les âges, j’ai voulu représenter fidèlement notre ancienne Langue. Il m’a donc paru nécessaire de l’étudier dans tous ses rapports, et dans toutes les variétés, pour me déterminer sur le choix des mots que je devois faire entrer dans cette collection, ou que je pouvois en exclure. »

Dans ces quelques lignes, La Curne de Sainte-Palaye expose le plan de son Dictionnaire. Son modèle a été Du Cange, et nous pouvons dire que s’il ne l’a pas dépassé, du moins il l’a égalé. Il prend chaque mot de notre ancien français à son origine, il en donne l’étymologie, l’histoire, l’explication, et le fait suivre de nombreux extraits d’anciens auteurs, poètes ou prosateurs qui l’ont employé.

Non-seulement on suit ainsi chaque mot à travers les siècles, mais les citations font connaître, de la manière la plus exacte, les diverses acceptions dans lesquelles le mot a été pris. Cette méthode est excellente et ne laisse aucun doute dans l’esprit sur la signification vraie et réelle des mots de notre ancien français.

Le Dictionnaire historique de La Curne de Sainte-Palaye comprend les grandes divisions suivantes :

SIGNIFICATION PRIMITIVE ET SECONDAIRE DES VIEUX MOTS.
VIEUX MOTS EMPLOYÉS DANS LES CHANTS DES TROUVÈRES.
ACCEPTIONS MÉTAPHORIQUES OU FIGURÉES DES VIEUX MOTS FRANÇAIS.
ETYMOLOGIE DES VIEUX MOTS.
ORTHOGRAPHE DES VIEUX MOTS.
CONSTRUCTIONS IRRÉGULIÈRES DE TOURS DE PHRASES DE L’ANCIENNE LANGUE.
ABRÉVIATIONS; ÉTUDES SUR LES ÉQUIVOQUES QU’ELLES PRÉSENTENT DANS LES ANCIENS AUTEURS.
PONCTUATION; DIFFICULTÉS QU’ELLE PRÉSENTE.
MOTS DONT LA SIGNIFICATION EST INCONNUE.
PROVERBES QUI SE TROUVENT DANS NOS POÈTES DES XIIe, XIIIe ET XIVe SIÈCLES.
NOMS PROPRES ET NOMS DE LIEUX CORROMPUS ET DÉFIGURÉS PAR LES ANCIENS AUTEURS.
MOTS EMPRUNTÉS AUX LANGUES ÉTRANGÈRES.
USAGES ANCIENS.

Ce beau et magnifique monument de notre ancienne langue est-il destiné à rester à l’état de manuscrit ? Doit-il continuer à n’être à la portée que d’un petit nombre de privilégiés ? Nous ne le pensons pas ; nous croyons que le moment est venu de publier ce vaste recueil si précieux pour l’étude de notre langue.

Il est aussi une considération de la plus haute importance qui nous engage à entreprendre cette publication. Le feu a détruit une grande quantité de manuscrits dont le monde savant déplore la perte. La Commune de Paris, en 1871, n’avait-elle pas voué aux flammes les trésors que renferme la Bibliothèque nationale ? Si Paris n’eût pas été arraché, aussi rapidement, des mains des gens de la Commune, nous n’aurions plus la possibilité de consulter le Dictionnaire historique de Sainte-Palaye. Cette œuvre immense aurait été, comme beaucoup d’autres trésors d’érudition, perdue à tout jamais pour le monde savant. Hâtons-nous donc d’imprimer ce recueil. Il ne sera plus alors soumis aux nombreuses causes de destruction qui tôt ou tard anéantissent les plus précieux manuscrits.

Voici l’opinion de quelques érudits sur l’oeuvre de La Curne de Sainte-Palaye :

« La Curne de Sainte-Palaye, qui est du siècle dernier (dit M. Littré, dans l’introduction de son Dictionnaire de la Langue Française), avait préparé un Dictionnaire du vieux français, dont il n’a été publié qu’un premier tome ; les matériaux qu’il avait recueillis remplissent beaucoup d’in-folio qui sont déposés à la Bibliothèque impériale ; ces matériaux consistent en exemples pris dans les anciens auteurs ; je les ai eus constamment sous les yeux, et j’y ai trouvé de nombreux et utiles suppléments à mes propres recherches.

« Les manuscrits de La Curne sont des trésors ouverts à qui veut y puiser ; mais on ne peut y puiser sans remercier celui qui nous les a laissés. »


M. Ambroise-Firmin Didot, dans l’introduction qu’il a placée en tête du Glossaire français de Du Cange, s’exprime ainsi :

« La Curne de Sainte-Palaye est auteur d’un Glossaire de l’ancienne langue française, depuis son origine jusqu’au siècle de Louis XIV.

« L’impression de ce beau travail, dont deux manuscrits existent à la Bibliothèque nationale, l’un en 31 volumes in-folio, à deux colonnes, l’autre, plus complet, en 61 volumes in-4o, a été interrompue lors de la Révolution de 1792. Quelques exemplaires des 735 pages du tome 1er ont échappé à la destruction qui a été faite de ce volume. L’impression s’est arrêtée au mot asseureté. »


Le savant bibliophile Brunet, dans son Manuel de la librairie, regrette vivement que l’impression de ce beau travail n’ait pas été continuée. Voici ce que nous lisons à l’article Sainte-Palaye :

« On est redevable, à La Curne de Sainte-Palaye, d’un recueil manuscrit en 40 volumes in-folio, dans lequel il avait déposé le fruit de près de cinquante années de recherches, relatives aux antiquités de la France en général et à notre ancien langage en particulier.

« C’est avec le secours de ces précieux matériaux qu’il se proposait de publier le Glossaire françois, dont il fit paraître, en 1756, le projet (brochure in-4o de 32 pages), et dont, depuis, il abandonna la rédaction à Georges-Jean Mouchet, savant laborieux, qui se chargea de mettre l’ouvrage au jour, sous le titre de Glossaire de l’ancienne langue françoise, depuis son origine jusqu’au siècle de Louis XIV, en 10 ou 12 volumes in-folio.

« Malheureusement, l’impression de ce beau travail, commencée du vivant de Sainte-Palaye et continuée depuis, n’a pas été conduite au-delà du mot asseureté, colonne 1470 ou page 735 du tome 1er ; mais ce fragment, dont par bonheur quelques exemplaires ont échappé à la destruction, fait juger trop avantageusement de l’ouvrage pour qu’on ne regrette pas vivement qu’il n’ait pas été achevé. »

La Curne de Sainte-Palaye avait exposé, en 1756, le vaste plan de son Dictionnaire dans un prospectus qui est une sorte d’introduction à son ouvrage. Nous avons été assez heureux pour retrouver un exemplaire de ce prospectus. Nous croyons devoir le reproduire. On verra le temps et les immenses recherches qu’il a fallu à l’auteur pour accomplir son travail de bénédictin. C’est avec une extrême modestie, une entière sincérité que La Curne de Sainte-Palaye parle de son œuvre. Voici ce projet destiné à servir de préface à ce monument colossal élevé en l’honneur de l’ancienne Langue française :


PROJET D’UN GLOSSAIRE FRANÇOIS


Depuis plus de deux siècles un grand nombre d’Ecrivains ont travaillé avec plus ou moins de succès à l’éclaircissement de notre Histoire. Dès le temps de François I, le célèbre Guillaume du Bellay, Seigneur de Langey, à la lecture de celle des Grecs, des Romains, des Barbares même, conçut une noble jalousie pour la gloire de sa Nation, et résolut de se plonger dans des recherches profondes qui pussent servir à débrouiller le chaos des Antiquités Françoises. Il forma d’abord le dessein de démêler les origines des Gaulois et des François : en remuant (ce sont les termes) les titres, livres, chartres, épitaphes, fondations, et autres choses antiques. Il n’avoit pas désespéré de faire une espèce de concordance des noms anciens des Provinces et des Villes de la Gaule et de la France, avec les noms modernes. Il n’avoit pas dédaigné de mettre la main à cet ouvrage, et d’en composer un Vocabulaire alphabétique. Après s’être fait des recueils pour sa propre instruction, il entreprit, pour celle du public, deux autres ouvrages plus importants, qui marquoient et la supériorité de son génie, et la grandeur de ses vues. Dans l’un il se proposoit, sur le modèle de Plutarque, de comparer les Hommes illustres de la France avec ceux de l’Antiquité : l’autre avoit pour objet, les Charges et les Dignités de la Couronne. On y devoit expliquer leurs fonctions, leurs droits, leurs priviléges, leurs prérogatives, etc. et montrer en quoi elles ressembloient aux Charges et Dignités modernes, en quoi elles en différoient. Trop habile pour ignorer quelle variété, quelle profondeur de connoissances étoient nécessaires pour exécuter de tels projets, ce grand homme eut aussi la modestie de se défier de ses talents : mais il se flattoit du moins que son exemple mettroit sur la voie des hommes plus capables qu’il ne croyoit l’être, de finir ce qu’il auroit ébauché. Des devoirs essentiels, les besoins de l’État qu’il servit avec distinction dans les guerres les plus sanglantes, et dans les négociations les plus délicates l’arrachèrent à ce travail qu’il reprit dans la suite, et qui néanmoins ne fut pas mis au jour.

Du Tillet, Greffier en chef du Parlement, ne tarda pas à remplir les vœux de du Bellay, pour le dernier de ces trois ouvrages, par le savant Traité de la Maison et Couronne de France.

Apres eux, Pasquier, Pithou, Nicot et Fauchet, mais sur-tout le premier, contribuèrent, par des recherches immenses, à éclaircir nos Antiquités Françoises. Mais quel nouvel éclat n’ont-elles pas reçu depuis, sous les ministères de Richelieu, de Mazarin et de Colbert, par les veilles des Duchêne, des Dupuy, des Pithou, des Valois, des du Cange, des PP. Labbe, Sirmond, le Cointe, d’Achery et Mabillon, et d’une foule d’autres qu’il seroit inutile de nommer.

À la vue de tant de secours qu’ils nous ont préparés, nous qui sommes soutenus, comme ils l’étoient de leur temps, de la protection du Roi et de la bienveillance de ses Ministres, pourrions-nous rester oisifs, dans un siècle où l’esprit de discussion et de critique, épuré par le goût, semble être au point de maturité ? Aussi les travaux de nos devanciers redoublent-ils le zèle de leurs successeurs. De nouvelles entreprises le disputent journellement aux anciennes, et concourent toutes au même but. Les Archives, les Bibliothèques ouvertes de toutes parts offrent des trésors inépuisables à qui veut les employer. De combien de Chartres, Chroniques, de Titres de toute espèce, nos laborieux Compilateurs n’ont-ils pas enrichi le Public ? Le savant Ouvrage du P. Mabillon si bien continué, si judicieusement augmenté par de nouveaux Ecrivains ; celui de Du Cange étendu, perfectionné dans la nouvelle édition qui attend encore un riche supplément, nous facilitent la lecture et l’intelligence de tant de précieux monuments. Rendons-en graces à leurs Auteurs ; mais osons le dire : ces secours seront toujours insuffisants, tant que nous n’aurons point l’ouvrage par lequel il aurait fallu commencer.

Budé et les autres Restaurateurs des Lettres comprirent qu’il ne suffisoit pas de multiplier par l’impression, et de répandre par-tout le texte des Ecrivains de la Grèce et de Rome, si l’on n’en donnoit aussi la clef, c’est-à-dire, des Dictionnaires exacts. Nos Littérateurs François n’ont point profité de cet exemple.

Au bout de 200 ans de travaux, malgré les voeux réitérés d’une multitude de Savants, et les instances de M. Falconet dans un Mémoire curieux qu’il lut en 1727 dans une assemblée publique de l’Académie, nous sommes encore à désirer un Glossaire François, qui nous fasse entendre la langue de nos anciens Auteurs. Nous avons, à la vérité, sur quelques-uns d’eux, des Glossaires particuliers, tels que celui de Loisel sur les Poésies d’Elinand, et quelques autres ; mais personne n’a, jusqu’à ce jour, embrassé l’objet dans toute son étendue.

En se bornant à répéter sans cesse des explications inutiles, souvent fausses ou hasardées du même mot, on a négligé d’en expliquer beaucoup d’autres qui arrêtent encore les lecteurs : on s’est dispensé d’assigner aux mots déja connus toutes les acceptions dans lesquelles ils ont été employés. Deux raisons peuvent avoir détourné de ce travail : d’une part, l’inutilité prétendue, à n’en juger qu’à la première inspection ; de l’autre, l’immensité des lectures en tout genre qu’exigeoit cette entreprise. Qu’avons-nous besoin, disent les uns, d’un Glossaire François ? tant d’hommes profonds dans notre Histoire n’avoient point ce secours, et n’ont point laissé d’être experts dans la lecture de nos vieilles Chroniques et de nos anciennes Chartres. J’en conviendrai, si l’on veut ; mais du moins faut-il m’accorder qu’à l’aide d’un Glossaire, les habiles gens les auroient encore mieux lues, ou plus facilement entendues. Les premiers pas, toujours les plus rebutants dans quelque carrière que ce soit, auroient été pour eux, et moins longs et moins pénibles : les Auteurs auroient plus utilement employé le temps qu’ils perdirent à s’échaffauder, à tâtonner, à deviner.

Comment se résoudre, disent les autres qui s’effrayent de l’immensité des recherches, à s’user les yeux sur une multitude de titres qui n’apprennent rien, ou presque rien ; à dévorer d’anciens livres fastidieux et barbares qui parlent chacun leur jargon, suivant les Provinces où vécurent les Auteurs, et quelquefois même selon le caprice d’une imagination égarée, qui n’admettait ni borne, ni ordre, ni convenance dans ses métaphores et dans ses figures ? Se condamnera-t-on à passer sa vie dans ce pénible exercice, et cela pour recueillir uniquement de vieux mots, dont un grand nombre se sont conservés dans le patois de quelques cantons de Province ? Présenter à une Nation éclairée, civilisée, excessivement délicate, des mots et des tours relégués dans les entretiens grossiers de la lie du peuple, ce seroit pour fruit de ses veilles, s’exposer au ridicule que ne manqueroient pas de jeter sur un pareil ouvrage des hommes superficiels, incapables d’en apercevoir l’utilité.

Pour vaincre des difficultés si rebutantes, pour s’exposer à de tels risques, il faut, j’en conviens, une sorte de courage ; mais enfin, si l’on s’étoit une fois bien persuadé qu’à ce prix on eût pu rendre un service considérable aux Lettres, à sa Nation, certainement, d’autres avant moi, se seroient chargés de cette entreprise. Quelle confiance d’ailleurs ne devoit point donner l’exemple du célèbre Du Cange, dont la mémoire ne périra jamais, tant qu’il restera parmi nous une étincelle de cet amour de la patrie, qui doit animer tous nos Savants.

Quelqu’immenses, quelqu’utiles que soient ses autres travaux, c’est sur-tout à son Glossaire qu’il sera redevable de l’immortalité. Aussi, pouvons-nous dire hardiment que nous tenons de ce grand homme la certitude de toutes les connoissances que nous ont transmis les Savants qui sont venus après lui ; que sans lui, leur marche dans la carrière de notre Histoire et de nos Antiquités ecclésiastiques ou civiles, eût été souvent incertaine et chancelante, et qu’en voulant nous guider, ils se seroient égarés eux-mêmes les premiers. Il est vrai qu’en déchiffrant le Latin barbare, il a sur-tout travaillé pour des hommes doctes qui peuvent seuls connoître la valeur de son travail : avantage dont ne peut se flatter également l’Auteur d’un Glossaire François. Cependant il faut convenir qu’un Glossaire François, sorti des mains de Du Cange, eût été un ouvrage précieux. Je sens la différence qu’on mettra toujours entre un homme unique, et quiconque entreprendra de le suivre ou de l’imiter : mais cette différence ne tombera que sur l’Auteur, et nullement sur l’objet de l’ouvrage. Sans entrer ici dans le détail de tout ce qu’ont dit les Ecrivains les plus graves à la louange du savant et judicieux Auteur du Glossaire Latin ; de son témoignage souvent réclamé par les plus célèbres avocats dans des causes très-importantes, et du poids qu’ont eu ses décisions dans les premiers Tribunaux du Royaume, je ne craindrai point d’avancer qu’il ne manqueroit au Glossaire François, pour jouir des mêmes avantages, que d’avoir été composé par un Auteur dont le savoir et la capacité répondissent à l’importance du travail. Il m’en coûtera peu de faire à cet égard tous les aveux qu’on voudra ; mais de quelque façon que cet Ouvrage soit exécuté, il répandra toujours quelques lumières sur notre ancienne Langue : et quelle autre Langue peut être plus intéressante pour nous, que celle de nos Ayeux, dans laquelle sont consignés les termes de nos Loix, de nos Coutumes, de notre Droit féodal et des redevances qui en résultent, de notre Milice, de nos Arts et de nos Métiers, de nos Manufactures, de notre Commerce, de nos Monnoies, des Mesures tant de nos grains et de nos boissons, que de nos héritages, et une infinité d’autres qu’il est aisé de suppléer ?

Pour ne parler que de ce qui concerne directement cette classe de Gens de Lettres qui font de notre Histoire et de nos Antiquités, l’objet principal de leurs études, j’insisterai sur un point essentiel, auquel, ce me semble, on n’a jamais fait assez d’attention. La connoissance de notre ancienne Langue est si nécessaire pour eux, que si d’avance ils ne la possèdent avec une certaine étendue, ils ne seront pas même en état de lire comme il faut, les Auteurs et les Monuments sur lesquels ils ont à travailler. Que sera-ce s’ils entreprennent de les publier ? Ils ne les donneront qu’avec des fautes, des altérations et des corruptions énormes, qui souvent en changeront le sens. Les plus habiles gens qu’ait eu la France dans l’art de déchiffrer les anciennes écritures, ont quelquefois publié des textes, qu’ils n’avoient pas su lire. Ne dissimulons pas ici, par une fausse délicatesse, ce qui se passa dans les premiers temps de l’Académie des Belles-Lettres, au sujet de ce mot caienaire, qui dans un ancien Manuscrit se trouvoit placé à la suite du nom d’un de nos Rois. Plusieurs Dissertations[1] constatent quelle fut la diversité des avis. Ce ne fut qu’après bien des discussions qu’on s’assura qu’il falloit lire cai en aire, en trois mots, qui signifioient ça en arriere, ou ci-devant ; c’est-à-dire, que St Louis, le Prince en question, étoit alors décédé. Le P. Mabillon lui-même de qui toute l’Europe savante apprit à déchiffrer les anciennes écritures, ne fut point exempt de tous reproches. Les méprises qui lui sont échappées, en publiant le texte des Sermons François de St Bernard, prouvent que cet habile Antiquaire ne connoissoit pas aussi parfaitement le vieux François que la Latinité du moyen âge. Après de tels exemples, est-il quelque Savant qui pût se flatter de ne point commettre de pareilles fautes ? Est-il quelqu’un qui pût rougir de les avoir commises ? N’hésitons pas à le dire : faute d’un Glossaire François, nous en sommes encore aux premiers éléments de la Grammaire, par rapport à la connoissance des monuments de notre Histoire, de nos Antiquités, et de notre Littérature. On n’aura pas de peine à s’en convaincre quand j’aurai fait connoître l’embarras et la confusion des caractères par lesquels nos anciens Titres et nos Manuscrits ont été transmis jusqu’à nous.

Sans parler des abréviations, souvent très-équivoques, qu’on y trouve à chaque ligne, les différentes parties du discours n’y sont distinguées par aucune sorte de ponctuation ; les mots commençant par des voyelles, et précédés d’articles ou de certains pronoms, n’offrent point d’apostrophes, qui fassent discerner l’un de l’autre ; deux mots sont, la plupart du temps, mis ensemble, comme s’ils n’en faisoient qu’un, tandis qu’un autre est coupé par le milieu, comme s’il en faisoit deux : enfin jamais on y verra de points sur les i, et par conséquent les jambages des m, des n et des u, qui avoient entr’eux beaucoup de ressemblance, sont presque toujours confondus avec les i : de sorte qu’un même mot peut être lu de huit ou dix façons différentes. La même difficulté se présente à chaque lettre : il n’en est presque aucune qui ne puisse être prise pour quelqu’autre ; les traits qui les distinguent sont imperceptibles aux yeux les plus clair-voyants. De-là tant de mots mal lus, dont on a fait autant d’articles dans des Glossaires particuliers, ou dans des notes, et qui ont été aussi mal interprétés, quand les Editeurs n’ont pas eu la bonne foi de convenir qu’ils ne les entendoient pas.

Quelle sera donc la ressource d’un lecteur dans la multitude de ces diverses leçons que le même texte lui présente, et qui sont toutes également bien fondées, à n’en juger que par le témoignage de ses yeux ? La connoissance de la Langue lui donnera le seul moyen qui lui reste de lever ses doutes, et de sortir de ce labyrinthe. Il tiendra pour suspects tous les mots que son texte lui offrira, lorsqu’ils lui seront inconnus : il admettra avec confiance ceux dont il apprendra, par le Glossaire, que l’usage est appuyé sur des exemples.

Pardonnons à nos Modernes une ignorance que l’éloignement des temps rend excusable.
300 ans que Molinet ayant déjà voulu interpréter le langage du Roman de la Rose, et Clément Marot le langage de Villon, ils tombèrent l’un et l’autre dans de pareilles bévues ; et ce qui peut les rendre excusables eux-mêmes, c’est que nous trouvons de semblables méprises dans des Manuscrits de 400 ans, dont les copistes ayant mal lu l’écriture des siècles qui les avoient précédés, substituèrent, au mot qui ne s’entendoit plus, un autre mot qui ne convenoit pas au sens de la phrase : ainsi trouvant le mot souignantage on a lu soingnantage ; et comme ce mot n’étoit pas entendu, on a mis à sa place celui de seingneuriage, au lieu de lire que Guillaume le Bâtard étoit né en souignantage (concubinage) qui vient du verbe souuiner formé du Latin supinare. On lit dans un de nos plus anciens Manuscrits du Roman du Brut, que Guillaume était né en seigneuriage ; ce qui ne peut avoir qu’un sens très-opposé à celui de l’Auteur original, et à la vérité de l’histoire.

On sent de quelle conséquence peuvent être de pareilles fautes pour l’Histoire, pour les Généalogies, et pour les autres objets de nos études. Les anciennes méprises s’accréditeront de plus en plus, se multiplieront, et en feront naître de nouvelles, si l’on n’y apporte le remède le plus prompt. Il n’y a pas de temps à perdre : des Recueils précieux, toujours protégés par le Gouvernement, tels que le Gallia Christiana, les Ordonnances de nos Rois[2], nos anciens Historiens[3], l’Histoire littéraire de la France[4], et l'Histoire de la Diplomatique[5], sont continués avec une ardeur toute nouvelle : d’autres non moins importants sont entrepris avec le même zèle et le même courage : une Description historique, géographique et diplomatique de la France[6], un Traité des Monnoies[7], une Histoire de toutes les branches du Droit public François[8], des Histoires particulières de plusieurs provinces de France : tous ces Ouvrages réclament unanimement le secours d’un Glossaire François ; mais il n’en est point, auquel il soit plus nécessaire, qu’à la grande collection de nos anciens Historiens, si l’on veut qu’elle paroisse avec toute la correction et la fidélité qui font le mérite des premiers Volumes. Elle approche du temps où nos Historiens ont commencé d’écrire en François : à l’aide d’un Glossaire, les textes anciens paroîtront avec plus d’exactitude ; les Editeurs et les Auteurs pourront être soulagés dans leurs pénibles recherches. Hâtons-nous donc de leur donner les secours qu’ils attendent de nos foibles lumières, et tâchons de mériter d’avance, autant que nous le pourrons, les avantages que nous retirerons avec usure de leurs soins, de leurs veilles et de leurs travaux.

Fondé sur les raisons que j’ai développées plus haut, je compris, en commençant un cours réglé d’études sur notre Histoire et sur nos Antiquités, que je devois recueillir, pour mon usage, les vieux mots François de nos premiers Ecrivains, afin que la comparaison de divers passages où se rencontrent ces mots, pût me donner le moyen de les entendre.

Un grand loisir, que je dois au bonheur de ma destinée, et une assiduité presque continuelle pendant plus de trente ans à faire des lectures qui tendoient toutes au même but, m’ont mis en état de rassembler une multitude immense de ces mots suranés. J’ai cru pouvoir en composer, je ne dirai pas un Glossaire aussi savant, et aussi bien fait que celui de Du Cange ; mais du moins un ouvrage de même nature qui auroit aussi son utilité. J’ai tâché, autant que je l’ai pu, de me former sur cet excellent modèle : trop heureux de suivre de très-loin un guide qui marche à pas de géant, un Savant universel qui par des travaux infatigables s’étoit approprié les connoissances de tous les siècles et de tous les pays.

En réunissant sous un même point de vue dans l’ordre alphabétique, les vieux mots épars dans un grand nombre d’Auteurs de tous les âges, j’ai voulu représenter fidèlement notre ancienne Langue. Il m’a donc paru nécessaire de l’étudier dans tous ses rapports, et dans toutes les variétés, pour me déterminer sur le choix des mots que je devois faire entrer dans cette collection, ou que je pouvois en exclure.

Lorsque je suis venu à considérer les différentes classes de lecteurs auxquels j’avois à répondre, je me suis vu entre deux écueils également dangereux : les uns avides de tout savoir exigent qu’on ne leur épargne aucun détail, et font un crime à l’Auteur de tout ce qu’il dérobe à leur curiosité ; les autres, d’un goût plus superficiel, voudroient que l’on se bornât à l’étroit nécessaire ; leur vue n’aperçoit que les objets d’une utilité directe et palpable ; ils traitent de minutieux certains détails, faute d’appercevoir, du premier coup d’oeil, le rapport que ces détails peuvent avoir à d’autres objets plus généraux et plus importants. J’ai tâché de tenir un juste milieu, en évitant d’en dire trop, et de n’en pas dire assez. Peut-être trouvera-t-on que je donne encore dans le premier de ces deux excès, entraîné par le penchant naturel dont on a peine à se défendre lorsqu’on traite un sujet qu’on affectionne. Telle remarque ne s’est présentée qu’à la suite d’un grand nombre de lectures : telle autre découverte est le seul fruit qu’on ait recueilli d’un Auteur très-rare que personne ne lit plus. La singularité, la difficulté ont d’abord fait saisir ces objets comme intéressants, ou du moins comme curieux : on leur a donné un degré d’estime
dont on a peine à se départir : on croit ne pouvoir se dispenser d’en faire usage : on s’y complaît, on les conserve comme s’ils devoient nécessairement piquer la curiosité ; mais le lecteur impartial reçoit souvent avec froideur et quelquefois avec dédain ce que l’Auteur lui présente avec enthousiasme. On a beau vouloir être en garde contre la prévention ; il est difficile, en certains cas, de tenir toujours la balance égale entre son propre goût et celui des autres. Il me sera sans doute arrivé plus d’une fois de passer les bornes que j’ai eu intention de me prescrire ; mais j’ose espérer qu’on voudra bien avoir pour moi quelqu’indulgence : ce n’est pas trop demander pour les peines que j’ai prises.

Quoique le but principal de cet Ouvrage soit de donner ou de faciliter l’intelligence du langage de nos anciens Ecrivains, on ne se bornera pas cependant à rapporter tous les mots dont ils se servent et qui sont maintenant inusités : on y joindra les mots qui nous sont encore familiers, mais qui eurent autrefois une signification différente de celle que nous leur donnons. On s’attachera dans tous ces articles à démêler d’abord leur sens propre ; ensuite on expliquera suivant l’ordre progressif des idées, qui paroîtra le plus naturel, les autres significations plus étendues et quelquefois détournées qu’ils ont eues depuis ; soit qu’ils aient conservé la même forme, soit qu’ils aient éprouvé quelques foibles altérations.

Chaque acception du mot sera toujours prouvée par une ou deux autorités ; et l’on indiquera par des renvois les autres Auteurs qui auront employé le mot dans le même sens. Si le lecteur n’est pas entièrement satisfait de nos explications, il pourra, moyennant ces renvois, s’assurer par lui-même si elles s’accordent avec l’usage que les Ecrivains indiqués auront fait du même mot. Supposé qu’il trouve dans ces Auteurs notre justification, et des moyens de lever ses doutes, nous nous en applaudirons ; s’il y rencontroit des significations opposées aux nôtres, ou qui n’y seroient pas exactement conformes, nous ne laisserions pas encore de nous en applaudir. Comme nous cherchons autant à nous instruire qu’à instruire les autres, nous désirons que nos méprises soient relevées. Nous serons trop contents d’avoir fourni des armes à ceux qui combattront nos erreurs : nous ne cherchons que la vérité.

À la vue de certains passages qui accompagnent notre explication, on pourra dire quelquefois que le sens de ces textes est si clair que ce n’était pas la peine de faire des articles pour des mots qui s’expliquent d’eux-mêmes. Mais je supplie ceux qui me feront cette objection de penser que la comparaison de ces passages multipliés a souvent été l’unique voie qui nous ait conduits à l’intelligence du mot ; que sur un grand nombre de phrases où il se rencontre, nous avons choisi celles qui pouvoient en moins de paroles en donner l’interprétation la plus nette et la plus incontestable ; mais que ces mots se trouvent souvent confondus avec des mots inintelligibles dans d’autres phrases louches, obscures, embarrassées ; dans des manuscrits difficiles à lire, dans des textes corrompus ou défectueux, où, sans les autres exemples que nous citons, il étoit impossible de les deviner.

À l’égard des mots dont la signification nous sera totalement inconnue, ou sur lesquels on n’a jusqu’ici que des soupçons et des conjectures, nous rapporterons en entier tous les passages où nous les aurons remarqués ; d’une part ces citations accumulées pourront dissiper les doutes des lecteurs et lever leurs difficultés ; de l’autre ils apporteront au mot dont la signification est ignorée quelques degrés de lumière ; et cette foible lueur, jointe à celle que fourniront d’autres passages qu’on pourra déterrer dans la suite, achèvera peut-être un jour de donner tous les éclaircissements que nous cherchons.

Des significations primitives et secondaires, nous passerons aux acceptions métaphoriques ou figurées qui sont encore plus abondantes chez les peuples dont la barbarie et la grossièreté a fait long-temps le caractère, que chez les nations où l’esprit et la politesse ont régné pendant plusieurs siècles. Très-souvent la signification accessoire est devenue la principale, et quelquefois a fait disparoître la signification originaire. Ces termes métaphoriques une fois admis dans l’usage universel, n’appartiennent pas moins à la langue que les mots pris dans le sens propre : ils ont dû nécessairement entrer dans notre Glossaire. Mais il est une autre classe de termes métaphoriques différents de ces premiers. Je parle de ceux que chacun se faisoit à sa fantaisie. On voit bien en général que nos vieux Auteurs sont remplis de mots de cette espèce. Nos Poëtes sur-tout en imaginent, en forment un nombre prodigieux. Dans cette foule innombrable de métaphores fabriquées à plaisir, et qui périssoient en naissant, comment, au travers d’une antiquité si reculée, démêler celles qui appartenoient à notre Langue, de celles qui n’étoient que le jargon de tel ou de tel Ecrivain ? Comment discerner celles qui firent quelque fortune, et qui du moins pour un temps furent adoptées ? Nous n’avons pas toujours assez de pièces de comparaison pour faire ce triage. Falloit-il admettre dans notre collection tous ces termes métaphoriques ? Falloit-il les en exclure indistinctement ? N’ayant point de règle certaine qui put nous fixer sur le choix, nous nous sommes laissés aller au hasard ; et peut-être nous y sommes-nous trop livrés. Peut-être trouvera-t-on que nous avons admis un trop grand nombre de ces différentes significations. Mais elles serviront du moins à mieux entendre les passages où elles sont employées : elles feront connoître le génie des Auteurs, et pourront justifier l’explication que nous aurons donnée à d’autres mots formés selon la même analogie : ce seront quelquefois des énigmes, des rébus, des logogryphes, qui donneront le moyen d’en deviner d’autres.

On a dit par exemple : Payer lance sus fautre. Il seroit difficile d’assigner la véritable signification de de cette façon de parler, si l’on ignoroit que lance sus fautre, veut dire lance en arrest, lance appuyée sur le feutre qui garnissoit la cuisse, et que c’étoit dans l’attitude de la lance sus fautre, que les Gendarmes recevoient leur paye aux revues : de là on a dit payer lance sus fautre, pour payer exactement, payer aussi régulièrement que l’on payoit les Gendarmes qui étoient sous les armes.

L’equivoque du mot Pou qui s’est dit tantôt pour Paul, nom propre, tantôt pour Peu adverbe, a servi à faire des proverbes, ou du moins des expressions abusives. On a dit : Par S. Pou, comme on dit encore populairement : Par S. Peu. On se servoit du mot S. Pou, pour désigner un homme pauvre, peu accommodé des biens de la fortune.

Le mot Adesésplume qu’on trouve dans Phil. Mouskes, seroit inintelligible, si l’on n’étoit familiarisé avec la bizarrerie de nos Ecrivains dans la tournure de leurs phrases. Ce Poëte parle d’un Prince qui distribue à toute sa Cour des manteaux et des robes neuves : il dit qu’il n’y ot onc adesés plume, du mot adeser, toucher ; ce qui signifie que jamais plume n’y avoit touché, que jamais on n’y avoit essuyé sa plume ; c’est-à-dire, que les manteaux étoient tout neufs et sans la moindre tache.

La plupart de ces façons de parler venoient de nos Poëtes Trouvères ou Romanciers : leurs vers et leurs chants, dont les Cours des Seigneurs avoient retenti, après les lectures publiques et les représentations, passoient de bouche en bouche. Leurs expressions avoient l’honneur de devenir proverbiales. Dans ces temps de barbarie ils donnoient le ton, comme ont fait, dans le siècle le plus poli, les Corneille, les Racine, les la Fontaine, les Despréaux, les Moliere, les Quinault et leurs pareils. Notre langue s’est encore surchargée des dépouilles rustiques et grossières des anciens Auteurs, bien plus qu’elle ne s’est enrichie des ornements précieux de nos Modernes.

Le choix des proverbes ne nous a pas semblé moins embarrassant que celui des métaphores. Tout Dictionnaire admet les proverbes qui sont usités ; ceux qui ne le sont plus doivent donc entrer dans notre Glossaire ; mais plus grossiers encore que ceux d’aujourd’hui, souvent ils offrent des images qui révoltent et qui dégoûtent. J’ai quelquefois écouté la répugnance que j’avois à les présenter ; d’autres fois j’ai cru pouvoir franchir les bornes qu’elle sembloit me prescrire ; mais je me suis fait une règle générale de conserver ceux qui se trouvent dans nos plus anciens Auteurs, tels que nos Poëtes des XIIe, XIIIe et XIVe siècles, sur-tout lorsqu’ils se rapportoient à des noms de Peuples, de Provinces et de Villes. Ils nous font connoître le caractere des Peuples, ou celui qu’on leur attribuoit alors.

Par exemple, nous lisons dans les Poëtes François qui ont écrit avant 1300 : Li buueor d’Aucerre, Li musart de Verdun, Li usuriers de Més, Li mangeor de Poitiers. D’autres proverbes nous apprennent les talents particuliers des Peuples de quelques Provinces, comme : Li meillor Archer en Anjou, Chevalier de Champagne, Escuier de Bourgoigne, Serjant (Fantassin) de Hennaut. Quelques-uns servent à nous faire connoître que tel ou tel Pays étoit renommé pour certaines productions de la terre ; exemple : Oignons de Corbueil, les Eschaloignes d’Estampes : d’autres pour certains animaux, comme le Harant de Fescant, les Lamproies de Nantes, les Escrevisses de Bar, les Roncins de Bretaigne, les Chiens de Flandres, etc. d’autres enfin pour quelque commerce, fabrique ou manufacture, comme l’Equarlate de Gant, le Camelin de Cambrai, le Bleou d’Abevile, les Coteaux de Pierregort, le Coivre de Dinant, le Fer de l’Aigle, les Coupes d’argent de Tors, la Toile de Borgoigne, les Tapis de Rains, l’Estamine de Verdelai (Vezelai,) etc.

Des Maisons illustres, des Hommes célèbres ont également donné lieu à des proverbes. Nous avons jugé à propos de conserver à leurs descendants ces preuves glorieuses des vertus et des exploits de leurs pères. Brantôme, Cap. Fr. T. 2, après le récit de la mort de M. de Termes, ajoute : On disoit de lui en Piedmont, Sagesse de Termes, et hardiesse d’Aussun : l’Espagnol de même en disoit autant : Dieu nous garde de la sagesse de M. de Termes et de la prouesse du Sieur d’Aussun, qu’on tenoit dès ce temps-là un très-vaillant et fort hardy et hazardeux Capitaine, p. 217 et 218. On avoit anciennement un autre proverbe ou dicton appellé Vaudeville, qui ne fait pas moins d’honneur à six Maisons illustres du Dauphiné, Arces, Varces, Granges et Comiers : Tel les regarde qui ne les ose toucher ; mais garde la queue des Berengers et des Alemans : (Expilly, Annotat, sur l’hist. du Chevalier Bayard.) Il n’est presqu’aucune de nos Provinces qui ne nous fournisse quelques uns de ces dictons que nous nous ferons un plaisir de rapporter.

Les mots qui composent les différents articles de ce Glossaire n’ont pas tous une orthographe fixe et décidée. Il n’est pas rare que le même mot se trouve écrit de plus de huit ou dix façons différentes. Ces variations se rencontrent dans le même siècle, dans la même Province, dans le même Auteur, souvent en grand nombre dans la même page. Quelquefois, à l’aide de l’étymologie et par analogie, on peut discerner quelle est la vraie orthographe ; mais assez communément la critique est en défaut. Alors il seroit impossible d’asseoir son jugement, sans s’exposer à de lourdes méprises. D’ailleurs si nous nous déterminions pour une de ces orthographes par préférence, et sans faire mention des autres, le Lecteur qui chercheroit le mot sous une orthographe différente, allant consulter un article du Glossaire où il ne seroit point, ne pourroit deviner en quel endroit nous aurions porté ce mot. Il faut donc que
le Glossaire le lui présente de toutes les façons dont il peut avoir été écrit ; ainsi nous avons pris le parti d’admettre toutes les orthographes, sauf à renvoyer quelquefois de la moins commune à la plus ordinaire. Dans celle-ci nous suivons la méthode ordinaire de tous nos articles : nous donnons quelques citations entières du texte de nos Auteurs, et nous indiquons ensuite les autres par des renvois aux pages : mais lorsque d’une orthographe moins commune, nous renvoyons à une autre qui l’est davantage, nous nous contentons ordinairement de faire connoître, par de simples renvois, les Auteurs qui ont employé cette orthographe, dont les exemples se rencontrent plus rarement.

La commodité des Lecteurs qui auront besoin de feuilleter ou de consulter notre Glossaire, n’est pas l’unique raison qui nous ait déterminés à rapporter toutes les différentes orthographes d’un même mot : outre qu’elles serviront quelquefois, par leur analogie réciproque, à confirmer nos explications, nous espérons que les Savants pourront en recueillir d’autres avantages. Les différents degrés par lesquels le même mot a passé, en recevant plusieurs changements successifs dans la prononciation, dans son orthographe, etc, sont autant de chaînons qui nous conduisent de proche en proche à l’origine du mot dont nous nous servons aujourd’hui.

Pour faire sentir combien il est nécessaire, pour démêler précisément la vraie signification d’un mot, de connoître les diverses manières dont il se trouve orthographié, je citerai le mot adeser et adaiser qui se lit assez fréquemment dans nos plus anciens Ecrivains : son acception la plus générale est celle d’approcher, toucher, mettre la main à quelque chose : on trouve même adeser la main pris dans ce dernier sens. Si nous n’avions que ces deux orthographes adeser et adaiser, nous n’aurions encore qu’une connoissance très-imparfaite et presque fausse de ce mot. Une autre orthographe, en levant, pour ainsi dire, le voile qui couvroit son origine, nous en donne une explication juste, claire et précise. Quelquefois on écrit adoiser. Il est visible que le mot dois que l’on a dit pour doigt, et celui de qui nous reste encore pour signifier un Dé à coudre, sont les racines du mot adaiser, adeser, adoiser, et qu’ainsi adoiser est proprement toucher du bout du doigt : en effet nous trouvons adeser et adoiser joints au mot toucher, non comme lui étant synonymes, mais pour dire ne toucher que très-superficiellement et comme du bout du doigt.

Il seroit difficile d’assigner aux mots Godendars et Godenhoc leur véritable étymologie, s’ils n’étoient écrits que de ces deux manières. Guillaume Guiart qui l’a écrit Godendac, donne lieu de conjecturer que ce mot qui s’est dit d’une hallebarde ou pertuisane, sorte d’arme dont se servoient les Flamands, vient des deux mots Allemands ou Flamands gout tag qui signifient, bonjour. L’usage où nos soldats sont encore aujourd’hui, pour marquer qu’ils se font un jeu de la guerre, d’appliquer à ses opérations les plus cruelles, les expressions les plus gaies et les plus riantes, autorise à penser que des peuples grossiers avoient plus essentiellement cette habitude : ainsi percer d’un godendac, d’un godendars ou godenhoc, étoit proprement donner le bonjour, dire le dernier adieu à celui qu’on avoit tué ou blessé. Rabelais nous apprend que l’expression de bonjour étoit autrefois usitée au jeu des échecs, quand on donnoit échec à quelque pièce principale.

Veut-on pareillement démêler l’origine et la signification du mot Adés, tout présentement, maintenant, continuellement, sans cesse ? on fera de vains efforts, si, comme Ménage, on le dérive du Latin ad ipsum tempus, ou de quelque autre source aussi suspecte : mais qu’on rencontre le mot adés mis avec tout, comme on le rencontre souvent, et qu’on lise ensuite adies pour adés, il n’y a personne qui ne voie que tout adies, est le même que le Latin tota dies ; qu’il a d’abord signifié toujours, et qu’on l’a pris ensuite pour tout à l’heure, de même qu’on donne au mot incessamment l’une et l’autre signification.

Cette manière de découvrir les étymologies de nos mots est plus naturelle, plus sûre et plus facile que celle dont se servent nos plus savants étymologistes. Ils se perdent dans des combinaisons forcées de nos mots François avec ceux des langues Hébraïque, Grecque, Arabe, etc. tandis qu’ils ont sous leur main dans nos anciens Auteurs ce qu’ils vont chercher à grands frais dans les climats étrangers.

Les seuls mots Graigues, Triquoise et Taïaut, montrent qu’un très-léger changement dans l’orthographe, suffit pour faire appercevoir des étymologies qu’il seroit difficile de trouver par d’autres moyens. Puisqu’on lit Garigues au lieu de Graigues, il est certain que le mot populaire Graigues vient de ce mot Garigues, qui lui-même a été pris du Latin Caligæ. En lisant Turquoise au lieu de Triquoise, on juge que cette espèce de tenailles dont se servent les maréchaux, étoit un instrument emprunté des Turcs. Enfin quel besoin d’aller, comme quelques-uns de nos Savants, fouiller dans les Vocabulaires hébreux pour déterrer l’origine du mot Taïaut consacré à la chasse ? lorsqu’on lit iaux pour eux, et à iaus pour à eux ; lorsqu’on sait que cette expression à iaus, fut employée pour exciter les troupes au combat, et que l’on s’en servoit aussi anciennement à la chasse pour animer les chiens, peut-on se dispenser de reconnoître que Taïaut a été formé de aiaus pour à eux, en y ajoutant un t, comme on a fait dans le mot Tante originairement ante, tiré du mot latin amita !

Il en est de même du mot Simagrée que nos Dictionnaires modernes définissent certaines façons de faire affectées, certaines minauderies. La Piquetière Blouin le dérivoit de simulacrum, et Ménage le tire de simia qu’il traîne selon la méthode par les diverses gradations qu’il fait essuyer aux mots radicaux ; mais un de nos anciens Poëtes nous conduit très-naturellement à l’origine de simagrée. En parlant des Juges qui faisoient plier les règles sous leur autorité, et qui vouloient que leurs décisions fussent la suprême loi, il dit qu’ils jouoient au jeu S’y m’agrée ; c’est-à-dire, il m’agrée, il me plaît ainsi. Le mot jouer étoit fréquemment employé pour former de pareilles phrases. Les simagrées étoient donc proprement les airs d’un Juge sur son tribunal où il tranchoit du souverain. Dans la satire contre le Président Liset, Bèse qui prononçoit chimagrée, se sert du mot chimagrea au sujet des cérémonies qu’il traite de superstitieuses, et dont il prétend que Liset est le législateur et l’ordonnateur. On a dans la suite étendu ce mot à toute espèce de grimace.

Ce que je dis de l’étymologie de nos mots François, peut trouver son application dans plusieurs autres Langues. De tout temps nous avons emprunté de nos voisins des mots et des façons de parler : de tout temps ils en ont emprunté de nous. Il n’est peut-être aucune nation en Europe, qui ne trouve dans ce Glossaire de quoi étendre et perfectionner la connoissance de sa propre Langue. Les Allemands, les Anglois, les Espagnols, les Italiens sur-tout, verront des conformités singulières entre leurs différents idiômes et le nôtre.

Nous osons encore promettre aux Grammairiens qui desirent remonter à la source de quelques façons de parler, ou de quelques constructions irrégulières dont il n’est pas aisé de démêler le principe et de donner des raisons plausibles, qu’ils pourront trouver dans certains tours de phrases de notre ancienne Langue, la solution d’une partie de ces problêmes. L’expression qui nous est si ordinaire, agir de grand cœur, est une de celles que nous choisissons parmi beaucoup d’autres. À moins que les mots magno corde qu’on lit dans la Vulgate, n’ayent produit ceux de grand cœur, on ne démêle pas d’abord le rapport qu’il y a entre l’épithète grand et le mot cœur ; mais quand on lit dans nos Auteurs de greant cœur, pour dire, de cœur qui agrée, on voit alors que grand est une corruption de greant qui emporte avec lui une idée fixe et déterminée.

Quant à nos constructions irrégulières, peut-être que les Grammairiens seroient fort embarrassés de dire pourquoi on met un que après le si et après le comme dans le second membre des deux phrases suivantes : Si vous faites telle chose, et que ; et celle-ci : Comme vous irez là, et que. Notre ancienne Langue leur donnera la solution de ce Problême. On disoit anciennement : S’il avient chose que ; et : Comme il soit ainsi que : alors le second que se plaçoit naturellement au second membre de la phrase ; mais lorsque depuis, pour rendre notre Langue plus brève et plus vive, on en est venu à changer la phrase, en ne mettant qu’un simple si, ou un simple comme, on n’a pas fait attention qu’alors le que qui suivoit le si et le comme, blessoit les règles de la Grammaire. L’habitude l’a fait conserver dans des temps où les Grammairiens n’y regardoient pas de si près ; et cette habitude invétérée a fait trouver dans cette phrase, très-vicieuse en elle-même, le mérite de ce qu’on appelle gallicisme. Je cite cette découverte qui s’est présentée à moi : les Grammairiens plus éclairés et plus attentifs, en pourront faire beaucoup d’autres plus curieuses et plus importantes.

Tous ces différents articles réunis, présentent l’histoire générale de notre Langue ; et c’est encore un objet utile que nous nous sommes proposé. Ainsi l’on rencontrera dans cette collection diverses remarques sur des mots, soit anciens, soit modernes, dont quelques-uns ont cessé d’être en usage pour faire place à d’autres qui nous ont été fournis par nos liaisons avec les étrangers ou d’autres circonstances. Lorsque quelqu’un de nos Ecrivains a donné l’époque fixe et certaine de la naissance d’un mot, de la chûte, de l’introduction d’un autre qui peut-être aura depuis été remplacé par un plus nouveau, nous avons eu soin d’en avertir. Ces époques serviront de pierre de touche pour connoître l’authenticité ou la supposition de quelques actes ou titres suspects qui remontent aux mêmes dates. Ces époques aideront aussi les critiques à découvrir l’âge d’un écrit dont l’auteur est inconnu ; et quelquefois même, si l’on attribue cet ouvrage à divers auteurs, elles détermineront auquel il appartient vraisemblablement : car il y a tel mot qui ne se trouve employé que dans l’espace de 40 ou de 50 ans, et même tel autre qui ne l’est que par un seul Ecrivain.

Bisognes, Bisoignes et Bizognes, qui signifioit nouveaux soldats ou fantassins de nouvelle recrue, se disoit particulièrement des soldats Espagnols. Ce mot qui se trouve dans Brantôme, dans les Négociations de Jannin, dans les Mémoires de Montluc et dans les Mémoires de Sully, n’est employé que dans les ouvrages de leurs contemporains. Tabureau dans ses Dialogues, et l’auteur des Contes d’Eutrapel, nous apprennent que les mots Folatre, Accorter, Aborder, Aconche, et beaucoup d’autres, s’étoient mis à la mode parmi les gens du bel air qui se piquoient de beau langage, et que la plupart de ces termes venoient des Italiens. On trouve des remarques à peu près semblables, sur les mots, Accortement, Fanterie et Fantassin, Escadres et Régimens, Morion, Armet, Acoutremens de tête, et plusieurs autres appartenants à la guerre. Fauchet, dans ses origines, dit que les Aventuriers qui suivirent dans les guerres d’Italie Charles VIII, Louis XII, et François I, prirent depuis le nom de soldats, à cause de la solde qu’ils touchoient. Guillaume du Bellay vantant les services que Baïf avoit rendus à notre Langue, dit expressément que c’étoit cet Auteur qui l’avoit enrichie du mot Aigredoux. Le mot Agenci pour enjolivé, rendu joli, gentil, et le mot Emmaïoler donner le mai à la maîtresse, ne se trouvent que dans les Poësies manuscrites de Froissart. Plusieurs articles de notre Glossaire présenteront des exemples de cette espèce.

Il ne faut pas étendre trop loin l’application de ces remarques ; mais elles pourroient être de quelque secours dans le cas où la critique n’offriroit point d’autre ressource.

Telles sont les principales attentions que nous avons eues dans la composition de cet Ouvrage. Si nous avions voulu lui donner tout l’appareil d’érudition dont il est susceptible, nous aurions pu feuilleter les Dictionnaires anciens et modernes des différentes Langues de l’Europe, en comparer les mots avec les articles du Glossaire de Du Cange, et de celui que nous présentons. Il y a peu de mots auxquels, à la faveur de l’analogie, de la différente orthographe, des conversions de lettres, et des rapports directs ou indirects d’une signification à l’autre, nous n’eussions trouvé une étymologie ou vraie ou vraisemblable. Si nous n’étions pas arrivés précisément à la source, nous aurions pu nous flatter du moins d’en avoir approché le plus près qu’il étoit possible ; mais nous avons mieux aimé satisfaire l’impatience où nous sommes de donner aux Gens de Lettres, par la prompte publication de notre Ouvrage, les secours dont ils ont besoin pour la lecture de nos anciens Écrivains.

Uniquement occupés de notre objet essentiel, et comme renfermés dans notre sphère, nous laisserons à des mains plus habiles le soin d’élever l’édifice entrepris par le savant Ménage, d’en asseoir les différentes parties sur des fondements plus solides, et de le conduire à sa perfection.

On trouvera dans ce Glossaire des articles qui n’appartiennent point du tout à la Langue : je veux parler des noms propres et des noms de lieux corrompus et défigurés par nos vieux Écrivains, jusqu’à être méconnoissables. Nous avons quelquefois expliqué ces noms, d’autres fois nous avons simplement rapporté le texte, laissant au lecteur le soin de conjecturer. Il pourra lui-même rencontrer ces noms sous la même forme, ou sous une autre approchante, dans des lectures que nous n’aurons pas faites ; et peut-être qu’en joignant ces passages aux nôtres, il déterminera la signification. Enfin nous avons réuni sous les yeux du lecteur les différents temps de quelques verbes dont il lui auroit été difficile de former la conjugaison.

Malgré toutes nos attentions pour ne rien omettre de tout ce que peut desirer un lecteur curieux de s’instruire, attentions que bien des gens pourront trouver minutieuses et surabondantes, il arrivera peut-être que d’autre nous reprocherons de n’être point entrés dans un certain détail sur nos antiquités, sur nos anciennes mœurs et sur les divers usages de notre Nation. Ces articles dans le Glossaire Latin de Du Cange en sont la partie la plus riche et la plus précieuse ; mais c’est par cette raison même que nous pourrions nous disculper : cette portion si curieuse de notre Histoire, n’étoit pas connue de son temps, comme elle l’a été depuis la publication de son Glossaire et de ses Dissertations : il nous a laissé si peu de choses neuves à dire sur ce sujet, que nous n’aurions eu qu’à le traduire. D’ailleurs ces articles sont si peu de l’essence d’un Glossaire, que M. de Valois les reprochoit à l’Auteur comme des hors d’oeuvre. À Dieu ne plaise, que pour nous dispenser de suivre l’exemple de M. du Cange, et pour déguiser aux autres les bornes de nos connoissances, nous approuvions cette censure. Il n’y auroit pas moins d’ingratitude que d’injustice à l’adopter. Si cette surabondance du Glossaire Latin est un défaut, c’en est un dans lequel il n’appartenoit qu’à Du Cange de tomber : cette érudition que M. de Valois traitoit de déplacée et de superflue, est une source inépuisable d’instruction qui ne nous a presque jamais manqué, quand nous y avons eu recours. Que nous serions heureux d’avoir pu mériter de pareils reproches, et de n’en mériter aucun autre.



Ce prospectus date de 1756. Cependant plusieurs années s’étaient écoulées, et La Curne de Sainte-Palaye n’avait pas encore pu livrer son Glossaire à l’impression. Enfin, en 1763, il fit part à l’Académie de sa détermination de publier un ouvrage qui, selon ses expressions, avait été pendant quarante années le principal objet de ses études. Nous ne possédons pas ce discours, mais le Journal Historique sur les Matières du temps en renferme de nombreux extraits et donne une fidèle analyse des parties qu’il ne cite pas. Nous reproduisons cet article, qui parut dans la livraison du Journal Historique du mois de juillet 1763, sous le titre de : Extrait de la première partie de la Préface d’un Glossaire François, lue par M. de La Curne de Sainte-Palaye, à la Rentrée publique de l’Académie Royale des Belles-Lettres, d’après Pâques de cette année :

« Il y a long-tems que l’utilité d’un Glossaire François a été sentie de ceux qui veulent étudier notre histoire dans les sources. Que de trésors remplis des plus riches monumens sur les antiquités de notre Nation, dont l’accès a été interdit jusqu’à présent, à la plupart des Lecteurs, faute de clef pour y pouvoir pénétrer ! Or, l’ouvrage de M. de Sainte Palaye va ouvrir ces précieux dépôts à tous les Curieux, et augmenter en même-tems le nombre de nos connoissances historiques. Le plaisir que le Public a fait paroître lorsqu’il a entendu la lecture de cette belle Préface, nous persuade que nos Lecteurs n’en verront pas avec moins de satisfaction, l’analyse que nous en allons faire. Nous avertissons que nous emprunterons les expressions de l’Auteur ; on n’en pourroit pas choisir de meilleures. Nous nous faisons sur-tout un devoir de transcrire fidélement son début. Le ton de modestie qui y régne, est une nouvelle preuve que le langage de cette belle vertu n’a pas encore vieilli parmi nous, et nous confirme dans l’espérance de l’y voir subsister tant que nous posséderons des hommes d’un vrai mérite.

« Je me détermine enfin, dit Monsieur de Sainte Palaye, à publier un ouvrage qui a été pendant quarante années, le principal objet de mes études, et que je sens moi-même n’être pas encore au degré de perfection dont il seroit susceptible. Les raisons qui me décident à le donner tel qu’il est, me justifieront peut-être auprès des Lecteurs.

« Il est deux âges dans la vie, qui exigent des Gens de Lettres deux différentes manières de se conduire ; le tems où l’on entre dans la carrière ; et celui où, après en avoir parcouru un assez long espace, on commence à craindre que les forces ne manquent pour aller jusqu’au terme qu’on s’étoit proposé. Ne vous pressez pas de vous montrer au grand jour, dit-on, sans cesse, aux jeunes gens, impatiens de se faire honneur de leurs premières productions : attendez que la réflexion les ait mûries. Il n’en est pas de même pour ceux qui ayant passé un tems considérable à se remplir des connoissances nécessaires au plan qu’ils avoient formé, se trouvent en état de communiquer aux autres ce qu’ils ont recueilli : Hâtez-vous de le répandre, pourroit-on leur dire à plus juste titre : N’attendez-pas qu’affoiblis, ou refroidis par l’âge, vous ne puissiez plus donner à la composition toute la chaleur qu’elle demande. Ne perdez pas les momens précieux qui vous restent ; et tâchez de vous rendre utiles, tandis que vous pouvez l’être encore. Combien de Savans en effet, ont étudié toute leur vie, en se promettant qu’un jour le public jouiroit du fruit de leurs études, et ne lui ont laissé que des regrets superflus !

« J’avois cru, lorsque je publiai le Prospectus de mon Glossaire, qu’ayant assemblé les matériaux de l’ouvrage, il m’en coûteroit peu pour élever l’édifice. Mais j’ai trouvé dans ce nouveau travail, des difficultés que je n’avois pas prévues, et qui se sont multipliées à mesure que j’avançois. Cependant il falloit répondre aux désirs du public, qui, après avoir applaudi à mon projet, sembloit en attendre l’exécution avec une sorte d’impatience. Et moi-même, je n’en avois pas moins de m’acquitter envers deux Compagnies célèbres qui étoient également en droit de me demander compte de mon travail. L’une, à raison de l’ancien engagement que j’avois pris avec elle, de me consacrer sous ses yeux à ce genre de Littérature, et de m’y conduire par ses lumières ; l’autre ([9]), parce que je m’en étois fait un titre pour aspirer à l’honneur de lui appartenir, et qu’en m’adoptant, elle avoit eu, vraisemblablement, égard à la liaison qu’elle voyoit entre l’ancienne Langue dont j’ai ramassé les débris, et celle dont elle s’occupe à maintenir la pureté. Ce qui ajoutoit encore à mon empressement, c’est que j’avois appris de plusieurs Membres de l’Académie Françoise, que dans une Séance où l’on avoit mis autrefois en délibération différens projets de travail qu’elle pourroit exécuter, celui d’un Glossaire de l’ancien François, proposé par M. de la Monnoie, avoit été regardé comme un des plus intéressans pour la Nation.

« Ces dernières raisons l’ont emporté sur le scrupule que je me faisois de livrer mon ouvrage à l’impression, avant que de m’être assuré par de nouvelles recherches qu’il ne me restoit plus rien à faire pour le rendre digne du public. J’étois d’ailleurs averti par mon âge, qu’il ne s’agissoit plus pour moi de travailler à former de nouveaux amas de matériaux ; que le tems d’employer ceux que j’avois sous la main, étoit près de m’échapper ; et que je ne devois pas espérer de parvenir à épuiser toutes les sources, d’où il seroit encore possible d’en tirer. Car telle est la nature de ces sortes d’ouvrages : ils peuvent recevoir des accroissemens à l’infini, et ne s’achèvent que par degrés. Le fameux Glossaire de la Basse Latinité n’étoit originairement composé que de trois Volumes : Deux savans Bénédictins l’ont augmenté de moitié ; et dans peu, si le zèle des Libraires répond aux voeux des amateurs de nos Antiquités, nous aurons un supplément non moins ample que les premières additions.

« Je conçois que le succès du travail de Mr. Du Cange étoit bien propre à lui faire des Prosélytes ; que la richesse du fonds qu’il avoit laissé, a dû exciter l’émulation des Gens de Lettres, et que la noble ambition de voir leur nom se confondre avec le sien, a été pour eux un puissant attrait.

« Si c’est à de pareils motifs que nous devons les soins qu’on a pris pour perfectionner le Glossaire Latin ; je n’ai garde d’augurer une si glorieuse destinée pour le Glossaire François. Mais, si l’émulation doit être excitée par l’importance de l’objet, je puis me flatter qu’après moi, de plus habiles ouvriers s’empresseront de mettre la derniere main à un ouvrage qui intéresse à tant de titres les Lettres en général et en particulier notre Nation. Le Glossaire de l’ancien François est le corps complet des preuves de l’histoire de notre Langue. Considéré sous ce seul point de vue, quel objet plus capable de piquer la curiosité ?

« M. de Sainte Palaye, après avoir ainsi exposé les motifs qui l’ont enfin déterminé à donner au Public son Ouvrage, se propose d’indiquer l’origine et les progrès successifs de notre Langue ; c’est-à-dire, de faire voir comment originairement née de la corruption d’une Langue polie, et du mélange confus de langages barbares et informes, elle est parvenue à devenir elle-même une Langue régulière et polie, puis enfin à se former un caractère propre et si conforme à la marche de la nature, que toutes les Nations de l’Europe l’adoptent par préférence ; parce qu’aucune autre ne se prête avec plus de facilité, soit à l’exposition nette et précise des idées, soit à l’expression forte et naïve du sentiment.

« En vain a-t-on essayé de trouver l’origine de notre langue dans le Celtique, que plusieurs Savans croyent être l’ancien Breton. On vouloit par-là procurer à notre Nation, le frivole honneur de parler une Langue indigène. Mais il n’est point de Langue qui mérite ce nom : toutes sont sorties les unes des autres, en remontant jusqu’à celle des premiers hommes.

« D’autres ont voulu qu’on cherchât le germe de la nôtre dans le Grec, même dans l’Hébreu. C’est passer de beaucoup le terme où nous devons nous fixer. Il s’agit de l’origine immédiate du François ; et cette origine immédiate est le Latin, non pas tel qu’on le parloit dans les beaux siécles de Rome, mais défiguré par quantité de mots barbares et de constructions plus barbares encore. La corruption du Latin avoit commencé dès le premier siécle de notre Ere, dans le tems où Rome triomphante imposoit aux peuples subjugés la nécessité de parler sa Langue. On peut aisément juger combien cette Langue s’altéra, en passant par les organes de cent peuples barbares qui la défiguroient en la prononçant. Mais combien fut-elle plus étrangement défigurée, lorsque durant les siécles suivans, de nouveaux essaims de Barbares, envahissant l’Empire Romain, introduisirent encore de nouveaux mots et de nouveaux sons, dans une Langue qu’ils avoient intérêt de parler, parce que l’usage en étoit le plus général ; mais à laquelle ils ne pouvoient plier, ni leur esprit, ni leurs organes.

« Le caractère d’une Langue tient du génie et de la disposition des organes du peuple qui la parle. Les Langues des Nations barbares abondent d’ordinaire en monosyllabes : leur phrase est courte, et l’ellipse y domine. Les Langues polies, au contraire, sont riches en mots composés, en tours harmonieux, en phrases nombreuses. Les Barbares portèrent dans le Latin l’empreinte de leur langage, leurs expressions et leurs tours. Ils en tronquèrent les mots ; ils en altérèrent les sons, etc., etc.

« Telles furent les causes de l’altération de la Langue Latine ; telle fut la génération de diverses Langues qu’on parle aujourd’hui en Europe ; telle fut en particulier, la formation de la nôtre. Nous pouvons y remarquer encore aujourd’hui qu’elle ne diffère souvent du Latin, que par des lettres ou des syllabes supprimées, transposées ou converties en d’autres syllabes équivalentes ; ou bien par des accroissemens provenus de l’insertion de diverses particules qu’on a fait entrer dans la composition des mots ; ou enfin, par certains caractères particuliers, tels que les articles qui suppléent à la variété des terminaisons dans la déclinaison des noms, et les verbes auxiliaires qui contribuent à déterminer les tems dans la conjugaison des verbes. Car, quoique nous devions au Latin nos verbes auxiliaires, et nos articles mêmes, ils nous sont devenus propres par l’usage que nous en faisons.

« L’introduction des articles dans la Langue Latine vulgaire, paroit l’époque la plus marquée de la formation de la Langue Françoise. Le désordre que les Peuples Germains avoient jeté dans la première, telle qu’on la parloit dans les Gaules au siécle de Grégoire de Tours, étoit tel, de l’aveu de Grégoire de Tours lui-même, qu’on n’avoit plus égard, ni aux genres des noms, ni aux régimes des verbes. Les cas, ainsi que les appellent les Grammairiens, étoient désignés non par les terminaisons qui leur sont propres, mais par des prépositions. Ces prépositions disparurent, et furent remplacées par des articles, formés à la vérité, du moins en partie, de ces prépositions même et tous empruntés du Latin, mais employés selon l’usage des Nations Germaniques. Cette différence, l’une des plus propres à caractériser notre Langue, considérée relativement au Latin, fut l’ouvrage du huitième siécle. On en voit des traces dans ces mots d’un titre de l’an 768. Sub potestate de presbytero, qui repondent à la phrase Italienne : Sotto la podestà del prete ; ou de ne peut avoir d’autre emploi que celui de l’article del Italien, et de l’article François du. La formation des articles est encore plus sensible dans cette phrase d’un titre de l’an 808 : Indè percurrente in la regiola, ex aliâ vero parte de la regiola usque Castellioni, etc.

« Charlemagne régnoit alors dans la Lombardie. Les grands Princes qui ont fondé de vastes Empires, ont presque toujours produit en même tems de grandes révolutions dans tous les genres ; le gouvernement, les mœurs, les lettres, tout se ressent de la fermentation générale, excitée dans les différentes parties du corps politique, par le génie actif qui l’anime et qui le meut. Sous Charlemagne, la Grammaire se ressentit de l’influence du sien. On sait combien ce Prince, au milieu des grands intérêts dont il étoit occupé, donna de soins à tout ce qui appartenoit à ce premier instrument de la science.

« Le siécle suivant nous fournit les plus anciens monumens de la Langue Françoise qui nous soient connus : le Serment de Louis le Germanique en 843, et la Traduction, plus ancienne peut-être, des Actes de Saint-Etienne, citée par Du Cange, et publiée par le Beuf.

« Chaque siécle fournit des monumens capables de nous mettre en état de comparer la Langue Françoise à elle-même, suivant l’ordre de ses différens âges.

« Cette Langue faisoit, dès le treizième siécle, l’admiration des Nations étrangères les plus civilisées, qui la préféroient hautement à la leur. Rien n’est plus glorieux pour elle que le témoignage de Brunetto Latini, qui, né en Italie dans ce siécle même, aimoit mieux écrire en François ; parce que, disoit-il, cette parleure est plus délitable et plus commune de tous langages, etc. etc.

« La Langue Françoise devenue si célèbre, acquéroit de siécle en siécle un nouvel éclat. Les perpétuels changemens qu’elle éprouvoit, la perfectionnoient en l’épurant. À des mots rejetés, à des acceptions abandonnées, succédoient chaque jour de nouveaux mots et des acceptions nouvelles. Ce sont ces mots rejetés, ces acceptions abandonnées qui sont les matériaux du Glossaire, que M. de Sainte Palaye offre au Public.

« Une simple liste de ces mots avec leurs acceptions entassées pêle-mêle, n’auroit présenté qu’un amas informe de débris. J’ai tâché, continue ce Savant, de les ranger dans un ordre régulier, et de les assujettir à un plan, dont la disposition même éclairât toutes les parties. Je me suis proposé de mettre sous les yeux l’altération successive des mots, en même-tems que je montrerois à l’esprit la génération insensible des idées qui y ont été attachées ; l’Ortographe primitive peu à peu dégradée, présentera d’abord à l’œil, l’Histoire Physique du mot. La signification primitive insensiblement étendue, offrira ensuite à l’esprit la généalogie des diverses acceptions, sorties les unes des autres. On les verra s’éloigner de proche en proche, tantôt s’échapper dans des sens détournés ou figurés, tantôt emprunter, pour ainsi dire, la teinte de l’idée voisine, et bientôt se confondre elles-mêmes. On suivra l’enchaînement de toutes leurs métamorphoses qui se développant successivement, aboutissent enfin quelquefois à une signification tout-à-fait opposée à la signification originaire. Ce tableau qui jette nécessairement de grandes lumières sur la partie grammaticale de notre Langue, n’en jetteroit pas moins sur la partie philosophique, si je pouvois me flatter de l’avoir exécuté comme je l’ai conçu.

« Tel est le précis très-succint de la première partie de la Préface intéressante, qui sera mise à la tête du Glossaire François.

« M. de Sainte Palaye donnera dans la seconde Partie des moyens généraux pour démêler dans les mots anciens de notre Langue, les altérations qu’ont éprouvées ceux de la Langue Latine, d’où ils sont nés ; afin que ceux qui les liront puissent en connoître la source.

« De la composition mécanique des mots, on passera au détail de la marche, que l’esprit a tenue pour se détourner de la signification primitive, et on tâchera de faire voir comment, en s’écartant de plus en plus par des idées accessoires, on les a transportées quelquefois aux significations les plus opposées, tantôt dans le sens propre, tantôt dans le sens figuré : ce sera une espèce de clef qui servira d’introduction aux mystères presque impénétrables de cette obscure antiquité, et qui facilitera l’intelligence des termes, que souvent on n’a pu entendre qu’après de pénibles recherches : par là, notre savant Auteur pourra se dispenser de répéter, dans un grand nombre d’articles du Glossaire, les raisons qui l’auront déterminé à fixer la signification des mots. Enfin, ajoute M. de Sainte Palaye, pour contribuer, autant qu’il est en moi, au soulagement de ceux qui voudront lire nos anciens Ecrivains (car c’est le principal but que je me propose), je joindrai quelques observations générales sur la Syntaxe, et sur les points les plus essentiels de la Grammaire de notre ancienne Langue. »


Nous publierons avec le dernier volume de ce Glossaire, les manuscrits de La Curne de Sainte Palaye, concernant la Langue Française, que nos recherches nous auront fait découvrir. Nous recevrons, avec reconnaissance, les communications qui nous seront faites à ce sujet. C’est dans l’intérêt de la science philologique et pour honorer la mémoire de La Curne de Sainte Palaye, que nous faisons cet appel. Nous avons la certitude que nous serons entendus et compris.

Des notices historiques et bibliographiques sur La Curne de Sainte Palaye et sur son laborieux collaborateur, Jean Mouchet, compléteront cette publication, une des plus importantes de notre époque. L’accueil que le monde savant fait à ce Glossaire, impose des obligations auxquelles ne failliront pas les éditeurs.



DICTIONNAIRE HISTORIQUE
de
L’ANCIEN LANGAGE FRANÇOIS
ou
GLOSSAIRE DE L’ANCIENNE LANGUE FRANÇOISE
DEPUIS SON ORIGINE JUSQU’AU SIECLE DE LOUIS XIV


A


On peut considérer l’A comme lettre, ou comme mot. C’est comme lettre que nous le considérerons d’abord. Nous exposerons ensuite dans des articles séparés, ses diverses significations, lorsqu’il est employé comme exclamation, comme préposition, ou comme adverbe de lieu.

La lettre A, ayant un son plus ouvert et plus éclatant que les autres, nos anciens Poëtes François, surtout les Provençaux, l’ont employée par préférence dans leurs rimes, lorsqu’ils ont cherché à procurer plus de pompe à leurs vers, spécialement dans les récits des combats.

Les Grecs et les Latins leur en avoient donné l’exemple : leurs Poëtes ont affecté pareillement le retour fréquent de cette lettre, dans les vers qu’ils ont voulu rendre plus harmonieux.

On a dit proverbialement marqué à l’A, pour désigner un homme de probité éminente, proprement un homme de la principale, de la meilleure fabrique, par allusion aux monnoies ; celles qui se fabriquent dans l’Hôtel des monnoies de Paris, étant marquées de la lettre A. (Voy. Pasq. Rech. liv. VIII, page 696.)

L’A se trouve souvent employé à la tête de divers mots, soit à dessein, pour ajouter à leur signification, soit par abus et par ignorance, en réunissant mal à propos cette lettre avec le mot qui la suit, et dont elle devoit être séparée ; mais dans ces deux cas, elle est employée comme préposition. Nous en donnerons ci-après des exemples sous l’article A, préposition.

A, exclamation. Ah !

Le son de l’A, celui de tous qui se forme le plus aisément, et qui n’est en quelque sorte qu’une aspiration, est l’expression naturelle du sentiment. Elle est mieux caractérisée en joignant à l’a la lettre h ; et c’est ainsi que nous écrivons aujourd’hui cette exclamation. Autrefois on se contentoit de la lettre A ; ainsi nous lisons « a, Sire » pour Ah ! Sire. (Voy. Modus et Racio, MS. fol. 218. V°) « A, fait Dame Aalis, ce n’est mie à moy » pour ah ! ce n’est point à moy. (Voy. id. fol. 226, R°.)

A, préposition. A. De. Par. En. Pour. Avec. Selon. Suivant. Après.

La préposition, dit M. du Marsais, supplée aux rapports qu’on ne sauroit marquer par les terminaisons des mots. Nous n’avons point de cas en François, si l’on en excepte quelques pronoms ; de là la nécessité de faire usage des prépositions plus souvent qu’en Latin, pour déterminer les rapports des objets de nos pensées, lorsque la place des mots ne les indique pas. Ces rapports sont presque infinis, et le nombre des prépositions infiniment borné, d’où vient qu’on est obligé de donner divers usages à la même préposition.

L’A, comme préposition, conserve plusieurs significations différentes ; mais on ne dit plus « à ce mesmement » que pour semblablement, pareillement à ce que. » Il n’y a homme au monde, quand il se voit deshérité, que il peust jamais aymer celluy qui l’a deshérité ([10]) : à ce mesmement que vous deshéritastes mon pere et moy. » (Lanc. du Lac, T. III, fol. 46, R° col. 2.)

On dit encore en différentes provinces : le livre à Jean, pour le livre de Jean, etc. ; alors cet A marque un rapport d’appartenance ; c’est ainsi qu’en parlant de lieux dédiés et consacrés aux Saints, l’Auteur du Roman MS. de Gérard de Roussillon en françois, appelle lieu à St Pierre et à Ste Magdeleine-du-Mont, les églises de St Pierre et de la Madeleine, que Gérard fonda, la première à Auxerre, et la seconde à Soissons. Dans le détail des fondations que fit le Duc Gérard avec Berthe sa femme, on lit :

A Auxerre tout droit dedans la suborbie ([11])
Fondèrent-ils aussi une riche Abbaye.
Puis n’y ot ([12]) que Moines, si com les chartres dient :
Or n’y a que Chanoines, qui Dieu servent et prient.
Ils sont abergiés ([13]) et cloux ([14]) de bonne pierre,
L’on appelle le lieu à Monseigneur St. Pierre :

A Soissons ourent l’autre Chanoines Reguliers,
Oi n’y sont mais ([15]) que Clercs et Pretres seculiers ;
Le lieu est appellé à Ste Magdeleine-
Du-Mont ; c’est belle église dévote et de biens pleine.

Ger. de Rouss. MS. p. 175 et 176.

Cette même préposition, employée pour De, servoit à former des qualificatifs-adjectifs ; et l’on disoit " Est du poil à un cerf " pour Est du poil de cerf. (Voy. Modus et Racio. ms. fol. 39. V°.)

Quelquefois elle signifioit Par.

Se fuisse pris à paiens,
Puis eusse été raiens ([16])

Will. li Viniers, Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. III, p. 1278.

Dans ce sens, c’est la préposition latine A ou Ab. « Apreneiz à mi » pour apprenez par moi : en latin, discite à me. (St Bern. Serm. Fr. MSS. p. 123.) « Ensi ke nos mansuetume ([17]) et humiliteit aprengniens à Nostre Signor. » (Ibid. p. 256.)

Quelquefois on l’employoit pour En ; ainsi l’on disoit « à daerrains » pour en dernier lieu, enfin. (Voy. Du Chesne, Gén. de Béth. Pr. p. 115, tit. de 1145.) « Huict mille livres à tournois » pour huit mille livres en tournois. (Voy. Froissart, Vol. I, p. 177.) « Livres à Digenois » pour en monnoye de Dijon. (Voy. Pérard, H. de Bourg, p. 466, tit. de 1246, passim.) « Livrées à forts » pour livres en monnoie forte. (Voy. Du Chesne, Gén. de Bar-le-Duc, Pr. p. 28, tit. de 1243.) « à bonne foy » pour en bonne foy. (Id. Gén. de Béth. p. 135, tit. de 1252.)

A dans la signification de Pour, exprimoit un rapport de tendance, de cause finale. « Quan vous creastes homme, vous le mariastes, et lui donnastes ame à son epouse, » pour son épouse « et étoit homme Seigneur, et l’âme étoit dame, etc. » (Voy. Modus et Racio, ms. fol. 210, R°.)

C’est dans ce même sens qu’on l’employoit dans la conjugaison des futurs formés anciennement des verbes auxiliaires Avoir et Etre ; et alors cette préposition emportoit l’idée d’un temps à venir. On disoit « sont à ressusciter » sont pour ressusciter, ressusciteront. « Est à venir » est pour venir, doit venir. « Sont à rendre » doivent rendre. (Voy. St Athan. Symb. en Fr. 2e trad. p. 735, col. 2.) En supposant une ellipse, il faut rendre sont à ressusciter, par sont faits pour ressusciter. On disoit de même, " En seureté de la devant dite concorde perpetueument à durer. » (Voy. Du Chesne, Gén. de Béth. Pr. p. 146.) Les Italiens employent de la même façon les verbes Avere et Essere, comme auxiliaires, avec les prépositions a, da et per, pour former les futurs des verbes auxquels ils sont joints.

On pourroit encore, au moyen de l’ellipse, rendre raison de la construction grammaticale de ces expressions « Faire à mettre ; » c’est-à-dire faire chose pour mettre, faire mettre. (Voy. Pérard, H. de Bourg. p. 446. tit. de 1246). « Se faire à veoir, » pour se montrer. (Vigil. de Charles VII, p. 97.) Pasquier, dans ses Lettres, T. II, p. 380, reprochant à Montaigne d’avoir employé fréquemment l’A de cette manière, observe que c’est un idiome propre aux Gascons : mais cet usage étoit plus général et fort ancien, comme on vient de le voir ; celui de notre expression faire à savoir, remonte jusqu’au douzième siècle. On lit « fesons à savoir. » dans La Thaumass. Cout. d’Orl. p. 464, tit. de 1137.

Les prépositions Por et De, dans le sens de pour, se trouvent aussi réunies à la préposition à prise dans la même signification, par une espèce de pléonasme, dans les exemples suivans. « Por ti à salveir, Por eles à saneir » pour te sauver, pour les guérir. (Voy. St Bern. Serm. Fr. mss. p. 148, et passim.) « Poosteit de nos à salveir, volenteit de nos à salveir ; » c’est-à-dire, pouvoir et volonté de nous sauver. (Ibid. p. 218.)

A pour avec, marquoit un rapport d’union. « à peu de gens » c’est-à-dire, avec peu de gens. (Voy. Rabelais, T. II, p. 222.)

Un rapport de cause instrumentale dans cet autre passage : « à leurs espées » c’est-à-dire avec leurs épées. (Voy. Joinville, p. 94.)

Nous nous servons encore d’A pour avec, dans cette phrase « prendre à la main » c’est-à-dire prendre avec la main.

Dans le sens de selon, suivant, il exprime un rapport de conformité « Vendition fait à loy et à le costume del païs. » Vente faite suivant la Loi et selon la Coutume du pays. (Voy. Du Chesne, Gén. de Guines, p. 290, tit. de 1264.)

On a considéré le temps comme un lieu. De là, la préposition A pour marquer la postériorité de temps, dans le sens d’après. « Lui pryoient tendrement que incontinent qu’il sçauroit nouvelles de la venue de cette nouvelle Loy, qu’il leur amenast ung preud’homme qui de ce les informast, car à ce ne vouloit plus vivre. " (Percef. Vol. VI, fol. 118, V° col. 2.)

En général, l’A, comme préposition, a été réuni à divers mots, pour ajouter à leur signification : On écrivoit quelquefois Ad. (Voy. ce mot.) Alors c’est proprement l’ad des Latins, dont on a retranché le d pour adoucir la prononciation ; ainsi on disoit autrefois buser, masser, etc. et l’on a dit depuis abuser, amasser, etc. Ce Glossaire en fournira quantité d’exemples. Voyez entr’autres l’article Abandon.

Souvent le d s’est changé en la consonne qui commençoit le mot, dont la préposition ad est devenue inséparable. De là ces mots complir, coutumer, etc. ont formé ceux de accomplir, accoutumer, etc. au lieu de ad-complir, ad-coutumer.

Cette addition sembloit donner plus de force au mot, mais n’en changeoit pas l’acception ; aussi s’est-on permis indifféremment de retrancher cet A, comme de l’ajouter ; et l’on dit aujourd’hui béqueter, cacher, etc. au lieu d’abequeter, acacher, etc. que l’on trouve quelquefois chez nos anciens écrivains. Voy. ces articles ci-après.

La préposition A s’est aussi trouvée quelquefois réunie au mot qui la suit, par un abus qui venoit d’ignorance et de méprise. Nous le remarquons ici d’autant plus volontiers, que cet abus peut jeter souvent de la confusion dans la Géographie. On lit par exemple Anevers pour Nevers ; Arevebrac pour Revebrac, etc. Cet abus paroit être né de ce que l’on a confondu la préposition avec le nom même qu’elle précédoit ; ainsi dans l’expression aller en Arevebrac on n’a fait qu’un mot du nom de Revebrac et de sa préposition, et l’on s’est cru obligé d’en ajouter une autre. « S’esmeut le Roy pour aler à l’encontre de son pere en ung lieu qui a nom Engelhan. D’illec ala jusques en Arevebrac. » (Voy. Chron. St Den. Tom. I, fol. 154.) Il falloit dire jusques à Revebrac. Le nom de Revebrac est lui-même la corruption de Regenesburg, que nous nommons Ratisbonne. (Voy. les passages indiqués aux mots Reganesburg, Regenesburg, etc. dans les Tables géograph. de la Collect. des Hist. de Fr. Tom. V et suivants.)

L’on a de même prononcé comme un seul mot Anevers au lieu de à Nevers.

.... de la vostre Conté
D’Anevers ne fetes plus conte.

H. de Fr. en vers, à la s. de Fauvel, MS. du R. no 6812, fol. 78, V° col. 1.

Nous aurons par la suite occasion de faire la même remarque sur la préposition En.

A, adv. Là.

A pour , étoit quelquefois adverbe de lieu, comme dans ce passage.

Ramambranche d’amors me fait chanter :
Ne n’est pas l’oquoison[18]
A u rien m’ais[19] ;
Mais haus vouloir sans espoir d’aciever[20].

Anc. Poës. fr. ms. du Vat. no 1490, fol. 32, R°.

Dans le mot aans, composé d’a et ans, il est aussi adverbe de lieu, et signifie là-dans, dedans. (Voy. Fabl. ms. du R. no 7615, fol. 115, V° col. 2.)

Aaisans, adj. Commode.

C’est proprement le participe actif du verbe Aaiser, pris dans le sens de mettre à l’aise. (Voy, Aiser ci-après.)

Li chemins est biaus et plesans,
Delitable et aaisans.

Fabl. ms. du R. no 7218, fol. 309, V° col. 2.

Aatie, subst. masc. et fem. Ardeur, empressement, effort. Querelle, dispute, combat. Jalousie, animosité.

Le premier sens paroît le sens propre ; il en reste encore des vestiges, ainsi que du mot même, dans notre mot subsistant hâte. On trouve dans nos anciens Poëtes, le mot Ahatine pour ardeur, effort. « Recommence l’assault par si grant Ahatine. » (Monstr. Vol. III, fol. 67. V°.) Voy. Aatisson.

Ist[21] de la tente par mal grand aatie.

Rom. d’Aubery, MS. cité par Du Cange, Gloss. Lat. au mot Bliaudus.

Mais il est plus souvent employé dans le sens de querelle, dispute, combat, qui est une extension du sens primitif.

Et cascuns partist sa partie.
A son plaisir, sans aatie.

Phil. Mousk. MS. p. 704.

Et li manda que boinement
Presist[22]et mandast parlement
Al Duc Ricart de Normendie,
Pour desfaire cele aatie
De son neveu et de son pere.

id. p. 382.

Metroit entre vos deus atine.

Ovide de Arte, MS. de St. G. fol. 94, R° col 3.

Quarante Chevaliers
Etoient en la atine[23].

Percef. Vol. III, fol. 132, R° col 2.

Enfin l’on trouve aatie pour jalousie, animosité ; idées voisines de dispute.

.... pas ne vos refus,
Cest repons sans aatie.

Anc. Poët. Fr. MSS, avant 1300, T. II, p. 803.

Tant a duré leur escremie[24].
Per orgueil et per aatie
Qu’il on tourné le jeu à ire.

Rom. du Brut, MS. fol. 33, V° col. 1.

Voy. Atainement ci-après.

VARIANTES :

AATIE. Rom. du Brut. MS. f. 33, v. c. 1. - Ph. Mousk. MS. pp. 382 et 704.
AATHIE. Modus et Racio. MS. fol. 304, R°.
AATINE. Phil. Mousk. MS. p. 682 et passim. - Anc. Poës. Fr. MS. du Vat. no 1490. - Athis MS. fol. 93, R° col. 2.
AHATIE. Chans. MSS. du C. Thib. p. 53.
AHATINE. Monstr. vol. III. fol. 67, V°.
AHATIVE. Triom. des neuf Preux, p. 265, col. 2.
ASTINE. Borel et Corn. Dict.
ATAINE. Laur. Gl  du Dr. fr. - Du Chesne, annot. sur Al. Chart. p. 858. - Gloss. du Rom. de la Rose.
ATAYNE. Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 500, col 2.
ATHAINE. Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 389, col. 1.
ATHINE. Athis, MS. fol. 93, R° col. 2.
ATIE. Ph. Mousk. MS. p. 241. - Hist. des 3 Maries, en vers, MS. p. 247.
ATINE. Percef. vol. II, fol. 132, R° col. 2.
ATTAINE. Chron. S. Den. t. I, fol. 259, V°. - Froiss. vol. III, p. 311.
ATTAYNE. Chron. S. Den. t. I, fol. 227, V°.
ATTINE. Froiss. Vol. IV, p. 21.
HATIE. Al. Chart. Poë. p. 628.
TAINE. Borel, Dict. au mot Ataine.

Aatir, verbe. Hâter, presser. Disputer, combattre. Provoquer, défier. Courroucer, irriter. Comparer. Préférer. Avancer, mettre en avant, proposer. Arranger, disposer.

Aatir, qu’on a écrit aussi Ahatir, a pu s’être formé de Aha, aspiration d’effort et de hâte ; comme Ahaner qu’on verra ci-après, peiner, fatiguer, labourer, s’est formé d’ahan exclamation de plainte et de travail. Le premier sens qu’offre ce mot, paroit être le sens primitif ; il s’est conservé dans le mot subsistant hâter, qui semble être le même que aatir : d’ailleurs tous les autres sens peuvent en dériver sans effort. On trouve souvent Aatir dans cette première signification. Phil. Mouskes dit des trois Rois qui quittent Hérode pour aller à Bethléem :

D’Erode sont li Roi parti
De Dieu querre[25] tout aati.
Ph. Mousk. MS. p. 275.
Lors va Geta vers les postis[26]
Illec fiert[27] moult aatis.
Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 459, col. 1.

De là, on a dit s’ahatir pour s’empresser, s’avancer l’un contre l’autre, s’attaquer, se disputer, se battre, etc. Dans toutes ces nuances on retrouve toujours l’empreinte de la signification primitive, l’ardeur, l’empressement, l’effort. (Voy. ci-devant Aatie.)

« Tant se sont combatus qu’il n’y a cellui qui ne soit las et travaillé. Le Chevalier a si grand chault que à peu qu’il ne meurt d’angoisse ([28] ; car Hector ahaste si durement, qu’il lui convient perdre la place. » (Voy. Lancelot du Lac, T. II, fol. 54, R° col. 1.)

Carles ot ([29]) France et si fut Rois,
Les tors ([30]) haï, s’ama les drois,
N’ainc ([31]) volentiers ne combati
Ne vers autrui ne s’aati.
Ph. Mousk. MS. p. 319.

Par une autre façon d’étendre la première acception, hâter, presser, le mot aatir a signifié défier, provoquer.

Je juerai, fit-il, à ti ([32])
Puisque tu m’en as aati.
Fabl. MS. du R. no 7218, fol. 235, R° col. 2.

Des acceptions de provoquer et de combattre, a pu naître l’acception prochaine de courroucer, irriter, que nous trouvons au mot Aatir.

Theris jura de Guenelon
Q’il ot faite la traïson,
Et Pinabiaus s’en aati,
Et jura qu’il avoit menti, etc.
Ph. Mousk. MS. p. 247.

De l’acception provoquer, s’est formée celle de comparer, mettre en parallèle ; idée voisine de la première.

Qu’à li, se je doigne oïr,
N’en doit-on nule aatir
D’Espaigne jusqu’en Baviere.
Thib. de Nav. Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, t. 1, p. 154.
Hui trop avoir, demain de fam morir,
Volés con ([33]) tot bon espoir aatir.
Anc. Poës. Fr. MS. du Vat. no 1490, fol. 136. R°.
… nul trésor n’i doit-on aatir.
Anc. Poët Fr. MSS. avant 1300, t. III, p. 1123.
Dame pour qui j’ai si lie ([34]) pensée
K’autre joie ne s’i puet aatir.
Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, t. III. p. 1007.

En étendant ce sens, Aatir s’est employé non-seulement pour comparer, mais pour préférer la chose comparée ; peut-être même doit-on dériver cette acception directement de l’acception primitive du mot hâter, pris dans le sens d’avancer, mettre devant, préférer.

…… cil fait droit folie
Qui bien passé aatist au présent.
Anc. Poës. Fr. MS. du Vat. no 1522. fol. 158, V° col. 1.

Aatir ayant signifié hâter, presser, on a dit aussi Aatir, pour mettre en avant, proposer de faire quelque chose.

Chascuns s’est bien aatis
Q’i ([35]) feront feste novelle.
Anc. Poës. Fr. Ms. du Vat, no 1490, fol. 113, V°.

Peut-être a-t-on dit encore de-là Aatir, pour préparer d’avance, arranger, disposer.

S’en fesist-on iiii parties
Bien tireus ([36]) et bien aaties.
Ph. Mousk, MS. p. 299.

Peut-être aussi doit-on dériver en ce sens le mot Aatir du Latin aptare, disposer, préparer.

Il ne seroit pas impossible de démêler encore quelques nuances dans les acceptions du verbe aatir sous ses différentes orthographes ; mais ce ne sont que des applications figurées des acceptions principales que nous avons marquées, et dans lesquelles elles rentrent d’elles-mêmes ; de sorte que nous ne croyons pas qu’il soit nécessaire de les distinguer. Voy. cependant Atiser, ci-après.

Les mots Aatie et Atir, sous cette orthographe et autres semblables, ne se trouvent guère que dans les Poëtes ; sous celle d’Ataine ou d’Athaine, et autres pareilles, ils se rencontrent également dans les Ecrivains en prose et en vers.

VARIANTES :

AATIR. Ph. Mousk. MS. p. 124 et pass. - Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. III, p. 1007 et 1023.
Aactier. Lanc. du Lac, t. I, fol. 126, R° col. 2.
Aastir. Chr. de B. du Guesc. dans du Cange, Gloss. Lat. au mot Atia.
Ahastir. Chans. MSS. du C. Thib. p. 53.
Ahater. Ph. Mousk. MS. p. 192.
Ahatir. Ph. Mousk. MS. p. 191, 588. etc.
Astir. Ger. de Rouss. MS. p. 54.
Atahina. Mot Breton. dans du Cange, Glossaire Latin au mot Atia.
Atainer. G. Guiart, dans du Cange, Gloss. Lat. au mot Atia, et Gloss. du Rom. de la Rose.
Atayna. Mot Breton. dans du Cange, Glossaire Latin au mot Atia.
Athir. Modus et Racio. MS. fol. 303, V°.
Atiner. Dans du Cange. Gloss. Lat. au mot Atia.
Atir. Athis, MS. fol. 105, R° col. 1.
Attainer. Alain Chartier, Poës. p. 574.
Attiner. Nicot, Oudin, Cotgrave. Dict.
Haster. Lanc. du Lac, t. II, fol. 54, R° col. 1.

Aatisson, subst. Effort. Gage, gageure, défi.

Dans le premier sens, ce mot vient d’Aatie, dont on peut voir ci-dessus les diverses acceptions.

Phil. Mouskes, après le récit d’un tournoi, dit, en faisant mention de Robert Crespin qui remporta le prix :

Et si n’avoit gaires apris
D’armes et de cevalerie ;
Mais ses cuers le semont [37] et prie,
Quar de linage [38] et de nature
Li venoit plus qu'en nourreture [39],
S’en fu plus legiers [40] à aprendre,
Quar on peut de legier esprendre [41]
Sans painne et sans aatisson,
I. auques enarsse tisson [42],
Et si dist-on, souvent avient
Que d'aire [43] est li ciens [44] ki devient
Veneres [45] sans aprendeour [46].

Ph. Mousk, MS. p. 449 et 450.

Dans le second sens il s’est formé d’aatir, ci-dessus, pour provoquer, défier, appeler au combat. Atison, dans cette phrase, mettre sa teste en atison, signifie mettre sa tête comme en gage, parier sa tête ou sa vie ; s’offrir au risque de la perdre dans un combat singulier.

Je pourroie bien metre ma teste en atison
Que fere ne peusses aussi grant mes prison [47].

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 347, R° col. 1.

Nous dirions aujourd’hui : " J’en mettrois ma tête à couper. "

VARIANTES :

AATISSON. Phil. Mouskes, MS. p. 449 et 450. ATISON. Fabl. MSS. du R. n° 7218, fol. 347, R° col. 1.

Abaco, subst. masc. Arithmétique. L’art de calculer. Ce mot se prenoit autrefois dans cette signification " un petit Ecrivain, mais fort subtil mathématicien, qui apprenoit aux enfans à écrire avec l’Abaco, selon qu’on parloit ; c’est-à-dire avec l’arithmétique, et l’art de calculer par jettons et par chiffres. " (Voy. Rouillard. Hist. de Melun, p. 607.) On trouve aussi Abaco, pour le titre d’un Livre d’Arithmétique. (Voy. Labbe, Biblioth. des MSS. n° 931, p. 323.) Le mot Abaco étoit proprement un mot italien, formé du mot latin Abacus, usité par les Auteurs de la basse latinité, et dérivé du grec Comptoir. (Voy. Mén. Dict. Étym. au mot Abaco. - Voy. encore dans Hist. Littéraire des RR. PP. Bénédictins, T. XII, Avert. pp. XX et XXI, à l’art. Bernelin, disciple de Gerbert, un détail curieux sur le Traité que Bernelin avoit composé sous le titre Liber Abaci (l’Abaque), sujet trèsdifficile selon lui, et sur lequel on avoit presque aucune lumière avant que son Maître Gerbert eut commencé de l’éclaircir.)

Abacteurs, subst. masc. plur. Ravisseurs.

En Latin abactores, abigei, ceux qui détournent, ou enlèvent les esclaves, les bestiaux ou autre chose appartenante à autrui. (Voy. Bouteiller, Somme


Rurale, p. 248 ; et Du Cange, Gloss. Lat. au mot Abactor et Abigeus.)

Abaeuz, adj. plur. Vacans.

Ce mot a cette signification dans l’expression biens abaeuz ; peut-être au lieu de biens abattus, dans le même sens qu’on disoit en Latin, hereditas jacens, et que l’on dit encore en termes de Palais, succession jacente. Ce sont les biens vacans, ou les biens de ceux qui meurent sans laisser des héritiers qui doivent ou qui veuillent leur succéder. (Laurière, Gloss. du Droit françois, qui cite la très anc. Cout. de Poitou.)

Abai, subst. masc. Aboiement. Cri des mourans.

On a dit, dans le premier sens, Abai de chiens. (Voy. Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1651.)

Dans le second sens on disoit à l’abay, comme nous disons aux abois, à l’agonie, à la dernière extrémité. (Borel, Dict.) C’est dans ce même sens qu’on nomme à Reims Abbé-mort, la cloche que l’on sonne pour les agonisans. (Voyez le Rec. des Préfaces du P. Mabillon, p. 149.) C’est enfin par une extension de cette acception que l’on a dit " tenir en aboy " pour faire languir. (Voyez Villon, Dialogue de Mallepaye, p. 51.)

VARIANTES :

ABAI. Monet, Dict. - Eust. des Ch. Poës. MSS. f° 354, col. 4. ABAY. Nicot et Robert-Est. Dictionn. ABBAIS. Cotgrave, Dict. ABBAY. Borel, Dict. - Crétin, p. 114. - Apol. pour Hérod. page 338. ABBÉ. Mabill. Rec. de ses Préf. p. 149. ABOY. Villon, Dialog. de Mallepaye, p. 51.

Abaier, verbe. Abboyer. Estre aux abois. Aspirer. Ce mot subsiste au premier sens avec fort peu de changement, et il exprime alors le cri du chien. C’est le sens propre.

Il semble qu’on ait pris le mot abaier pour désigner le cri du mouton dans un endroit de la Farce de Pathelin, p. 104. Le Berger disant toujours bée, le Drapier lui répond :

Je te prie, sans plus m’abayer, Que tu penses de moy payer : Je ne veux plus de baverie.

Mais il ne faut pas, de l’emploi des mots chez nos anciens Poëtes, en tirer trop rigoureusement des conséquences sur leur signification : la rime les leur faisoit quelquefois employer dans des sens très étrangers à l’acception reçue.

On trouve dans Brantôme, Cap. franc. t. I, p. 371, " abboyer à la mort " pour signifier être aux abois, rendre les derniers soupirs.

C’est dans un sens figuré et propre tout à la fois, qu’il est employé dans le passage suivant : " Cette ville de Turin sur laquelle ils abbayent comme le chien après le cerf. " (Mém. de du Bellay, fol. 281, V°.) CONJUG. ANC.

Abait, subjonct. prés. Aboie. (Voy. Fabl. MS. du R. n° 7615, fol. 215, V° col. 2.)

VARIANTES :

ABAIER. Chans. MSS. du C. Thib. p. 147.

ABAYER Molinet, p. 127. - Cymb. Mundi. p. 137.

ABBAYER. H. Est. Conform. du Fr. avec le Gr. - Regn. Sat. XVIII, p. 142.

ABBOYER. Brant. Cap. fr. t. I. p. 371.

ESBAIIER. Chans. MSS. du C. Thib. au lieu cité ci-dessus, MS. différent.

HABAER. Borel, Dict. au mot Habaans, et Villehard. p. 105.

HABAIER. Faifeu, p. 40.

Abaieur, subst. masc. Qui aboie.

(Voy. Monet. Dict.)

Abaiser, verbe. Appaiser.

C'est le changement du p en b, lettres du même organe, comme le remarquent les Grammairiens.

Mais ne put souffrir tel desroy

Pallas qui la noise abaisa.

Trad. d'Ovid. MS. cité par Borel, Dict.

Abaisser, verbe. Baisser. Abaisser, humilier. Diminuer.

Dans le sens propre, on a dit s'abesser, pour se baisser, se pencher en avant.

.... si s'abessa

Et, un à un, tous les blessa.

H. de Fr. en vers à la s. de Fauvel. MS. du R. n.° 6812, fol. 86.

Au figuré, pour s'abaisser, s'humilier. Cette acception subsiste encore. " C'uns chascuns ne s'abast mies solement desoz les devantriens , mais nes assi desoz les plus jounes. " (St. Bern. Serm. fr. MSS. p. 264.)

Par extension du sens propre baisser, diminuer la hauteur d'une chose, abaisser a signifié diminuer en général. " Cil feu fu si granz et si orribles, que nul hom nol pot estaindre, ni abaissier. " (Villehardouin, p. 81.)

Moult li ont abaissié son los .

Floire et Blancheflor. MS. de St. G. fol. 204, R.°, col, 2.

On dit encore par métonymie, diminuer quelqu'un, pour diminuer sa taxe, lui en imposer une moins forte. C'est dans une signification à peu près semblable que nous lisons : " Le supplioit qu'il lui fist faire droit à son oncle (par son oncle), et l'abaissast des outrages et des forfais qu'il lui faisoit. " (Chron. St Denys, T. I, fol. 246.)

CONJUG. ANC.

Abassi, part. Abaissé. (Voy. Borel, Dict. - Villehardouin, p. 22.)

Abast, imper. Abaisse, humilie. (Voy. St Bern. Serm. Fr. MSS. p. 264.)

Abés, indic. prés. J'abaisse. (Voy. Parten. de Blois, MS. de St G. fol. 174, R° col. 1 et 2.)

Abest, subj. prés. Abaisse, diminue. (Voy. Fabl. MS. du R. n° 7615, fol. 135, R° col. 1.)

VARIANTES :

ABAISSER. Bourgoing, de Orig. voc. vulg. fol. 10. V°.

ABAISSIER. Villehard, p. 81.

ABASIER. Fabl. MS. du Roi, n° 7615, t. II, fol. 150, V° col. 2.

ABESSER. H. de Fr. en vers, à la suite de Fauvel, MS. du R. n° 6812, fol. 86.

ABESSIER. Fauch. Lang. et Poës. fr. p. 102. - Ord. t. I, p. 384.

Abaisseur, subst. masc. Qui abaisse.

(Voy. Monet et Oudin, Dict.)

Abalourdir, verbe. Abrutir, rendre stupide.

(Voy. Oudin et Corneille, Dict.) Ce mot subsiste encore avec une légère altération dans notre mot Abasourdir.

Abandon, subst. masc. Délaissement.

Ce mot subsiste sous la première orthographe ; il paroît formé du mot bandon et de la préposition à : l'habitude de réunir cette préposition avec le mot bandon, a probablement fait confondre ces deux mots en un seul. On trouve encore à bandon pour à discrétion dans G. Guiart. (Voy. ci-dessous BANDON). On disoit dans le même sens habandon, pris adverbialement, " tout étoit habandon. " (Ger. de Nev. I. part. pag. 63.) Voy. ABANDONS ci-après.

Ban ou Bandon, signifie proprement publication, proclamation publique, permission générale. (Voy. BANDON ci-après) Le temps du Ban, Bandon ou Bannon, étoit celui où il étoit libre de faire paître les bestiaux en commun et sans pasteur, différent du temps où les terres étoient en déffens, pendant lequel on n'avoit pas la même liberté. " Bestes à abandon, sont des bestes sans garde. " (Laur. Gloss. du Dr. fr. au mot Bandon.) L'on disoit aussi à-bandonner, pour livrer à discrétion, et on l'a écrit ensuite en un seul mot abandonner. L'expression à-bandon ne faisant plus qu'un seul mot, on l'a employée quelquefois avec la préposition par ou à, ce qui est originairement un pléonasme ; ainsi on a dit " à abandon ou par abandon, " pour généralement, entièrement, absolument, sans réserve, sans restriction. (Voy. les Rech. de Pasquier, liv. VIII, page 704. - Du Cange, Gloss. Lat. au mot Abandum, et Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 25, R°, col. 1.)

Désormais est raison

De mon chant renoveler,

Car pris ma par abandon,

Amours cui sers sans fauser.

Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, t. I, p. 179.

En parlant d'une ville et d'un château assiégés, ceux qui le défendoient " furent contraints de venir à abandon. " (Chron. Fr. MSS. de Nangis, sous l'an 1248,) " le print à abandon. " (Ibid. sous l'an 1226.) On lit dans le latin deditionem qui répond au mot Abandon. Des bergers qui vont à la Crèche disent :

Portons à leur pauvre ménage

De nos biens à grand abandon.

Les Marguerites de la Marguerite, t. I, fol. 83 V°.



(1) désordre. - (2) anciens. - (3) sa louange, son prix. On lit " faire plainte d'abandon, " pour requérir, demander le bénéfice de cession de biens ; (Laur. Gloss. du Droit Fr. - Voyez la Coutume de Hainault, au Cout. gén. Tom I. pag. 792,) et " mettre en droit, en loi et en abandon, " pour abandonner. " Ceste convenance a Mesire Willaumes devant dis créancée loiaument à tenir, et si en a mis totes ses coses en droit et en loi et en abandon, fors sen cors. " (Du Chesne, Gen. de Beth. Pr. p. 164, tit. de 1246.)

PROVERBE.

" Qui faict nopces et maison, et plaide à son Seigneur, il met le sien à bandon : " On lit dans le latin, Effundit nummos sumptibus immodicis. (Rec. de Prov. anc.)

VARIANTES :

ABANDON. Du Chesne, Gén. de Beth. Pr. p. 164, tit. de 1246. - Froiss. Vol. I, p. 22. - Corn. Mélite, act. 5, scène dernière.

HABANDON. Borel, pp. 197 et 165. - Al. Chartier, Poës. p. 730. - Ger. de Nev. 1re part. p. 63. - Percef. vol. IV, fol. 3, V° col. 1.

Abandonné, adj. Livré sans réserve. Prodigue, libéral, généreux.

On employoit en général le mot Abandonné pour livré sans réserve.

... de m'aimer n'ayez point de regret

Franc et loyal suis et abandonné.

Loyer des folles amours. p. 317.

" C'est ung homme de grant valeur, large, courtois, et habandonné en chevalerie. " (Le Jouvencel, fol. 32, R°.)

Ce mot se prenoit en bonne et en mauvaise part. Dans le sens de prodigue, on lit : " Je trouve deux manières de gens larges et abandonnés, les aucuns sont dissipateurs, etc. " (Les Triom. de la noble Dame, fol. 77.) " Le Seigneur d'Antre fut le plus large et abandonné de ses biens, qu'homme de son temps, et ne plaindoit nulle dépense. " (Mém. d'Ol. de la Marche. liv. I, p. 452.)

Dans le sens de libéral, généreux. Le Duc de Cleves " fut de soy un des beaux, des sages et des bien adrecez Prince de son temps, et le Roi Alphonse... fut large Prince, honorable et abandonné. " (Mém. d'Ol. de la Marche, liv. I, p. 330.)

VARIANTES :

ABANDONNÉ. Loyer des folles amours, p. 317.

HABANDONNÉ. Lanc. du Lac, T. II, fol. 29 R° col. 1.

Abandonnéement, adv. A l'abandon, sans réserve, à discrétion. Hardiment, librement.

(Voyez sur le premier sens le Dict. d'Oudin, au mot Abandonnéement.)

On tient plus cher la chose désirée

Que ce qu'on a à abandonnéement.

Anc. Poës. Fr. MS. du Vatic. n° 1522, fol. 160, R° col. 2.

" La barrière étoit ouverte et la porte aussi... Les Bretons... entrèrent dedans habandonnéement. " (Froiss. Vol. IV, p. 36.)

Par une extension de cette acception, l'on a dit Abandonnéement pour hardiment, librement, " Le Marchis demanda qui il étoit qui si habandonnéement rouvoit ouvrir la porte : Il dit qu'il étoit le Roy, qui etc. " (Contin. de G. de Tyr. Martène, tom. V, col. 628.)

VARIANTES :

ABANDONNÉEMENT. Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. II, p. 715.

ABANDONNÉMENT. Gloss. de Martène - R. Est. Dict.

HABANDONNÉEMENT. Froiss. Vol. IV, p. 36. - Percef. vol. II, fol. 140, verso, col. 2 ; vol. VI, fol. 97, verso, col. 1.

HABANDONNÉMENT. Lanc. du Lac. t. III, fol. 122, V° col. 1.

Abandonnement, subs. mas. Cession de biens.

On disoit être reçu à abandonnement être admis à céder ses biens, pour se délivrer de prison. On lit " jurer et accorder à non vouloir être reçu à abandonnement, " ce qui signifie la renonciation au bénéfice de cession. " Nul homme n'est tenu prisonnier pour debte de garde et commande, supposé qu'il ait juré et accordé à non vouloir estre reçu à abandonnement qu'il ne soit mis hors, s'il veult abandonner, ne le serment ne lui nuira, car autrement sembleroit qu'il fut obligé de mourir. " (Gr. Coutum. de Fr. liv. II, p. 124.) C'est-à-dire que le prisonnier détenu pour dette de garde et commande, doit être élargi, s'il offre de céder ses biens ; et quand même il auroit renoncé par serment au bénéfice de cession, son serment ne lui pourra être opposé.

Abandonner, verbe. Abandonner. Permettre.

Ce mot subsiste au premier sens, sous la première orthographe. On disoit dans le même sens habandonner et habanner : nous ne trouvons cependant l'orthographe habanner que dans le passage suivant, où elle paroit être une faute de copiste ou une abbréviation, pour habandonner. " Vouloient laisser l'oeuvre et tout habanner. " (Hist. de la Toison d'Or. T. I, fol. 43.)

Dans le sens de permettre, un ancien Poëte François, parlant des jeux qu'avoit permis le Roi Louis, dit :

... li Rois de France,

Par son grant sens et par souffrance,

A tous les jus abandonnés :

K'il veut c'on jut à la grieske,

....

A ju d'eskes, à ju de tables ;

Ces coses sont assés raisonables .

Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1368.

CONJUG. ANC.

Habandonniesmes, pour abandonnions. (Le Fevre de S. Remy, Hist. de Charles VI, p. 43.)

Abandonneur, subst. masc. Qui abandonne. (Oudin. Dict.)



(1) demandoit. — (2) On prononçoit raisnahles, qui se disoit aussi dans le même sens. Abandons, subst. masc. plur. Sorte de Coutume.

St Louis, par un de ses règlemens, abolit en 1260, une mauvaise coutume qui s'étoit introduite à Compiegne, et qu'on nommoit Abandons. Le texte porte : " Quoedam captio que fiebat apud Compendium et dicebatur, abandons. " (Voy. Ordon. T. I, p. 293. Observat.)

Abannir, verbe. Défendre, prohiber.

Proprement défendre par ban, par cri public ; d'où ce mot a passé à la signification générale de défendre, prohiber.

" Des prez sont ouverts ordinairement jusqu'au premier May, et par après abannis jusqu'à ce qu'ils soient fauchez et vuidez. Neantmoins certaine portion s'abannit par après, pour grasse pature, et autres usages. " (Cout. de Luxemb. au nouv. Cout. gén. T. II, p. 352, col. 2.) Voy. ci-après ABBANNIS, subst.

Abas, adv. En bas.

On dit encore à bas pour en bas, dans quelques provinces.

Tant que d'abas vous me puissiez entendre.

Oeuv. de Joach. du Bellay.

" Rien d'abas ; " c'est-à-dire, rien de ce qui est ici bas. (Les Marguerites de la Marguerite, fol. 74, R°.)

Abastires, subst. fem. plur. Tueries.

Le lieu où se fait l'abatis des bestiaux par les Bouchers. " Défendre ladite Chambre... à tous Bouchers... de faire abastires, ou tueries, etc. " (Ordon. T. II, p. 386. - Voy. ci-dessous AFFACHOMEN.)

VARIANTES :

ABASTIRES. Ordon. T. II, p. 386.

ABATIRES. Gloss. de l'Hist. de Paris.

Abat, subst. masc. L'action d'abattre.

" Pour abat de chacun arbre de chesne, en l'amende de six florins Carolus. " (Cout. de Haynaut, " au nouv. Cout. gén. T. II, p. 148, col. 2.)

Abatable, adj. Qui peut être détruit.

Proprement qui peut être abatu. De là ce mot s'est employé au figuré pour ce qui peut être renversé, détruit, anéanti.

" Si est le bref abatable pur le errour del purchas. " (Britton, des Loix d'Anglet, fol. 58, V°.)

Abateis, subst. masc. Abbatis. Carnage. Forest.

Ce mot subsiste au premier sens, avec une légère altération d'orthographe : " Pour ce que ceux à qui les bois et maisons ont été abattues, demandent... que son plaisir soit de les faire dédommager desdits abbateis, etc. " (Godefroy, sur Charles VIII, p. 486.)

De là l'acception figurée d'abbateis pour carnage, dans ces vers :

Tout un grand jour d'estey dura le chaspelis,

Des morts et des navrés fut grand l'abbateis.

Ger. de Rouss. MS. p. 119.

Dusqu'és nés fu l'anchauceiz

Et ilueques l'abateiz.

Blanchandin, MS. de St Germ. fol. 192, V° col. 2.

Et vit les grans abateiz,

Les noises oï , et les criz.

Rom, de Rou, MS, p. 242.

Ce mot signifioit aussi Forêt, suivant Borel, qui cite un ancien Ovide MS. Si nous avions cet exemplaire, nous y verrions peut-être que c'est une forêt abattue, une forêt nouvellement coupée.

VARIANTES :

ABATEIS. Borel. Dict.

ABBATEIS. Godefroy, sur Charl. VIII, p. 486.

Abatement, subst. masc. Prise de possession. Terme de chasse.

Ce mot se trouve au premier sens, dans les Tenures de Littleton, fol. 93, R.° où on lit : " entrer par abatement en la terre ; " ce qui signifie, entrer en possession, prendre possession. Le verbe ABATRE a la même signification. (Voy. ce verbe ci-après.)

En terme de chasse, on disoit abatement pour l'action de découpler les chiens.

... pour plainnement

Veoir de chiens abatement.

Font. Guer. Trés. de Vén. MS. fol. 13

Abaterie, subst. fem. L'action d'abatre, de renverser.

Oultre n'avoit artillerie

A souffisance, n'autrement,

Pour rompre, ou faire abaterie.

Vigil. de Charl. VII, T. I, p. 105.

" D'un coup de paulme, cinq sols... de abateure, à terre, que l'en appelle accabler, dix-huit sols, etc. " (Anc. Cout. de Norm. fol. 104, V°.)

Là eut une deconfiture

De François, dont alors mourut

Environ mille à l'abature.

Vigil. de Charl. VII, T. I, p. 51.

VARIANTES :

ABATERIE. Vigil. de Charl. VII, T. I, p. 105.

ABATEURE. Anc. Cout. de Norm. fol. 104, V°.

ABATURE. Vigil. de Charl. VII, T. I, p. 51.

ABBATURE. Fouilloux, Vénerie, fol. 26, V°.

Abatir, verbe. S'abatre, être abatu.

Seez que feras, fuy-t'en a grand eslais ,

Car l'en te voit ja tout abatir.

Eust. des Champs, Poës. MSS. fol. 216, col. 3.

Abatoison, subst. fem. Diminution, Décri.

Ce mot se disoit en parlant des monnoyes. (Voy. Ordon, T. II, p. 184.)

VARIANTES :

ABATOISON. Ord. tom. III, p. 184.



(1) jusqu’au.x vaisseaux. - (2) poursuite. - (3) là, en ce lieu. - (4) bruits. - (5) entendit. - ifi) sçais tu ce que. - (7) élans. BATOISON (La), corr. l'Abatoison, Ibid.

Abator, subst. masc. Qui est entré en possession.

Ce mot, dans les Tenures de Littleton, désigne celui qui s'est mis en possession, qui s'est saisi d'un héritage. (Voy. ABATEMENT ci-devant, et EMBATRE ci-après.)

Abatre, verbe, Abattre, mettre à bas. Abolir. Découpler, lâcher. Prendre possession.

Le premier sens, qui subsiste encore, est le sens propre ; et c'est en ce sens qu'on disoit autrefois Roi abatu, pour Roi détrôné, mis à bas de son trône.

Ha ! Karle Sire, vos commans ai passes,

Or i pert bien, que je suis mal-menés :

Se le saviés, gentiex Rois coronés,

Rois abatus en seroie clamés.

Anseis MS. fol. 21, V° col. 1.

.... je sai à essient ,

Se l'Empereur me fait secorement,

Que la Corone m'abatra erranment ;

Rois abatu serai tout mon vivant.

Anseis. MS. fol. 53, R° col. 1.

Le regné avés malement soustenu,

Autres l'aura, vous serés abatu.

Ibid. fol. 68, R° col. 1.

On disoit aussi abatre pour poser à terre. Dans un ancien livre de Vénerie, on lit " abattre les chairs " d'un animal mort qui doit servir d'apas " et traîner par les voies. " (Fouilloux, Vén. fol. 103, V°.) Ce mot exprime aujourd'hui presque toujours une idée d'effort ou de violence, comme en ce passage, où il signifie jeter par terre, renverser. " Ki abate femme à terre, pur faire lui force, la multe al Seigneur X. solz. " (Loix Norm. art. 19.)

On emploie quelquefois le mot Abatre dans le sens figuré de renverser, abolir. (Voyez Laur. Gloss. du Dr. Fr. au mot Abatre, et du Cange, Gloss. lat. au mot Abatare. - La Thaumass. Cout. d'Orl. p. 465, tit. de 1168.) De là, en parlant d'impôts, les abattre étoit les abolir, les supprimer. (Ordon. tom. I, p. 15, etc. tom. III, p. 34, etc.) En parlant de Confrairies, c'étoit les abolir, les anéantir, (ibid. T. III, p. 583.) En parlant des Monnoies, c'étoit les décrier ou en abolir le cours, (ibid. t. II, p. 192.)

En terme de chasse, on a dit abattre les chiens, pour les découpler, les lâcher : proprement abattre, ôter le couple qui les attache.

Et puis abattre ses chiens courrans.

Gace de la Bigne, des Ded. MS. fol. 109, R° Voy. ibid. fol. 102

Enfin Abattre s'est employé dans le sens de prendre possession d'un lieu, proprement s'abattre sur une terre, y entrer : ainsi on lit " quand le fils puisné abattit en la terre après la mort de son père, etc. " (Tenures de Littleton, fol. 13, R°.) On a vu ci-dessus ABATEMENT dans le même sens. (Voyez aussi EMBATRE ci-dessous.)

CONJUG.

Abate, ind. prés. Abat. (Voy. Loix Norm. art. 19.)

Abatuit, prétér. Abattit. (Voy. St-Bern. Serm. Fr. MSS. p. 4.)

VARIANTES :

ABATRE. Loix norm. p. 222. Athis. MS.

ABAUTRE. Athis. MS. fol. 106, R° col. 2.

ABBATRE. Cotgr. Dict.

HABATRE. Cotgr. Dict.

Abaubir, verbe. Etonner.

Ce mot subsiste encore au participe passif, avec l'orthographe d'ébaubir, dans le discours familier. Il signifie proprement frapper d'étonnement, de là s'abaubir, pour s'ébahir, demeurer stupéfait.

... chacun de vo valour

S'abaubit, et s'umelie.

Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, t. IV. p. 1393.

VARIANTES :

ABAUBIR. Anc. Poës. Fr. MSS. du Vatic. n° 1522, fol. 154, V° col. 2.

ABAUDIR. Fabl. MS. du R. n° 7989, fol. 239, R° col. 2.

ÉBAUBIR. Molière, Tartuffe, Sc. 1re.

Abave, subst. masc. Bisayeul.

Du latin abavus, de même qu'on a dit ave ou ayeul du latin avus, grand-père. " Abave, grand ave " (Bouteill. Som. Rur. p. 464.)

VARIANTES :

ABAVE. Bouteill. Som. Rur. p. 464.

ABAYEUL. La Thaumass. Cout. de Berry, p. 270.

Abbadesque, adj.

Mot formé du latin Abbas, Abbé. " Les Fanfares et courvées Abbadesques des Roulle-bon-temps de la haute et basse Coquaigne, et dépendances. " (Voy. Beauch. Rech. sur le Th. fr. T. II, p. 32.) C'est le titre d'une pièce où l'Auteur faisoit sans doute allusion aux fêtes ou spectacles burlesques dont il est parlé ci-après sous le mot ABÉ.

Abbaiette, subst. fem. Diminutif d'Abbaye.

" Proierent humblement que nous donnissions à la Sainte Eglise de Cambray... une Abbaiette qui a nom Maroille. " (Trés. des Chart. Reg. 22, Pièce 6.)

Mal et vilanie et pechié

Fist de tel pucelette

Rendre en Abiete....

Honnis soit de Diu

Qui me fist Nonnette.

Chans. fr. du XIIIe siècle. MS. de Bouhier, ubi suprà.

(Voyez ABEIE ci-dessous.)

VARIANTES :

ABBAIETTE. Trés. des Chart. Reg. 22, Pièce 6.

ABIETE. Chans. fr. du XIIIe siècle. MS. de Bouhier, fol. 56, R° col. 2.

Abbannis, subst. masc. plur. Défenses, prohibitions.

" Les communautez ne peuvent faire Abbannis, mettre ban, ny règlement à leur bois et usages, sans l'autorité des Seigneurs, ou leurs Mayeurs. " (Cout. de Clermont, au nouv. Cout. gén. tom. II. p. 886, col. 1, etc. - Voy. ci-devant ABANNIR.)



(1) avec intention, sciemment. — (2) incontinent, aussitôt Abbastardisseur, subst. masc. Qui abatardit.

(Voy. Oudin et Cotgr. Dict.)

VARIANTES :

ABBASTARDISSEUR. Oudin, Dict.

ABASTARDISSEUR. Cotgr. Dict.

Abbati, subst. Maison de l'Abbé.

C'est ainsi que Du Cange explique ce mot Breton. (Gloss. Lat. ubi suprà. - Voy. ABEIE.)

VARIANTES :

ABBATI. Du Cange, Gloss. lat. au mot Abbaticium, col. 32.

ABBA-TI. Id. ibid.

Abbechement, subst. masc. L'action de donner la béquée.

(Voy. Cotgr. Dict.)

Abbecher, verbe. Donner la becquée. Affriander.

Le premier sens est le sens propre.

.... Lanieres faintis

Ki on abccke, et adaie .

Anc. Poës. Fr. MSS. du Vat, n° 1490, fol. 38, R°.

Sur ce debat, quant on a le loisir,

Et que oyseaux ont faict assez bon devoir,

On les abesche....

Crétin, p. 83.

De là par extension, abéchier pour affriander.

Clers, je te vois si alechié,

Si ardent, et si abéchié, etc.

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 78, R° col. 1.

VARIANTES :

ABBECHER. Nicot, Monet, Oudin et Cotgr. Dict.

ABBEQUER. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Adescare.

ABECHER. Cotgr. Dict. - Budé, des Ois. fol. 123, V°.

ABECHIER. Modus et Racio, MS. fol. 112, V°.

ABECKER. Anc. Poës. Fr. MS. du Vat. n° 1490, fol. 38, R°.

ABECQUER. Fouill. Fauconn. fol. 12, V°.

ABEQUETER. Cotgr. Dict.

ABESCHER. Crétin, p. 83.

Abbée, subst. fem. Sorte d'ouverture ou de canal.

Ce mot subsiste avec l'orthographe abée, pour désigner l'ouverture par laquelle coule l'eau qui fait tourner le moulin. (Dict. de l'Acad.) Laur. l'explique dans un sens contraire : " Ouverture par où l'eau a son cours quand les moulins ne moulent pas. " (Gloss. du Dr. Fr.) " On ne peut empescher, les rivieres courans perpetuellement, que les moulins ne moulent, ou qu'ils n'ayent une abbée, ou lanciere ouverte pour donner cours à l'eau, sauf ès moulins qui ne peuvent autrement mouldre sans escluses. " (Cout. gén. T. I, p. 921.)

Il semble qu'on peut inférer de là que ce mot a signifié en général l'ouverture par où coule l'eau du moulin, soit lorsqu'elle tombe sur la roue, soit lorsqu'elle s'en écarte ; et en effet, les Bretons ont dit ABER, pour embouchure de rivière. (Voy. ce mot ci-après.)


VARIANTES :

ABBÉE. La Thaumass. Cout. de Berry, p. 458.

ABÉE. Laur. Gloss. du Dr. fr.

Abbregément, adv. Brièvement.

(Voy. Oudin et Cotg. Dict.

Abbreuveur, subst. masc. Qui abbreuve.

(Voy. Monet, Dict.)

Abc, subst. masc. Alphabet. Clef d'un chiffre.

Nous nous servons encore de cette expression dans le premier sens. (Voy. Du Cange, Gloss. lat. aux mots Abecedarium et Abagatoria.) Ainsi on nommoit Lettres parties par A B C, les Chartes mi-parties ; c'est-à-dire les écrits faits doubles sur une même feuille, dont le milieu contenoit des lettres de l'alphabet qui étoient coupées en deux, afin de constater, en les rapprochant, que l'écrit étoit original. " Pour adjouster plus grand foy et fermeté à ces présentes lettres, je les ay signées de mon seing, et scellées du scel de mes armes : Si les ay faict escrire doubles, et parties par A B C. " (Monstrelet, vol. I, fol. 5.)

On disoit aussi Abécé, pour désigner la clef d'un chiffre, proprement l'alphabet de convention. " Lettres en chiffre interceptées dont on avoit les Abécés, au moyen de quoy on eut la facilité de les lire. " (Jaligny, Hist. de Charles VIII, p. 18.)

VARIANTES :

ABC. Du Cange, Gloss. lat. au mot Abecedarium.

ABÉCÉ. Chans. MSS. du C. Thibaut, p. 5.

Abdiquier, verbe. Renoncer.

Ce mot subsiste en ce sens avec une légère différence dans l'orthographe ; mais il ne se dit qu'en parlant des choses : il s'employoit autrefois en parlant des personnes ; ainsi l'on disoit abdiquier son fils, pour renoncer à un fils, ne le plus reconnoître pour son fils.

" Ce Chevalier avoit troys fils, l'ung fut accusé envers Cesar, par envie, qu'il conspiroit quelque mal contre luy, tellement que Cesar le prit en haine, et dist au pere qu'il voulsist abdiquier ; c'est-à-dire débouter son fils de luy et le priver de la succession et droits paternels. " (Hist. de la Toison d'or, vol. II, fol. 45, V°.)

Abditation, subst. fem. Renoncement, éloignement.

Il est probable qu'il faut lire abdication ; les lettres t et c se confondent facilement dans les anciens Manuscrits.

" Je trouve cette vertu (l'obéissance) avoir eu entre les Romains et autres, sa vigueur en quatre manières. La première, Abditation et reboutement de voluptez et de délices. " (Hist. de la Toison d'or, vol. II, fol. 72, V°.)




(1) espèce d’oiseaux de proie. - (2) touche du doigt. Abé, subst. masc. Père. Titre donné aux personnes constituées en dignité.

La signification propre du mot Abbé, est celle de Père. C'est en ce sens que ce nom a été donné à Jésus-Christ, même en notre langue.

.... del bon Abé

Jesus

Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1327.

Une dissertation qui se trouve dans l'Histoire de l'Abbé Suger, retrace les diverses significations que ce mot a eues en divers temps, comme titre donné aux personnes constituées en dignité, soit Ecclésiastiques, soit Laïques.

L'usage le plus commun qu'on en ait fait, a été pour désigner ceux qui possédoient les dignités ecclésiastiques, et plus particulièrement le Supérieur d'un Monastère.

Nous observerons ici, avec le P. Menestrier, que l'on trouve sur les armoiries des Abbés, les marques de leur dignité, il y a plus de trois cents ans. (Ornem. des Arm. p. 142.) Nous remarquerons aussi avec D. Mabillon, que le pouvoir des Abbés dans les choses sacrées, au IXe siècle, s'étendoit à excommunier les Laïques, donner la tonsure, et faire des dédicaces d'Eglises. (Rec. des Pref. de Mabillon, p. 377 et suiv.)

" Abbat dey clouchié, " Abbé des cloches, est le titre encore subsistant d'une dignité dans la Cathédrale du Puy-en-Vélay. (Journal de Trév. Avril 1734, p. 761) ; c'est aussi le titre du sonneur des cloches dans l'église d'Annecy. (Voy. Du Cange, Gloss. lat. au mot Abbas clocherii, col. 33.)

Il y avoit anciennement des " Abbés séculiers qui jouissoient des Abbayes par concession des Rois, et en disposoient comme de leur propre... Filesac l'a montré par plusieurs exemples des deux premières Races. " (Voy. Mém. hist. et crit. de Mézeray, T. I, p. 2.) On y rapporte plusieurs exemples de cet abus. On y lit aussi que les laïques, même mariés, prenoient le nom d'Abbés ; quelquefois d'Archi-abbés. (Ibid. p. 3. - Voy. ARCHIABBÉ ci-après.)

Dans le XVIe siècle l'abus de disposer des Bénéfices en faveur de toutes sortes de personnes, étoit à son comble. Dans la harangue faite par l'Évêque de Valence à l'Assemblée des trois États à Fontainebleau, en présence de François II, on lit : " Les Cardinaulx et les Evesques n'ont fait difficulté de bailler les Bénéfices à leurs Maistres d'Hostels, et qui plus est, à leurs Vallets de chambre, Cuisiniers, Barbiers et Lacquais. " (Mém. de Condé, in-

4°. T. I, p. 560.)

Vers 1569, vingt-huit Évêchés, et presque toutes les Abbayes étoient possédés par des laïques ; et dans le Conseil du Roi, on adjugea un Évêché à une femme. (Hist. de De Thou, t. VIII, p. 93.)

On lit dans Pasquier, que les Bénéfices étoient donnés à des Custodinos, qui les gardoient pour des laïques, et quelquefois pour des Huguenots. (Lett. t. II, p. 608.)

Sous Charles IX on voit des Bénéfices donnés en


mariage et en douaire. (Hist. d'Aubigné, T. II. p. 5. - Voy. ci-après BÉNÉFICE.)

Le titre d'Abbé de St-Martin de Tours, est un titre que prennent les Rois de France. (Galland, des anc. Enseig. et Étend. de Fr. p. 5.)

Pasquier dit dans ses Recherches, liv. III, p. 279, " qu'il ne faut faire nul doute que du temps de la première institution des Abbés et Moines, c'étoient personnes séculières qui ne tenoient nul degré en l'Eglise. "

On nomme en Béarn Abbats laïcs, ceux qui possèdent les dixmes des Villages et qui nomment aux Cures. (Voy. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Abbas laïcus, col. 27, et Laur. Gloss. du Dr. Fr.)

Les Abbés chevaliers étoient les champions des Monastères. (La Colomb. Théat. d'honn. T. I, p. 37.) Dans le Cartulaire de Moissac, l'Abbé chevalier, Abbas miles, levoit des droits sur les biens d'une Abbaye, pour la défendre et la protéger. Les Abbés chevaliers étoient en quelque sorte aux gages des Moines. (Voy. Mézeray.)

Les Génois, dans le XIVe siècle, nommoient le Chef de leur république Abbé du Peuple. (Voy. leurs Historiens.)

Dans l'Histoire de Du Guesclin, par Menard, on trouve " Abbé de Malle-paye " pour désigner Alain de Taillerail, servant à la guerre. (Voy. pp. 455 et 491.)

Enfin Furetière observe dans son Roman bourgeois, T. I, p. 7, que de son temps on appeloit Abbés, les jeunes gens de bonne famille qui étoient tonsurés, quoiqu'ils n'eussent pas d'Abbayes. Cet usage ou plutôt cet abus, est aujourd'hui encore plus étendu.

On abusoit aussi de ce nom en l'appliquant aux chefs de certaines sociétés, dont les plaisirs qui en faisoient le lien, n'offroient qu'un mélange, souvent criminel et toujours ridicule, de licence et de superstition. Ainsi nous trouvons :

1° L'Abbé de Liesse et des moines à Arras. On peut voir les spectacles burlesques qu'ils donnoient ; l'association de l'Abbé de Liesse avec le Prince de Plaisance ; et le Roi des Sots de Lille, dans les Mém. sur l'Hist. d'Artois, par M. Harduin, pp. 19, 46, 63, 75 et 204.

2° L'Abbé du Clergé, ou de la Mal-gouverne, ou de la fête de l'âne. L'Abbé du Clergé étoit un jeune Clerc que le bas choeur élisoit dans une de ces ridicules cérémonies que la simplicité de nos pères avoit introduites. (Voyez ces cérémonies décrites par M. Lancelot, d'après un rituel MS. de Viviers, dans le T. VII de l'Hist. de l'Acad. des Bell. Lett. p. 255) ; on y cite un jugement du 31 Mars 1406, rendu par des arbitres, contre un homme qui avoit été élu Abbé du Clergé, et qui ne vouloit point l'être et encore moins donner le repas qu'il devoit en cette qualité.

Cet Abbé du Clergé se nommoit à Rhodez l'Abbé de la Mal-gouverne, ou de la fête de l'âne. (Voy. Du Tilliot, Hist. de la Fête des fols, p. 22 et suiv.)

3° L'Abbé des Cornards ou des Chansonniers et diseurs de bons mots à Évreux et à Rouen. (Voy. Du Tilliot, ubi suprà, p. 89 et suiv.)

Remarquons enfin les expressions suivantes, dans lesquelles le nom d' Abbé est encore employé abusivement :

1° On appeloit Jeu de l'Abbé, une sorte de jeu où il faut imiter celui qui passe devant les autres, en tout ce qu'il fait. (Oudin, Curios. Fr.)

2° On a dit proverbialement Pas d'Abbé, pour allure grave. (Cotgr. Dict.)

Table d'Abbé pour table somptueuse. (Rab. T. V, p. 124.)

Face d'Abbé pour visage rubicond, bouffi d'embonpoint. (Voy. Bourgoing, de Orig. Voc. Vulg. fol. 8. et 9.)

VARIANTES :

ABÉ. Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, Tom. IV, p. 1327.

ABBAT. Du Cange, Gloss. lat. au mot Abbas laïcus.

ABBÉ. Orth. subsist.

ABBEI. Du Chesne, Gén. de Guines. Pr. p. 291, tit. de 1266.

ABBÉS. Labbe, Gloss. p. 485. St Bern. Serm. fr. MSS. p. 314.

ABEI. Du Chesne, Gén. de Guines, Pr. p. 284, tit. de 1241.

ABET. Du Chesne, Gén. de Berth. Pr. p. 162. tit. de 1267.



Abécédaire, adj. Alphabétique. Élémentaire. Qui en est aux élémens.

Le premier sens, qui est le sens propre, subsiste encore. On dit " l'ordre Abécédaire " pour l'ordre alphabétique. (Nat. d'amour, fol. 258, R°.)

Par une extension de cette acception, et prenant l'A B C, élémens des lettres, pour les élémens de toutes connoissances, on a dit abécédaire pour élémentaire, en parlant des choses. On lit en ce sens dans Montaigne " il y a ignorance abécédaire qui vaut la science. " (Essais, T. I, p. 530.)

De là ce mot, appliqué aux personnes, a signifié " qui n'en est qu'aux élémens. " Le même Montaigne a dit : " La sotte chose qu'un vieillard abécédaire ; " c'est-à-dire qu'un vieillard ignorant, qui n'en est qu'aux premiers éléments des lettres. (Ibid. T. II, p. 762.)



Abeesse, subst. fem. Abbesse.

Nous ne citerons pas de passage pour justifier le sens propre de ce mot qui subsiste avec une légère altération d'orthographe ; mais nous rapporterons l'expression proverbiale d'abbesse de Lens, formée par l'équivoque de Lens, avec lenteur, et qui a été employée pour désigner une personne lente. Ces sortes d'équivoques et d'allusions de mots, sont assez fréquentes dans nos anciens Auteurs.

Qui ne peut bien son service employer,

A Lens si voist mieus querre l'abeesse.

Anc. Poës. Fr. MS. du Vat. n° 1490, fol. 171, R°.

VARIANTES :

ABEESSE. Anc. Poës. Fr. MS. du Vatic, n° 1490, fol. 171, R°.

ABAESSE. Fabl. MS. du R. n° 7615, T. II, fol. 147, R° col. 1.

ABBAIASSE. Gloss. sur les Cout. de Beauvoisis.

ABBAISSE. Apol. pour Hérod. p. 344.

ABESE. Du Chesne, M. de Guines, Pr. p. 286, tit. de 1244.



Abeie, subst. fem. Abbaye. Couvent.

Dans la première acception, ce mot subsiste avec l'orthographe abbaye, qui se trouve déjà dans Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 237, col. 2, etc.

Par extension l'on a dit Abbaye pour Couvent en général, Maison de Religieux ; ainsi qualifioit-on la maison des Cordeliers à Alexandrie en 1513. " Ledit adventureux alla loger en une Abbaye de Cordeliers, etc. " (Mém. de Rob. de la Marck, Seigneur de Fleuranges, MS. p. 167.)

Le mot Abbaye, employé figurément, a produit les expressions suivantes :

1° Etre de l'abeie de quelqu'un, pour avoir le même sort, partager la même fortune, proprement : être du même Ordre.

Fox est qui en vos se fie ;

Vous estes de l'abeie

As souffraitous .

Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. III, p. 981.

2° On disoit proverbialement :

Tout vendra en nostre Abbaye.

Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 237, col. 2.

C'est-à-dire : je m'emparerai de tout.

3° Cuir d'abeie, pour désigner un cuir doux et bien passé. " Le Faucon doit avoir un chapperon de bon cuir d'abeie bien fait et bien enfourmé. " (Modus et Racio, MS. fol. 110, V°.) On lit cuir d'abere dans l'imprimé, fol. 59, V°, mais c'est visiblement une faute, pour cuir d'abeie. Elle se trouve rectifiée par le MS.

4° De là, sollers d'abbaye, pour souliers faits de cuir d'abeie.

De bons harnois, de bons chauçons velus

D'escasillons , de sollers d'abbaye.

Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 234, col. 4.

5° On appelle à Toulouse la grande Abbaye, le lieu public des filles de débauche. (Extr. de l'Hist. de Languedoc, par D. Vaissette. - Journ. des Sav. Mars 1746, p. 527.)

6° L'abbaye de monte à regret. Expression qu'on trouve dans Oudin (Curiosités fr.) pour désigner la potence.

VARIANTES :

ABEIE. Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. I, p. 334.

ABBAYE. Orthogr. subsist.

ABBEIE. Loix Norm. art. 1, dans le Lat. Abbatia, sive Ecclesia. Religionis.

ABEYE. Modus et Racio. MS. fol. 110. V°.

ABIE. Roman du Brut. MS. fol. 103, R° col. 1.

Abeillage, subst. masc. Droit Seigneurial.

Laurière le définit " un droit en vertu duquel les abeilles épaves et non poursuivies, appartiennent aux Seigneurs Justiciers. " (Gloss. du Dr. Fr. au mot Abeillage. - Voy. AURILLAGE ci-après.)

VARIANTES :

ABEILLAGE. Du Cange. Closs. Lat. au mot Abollagium.

ABOILAGE. Ménage et Borel, Dict.

ABOILLAGE. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Abollagium.

ABOLLAGE. La Thaumass. Cout. de Berry, p. 455, note.

(1) aille. — (2) gueux, pauvres. — (3) espèce de chaussure. Abeillanne, subst. fem. Espèce de mouche, petite mouche blanche.

(Voy. Oudin et Cotgr. Dict.)



Ce mot subsiste avec cette orthographe. Nicot remarque que dans la Touraine et l'Anjou, on disoit Aveille, du Latin Avicula ou Apicula. L'on trouve en effet Aveille dans Rabelais, T. I. p. 254. (Voy. Avette, sous AVEILLETTE, ci-après)

On joignoit quelquefois le nom du genre à celui de l'espèce ; de là le mot composé mouche-aveille, pour abeille, mouche-à-miel. " Les Dames ayant... lavé leurs mains... entrèrent dans un lieu où il y avoit beaucoup de livres, et l'une d'elles.... dit :

Que une mouche-aveille

N'a tant desirs d'avoir

Du miel,

" Qu'elle en a à voir des livres pour s'instruire. " (Hardiesses de plus. Rois et Emper. MS. du R. n° 7075, Préface. - Voy. AES ci-après.)

VARIANTES :

ABEILLE. Orth. subsist.

ABAILLE. Borel. Dict. 1res add.

ABOILE. Borel, Dict.

AVEILLE. Rab. T. I, p. 254.



Abeillon, subst. masc. Essaim d'abeilles.

(Voy. Du Cange. Gloss. Lat. au mot Abollagium.) " Si aucun trouve un abeillon à miel espave en son héritage, qui ne soit poursuivy par celuy à qui il appartient, il est tenu de le révéler au Seigneur justicier. " (Cout. gén. T. II, p. 393.)

VARIANTES :

ABEILLON. Laur. Gloss. du Dr. fr.

ABEILION. Dict. de Cotgr.



Abeldi.

Il faut peut-être lire a-bel-di, mots Italiens qui signifient à quelque beau jour, ou comme nous disons vulgairement un beau matin.

Ernouf un Cuens de Flandres bien puissant, abeldi.

Monstereul son Chastel à Herloin toli.

Rom. de Rou. MS. p. 66.

On pourroit encore diviser abeldi de cette manière : ab el di ; c'est-à-dire en Provençal, avec le jour, au point du jour.



Abelir, verbe. Plaire, être agréable, charmer. Parer. Colorer, justifier.

On a employé dans le premier sens toutes les orthographes de ce mot.

Les Italiens et les Provençaux disent en ce même sens, abellire.

Li dous chant tant m'abeli ,

Jus de mon cheval salli ,

Maintenant là ù le Rousignol vi.

Vill. li. Viniers, Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, p. 822.

Un mari trouve sa femme avec son galant :

Quant vi la Dame et son ami,

Sçachiez, point ne li abeli .

Fabl. MS. de S. Germ. p. 189.

Ung mot luy nuit, l'autre luy abellit.

Al. Chartier, Poës. p. 557.

Une Dame fait préparer un bain pour son amant, et dit à sa Chambrière :

Queur tost le Seigneur deschaucier,

Je vueil qu'il se voist baigner

....

Si m'embelira plus son estre.

Fabl. MS. de S. G. fol. 78, V° col. 3.

" Tant avoit de beau parler en soy, qu'il plaisoit moult, et embellissoit aux Chevaliers. " (Hist. de Du Guesclin, par Ménard, p. 204.)

L'aim tant vraiment,

Que riens, fors li, ne m'enbelist .

Jean de Nueville, Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1146.

Nous n'avons trouvé que les trois dernières orthographes employées dans les autres sens. On dit encore embellir, pour orner, parer. Froissart a dit en ce sens, pris au figuré : " Jà maintenant avez avec vous les plus beaux et les plus notables du païs... et c'est une chose qui moult grandement embellit et réjouit votre guerre. " Et plus figurément encore, " embellir l'âme et la sépulture de quelqu'un, " pour faire honneur à la mémoire de quelqu'un. (Liv. IV, p. 77.)

En étendant l'acception précédente, embellir s'est pris dans le sens de donner des couleurs favorables ; au figuré, justifier. Ainsi le même Froissart a dit " pour en guerre embellir et colorer, " (Liv. I, p. 356.)

CONJUG.

Abeli, prétér. Plut. (Voy. G. Guiart, MS. fol. 57, V°.)

Abelist, indic. prés. Plaît. (Voy. Fabl. MSS. du R. n° 7218. fol. 130, V° col. 2.)

Abelut, prétér. Plut. (Voy. ibid. fol. 284, R° col. 2.)

VARIANTES :

ABELIR. Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 393, col. 1.

ABBELIR. Gace de la Bigne, des Déd. MS. fol, 138, R°.

ABELISER. Borel, Dict.

ABELLIR. Al. Chart. poës. p. 557, et Glossaire du Roman de la Rose.

ABIELIR. Phil. Mousk. MS. p. 12.

EMBELIR. Fabl. MS. de S. Ger. fol. 78, V° col. 3.

EMBELLIR. Hist. de Du Guesclin, par Ménard, p. 204. - Froiss. liv. I, p. 56.

ENBELIR. Jean de Nueville, Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1446. - Jean Erars, ibid. T. II, p. 662. - Simon d'Autie, ibid. T. II, p. 686.



Abellé, partic. Qui mène des bêtes.

Il paroît que c'est en ce sens que doit s'entendre ce mot dans le passage suivant, le seul où nous l'ayons rencontré : " Tous Sergens doivent être crus à leur relation de prise de gens abellés qu'ils trouvent en dommages ès bois, etc. " (Nouv.

(1) tant me plut. - (2) à bas. - (3) je sautai. - (4) là ci:;. - (5) point ne lui plut. - (6) courre vite. - (7) aille. - (8) il oe plaira davantage. — (9) ne me plait. Cout. gén. T. II, p. 601, col. 1.) Peut-être faudroit-il lire abestés ou abettés. (Voy. ABESTÉ ci-après.)


Abenevis, subst. masc. Espèce de contrat. (Voy. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Abenevisum, col. 37.) Contrat pour jouir tant qu'il plaira, sans limitation de durée. Ce mot est visiblement formé du latin Benevis, pris substantivement, pour bon vouloir, bon plaisir ; de-là " à benevis, " à volonté, selon le bon plaisir ; par corruption en un seul mot Abenevis. " L'Abenevis dure toujours... Quand quelqu'un, par un temps immémorial, a joui des eaux d'un Seigneur, on tient dans le Lionnois que le Seigneur est obligé de lui donner... un abenevis sous une redevance qui emporte lods et ventes, dans le cas des aliénations. Abenevis, dans le Lionnois et les pays voisins, signifie donc en général toute concession qu'un Seigneur fait à quelqu'un sous quelque redevance ; mais particulièrement une concession d'eaux pour faire tourner des moulins, ou pour arroser des prez. " (Laurière Glossaire du Droit français au mot Benevis, p. 257, note.)


Abeneviser, verbe. Concéder. On lit dans Laurière : " Beneviser, Abeneviser, n'est autre chose que fixer, aborner, " (Gloss. du Dr. fr. au mot Benevis. - Voy. BENEVISER ci-après ; et ci-dessus ABENEVIS.) La signification que nous avons donnée à ce dernier mot, semble devoir étendre plus loin que ne fait Laurière, celle du verbe Abeneviser, qui en est formé.


Abenfans, subst. masc. plur. Arrière-petit-fils. De même qu'on a dit Abave, pour désigner le degré au-dessus de l'ave ou grand-père, le quatrième degré en remontant ; de même on a dit abenfans, pour désigner le quatrième degré en descendant, le degré au-dessous des petits-enfans. " Abenfans, qui est le quart-degré que les Clers appellent abneveux. " (Bouteille. Som. Rur. p. 466.)


Abengue, subst. Ce mot, dans le Cambresis, se dit d'un quart de denier ; c'est la moitié d'une obole, laquelle fait la moitié du denier. On trouve le mot Abengue dans un titre de l'Eglise de Cambray, du 20 Mars 1348, concernant la levée des impôts sur les boissons, qui m'a été communiqué par M. Mutte, Doyen de Cambray.


Abensté, subst. fem. Terme de Coutumes. Absence nécessaire ou forcée. " Observera, et lui enjoignons, et ordonnons d'observer le deuxiesme article, ou tiltre huictiesme de la reformation, touchant de point conceder inhibition au debteur convaincu par bannissement, abensté, ou autre conviction des Juges seculiers. " (Cout. du pays de Liége, au Cout. gén T. II, p. 975.) " Par vertu de quarte-mandement, bannissement et abensté exécutée par bannissement, on poldra demener les heritages, cens, rentes, etc.... des debteurs convaincus, et iceux biens saisir, etc. " (Ibid. p. 981.)


Aber, subst. masc. Embouchure d'une rivière. Mot Breton. (Voy. Du Cange, Gloss. lat. au mot Haula, T. III, col. 1073, et Valois, Notit. Galliarum, au mot Francopolis. - Voy. aussi l'article ABBÉE ci-dessus.)


Abergeiss, subst. masc. Espèce de toupie. Le Duchat, dans ses notes sur Rabelais, dit que ce mot désigne une espèce de toupie dont les enfans s'amusent en Allemagne. (Rab. T. IV, Nouv. Prolog. p. 35.)


Aberhavre, subst. masc. Embouchure de fleuve. (Borel, Dict.) Ce mot est visiblement composé d'aber, qu'on vient de voir dans le sens d'embouchure, et de havre, port ; ainsi le mot Aberhavre paroîtroit signifier proprement les embouchures des fleuves qui forment un port.


Abeste, subst. masc. Amiante. Pierre qui se réduit en filamens assez souples pour être filés, et que le plus grand feu ne sauroit endommager. (Ménage, Dict. ubi supra.) C'est ce qu'exprime le mot Grec , Marbodus, en l'altérant un peu, en a fait un mot françois. Abèstos vient de la cuntrée D'Archade, ù el est trovée ; Ceste pierre a de for culur , etc. Marbodus, col. 1663. VARIANTES : ABESTE. Marbodus, col. 1663, art. 33. ABESTOS. Marbodus, ubi suprà. ASBESTE. Ménage, Dict. étym. au mot Amiante.


Abesté, adj. Qui a des bêtes, qui est à cheval. (Cotgr. Dict.) " Il ne vouloit loger que ceux qui estoient abestez, c'est-à-dire que ceux qui avoient des bêtes, et non les gens de pied. " (Bouchet Sérées. T. I, p. 419. - Voy. ABELLE, ci-dessus.)


Abester, verbe. Rendre bête, abrutir. Duper. Animer, exciter. Attaquer de front. Le sens propre est rendre bête, abrutir. " Est abesté le bonhomme, et paist l'herbe, et est transfiguré en une beste sans enchantement. " (Les 15 Joyes du mar. p. 116.) " Le deussent-ils garder de soy laisser ainsi abester. " (Ibid. p. 202. - Voy. ABESTIR ci-après.) De là on s'est servi de ce mot pour profiter de la bêtise de quelqu'un, le duper. Celles prannent sans rendre qui les musarz abestent. Chastie Musart, MS. de S. G. fol. 105, R° col. 3.

(1) où elle se trouve. — (2) couleur Bien guile la Dame et abete

Son Seignor qui tant s’en espert.

Fabl. MS. de S. G. fol. 123, R° col. 1.

Dans le sens d’animer, exciter, ce mot signifie proprement opposer deux bêtes, deux animaux l’un à l’autre. On disoit au figuré : " Pour ce que vous abbetastes et procurastes discorde entre notre Seigneur le Roy et la Reine et les altres du Réalme. " (Du Cange, Gloss. Lat. citat. au mot Abbetator.)

De là, la signification d’abeter, pour attaquer de front, faire tête. " Il leur tourna l’écu.... vers le visage aussi fierement que fait le porc-sangler aux chiens quant ils sont abetés. " (Percef. Vol. I, fol. 125, V°, col. 1.)

On a dit par extension s’abetter, pour s’aheurter, s’attacher sans démordre.

Trop est folz qui à eux s’abette.

Hist. des 3 Maries, en vers, MS. p. 330.

VARIANTES :

ABESTER. Les quinze Joyes du mariage, p. 202.

ABBETER. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Abbetator.

ABETER. Fabl. MS. de S. G. fol. 384.

ABETTER. Hist. des Trois Maries, en vers, MS. p. 330. Abestir, verbe. Rendre bête, abrutir.

(Voy. ABESTER ci-dessus.)

.... plusieurs sont,

Quand femmes ont,

Mal s’en chevissent ;

Et grant mal font,

Quand se forfont,

Et s’abestissent :

Tant les chérissent,

Et obeissent,

Que de liberté le défont,

Blason des faulces amours, col. 259.

VARIANTES :

ABESTIR. Sag. de Charron, p. 132. - Crétin, p. 133.

ABESTIER. Froiss. Poës. MSS. p. 339, col. 1.

ABETIR, d’où le participe Abeti pour Hébété, dans Martin Franc

Abet, subst. masc. Espèce de sapin.

En latin abies. Il y a au pays de Foix, sur les monts Pyrénées, un ancien sapin qu’on appelle l’Abet coronat ; c’est-à-dire sapin couronné, en mémoire de ce qu’on tient qu’autrefois trois Rois dînèrent dessous. (Borel, Dict. au mot Sap. p. 405, et Ménage, Dict. étym.)

Abete, subst. fem. Instigation.

Du Cange l’explique en ce sens dans ce passage : " Ont faits que nostre Seigniour le Roy sans assent du Royaume ou deserte d’eux, lour ad doné par lour abete, moult diverses Seignouries, etc. " (Gloss. Lat. au mot Abettum, col. 38.) Ce mot, qu’on a fait venir du Saxon, ne seroit-il pas le même qu’Abet, ruse, ci-après sous ABETH, formé d’Abester ?


Abeth, subst. masc. Action d'attendre. Action de guetter. Ruse, friponnerie. Erreur, mécompte.

Proprement ce mot au premier sens signifie l'action de béer, d'attendre en béant, par extension, retard, délai.

Et puis me dit, por abet

Que je feisse sur ce buffet.

Fabl. MS. du R. n° 7615, T. I, fol. 120, R° col. 1.

Or entendez un petitet

N'i ferait mie grant abet .

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 230, V° col. 1.

De là, pour l'action d'attendre en observant, l'action de guetter, on lit en ce sens :

Or soiez demain en Abé

As fenestres de cele tor.

Alex. et Arist. MS. de S. G. fol. 72, V° col. 3.

D'Abeter, duper, tromper, on a pu dire abet pour ruse, artifice, friponnerie. (Voy. ABESTER et ABETE ci-dessus.)

Si te va pendre à un gibet

Tu ne sez rien fors que d'abet

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 215, R° col. 1.

C'est peut-être en ce sens que pour désigner tout ce qui peut servir à tendre des piéges aux animaux et à les prendre, on s'est servi de l'expression d'armes de maint abet.

De Venerie, i a oustill.

Le quenivet et le fuisill,

Et li tondres et li galet

Et moult arme de main abet.

Parten. de Blois, MS. de S. G. fol. 143, R° col. 1.

Enfin pour erreur, mécompte, comme dans ces vers :

.... estoit enchainte

La douce Vierge digne et sainte,

Desquiex troiz moiz dit sans abeth

Quant je parlay d'Elizabeth ;

Ainsi devoit la Vierge tendre

Pour enfanter six mois attendre.

Hist. des 3 Maries, en vers, MS. p. 82.

VARIANTES :

ABETH. Hist. des trois Maries, en vers, MS. p. 82.

ABÉ. Anc. Poës. Fr. MS. du Vat. n° 1490, fol. 148, R°.

ABET. Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 215, R° col. 1.

Abetere, adj. Sot, hébété.

Mouskes, parlant de Charles le Chauve, dit en ce sens :

D'une feme, ki fu gentius,

Avoit uns fil ki fu soutius ;

Loeys li Baubes ot non ;

Et facies k'il ot cest sornon ;

Pour cou k'il estoit baubetere ;

Mais il n'iert fos , ne abetere.

Ph. Mouskes, MS. p. 328.

VARIANTES :

ABETERE. Phil. Mouskes, p. 328.

ABETIERE. G. Guiart, MS. fol. 16, R°.


(1) trompe. — (2) comme en attendant. — (3) retard, délai. — (4) quenivet, canivet, diminutif de canif. — (5) amadou. — (6) pierre à fusil, caillou. — (7) subtil, fin. — (8) bègue. — (9) eut ce surnom. — (10) balbutiant. — (11) n’étoit fol.

Abeveter, verbe. Instruire, prévenir.

Il semble que ce soit la signification de ce mot dans le passage suivant, où il s’agit d’une femme qui ayant mangé des perdrix, veut faire croire à son mari qu’elles ont été mangées par le chat.

Puis va en mi la rue ester ([48]),
Por son mari abeveter ;
Et quant ele ne’l voit venir,
La langue li prist à frémir,
Sus la pertris ([49]) qu’ele ot lessié.

Fabl. MS. du R. no 7218, fol. 169, V° col. 1.

(Voy. ci-après la cinquième acception d’Abevrer.)

Abevrer, verbe. Faire boire. Boire. Désaltérer. Imbiber. Pénétrer. Instruire. Arroser.

Le premier sens est le sens propre : « Li gué pour les bestes abejuvrer ». (Beauman. Cout. de Beauvoisis, p. 125.)

On employoit ce mot comme verbe neutre dans la signification de boire.

.... Le poulain au Bacheler.
Fi à sa fontaine abevrer.

Fabl. MS. de S. G., p. 198.

Il est actif dans le sens de désaltérer. « Serons tuit enyvreit de l’abondance de la maison de Deu, et si serons abovereit del ruit ([50]) de son deleitdelectum. » (Saint-Bern. Serm. fr. MSS. p. 236.)

On a dit au même sens : « Por abovrer notre soif ». (Id. ibid. p. 130.)

Pour imbiber, au figuré pénétrer. Cette acception, ainsi que la précédente, est une extension des deux premières.

Je sui de grand dueil abivré.

Ger. de Rouss. MS. p. 43.

De là celle d’instruire ; instruire quelqu’un, l’imbiber en quelque sorte d’une opinion, d’une nouvelle, etc. On a dit des Philosophes : « Si en trouverez-vous peu qui n’ayent esté abreuvé de folie ». (Débat de folie et d’amour, fol. III, V°). « Le diable ayant été abreuvé des grosses noises et questions que faisoient journellement des maris contre leurs femmes, delibéra de se marier ». (Nuits de Strapar. T. I, p. 145.) « Je connois un Gentilhomme et Seigneur, lequel voulant abreuver le monde qu’il estoit devenu amoureux, etc. » (Brant. Dam. Gal. T. I, p. 156. - Voy. ci-devant ABEVETER pris en ce sens.)

Enfin, d’abreuver, faire boire, imbiber, ce mot a signifié arroser ; au figuré donner à tous tour à tour, comme l’on donne l’eau aux plantes. On dit encore en ce sens, arroser, en termes de jeu. « Il arriva des gens sur moy qui le me le vouloient tuer, lesquels je abuvray tous » ; c’est-à-dire, « je leur donnai à tous de l’argent ». (Le Jouvencel, fol. 67, R°.) C’est dans ce même sens qu’on a dit aussi d’une succession, « si telle succession advient, tous les membres en sont abbreuvez ; ils la partagent tous ». (Nouv. Cout. gén. T. II, p. 559.)

On disoit proverbialement : " Fol est qui se met en enqueste ; car le plus souvent qui mieux


abreuve, mieux preuve ". (Instit. cout. de Loysel, T. II, p. 238.)

CONJUG.

Aboverrat, ind. futur. Abreuvera. (Voy. S. Bern. Serm. fr. MSS. p. 128.)

VARIANTES :

ABEVRER. Fabl. MS. de S. G. p. 198.
ABBREVER. Oudin, Dict. et Curiosit. fr.
ABBREUVER. Orthog. subsist. Cotgr. et Oudin, Dict.
ABBRUVER. Ph. de Mézières, Songe du Vieux Pèlerin.
ABEJUVRER. Beauman. Cout. de Beauvoisis, p. 125.
ABIVRER. Ger. de Rouss. MS. p. 43.
ABOIVRER. Fabl. MS. du R. no 7218, fol. 95, R° col. 2.
ABOVERER. S. Bern. Serm. fr. MSS. p. 236.
ABOVRER. S. Bern. Serm. fr. MSS. p. 130.
ABREUVER. Ger. de Rouss. MS. p. 43.
ABRUVER. Ph. de Mézières, Songe du Vieux Pèlerin.
ABUVRER. Froiss. Poës. MSS. p. 287, col. 1.

Abevruement, susbt. masc. Abbreuvement.

L’action d’abbreuver. « Xercès assembla si grans barnaiges ([51]) que par l’Abevruement de ses chevaux, s’asseicherent les fleuves ». (Al. Chart. de l’Espérance, p. 364.)

Abhorrement, subst. masc. Horreur.

« Il n’y a rien qui pousse la personne tant à la vertu que l’honneur, et l’abhorrement du vice ». (Brant. Cap. fr. T. I, p. 32.) On lit « Abhorissement du vice » dans Du Verdier. (Biblioth. p. 56.)

VARIANTES :

ABHORREMENT. Brant. Cap. fr. T. I, p. 32.
ABHORRISSEMENT. Du Verdier, Biblioth. p. 56.

Abhorrir, verbe. Abhorrer.

J’abhorissois les faveurs d’une amie.

Poës. de Loys le Caron, fol. 21, R°.

Abienneurs, subst. masc. plur. Séquestres.

On nomme ainsi en Bretagne « les Commissaires, les séquestres, ou les dépositaires d’un fonds saisi ». (Laur. Gloss. du Dr. fr.)

VARIANTES :

ABIENNEURS. Laur. Gl. du Dr. fr.
ABIANNEURS. Id. ibid.

Abier, subst. masc. Faucon gentil.

(Voy. Oudin et Cotgr. Dict.)

Abjet, subst. masc.

Ce mot, qui n’est peut-être qu’une corruption du mot objet, et une simple faute d’orthographe, peut s’entendre dans le sens d’incident en ce passage :

Ainsi doncques, a par moy, estimoye
Contre accident qui souvent nous envoye
Par ung abjet merveilleux, et segret,
Heur et malheur, destrempé de regret.

Chasse et Départie d’amour, p. 15, col. 1.
Abigaut

subst. masc. Titre de dignité.

Dignité chez les Sarrasins : du moins trouvonsnous qu'il est fait mention de l'Abigaut de Damas dans le Roman de Baudoin, fol. 55, R°.

Abir

subst. masc. Jugement, sens, esprit.

.... Vous avar tant d'abir, Et de curteisie : Bien saurés lors miaus coisir.

Anc. Poët Fr. MSS. avant 1300, T. II, p. 903.

Albir a eu la même signification dans le patois Provençal.

VARIANTES :

ABIR. Anc. Poët. Fr. MSS, avant 1300, T. II, p. 903.

ALBIR. Mot de l'ancien Provençal.

Abir

verbe. Songer, rêver.

Dans une pièce françoise, entre-mêlée de Provençal, on lit les vers suivans :

Da ! sabias com suspir, et abir Et con fai coulour palir, etc.

Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. III, p. 1230.

Abistrade.

On appeloit logis de l'Abistrade, une maison située derrière l'ancien Hôtel de Bourgogne, à Paris. (Favin, Théat. d'honn, p. 719.)

Ce mot ou ce nom, pourroit avoir quelque rapport avec le " novel liu Nostre-Dame à Leisbistade, " dans le Testament du Comte de Guines, en 1284. (Voy. Du Chesne, Gén. de Guines, Pr. p. 284.)

Abitement

subst. masc. Habitation, demeure. (Voy. HABITACLE et HABITAGE ci-après.)

Pour tous les Crétiens destruire, Qui avoient abitement Entre Mongieu, vers Occident.

Rom. du Brut. MS. fol. 43, R° col. 2.

Abjuracion

subst. fem. Abjuration.

Chez les Anglois, l'abjuration étoit un serment par lequel les criminels qui s'étoient réfugiés dans une Eglise ou dans un Cimetière, pour mettre leur vie en sûreté, s'obligeoient à se bannir du Royaume, pour se soustraire à la rigueur de la Loi (Du Cange, Gloss. Lat. au mot Abjuratio, col. 44. — Voy. Britton, des Loix d'Angl. au Chap. De Abjuracions. fol. 24, V°.)

Abjurement

subst. masc. Abjuration.

(Voy. Oudin, Dict.)

Abladene

subst.

Ce mot en général signifie un pays fertile en blé. La ville d'Amiens a porté ce nom, suivant le Roman d'Abladene, composé vers 1250, par Richard de Fournival, et souvent cité par Du Cange, sous l'orthographe d'Abladane. Pierre Grognet, faisant parler la ville d'Amiens, a dit depuis :

Premierement je fus dicte Abladene, Pour les beaux blez et boys comme en Dardaine.


Un pen après a été dicté Some Pour la raison de la belle eau de Some, Puis St Firmin te mit non Amiens ; Quant fut martyr, dit : je m'en vois à miens.

VARIANTES :

ABLADENE.

ABLADANE.

Ablaier

verbe. Emblaver, ensemencer.

(Voy. Du Cange, Gloss. Lat. ubi suprà. — Cotgr. Dict.) " Terres Ablayées ", terres ensemencées. (Cout. gén. T. I, p. 608).

VARIANTES :

ABLAIER. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Abladiare.

ABLAYER. Cout. gén. T. I, p. 608.

Ablais

subst. masc. plur. Blés, grains.

Proprement les fruits de la terre emblavée. (Voy. ci-devant le verbe " ABLAIER " pris dans le sens d'ensemencer.) Laurière, Gloss. du Dr. fr. au mot Ablais, appelle Ablays les blés coupés qui sont encore sur le champ ; et dans le Cout. gén. on trouve Ablays croissans, pour les blés qui sont encore sur pied. Les passages suivans justifient cette distinction : " Celui qui possède terre, ou héritages chargez de droict de terrage, ou champar, est tenu, avant que transporter hors du champ les ablays, appeller celuy auquel est deu le dit droict ". (Cout. gén. T. I, p. 612.) " Celuy qui à garde faite, fait pasturer ses bestes en ablays croissans, eschet en soixante sols parisis d'amende ". (Ibid.)

VARIANTES :

ABLAIS. Laur. Gloss. du Dr. fr. — Cotgr. et Oud. Dict. au mot Ablay.

ABLAYS. Cout. gén. T. I, p. 880, etc.

ABLIEZ. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Regalia.

Ablation

subst. fem. Enlèvement.

Du latin Auferre, au supin Ablatum. (Voy. Oudin. Dict.)

Able

adj. Habile, capable.

Ce mot qui, en Anglois, se dit encore au même sens, paroît être une contraction de l'orthographe abile. (Voy. HABILE ci-après.) " Il n'est mie able a héritage demander. " (Britton, des Loix d'Angl. fol. 167, V°.)

Et selonc ce que tu poes te fait able, S'auront pité Dame et Amours de ti.

Froiss. Poës. MSS, p. 328, col 1.

(Voy. ANABLE et AVABLE ci-dessous.)

Ablegie.

adj. au fem.

Ce mot dans les vers suivans, semble une faute pour oblegie, obligée, au figuré : stricte, exacte. (Voy. OBLEGER ci-après.)

Ici bonne foi et criance A, contre fole mescreance... Et perseverance ablegie Encontre fole legerie .

Ph. Mousk. MS. p. 133.

I. 3

(1) sachez. - (2) Samarobriva. - (3) légèreté. Ableret

subst. masc. Sorte de filet.

(Voy. Cotgr. et Oudin, Dict.)

" C'est un filet quarré attaché au bout d'un bâton, pour pêcher des ables, ou petits poissons. " (Laur. Gloss. du Droit fr. — Voy. Ordon. des Rois de Fr. T. II, p. 11 ; et Cout. de Menetou-sur-Cher, au Cout. gén. T. II, p. 279.)

VARIANTES :

ABLERET. Oudin, Dict.

ABLERES. (Plur.) Ord. T. II, p. 11.

Ablocqs

subst. masc. plur. Sorte de murs.

Ce sont des " parpains, ou murs de pierre, ou de brique, élevez de deux pieds ou environ, sur lesquels on dresse des solives, pour bâtir des maisons de bois. Les édifices qui sont ainsi construits, sont appelez abloquiez ". (Voy. Laur. Gloss. du Droit français.)

VARIANTES :

ABLOCQS. Cout. gén. T. II. p. 881.

ABLOQS. Laur. Gloss. du Dr. fr.

Abloquié

adj. Bâti en maçonnerie. Donné en emphytéose ou en censive.

Le premier sens se trouve dans le Cout. gén. T. I, p. 610. " Le tenancier côtier ne peut, sans le consentement de son Seigneur, desmolir auscuns édifices abloquiez et solivez, estans en l'héritage par lui tenu en roture, etc. " Abloquié, pris en ce sens, vient évidemment du mot Ablocs, que nous venons de citer, avec la signification de murs de pierre ou de brique.

Cotgr. explique édifices abloquiez : édifices baillés par le Seigneur direct en emphythéose et censive.

Abnepveu

subst. masc. Arrière-petit-fils.

On trouve ce mot dans Bouteiller, qui l'explique assez obscurément, " le quint degré en montant, si est le quart ayeul et la quarte ayeulle ; et en avalant, sont les enfans des enfans aux enfans, à l'abnepveu et à l'abniepce ; c'est-à-dire les enfans des enfans aux enfans. " (Bouteill. Som. Rur. p. 468. — Voy. Ibid. p. 466.)

Abniepce

subst. fém. Arrière-petite-fille.

Routeill. Som. Rur. p. 468. (Voy. le passage rapporté à l'article précédent.)

Abolisseur

subst. masc. Celui qui abolit.

(Voy. Monet et Oudin, Dict.)

Abolitoire

adj. Qui abolit.

On a dit dans un sens moral et figuré : " Il est deux manières de satisfaction, l'une est abolitoire de coulpe, et de peine éternelle redevable à la coulpe. " (Cartheny, Voyage du Chevalier Errant, fol. 97, R°.)

Abolu

partic. Aboli.

C'est le sens propre. Au figuré ce mot signifioit pardonné, comme dans ce vers :

De luy soient mes pechez aboluz.

Villon, p. 45.

En effet, pardonner une faute, c'est en abolir la peine.

Abominable

adj. Hideux. Sale, dégoûtant.

Ce mot, qui subsiste sous cette orthographe, se disoit autrefois de tout ce qui inspire de l'aversion, comme la laideur, la mal-propreté, etc.

De là, abominable, pour hideux, affreux.

Fu nez un pauvre homs, qu'estoit paralitique, Si merveilleusement estoit espouvantable, Qu'à tous qui le veoient estoit abominable.

Ger. de Rouss. MS. p. 203.

Pour sale, dégoûtant, malpropre, dans cet autre passage : le Poëte pour exprimer le mépris auquel Berthe, femme de Gerard, étoit exposée dans le Couvent de Religieuses où elle étoit, dit :

Elle estoit si horrible et si abhominable Jamais ne la laissoient asseoir à leur table.

Ibid. p. 79.

L'étymologie de ce mot, la même que celle d'abominer ci-après, donnera l'idée de sa vraie signification.

VARIANTES :

ABOMINABLE. Orthog. subsist.

ABHOMINABLE. Saintré, p. 124. — Crétin, p. 126.

Abominer

verbe. Abhorrer, avoir horreur. Maudire.

Ce mot, formé du Latin abominari, comme qui diroit abomine rejicere, signifie proprement avoir en aversion une chose funeste, la rejeter comme étant de mauvais augure. De là l'acception générale d'abhorrer. " Il faut abominer les parolles tyranniques et barbares qui dispensent les Souverains de toutes loix, raison, équité, obligation. " (Sagesse de Charron, p. 397.)

On disoit au même sens s'abhominer d'un crime, pour en avoir horreur. (Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 477, liv. III.)

Par extension de l'idée de la cause à l'effet, abominer a signifié maudire. " Coradins le Roy de Jerusalem.... abominoit et avoit en despit mult sexe de fame. " (Contin. de G. de Tyr, Martene, T. V, col 734.) " Bénir la mémoire de Trajan et abominer celle de Néron. " (Essais de Montaigne, T. II, p. 547.)

VARIANTES :

ABOMINER. Monet, Dict. — Gloss. de Marot.

ABHOMINER. Eust. des Ch. Poës. MSS, fol. 477, col. 3.

Abondable

adj. Abondant.

On disoit abondable de biens, pour " abondant en biens, " comme dans ces vers :

Le lieu est gras et dru et bons et delictable, Et ly air attrempé de tous biens abondable.

Ger. de Rouss. MS. p. 17.

(Voyez ABONDANT et ABONDER, ci-après.)

Abondance

subst. fém. Augmentation, surcroît. Terme de Barreau.

L'idée d'abondance renferme celle d'augmentation : ainsi, on a pu dire au premier sens, en parlant d'un géant qui avoit quatre bras et quatre jambes, qu'il avoit quatre membres de abondance. (Percef. vol IV, fol. 16. R°. col. 1.)

C'est la même signification dans ce passage : « Le Duc de Bourgongne et le Duc Aubert de Bavière.... avoient en la cité de Cambray marié leurs enfans, chacun fils et fille, auquel mariage le jeune Roy de France fut et vint de grande abondance ; " c'est-à-dire que sa présence augmenta de beaucoup la pompe et la magnificence de la fête. (Froissart, liv. II, p. 285.)

Comme les frais d'une acquisition sont une augmentation au prix principal de la vente, dans l'ancien langage du Barreau, on entendoit par abondances, les frais de contrat, de prise de possession. « Si l'acquereur a mis ou fait mettre plus grand pris à son contrat que la chose ne lui a cousté, et semblablement déclare plus grande abondance qu'il n'y a, le lignager ne les payera pas. " (Cout. géné. T. II, p. 93.) « S'il est trouvé et prouvé que l'acquereur ait mis ou fait mettre en son contrat plus grand pris que la chose n'a cousté, il fait amende arbitraire.... et aussy s'il a mis en ses abondances, cousts et mises, plus grandes choses qu'il ne doit, il en fera amende. " (Ibid. p. 94.)

De là l'expression mettre à abondance un achat, pour augmenter avec fraude la somme tant du prix principal que des frais d'une acquisition, afin de faire payer au retrayant un héritage plus cher qu'on ne l'a acheté. (Voy. Cout. gén. T. II, p. 13. Et le verbe ABONDER ci-après.)

On dit encore « d'abondance de coeur la bouche parle ; « expression proverbiale qui se trouve dans Crétin, p. 196. C'est la traduction de ces mots de l'Evangile : Ex abundantia enim cordis os loquitur. (Luc. 6, 45.)

VARIANTES :

ABONDANCE. Orth. subsist.

HABONDANCE. Joinv. p. 25. — Saintré, p. 33.

HABUNDANCE. Ord. T. I, p. 607, col. 2. — Faifeu, p. 109.

Abondant

adj.

Ce mot subsiste sous la première orthographe dans le sens d'abondable ci-dessus. On l'employoit autrefois comme adverbe avec la préposition de, et l'on écrivoit d'abondant ; en latin ex abondanti (Du Cange, ubi suprà), pour de plus, outre cela, comme dans ce passage, « à une mesme heure avons retrouvé nostre filz si longuement perdu, et avec luy d'abondant une belle fille. " (J. Le Maire, Illustr. des Gaules, liv. I, p. 143.) D'abondant étoit déjà vieilli du temps de Vaugelas.

VARIANTES :

ABONDANT. Orthog. subsist.

ABUNDANT. Du Cange, Gloss. Lat. aux mots ex Abundanti. T. I, col 68.

HABUNDANT. L'Amant resusc. p. 108.

Abondenement

subst. masc. Abondance.

C'est le sens que paroît offrir ce mot dans les vers suivans :

Girart prist à trembler com si fut mis en glace. Et se prist à plorer si très-amèrement. Que nuls ne pourroit dire voir l'abondenement.

Ger. de Rouss. MS. p. 184.

(Voy. ABONDER ci-après.)

Abonder

verbe. Enfler, exagérer. Affluer, venir en foule. Rassembler en foule.

On pourroit, en remontant à l'origine de ce mot, faire naître l'idée de la signification propre, d'abondable, abondance et abondenement ci-dessus. Abonder vient du latin abundare, formé lui-même de unda, et qui se dit proprement d'une rivière qui déborde et s'épanche hors de ses bornes, lorsqu'elle est enflée ou grossie par l'affluence des eaux qui viennent de la fonte des neiges, par les pluies, etc.

De là l'acception figurée d'abonder employé dans un sens actif, pour enfler, exagérer, comme l'on dit aujourd'hui enfler la dépense. Autrefois, en fait de retrait ; « abonder plus grande somme, c'étoit faire paroitre avec fraude au parent lignager qui retire un héritage, qu'on a payé cet héritage plus cher qu'on ne l'a effectivement acheté. " (Laur. Gloss. du Dr. fr.) " Si aucun acquereur en faisant la connoissance du retrait au lignager, abonde plus grande somme de deniers pour le sort principal, qu'il n'en a payez.... il restituera au... retrayeur les deniers qu'il avoit trop abondez. " (Cout. gén. T. II, p. 13. — Voy. ABONDANCE ci-dessus.)

Pour " affluer, venir en foule ". On disoit figurément ; " là abondit l'avant-garde, les bannieres et les estendars : si furent les Gandois rompus et mis en fuite. " (Mém. d'Ol. de la Marche, liv. 1er. p. 401.) Alors ce verbe est neutre.

On peut expliquer habonder au même sens dans les vers qui suivent, puisque " se rassembler " est une extension naturelle d'affluer, venir en foule.

Quant loing me vy des doulx acointemens De celle en qui toute vertu habonde, Jeune, gentil, belle, plaine de sens, Je croy de moy n'a plus belle en ce monde.

Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 155, col. 1.

Pris dans une signification active, et cependant toujours la même, abonder a signifié rassembler en foule.

En quy se va loger, une tour y fonda En quy de toutes pars ses gens y abonda.

Ger. de Rouss. MS. p. 54.

C'est le même sens dans ce vers :

... maint mal norrist et abonde.

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 255, R° col. 2.

De là, on a dit abondiz " a deux ou trois des privez " pour " rassemblé, renfermé avec deux ou trois amis, " en parlant d'un Ministre qui flattoit son maître lorsqu'il étoit présent, et le déchiroit en son absence.

.... quant il est d'illuec partiz, Et priveement abondiz. A II ou III des privez, LÀ ert ses Sires sers clamez , Là mesdisoit et lesdengeoit .

Parten. de Blois, MS. de S. Ger. fol. 165, V° col. 3.

(1) Là estoit son Seigneur appelle vilain ou serf. - (2) Injurioit. S'abonder à servir Dieu, c'est se livrer abondamment, c'est-à-dire entièrement à son service. Un de nos anciens Poëtes s'adresse ainsi à la Ste Vierge :

Proiez ton dous chier Fil qu'il me face si monde, Que des ore en avant à luy servir m'abonde.

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 272, V° col. 2.

CONJUG.

Abonst, subj. Abonde. En latin abundet. (St Bern. Serm. f. MSS. p. 84.)

VARIANTES :

ABONDER. Orthog. subsist.

ABONDIR. Anc. Poës. fr. MS. du Vat. n°. 1490, fol. 56, R°. colonne 2.

HABONDER. Coquillart, p. 15. — Crétin, pp. 18, 36 et 253. — Molinet. p. 150.

HABUNDER, d'où Habundant ci-dessus. L'amant ressuscité page 108.

Abonnage

subst. masc. Sorte de convention. Droit d'abonnement.

Ce mot formé de bonne ou borne, de même que bonnage, bornage ci-après, terme collectif de bornes, limites, signifie proprement " apposition de bornes, abornement. " Par extension l'on a dit abonnage, pour désigner une sorte de convention par laquelle un Seigneur féodal borne ou fixe à une certaine redevance la jouissance d'un droit de pâturage, etc. ou l'affranchissement de quelques devoirs. " Nul sans droit ou abonage ne peut faire pasturer bestes en la Seigneurie de Meun. " (La Thaumass. Cout. de Berry, p. 388.) " Serfs ou Serfves abonnés, sont et demeurent quittes de la taille serfve, à volonté raisonnable seulement ; ou de ladicte taille serfve, bian et charroy ensemblement ; ou de la geline de coustume aussi, selon que plus ou moins il est accordé entre le Seigneur et le serf par le titre et instrument d'abonnage. " (Id. ibid. page 162.)

C'est aussi l'acte par lequel un vassal aliène ses rentes et devoirs hommagés, ou se borne à un devoir pour lui tenir lieu de l'hommage. (Voy. Lau. Gloss. du Dr. fr. et le mot ABONNEMENT ci-dessous.)

De là, ce mot a signifié le droit même qui se payoit en vertu d'un abonnage ou abonnement. Sully, faisant l'état sommaire de tous les droits et redevances dont étoient composés de son temps les revenus du Royaume, parle des " droits de voirie, foüages.... quaiages, boüades, vinages, abonnages, jaugeages, marques de cuirs, etc. " (Mém. T. X, p. 228.) La place qu'occupe ce mot dans le passage que nous citons, entre vinage et jaugeage, indique assez que ce n'est pas le même que BONNAGE ci-après.

VARIANTES :

ABONNAGE. La Thaumass. Cout. de Berry, p. 162.

ABONAGE. Id. ibid. p. 388.

ABORNAGE. Cotgr. Dict.

ABOURNAGE. Laur. Gloss. du Dr. fr. — Du Cange, Gloss. Lat. au mot Abonagium.

Abonné

participe. Borné, limité. Evalué. Abonné. Taxé, accusé.

Le premier sens est le sens propre que ce mot conserve sous l'orthographe aborné : mais on ne diroit plus comme dans ces vers :

Mes Hues Chapet endementres Qui d'Orliens tint la Duchée, Fist tant, qui que l'eust vée , Qu'il fu du Regne couronnez Où son païs iert abornez.

G. Guiart, MS. fol. 147, R°.

De là, pour évalué, limité, borné à un certain prix ; ainsi l'on disoit : " Loyaux aydes abonnez. " (Cout. de Tours, art. 94.) Droit abbonni. (Cout. de la Roch. art. 4.) Devoirs abonnis. (Cout. de Poitou, art. 31, 106, 189.) Roucins de service abonnez. (Cout. de Tours, art. 95, 96, etc.) Queste abonnée. (Cout. de Bourb. art. 349.) Autrement " taille abonnée à la différence de celle qui s'impose à la volonté du Seigneur sur ses hommes et sujets, qui s'appelle queste-courant en la Coutume de la Marche. " (Voy. Laur. Gloss. du Dr. fr.)

On a ensuite étendu la signification d'abonné, au vassal dont les devoirs étoient bornés et limités, d'accord avec le Seigneur, au payement d'une redevance fixe et certaine. De là, " homme et femme serfs abonnez : Musniers abonnez. " (Laur. Gloss. du Dr. fr.)

On employoit quelquefois ce mot comme substantif : " Les abonnez... sont ceux qui par une longue prescription et laps de temps, ou par des contrats, se sont abornez avec leurs Seigneurs à certaines tailles annuelles. " (Pasq. Rech, liv. IV, p. 333.) Cet Auteur ajoute " Si j'en estois creu, on les appelleroit abornez, non abonnez. " (Id. ibid. — Voy. SOUS-ABONNER ci-après.)

Nous lisons dans les Coutumes locales de Berry et de Lorris, que " outre les serfs et affranchis autrement bourgeois, il y a une tierce espèce d'hommes... qu'on appelle hommes abonnés, lesquels ne sont bourgeois ny affranchis ; aussi ne sont-ils serfs taillables à volonté raisonnable, pour être sujets à payer la taille serve par chacun an, mais sont neanmoins serfs abonnés, et mortaillables, et s'appellent abonnés ; parce que les droits annuels de la taille leur ont été abonnés, taxés et limités à certaines redevances annuelles, etc. " (La Thaumass. Cout. de Berry, p. 175.)

Ces serfs abonnés, sont probablement les mêmes que ceux qu'on appeloit gens de condition abosmez, dans la Coutume de Nevers. (Voy. ABOSMÉ ci-après.)

Enfin être abonné, en termes de fief, c'est être taxé à payer une certaine redevance. De là, on a dit par extension abonné pour taxé, accusé ; abonné de mort traîtreuse, pour " accusé de trahison qui mérite la mort. "

Li quens de Hollande et son filz De mort traitreuse abonnez, Furent cel an emprisonnez D'un Chevalier qui les haï.

G. Guiart, MS. fol. 232, R°.

(1) in dum inlmns, inlcrdum. — (2) défendue, empêchée. - (3) étoit. VARIANTES :

ABONNÉ. Laur. Gloss. du Dr. fr.

ABBONNÉ. Pasq. Rech. liv. IV, p. 333.

ABONI. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Abonnati, col. 50.

ABONNI. Laur. Gloss. du Dr. fr.

ABORNÉ. G. Guiart, MS. fol. 147, R°.

ABOSNÉ. Cout. gén. T. I, p. 312.

Abonnement

subst. masc. Sorte de convention.

Le sens propre de ce mot, est le même que celui d'abonnage ci-dessus ; et c'est par extension qu'il a signifié figurément, une évaluation fixe d'une chose incertaine. Nous disons encore Abonnement dans ce sens. (Voy. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Abonamentum, et Laur. Gloss. du Dr. fr.) De là, on disoit que l'arpent étoit l'Abbonnissement , l'évaluation du vol d'un chapon. (Cout. gén. T, I, p. 16.)

VARIANTES :

ABONNEMENT. Orthog. subsist. — Froissart, liv. III, page 157.

ABBONISSEMENT. Cout. gén. T. I, p. 16.

ABORNEMENT. Cotgr. Dict.

ABOURNEMENT. Du Cange, Gl. Lat. au mot Abonamentum.

Abonner

verbe. Borner, limiter. Evaluer, fixer. Aliéner. Contracter, s'engager, s'obliger. Viser, se buter.

La signification propre d'abonner, est la même que celle d'aborner, mettre des bornes ; et l'on disoit : abonner un Chasseur, pour borner, limiter le terrain sur lequel on lui accordoit le droit de chasse. Monet donne à cette expression une explication peu juste : c'est, selon lui, accorder à un Chasseur le droit de chasser dans ses bois.

Pasquier veut qu'on ait dit abonner par corruption, pour aborner. Ménage croit au contraire que le mot de bonne, étant très-ancien dans notre langue, l'on aura dit aborner au lieu d'abonner, et borne au lieu de bonne, dont ce verbe est formé. (Voy. son Dict. étym.)

On a employé figurément le sens propre d'abonner. De là, ces expressions : " abonner un roussin de service, " pour l'évaluer, en borner la valeur à un certain prix ; le réduire à prix honnête d'argent, en faveur du vassal qui le doit. (Monet, Dict.)

Abonner une quête, une taille, pour borner, limiter à certaine somme par an la taille qu'un Seigneur pouvoit imposer à sa volonté, aux serfs qui n'étoient pas abonnés. (Voy. ABONNÉ ci-dessus.) Monet dit que c'est " imposer la taille aux sujets, de leur bon gré, à la différence de celle qui s'impose à la discrétion du Seigneur, qui se nomme questecourant. "

Abonner un meunier, pour limiter un prix à la cession que le Seigneur lui fait du droit de moudre le blé de ses vassaux dans l'étendue de sa seigneurie. L'explication que Monet a donnée, ne rend point la signification d'abonner.

Abonner son vassal ou autre dans son fief, pour borner à un certain prix la valeur d'un droit que

le Seigneur lui cède, ou d'un devoir dont il l'affranchit ; selon Monet, pour l'accommoder, le privilégier de quelque droit ou exemption dans son fief, dans sa juridiction. Cette définition, dans Monet, n'est pas plus exacte que les autres.

Abonner homme et femme serfs, pour taxer, limiter à certaine somme annuelle, la taille qu'un Seigneur avoit droit de leur imposer, lorsqu'il n'y avoit point de contrat d'abonnement. (Voy. sous ABONNÉ ci-dessus.) C'est ce que Monet a voulu faire entendre par " affranchir moyennant le prix de l'affranchissement. "

Nous remarquerons que dans quelques Coutumes, abonner des rentes et devoirs homagez, c'est les borner et les fixer ; mais les borner et les fixer en les diminuant et les apetissant, pour user des termes de l'art. 208 de la Coutume d'Anjou. (Voy. Laur. Gloss. du Dr. fr.)

Il y avoit alors aliénation dans ces sortes d'abonnemens. De là le mot abonner, pour aliéner, dans l'ancienne Coutume de Touraine. (Voy. Laur. Gloss. du Dr. fr.)

En généralisant l'idée particulière de l'obligation résultante d'un contrat d'abonnement, on a dit s'abonnir, pour contracter en général, s'obliger, s'engager : C'est le sens que paroit offrir ce passage de Ph. Mouskes, dans lequel il s'agit du Testament du Roi Philippe-Auguste.

.... son grant trésor de pieres Préciouses, dignes et cieres, Si donna il à St Denis Vers qui il s'iert moult abonnis : Quar il iert ses om ; s'el devoit Avoiier, et il i avoit Pensée et cuer, etc.

Ph. Mousk. MS. pp. 639 et 640.

Nous ne parlerons point de la signification subsistante d'abonnir, qu'on trouve dans le Dict. de Cotgr. avec celle d'abonner.

Enfin s'abonner a signifié viser, se buter, s'attacher particulièrement à une chose, la regarder comme son but principal. C'est en ce sens qu'on lit :

A dire m'abonne.

G. Guiart, MS. fol. 9, V°.

Alors ce verbe vient du substantif bonne, pris dans le sens de but. On disoit encore :

Sur ceux o quiex ils s'abonnent.

Ibid. fol. 269, R°.

C'est-à-dire auxquels ils s'attachent, qu'ils choisissent pour but de leurs coups.

VARIANTES :

ABONNER. Orthog. subsist.

ABONNIR. Cotgr. Dict.

ABORNER. Pasq. Rech. liv. VIII, p. 754.

ABOURNER. Monet, Dict. — Laur. Gloss. du Dr. fr.

Abonneur

subst. masc. Acquéreur.

On vient de voir abonner pour aliéner. De là abonneur pour acquéreur. (Laur. Gloss. du Dr. fr. au mot Abonner.)

(1) l’abonnement. Abor

subst. masc. Aubier. Espèce d'arbre.

Ce mot formé d'alburnum, suivant Ménage, Dict. étym., signifie proprement le bois tendre et blanchâtre qui est entre l'écorce et le corps de l'arbre : " le bois blanc qui est sous l'écorce d'un arbre, et qui couvre le bois dur. " (Laur. Gloss. du Dr. fr. — Voy. ALBIN et AUBEC ci-après.)

Par extension, l'Aubour s'est pris pour toute espèce de bois blanc, comme peuplier, saule, tilleul, etc. Cotgr. définit aubourt, une sorte d'arbre qu'on nomme en latin alburnus, et qui pousse des boutons longs et jaunes sur lesquels l'abeille ne s'arrête jamais. " Sanz pastore truis pastore avenant séant lès un aubour, mes mout ot poure atour, etc. " (Chans. fr. du 13e. siècle, MS. de Bouh. fol. 248. R°.)

Ce bois trop pliant, étoit peu propre à faire un arc ; et c'est par allusion à ce peu de valeur, qu'on a dit proverbialement :

Ne Henris de Misseleborc N'en r'ot vallant I. arc d'aubourc.

Ph. Mousk. MS. p. 811.

(Voy. AUBEAU ci-après.)

VARIANTES :

ABOR. Anc. Poët. fr. MSS. avant 1300, T. I, p. 493, V°.

AUBOR. Chans. MSS. du C. Thib. MS. Clairambaut.

AUBOUR. Chans. fr. du 13e siècle. MS. de Bouh. fol. 248, R°.

AUBOURC. Chans. MSS. du C. Thib. p. 59.

AUBOURT. Cotgr. Dict.

Abord

subst. masc. Rive.

Proprement avoir abords contre une rivière, c'est avoir des terres au bord d'une rivière. De là, ce mot, composé de la préposition a et de bord, pour signifier rive dans ce passage : " Est ordonné.... à un chascun ayans abords contre la grande rivière.... qu'ils ayent à les entretenir. " (Cout. de l'Angle au Nouv. Cout. gén. T. I, p. 312.)

Abordade

subst. fém. Action d'aborder. Arrivée.

Au premier sens, ce mot signifioit proprement l'action d'aborder à une côte, à un rivage ; et figurément, l'action d'aborder quelqu'un pour lui parler. (Dict. de Cotgr.) De là l'expression adverbiale et figurée, " de prime abordée ", pour " du premier abord " ; familièrement de prime abord, dans Rab. T. I, p. 213 ; " à la première abordade, " au même sens dans Favin, Théat. d'honn. T. I, p. 41.

Par extension de la signification propre, on a dit abordade et abordée, pour arrivée. (Cotgr. et Oudin, Dict.)

VARIANTES :

ABORDADE. Oudin, Dict.

ABORDÉE. Cotgr. Dict

Abordement

subst. masc. Action d'aborder, d'approcher. Environs, avenues.

Le premier sens est le sens propre ; on le trouve dans le Dict. d'Oudin.

Dans le second sens, abordement a signifié le lieu même où l'on aborde ; en parlant d'une ville, les environs, les avenues par lesquelles on s'en appro-

che. " Quiconque est Evêque dudit Thérouane.... est Seigneur.... de ladite ville.... et abordement d'icelle. " (Cout. gén. T. I, p. 647.)

Aborder

verbe.

Nous ne citons ce mot qui subsiste, que pour en remarquer l'époque et l'origine. Tahureau dit qu'il est emprunté des Italiens, et qu'il étoit nouveau de son temps. (Dialog. fol. 34, R°. et V°.)

On l'employoit quelquefois comme verbe réfléchi. De là, s'aborder à quelqu'un, pour l'aborder, l'accoster. " Chacun aussi des Princes print sa chacune, et chacun des gentilzhommes s'aborda à quelque Dame ou Damoiselle. " (J. Le Maire, Illustr. des Gaules, liv. I, p. 144.)

Aborener

verbe. Dédaigner.

Borel, qui cite le Roman de la Rose, MS. dérive ce mot du latin abhorrere.

Abortif

subst. Avorton. Forcé.

On lit au premier sens :

Gisant nus sans tombeau, je dis que l'abortif Est cent fois plus heureux que ce pauvre chetif Qui naist en vanité, et retourne en ténèbres,

Poës. de R. Belleau, T. I, p. 84.

Comme la naissance de l'avorton est forcée et contre nature, on a appliqué à ce qui étoit forcé et contre nature, le nom d'abortif. Ainsi l'on a nommé aborty l'enfant taillé hors le ventre de sa mère. (Bouteill. Som. Rur. p. 158.)

En étendant plus loin encore cette acception, l'on a donné le nom d'Abortif à des vers forcés.

Mes vers aussi ne sont point abortifs.

Jacq. Tahureau, p. 249.

VARIANTES :

ABORTIF. Poës. de R. Belleau, T. I, p. 84.

ABORTIX. Ordon. T. II. p. 533.

ABORTY. Bouteill. Som. Rur. p. 158.

Abosmé

participe. Abonné.

Laurière observe que Bosme, en Nivernois, signifie une borne. (Voy. ce mot.) Dans ce cas abosmé et aboumé, peuvent bien ne pas être des fautes dans la Coutume de Nevers, comme l'a cru l'Editeur, qui dans ses notes en marge, dit qu'il faut corriger abonné ou abourné. On y lit : " gens de condition abosmez, c'est-à-dire abournez à certaine taille. " (Laur. Gloss. du Dr. fr.) C'étoit des gens dont la taille, par accord fait avec leur Seigneur, étoit bornée, limitée à certaine somme annuelle. De là, l'expression, taille aboumée, par opposition à taille imposée ; celle que le Seigneur avoit droit de leur imposer à sa volonté. " Les hommes et femmes de condition servile, sont de poursuite ; qui est à dire qu'ils peuvent estre poursuys pour leur taille imposée.... ou aboumée, quelque part qu'ils aillent demeurer. " (Cout. de Nevers, au Cout. gén. T. I, p. 879. — Voy. ABOSNÉ sous ABONNÉ ci-dessus.)

VARIANTES :

ABOSMÉ. Laur. Gloss. du Dr. fr.

ABOUMÉ. Cout. gén. T. I, p. 879. Abosmer

verbe. Abysmer.

Précipiter dans un abyme, c'est le sens propre de ce mot, que nos anciens Auteurs, les Poëtes surtout, employoient absolument et au figuré, pour exprimer la consternation, la douleur profonde dans laquelle un événement malheureux précipite, absorbe notre âme. " De quoy toute la Chevalerie fut abosmée et courouciée. " (Chron. fr. MS. de Nangis, an. 1339.)

.... ne sçait mais que il face Tant est dolens et abosmez.

Fabl. MS. de S. G. p. 387.

On disoit au même sens, " avoir le cuer abosmé. " (Ger. de Rouss. MS. p. 59.) De cuer estre abomé. (Id. p. 155, alias abomey.)

Ce mot, en se rapprochant de l'acception propre, s'est dit de soldats effrayés qui se précipitent, se renversent les uns sur les autres en fuyant :

... Richart et son père fuient Qui Dreues ardent et destruient. En plusieurs Viletes passant S'en vont à Gisors entassant Comme ceus cui paour abosme.

G. Guiart, MS. fol. 26, R°.

Nous n'oserions pas assurer qu'abosmer est le même qu'abysmer, si nous n'avions des preuves que l'o s'est mis quelquefois au lieu de l'i. Pour marinier, on disoit maronier. (Voy. l'article MARINIER ci-après.)

VARIANTES :

ABOSMER. Floire et Blancheflor, MS. de S. G. fol. 194, V°. col. 3. — Jaq. d'Ostun, anc. Poët. fr. MSS. avant 1300. T. II, p. 727.

ABOMER. Ger. de Rouss. MS. p. 155.

Abouchement

subst. masc. Entretien.

Ce mot qui subsiste, ne se diroit plus de l'entretien d'un Médecin avec son malade. " Ont au Medicin baillé advertissement particulier, des parolles, propous, abouchemens et confabulations, qu'il doict tenir avecques les malades de la part desquels seroit appellé. " (Rab. T. IV, Ep. déd. page 5.)

Aboucher

verbe. Tomber.

Ce mot formé de bouche, pris pour le visage, par une espèce de métonymie, signifie " tomber en devant, à bouchetons, " comme l'on disoit autrefois, proprement tomber la bouche, c'est-à-dire le visage, sur quelque chose.

Outre le gré des Frans et li Roys appressés Si que Seguins le fiert de son branc sur le yeaume Que le cercle rompit le large d'une paulmé. Le Roy tout esperdu, sur son arçon s'abouche.

Ger. de Rouss. MS. p. 166.

(Voy. ADENTER ci-après, pour Renverser, faire tomber sur les dents ; c'est-à-dire, le visage contre terre. — Voy. encore ABUCHEMENT et ABUSCER, ci-après.)

VARIANTES :

ABOUCHER (s'). Ger. de Rouss. MS, p. 166 al. s'Aboicher.

ABOICHER (s'). Id. ibid.

Abouchir

verbe. Boucher.

Les habitans de Chézal-Benoît, en vertu de Lettres patentes enregistrées le 15 Février 1638, peuvent avoir et prendre dans la forêt de Chaison " tout bois sec, mort et coupé avec le tranchant de la coignée ou scie seulement, et après que les usagers à bois vif ont couppé et abbatu aucuns arbres en leurs montres, le demeurant d'iceux appellé recouin ou rechaptes, prendre pour leur usage d'ardoir et faire paslis, et abouchir leurs cheseaux, pourvû que le demeurant soit sec. " (Reg. du Parlem. MSS. suppl. T. IV, fol. 151.)

Aboufé

adjectif. Essouflé.

C'est proprement le participe de Bouffer, souffler ci-après, précédé de l'a privatif.

La Borgoise se r'est assise Lès son Seignor, bien aboufée : Dame moult est afouée. Et si avez trop demoré.

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 211, V°. col. 2.

Abourière

subst. fém. Espèce d'arbuste.

On pourroit croire que l'abourière est le même que l'arbousier, arbre qui devient d'une moyenne grandeur, et dont le bois est blanc ; si dans le passage que nous allons rapporter, il n'étoit pas mis au nombre des arbustes, comme genêts, épines, bruyères, etc., ce qu'on appelle encore bourriers en Bretagne : " mort-bois est bois non portant fruits quoique vif, autrement du blanc bois ; tel qu'est le bois de saulx, morsaulx, espines, suranne, ronces, aliers, abourières, genets, genèvre et semblables. " (Cout. de Gorze, au Nouv. Cout. gén. T. II, p. 1096, col. 2.)

Ce mot, qu'on peut regarder comme un dérivé de abor ou aubour, bois blanc en général, pourroit bien, s'il partage la signification du mot BOURRIER ci-après, partager aussi son étymologie.

Abourjonner

verbe. Bourgeonner, Boutonner.

Le même que BOURJONNER ci-après. (Voy. Cotgr. Dict.)

About.

subst. masc. Bout, extrémité. Héritage hypothéqué.

Ce mot, que Du Cange dérive de butum, bout, borne, limite, signifie proprement et en général, une extrémité qui confine avec une autre, spécialement les aboutissants d'un héritage : " Devoirs de loy, faits sur un ravestissement d'héritages entre deux conjoings, se peuvent faire en termes généraux, sans particulière spécification des héritages, et sans désignations d'abouts et tenans. " (Cout. gén. T. II, p. 849.)

On désignoit par abouts, les héritages sur lesquels on assignoit une hypothèque : De là, le mot about, employé fréquemment dans les anciennes Coutumes, pour signifier un héritage hypothéqué, un héritage affecté au payement d'une rente. " Est permis.... de

(1) que. se pourvoir.... sur les abouts ou héritages hypothéqués. " (Cout. gén. T. I, p. 1160.)

Laurière dans son Gloss. du Dr. fr. donne deux définitions de l'about spécial. Dans la Coutume de Ponthieu, dit-il, " c'est un fond désigné à un créancier par tenans et aboutissans, afin que ce créancier acquière ensuite dessus une hypothèque spéciale. "

En effet, cette Coutume porte, que " quand aucunes rentes sont vendues à vie ou à héritages, elles sont réputées pour debtes mobilières ; si elles ne sont hypothéquées et réalisées, quelque about espécial qui soit déclaré par le vendeur, ou mis ès lettres de la constitution desdites rentes. " (Cout. gén. T. I, p. 680.)

Suivant la Coutume de Metz, non-seulement le fonds est désigné, mais encore hypothéqué spécialement par le débiteur. (Laur. Gloss. du Dr. fr.) " Il ne suffit pas d'asseurer l'about spécial de la rente, ains faut assurer le tous-us du constituant, et celuy qui aura obtenu l'asseurement, sera tenu de discuter les hypotecques spéciaux avant que s'addresser au tous-us, s'il n'y a titre pour recognoistre ledit about ". (Nouv. Cout. gén. T. II, p. 400, col. 1.)

Il semble qu'on ait distingué quelquefois l'about du fonds, et qu'on ait entendu par le premier, les maisons, les édifices construits sur un terrain, pour la sûreté du payement de la rente à laquelle il étoit affecté. " Le... rentier est tenu, ayant fait faire la... voet-stellinghe sur l'about, ou partie d'iceluy, de sept jours paravant le jour servant, faire signifier iceluy au propriétaire de l'about et fond ". (Nouv. Cout. gén. T. I, p. 304, col. 1.) Cette expression, " faire la voet-stellinghe, " dans la Coutume de Langle, est la même que " faire mise de fait, " saisir réellement dans la Coutume de la Ville et Châtellenie de Bourbourg. (Ibid. p. 491, col. 1.) Dans la Coutume de Gorze, on lit : " Si le débiteur deuement interpellé, refuse de payer la rente et interest au terme, faute de moyens, ou que l'about donné pour assurance, vienne à dépérir.... le créancier pourra le contraindre, afin que son deub ne courre risque d'estre perdu, à luy payer le sort principal ". (Nouv. Cout. gén. T. II, p. 1089, col. 2.)

On étoit à couvert de pareil risque, en abournant et déterminant la quantité d'ouvrage nécessaire pour l'entretien et pour la réparation des abouts, des édifices hypothéqués. (Voy. Laur. Gloss. du Dr. fr.) De là, ces expressions devise d'about, et faire aboult d'ouvrage, que Du Cange a mal expliqué par hypothéquer, dans son Gloss. lat. au mot haboutare, col. 1025. " Là où il seroit mestier de retenue, édification, ou admendement de édifice qui se puist faire à devise d'aboult.... aucuns des Eschevins.... accompaignez de Maistres Charpentiers et Massons, feront visitation sur le lieu de ce qui sera nécessité de faire pour l'entretenement et retenue des héritages et édifices d'iceux, et que ce soit par eux estimé à somme d'argent ". (Coutume de Mons, au Cout.

gén. T. I, p. 820.) " En tant qu'il touche les arrentemens qui se feront volontairement des maisons et édifices, on pourra pareillement mettre devise de faire aboult d'ouvrage sur le lieu ou autrement " (Ibid. — Voy. CONTRABOUT ci-après.)

VARIANTES :

ABOUT. Cout. gén. T. I, p. 1160, passim.

ABOULT. Cout. gén. T. I, p. 820. — Nouv. Cout. gén. T. II, p. 275, col. 2.

HABOULT. Cout. gén. T. I, p. 820, T. II, p. 862. — Nouv. Cout. gén. T. I, p. 396, col. 1.

HABOUT. Nouv. Cout. gén. T. I, p. 443, col. 1 et 2.

Aboutée

subst. fém. Terme d'architecture.

Sorte d'ouvrage qui semble avoir quelque rapport avec celui qu'on nomme encore bouté. " En mur moitoyen, le premier qui assiet ses cheminées, l'autre ne luy peut faire oster et reculer en faisant la moitié dudit mur et une chantelle pour contre-feu. Mais quant aux lanciers et jambages de cheminées, et simaizes ou aboutée, il peut percer ledit mur tout outre pour les asseoir à fleur dudit mur, pourveu qu'elles ne soient à l'endroit des jambages ou simaizes du premier bastisseur ". (Coutume de Bar, au Cout. gén. T. II, p. 1040.)

Abouter

verbe. Borner, mettre des bornes. Hypothéquer. Aboutir, confiner.

Le sens propre est borner, mettre des bornes, marquer les extrémités d'un terrain, d'un héritage, etc. (Voy. ABOUT ci-dessus.) En termes d'arpenteur, c'est désigner la partie la plus étroite d'un héritage qui aboutit à un autre. (Du Cange, Gloss. Lat. au mot Abbutare, sous Butum.)

Dans l'arpentage, on borne les terres par longs et bouts. On entend par longs, les extrémités les plus longues ; par bouts, les plus courtes.

Par extension, ce mot signifioit hypothéquer un fonds en le désignant par bouts et côtés. " Douaire et préfix ne saisit la douairière, ains doit estre demandé de l'héritier ou héritiers, n'est donc qu'il soit assigné et abbouté spéciallement sur certaines pièces ". (Cout. de Saint-Mihiel, au Nouv. Cout. gén. T. II, p. 1054, col. 2.)

Dans une signification neutre, abouter étoit le même que notre verbe aboutir, tant au propre qu'au figuré.

... tout leur consel abouterent A cou qu'al Roi Felipre alerent.

Ph. Mouskes, MS. p. 635

On l'employoit plus souvent dans le sens propre : " maison qui aboute, etc. " maison dont les abouts, les extrémités touchent à une autre. (Trés. des Chartres, Reg. 91, Pièce IV, Lettres du mois de Décembre 1338.) C'est au même sens qu'on lit : " Chevaucheront à une forest... qui aboute à mains d'une lieue de Maliferne ". (Modus et Racio, MS. fol. 295, R°.)

Sezile qui sur mer aboute

G. Guiart, MS, fol. 260, R°. VARIANTES :

ABOUTER. Du Cange, Gloss. lat. T. I, col. 1386, au mot Abbutare.

ABBOUTER. Nouv. Cout. gén. T. II, p. 1054, col. 2.

Aboutir

verbe. Faire aboutir.

Ce mot subsiste en Médecine, avec une signification neutre. On ne diroit plus : " Mauvaises.... viandes... leur opilent et aboutissent tous les boyaux et le ventre ". (Fouilloux, Fauconnerie, fol. 24, R°.)

Aboutis.

La signification de ce mot nous paroît incertaine : peut-être, faut-il lire abrutis dans ces vers :

Ceste ordenance m'arriere D'estre en coer lies et joieus ; S'ensui nommés en derriere Aboutis et sommilleus.

Froiss. Poës. MSS. fol. 305. R°.

Aboutissement

subst. masc. Confins, frontière.

(Voy. Robert Étienne, Dict. et le mot ABOUT ci-dessus.)

Abouvier

verbe. Découpler.

Mot usité en quelques lieux de Normandie, en parlant des boeufs quel'on détache du joug : en latin abjugare boves. (Nicot et Cotgr. Dict.)

Abradant

adjectif. Qui racle.

Qui ratisse, qui gratte. (Cotgr. Dict. du latin abradere, racler.) On a dit au figuré : " les Méridionaux sont paillards à cause de la mélancholie spumeuse, abradante, et salace. " (Sagesse de Charron, page 166.)

Abrahamides

subst. masc. plur. Descendans d'Abraham. Les Israélites.

(Voy. Oeuv. de Joach. du Bellay, fol. 214, V°.)

Abrasement

subst. masc. Embrasement.

(Voy. le Gloss. de l'Hist. de Bretagne.)

Abre

subst. masc. et fem. Arbre.

Ce mot, qui subsiste sous la seconde orthographe, étoit autrefois des deux genres. On lit bonnes arbres dans Joinville, p. 36. Il est masculin et féminin dans le Roman de la Rose, vers 6191 et 6205.

On prononce encore abre en Normandie. Cette prononciation paroît avoir été d'un usage généralement reçu du temps de Monet. Il définit arbre, qu'on prononce abre, plante fruitière ou non fruitière. (Voy. ABRI ci-après, et l'article ABRISEL.)

Il y a plusieurs espèces d'arbres, dont les dénominations ne sont plus les mêmes. On appeloit :

1° Arbre de vermilion, l'yeuse, le chêne verd. (Cotgr. Dict.)

2° Arbre de Paradis. Cet arbre croît en Égypte. Quoiqu'il donne beaucoup de fleurs, il ne porte ja-

mais qu'un fruit de la figure d'une pomme de pin, et d'un goût très-délicat. (Cotgr. Dict.)

3° Arbres légères. Ce sont les sapins, aulnes, peupliers, cerisiers rouges, saules et semblables. (Cout. de Bruxelles, au Nouv. Cout. gén. T. I, p. 1254, col. 2.)

4° Arbres seiches. Arbres secs ou morts,. " Il est permis à l'usufruitier de couper.... les arbres seiches ; mais, etc " (Cout. de Bruxelles, ubi " suprà.)

5° Arbres de bois dur. Ils sont désignés dans le même article de cette Coutume. " L'usufruitier.... ne peut toucher les arbres de haute futaye ou autres de bois dur, comme chesnes, faus, ormes, fresnes et semblables ". (Nouv. Cout. gén. ubi suprà.)

6° Arbres montans ou arbres d'élève, dits par opposition aux arbres portans ou fruitiers, paroissent être les mêmes que les arbres de haute futaye ou autres de bois dur, dans la Coutume de Furnes. " Nuls tuteurs.... ne peuvent vendre.... ou charger aucuns biens mobiliaires ou immobiliaires, soit fiefs, héritages, maisons, arbres montans ou portans, cateux immobiliaires, etc. " (Nouv. Cout. gén. T. I, p. 643, col. 2.) " Toutes sortes d'arbres montans ou fruitiers.... seront... réputez pour cateux. " (Ibid. p. 649, col. 1.) On trouve arbres d'élève, pour arbres montans. (Ibid. p. 666, col. 2.)

7° Arbres portans ou fruitiers. (Voy. Arbres montans ci-dessus, art. 6.)

8° Arbres couppiers. Ce sont des arbres qu'on a coutume de couper. (Laur. Gloss. du Dr. fr.)

9° Arbres de l'abri ou de l'abris. Arbre planté à la porte des châteaux, sous lequel on se mettoit à couvert du soleil ou de la pluie. (Nouv Cout. gén. T. I, p. 1045, col. 1. — Voy. sous ABRI ci-après.)

10° Arbres fruittiers sauvages. Le propriétaire du fonds sur lequel ils étoient crûs, ne pouvoit les abattre sans la permission du Seigneur, à peine de dix livres d'amende. De là cette espèce de proverbe coutumier. " Le fruit sauvage est au bonhomme ou paysan et l'arbre fruittier au Seigneur ". (Cout. de Gorze, au Nouv. Cout. gén. T. II, p. 1096, col. 1.)

PROVERBES.

1° On disoit : De doux arbre, douces pommes. (Cotgr. Dict.)

2° L'arbre ne tombe pas du premier coup ; c'est-à-dire, qu'il faut du temps et des soins réitérés pour faire réussir une affaire. (Oudin et Cotgr. Dict.)

Le mot arbre signifioit autrefois comme aujourd'hui, unc grosse pièce de bois, la principale pièce d'une machine. On le trouve pour arbre de moulin dans les Anc. Poët. fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1359. Pour mât de navire, dans Brant. Cap. Extr. T. II, p. 124. " Grimpe amont l'arbre de la navire ". (Nuits de Strapar. T. II, p. 162. — Voy. ci-dessous ABRIER, substantif.)

C'étoit aussi la longue pièce où tenoit l'arc d'un Ribaudequin ou d'une Arbaleste de passe. (Voy. Fauchet, Orig. liv. II, p. 120.) Le mot Fust, qui se disoit anciennement pour Arbre, et pour toute espèce de bois, s'est conservé jusqu'à présent, pour le bois qui sert à la monture d'une arme à feu ; et c'est le sens du mot Arbre d'une arbalête. Arbre se disoit aussi du bâton qui sert à porter une enseigne ou drapeau. De là le mot arbre, employé figurément, pour l'enseigne même ; d'où vient peut-être l'expression arborer un étendard. " M. le Comte de Sommerives, connu sous le nom de Comte de Tendes, après la mort de son père, eut un démêlé très vif avec M. le comte de Brissac colonel général qui souffroit impatiemment de voir un autre se vouloir parangonner à luy, et porter l'enseigne blanche.... mais tout s'appaisa par la volonté du Roi, en faisant évanouir cet arbre blanc ". (Brant. Cap. Fr. T. III, p. 423.) C'est la partie pour le tout.

Il y a dans une potence une pièce de bois principale. De là l'expression arbre penderet, pour potence. " Sont les gibets ou arbres penderets, signes et marques de haute Justice ". (Cout. gén. T. II. page 1063.)

Il sembleroit que le mot arbre auroit aussi désigné quelque engin propre à la pêche, dans une Ordonnance portant règlement pour la pêche des poissons de rivière. " Que l'on ne batte aux arbres, ni aux rosouelles ; et que braye a chauce, arbre ne cuevre, et que l'on y adjoigne boisse et dépens ". (Ord. T. I, p. 793.) Mais il est probable que c'est une faute ; car dans le même passage, rapporté par l'Auteur du grand Coutumier, on lit : " Que braye à chauce ne courre, etc. " (Voy. p. 28 et 73.)

On a dit proverbialement : " faire de l'arbre d'un pressoir, le manche d'un cernoir " ; se ruiner par de folles dépenses. (Cotgr. Dict.)

Nous nommons encore figurément Arbre généalogique, ce qu'on appeloit autrefois Arbre de lignée. (Bouteill. Som. Rur. p. 461.) C'est en effet une figure tracée en forme d'arbre, où l'on voit sortir comme d'un tronc diverses branches de parenté.

La même idée de ressemblance, a fait dire de quelqu'un qui marche sur les deux mains la tête en bas et les jambes en haut, qu'il fait l'arbre fourchu. (Cotgr. Dict.) " Fais bien à point l'arbre fourchu, les pieds à mont, la teste en bas. " (Rabelais, T. IV, page 87.)

On se servoit en poësie de la même expression, Arbre fourchu pour signifier un Lai ou Virelai, parce que les petits vers intercalaires qui étoient au milieu des grands, faisoient une espèce de fourche semblable à celle que forment souvent les branches d'un arbre. (Voy. Ménage, Dict. étym. Sibilet, Poétique, T. II, p. 136.)

Arbres fourchuz, Ballades et Chansons Et Rameletz de toutes les façons.

Chasse et départie d'Amour, p. 254, col. 1.

(Voy. ci-après les différens mots formés d'Abre ou Arbre, tels qu'ABRIER, ABRISEL, ARBRET, ARBROIE, etc.)

VARIANTES :

ABRE. Monet, Dict. au mot ARBRE.

ARBRE. Orth. subsist. — Apc. Poët. fr. MSS, avant 1300, T. IV. p. 1359.

AUBRE. Ménage, Dict. étym.

Abrégé

subst. masc.

Nous ne citons ce mot, qui subsiste, que pour avoir occasion de remarquer que les Étrangers ont appelé la Franche-Comté, l'abrégé de la France : dénomination dont on trouve l'origine dans Pelisson, Hist. de Louis XIV, T. II, liv. VI, p. 256.

Abrégement

subst. masc. L'action d'abréger. Diminution. Envoi, terme de poëtique.

Le premier sens est le sens propre. (Voy. ABRÉGER ci-après.) Par abbrégement, signifie pour abréger, dans ce vers :

Or ça donc par abbrégement, etc.

Coquillart, p. 93.

On a dit par extension abrégement pour diminution ; en langage féodal, " Abrégement ou abriégement de fief ", pour " diminution ou.... extinction de droits quelconques, et de profits féodaux ". (Laur. Gloss. du Dr. fr. au mot Abrégement.) Voy. aussi Du Cange, Gloss. Lat. au mot Feudum alliatum ; (Beauman. Cout. de Beauvoisis, p. 142 Ord. T. I, p. 218, et le Gloss. sur les Cout. de Beauvoisis.)

Enfin Abrégement et Epilogue, étoient employés selon Boissière, dans sa Poëtique, p. 249, pour désigner le couplet qui termine une Ballade, et que l'on nommoit plus communément Envoy. On l'appeloit aussi Abrégement, parce que ce couplet est toujours de moitié plus court que les autres : il n'est que de quatre ou cinq vers, lorsque les autres sont des dixains ou des huitains.

VARIANTES :

ABRÉGEMENT. Orth. subsist. — Apol. pour Hérold. p. 235.

ABBRÉGEMENT. Monet, Oudin, Dict. — Coquillart, p. 93.

ABRIÉGEMENT. Gloss. sur les Cout. de Beauvoisis.

Abréger

verbe. Dépêcher, hâter. Diminuer, dépérir. Abbaisser, humilier.

Ce mot formé, suivant Nicot, du latin abreviare, qui répond en effet dans les Sermons de St. Bernard, au mot Abrevier, conserve encore sa signification propre, rendre court ; mais on ne diroit plus abréger ou abbrever une affaire, pour la dépêcher, en hâter l'expédition. (Oud. Dict. et Cur. fr.) Encore moins s'abréger, pour se hâter, se dépêcher, comme dans ce passage : " Sire, dit lors Bennuq, qui pensoit que Passelion fist ce pour le plus honnorer, nous ne le ferons point tant que vous soyez present, mais abrégez-vous, car la demoiselle n'attend autre chose. " (Percef. Vol. IV, fol. 119. V° col. 2. — Voy. ABREVÉ ci-après.)

En étendant la signification d'abrégé, proprement retrancher de la longueur d'une chose, ce mot s'est dit en général pour retrancher, diminuer ; de là, " abridger les services d'un fief " les diminuer. (Tenures de Littleton, fol. 122, V°). Un fief abrégé étoit un fief dont on avoit diminué le nombre des

(1) espèce de poësie. services. (Laur. Gloss. du Dr. fr. Du Cange, Gloss. Lat. ubi suprà.)

On l'employoit quelquefois en ce sens, avec le pronom réfléchi : d'où vient s'abriger, pour dépérir, aller en diminuant, " toutes natures s'abrigent et descendent. " (Chasse de Gast. Pheb. MS. p. 134.)

De là, on a dit s'abrièver, pour s'abaisser, s'humilier. St Bernard, dans son Sermon sur la Nativité de J. C. a dit : " chier freire, ou quels fu li besoigne par kai li Sire de Maiesteit s'umiliest et s'abreviest ensi. " (Serm. fr. MSS. p. 123.)

CONJUG.

Abrevicie, part. au fém. Abrégée. (S. Bern. Serm. fr. MSS. p. 123 et 150.)

Abreviens, subj. prés. Abrégions. (Id. ibid. p. 123.)

Abreviest, subj. imp. Abrégeât, dans le latin abbreviasset. (Id. ibid.)

Abrevieye, part. au fém. Abrégée. (Id. ibid. p. 171.)

VARIANTES :

ABRÉGER. Orth. subsist. — Ger. de Rouss. MS.

ABBREGER. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Feudum talliatum.

ABBREVER. Oudin, Dict. et Cur. fr.

ABBREVIER. Cout. gén. T. II, p. 66, note marg. (c.)

ABREGIER. Joinville, p. 49. — Farce de Pathelin, p. 81.

ABREVIER. S. Bern. Serm. fr. MSS. p. 50.

ABRIDGER. Tenures de Littleton, fol. 122, V°.

ABRIEFVER. Rom. de la Rose, vers 20675.

ABRIEVER. Borel et Corn. Dict.

ABRIGIER. Ger. de Rouss. MS. p. 175.

ABRIVER. G. Guiart, MS. fol. 230, R° et 253, V°.

Abrevé

partic. adj. Hâté, empressé, prompt. Facile.

On a dit abréger, le même qu'abréver, pour hâter. De là l'acception figurée d'abrévé, etc. pour hâté, prompt, empressé.

Un Varlet vint tous abrivez Qui fort hurté à ma porte a, Et une lettre m'apporta De ma très-douce Dame chiere.

G. Machaut, fol. 194, V° col. 3.

Jean de Meun dit, en parlant des passions, dont trois sont les plus dangereux ennemis de l'homme :

Ly pejour ennemy de tous sont ly privé, Et ces trois sont à nous si joinct et si rivé, Et de nous décevoir si duyt et abrivé, Que nous sommes par eulx presque tout chaitivé .

Rom. de la Rose, Codicile, vers 1403.

On a dit adverbialement dans le même sens, tout à l'abrévé, pour en hâte, promptement. (Gace de la Bigne, des Déd. MS. fol. 29, V°)

Par extension de ce premier sens, ce mot, sous l'orthographe Abroïe seulement, a signifié facile, en parlant d'une femme qui hâte le bonheur de son amant, qui abrége ses souffrances. Dans un Jeuparti, l'on répond à celui qui préfère une maîtresse de ce caractère, à celle qui fait desirer long-temps ses faveurs :

Mais vous jugiés estre loi Ki dites c'on doit l'amie


Proisier tantost abroie. Pas si fais ne sui, N'a vostre sens ne m'apui. On doit amer et chierir L'amour c'on a à desir.

Anc. Poës. Fr. MS. du Vatic., n° 1490, fol. 139. V°.

VARIANTES :

ABREVÉ. Gace de la Bigne, des Déd. MS. fol. 29. V°.

ABRIEVÉ. Athis. MS. fol. 72, R° col. 1. — Ph. Mousk. MS. page 581.

ABRIVÉ. Athis, MS. fol. 84, V° col. 1. — Fabl. MS. du R. n° 7615, fol. 127, V° col. 1.

ABROÏE. (fém.) Anc. Poës. Fr. MS. du Vatic, n° 1522, fol. 161, V° col. 2.

Abréviation

subst. fém. Action d'abréger.

Ce mot subsiste pour désigner une écriture en abrégé : on l'employoit autrefois pour signifier l'action même d'abréger. Ainsi Mathieu de Coucy dit, en parlant du siége de la ville de Gaure : " Il leur sembloit que ce seroit.... l'abréviation de la prise d'icelle. " (Hist. de Charles VII, p. 655.) De là on a nommé Lettres d'Abbréviation, celles " que le Roy octroye aux Seigneurs justiciers, pour faire tenir leur Juridiction hors l'estendue de leurs Fiefs et Justices, et ce pour abbrevier les procès. " (Cout. gén. T. II, p. 66, note marg.) (c.)

VARIANTES :

ABRÉVIATION. Matth. de Coucy, Histoire de Charles VII, page 655.

ABBRÉVIATION. Cout. gén. T. II, p. 66.

Abri

subst. masc.

Ménage fait venir abri du verbe operire, couvrir ; et rejette l'étymologie tirée du mot apricus. (Voy. son Dict. étym.) Mais l'orthographe arbri semble nous indiquer une origine plus simple et plus naturelle. Nous croyons donc que ce mot est formé d'arbre ; que son acception propre et primitive est le couvert que procurent les branches d'un arbre ; et qu'ensuite, par extension, l'on a employé abri dans l'acception générale qui lui reste. Nous observerons d'ailleurs que non-seulement on a écrit arbri pour abri ; mais que l'on a aussi écrit abre pour arbre ; ce qui paroît confirmer doublement l'étymologie que nous proposons.

L'arbre de l'abri ou de l'abris, si souvent répété dans nos anciennes Coutumes, étoit l'arbre situé à la porte des châteaux, sous lequel on se mettoit à couvert du soleil ou de la pluie. Dans la Coutume de Courtray, au lieu d'arbre de l'abri, on lit l'arbre pour se mettre à l'ombre. (Nouv. Cout. gén. T. I, p. 1045, col. 1.)

Dans la coutume d'Assenede, ibid. p. 815, col. 1, l'arbre de l'abris ou l'orme d'abri, est mis au nombre des choses qui suivent le Fief avec le principal manoir. On peut voir dans les Mém. des C. de Champagne, p. 505, une longue dissertation sur l'origine d'abri. (Voy. ABRIEMENT.)

VARIANTES :

ABRI. Orthog. subsist.

ABRIC. Borel, Dict. au mot Emberguer.

(1) pire. — (2) instruit, appris. — (3) captivé. — (4) à tort : extra legem. ABRIL. Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 561, col. 2. — G. Machaut, fol. 230, R° col. 3.

ABRIS. Nouv. Cout. gén. T. I, p. 790, col. 2.

ABRIT. Rabelais, T. II, p. 271.

ARBRI. Modus et Racio, MS. fol. 168, R°.

Abrider

verbe. Attacher avec la bride.

On lit, au sujet de l'exercice militaire, et spécialement de celui de la Gendarmerie, qu'il faut " accoustumer les Archiers à descendre de pié et tirer de l'arc, en les faisant apprendre la manière d'ataichier et abrider leurs chevaux ensemble, et les faire marcher après eux de front derrière leur dos, en attachant les chevaux de trois Archiers abridez aux cornets de l'areson de la selle, derrière le cheval du Paige à l'homme d'armes à qui ils sont. " (Milice Fr. du P. Daniel, T. I, p. 378.)

Abriement

subst. masc. Maison, logement. Mot formé d'Abri ci-dessus.

Hostel n'i a, tant fort se tiengne, Qui briement cendre ne deviengne : N'i lesse un seul abriement, Tourelle, n'édifiement, etc.

G. Guiart, MS. fol. 40. V°.

Abrier

verbe. Mettre à l'abri. Couvrir. Protéger, défendre.

S'abrier, dans le sens propre, signifie se mettre à couvert sous un arbre. (Cotgr. Dict. — Voy. ABRI ci-dessus.) Par extension, se retirer dans un lieu.

... vindrent onques en Zelande, O lonc tens se sont abriez.

G. Guiart, MS. fol. 322, V°.

Pasquier, dans ses Lett. T. II, p. 378, reproche à Montaigne le trop fréquent usage de ce mot.

On dit encore en Normandie abrier, dans la signification de couvrir ; cette acception, plus générique que la première, est employée figurément dans cette expression abrier de mort, comme si l'on disoit couvrir du voile de la mort.

Ses plaies de mort l'abrierent.

G. Guiart, MS. fol. 233, R°.

(Voy. ibid. fol. 114, V°.) Borel, dans son Dict. au mot Emberguer, explique abriga par couvrir. Cette orthographe est Languedocienne.

Enfin abrier, mettre à l'abri, pris figurément, a signifié défendre, protéger. (Cotg. Dict.)

VARIANTES :

ABRIER. Essais de Montaigne, T. III, p. 478 et passim.

ABRIGA. Borel, Dict. au mot Emberguer.

EMBERGUER. Borel, Dict.

HABRIZER. Cotgr. Dict.

Abrier

subst. masc. Arbre de pressoir. Partie d'une arbalête.

Ce mot formé d'ABRE, arbre, signifioit au premier sens, l'arbre d'un pressoir.

Plus la vendange ne geint Sous l'abrier qui de sa charge Criant enroué l'estreint.

Oeuv. de Baïf, fol. 76, R°.

Dans le second sens, c'étoit le baston, le manche ou chevalet d'une arbalête. On peut en voir la flgure dans la Milice Fr. du P. Daniel, T. I, liv. VI, chap. IV, p. 422.

Ces deux acceptions, qui paroissent être propres à ce mot, lui sont communes avec ABRE ci-dessus.

VARIANTES :

ABRIER. Nicot et Monet. Dict.

ARBRIER. Nicot, Dict.

AUBRIER. Monet, Dict.

Abrifol

subst. masc. Le voile que l'on met sur la tête des gens que l'on marie.

On a dit en parlant de Mme de Beaufort qui vouloit épouser Henri IV.... " Elle entama un propos de Bâtards, et dit qu'il n'y avoit rien si aisé que de les rendre légitimes, et qu'il ne les falloit que mettre sous l'abrifol. " (Memoires de Villeroy. T. V, p. 95.)

L'étymologie de ce mot composé est aisée à saisir : il vient d'ABRIER, couvrir. (Voy. ce verbe ci-dessus.)

Abrisel

subst. masc. Arbrisseau.

Nous pourrions encore faire valoir l'ancienneté de l'orthographe Abrisel, pour appuyer notre conjecture sur l'étymologie d'ABRI ci-dessus.

Je l'assis lès l'abrisel, Si le vauc baisier.

Anc. Poës. Fr. MS. du Vatic. n° 1490, fol. 112, V° col. 2.

Je m'irai soef dormir souz l'arbroisel.

Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1431.

(Voy. ARBRET et ARBRISELET ci-après.)

VARIANTES :

ABRISEL. Anc. Poës. Fr. MS. du Vat. n° 1490, fol. 112, V°. col. 2.

ABRYNCEAU. Pièce à la suite de Villon, p. 62.

ARBRESSAULX. (Plur.) Molines, p. 77.

ARBROISEL. Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. IV, p. 1431.

ARBROISSIAUS. (Plur.) Du Cange, Gloss. lat. au mot Armatura

AUBRISSEL. Robins du Chastel, anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. I, p. 48.

Abrogeur

subst. mase. Qui abroge.

(Oudin, Dict.)

Abroncher (s'), verbe. Se courber en devant.

Le même qu'embroncher ci-après.

" Luy donne tel coup d'espée qu'il s'aherdist à l'arson de la selle, et là s'abroncha, etc. " (Percef. Vol. I, fol. 142, R°. col. 1.)

Abrone

subst. fém. Aurone.

Plante médicinale. (Voy. Gloss. Gal. Lat. MS. de la Bibl. du Roi, n° 7684, cité par D. Carpentier, suppl. au Gloss. de Du C. au mot Abrotanum.)

Abroullé

partic. Obscurci, offusqué.

Proprement Brouillé.

Tant est Titan de broullas abroullé.

Molinet, p. 136.

(Voy. BROUILLER ci-après.)

(1) brièvement. — (2) gémit. Abrousture

subst. fém. Droit de pâture.

Ce mot, formé de BROUST ci-après, signifie en patois Normand, le droit de mener brouter les bestiaux dans les buissons et les broussailles, en certains temps de l'année, et à certaines conditions. (Du Cange, Gloss. Lat. au mot Abrostura.)

Abruiner

verbe. Brunir.

Rendre brun, en parlant de l'effet du hâle sur le teint : " Le viaire avoit tant bel, ung pou eschauffé, qui bien lui seoit, et si avoit ung petit de blancheur abruiné par le hasle. " (Percef. Vol. 5, fol. 80, V°, col. 2.) " L'ardeur du soleil lui avoit le visage abruni. " (Ibid. fol. 72, R° col. 2.)

VARIANTES :

ABRUINER. Percef. Vol. V, fol. 80, V°.

ABRUNIR ibid. fol. 72, R°.

Abruptement

adv. Brusquement, vivement. Rapidement.

On lit au premier sens : " Elle lui commença à dire abruptement, ô déloyal ! " (L'Amant résuscité, page 216)

Dans le second sens : " ce mont roule abruptement. " (Essais de Montaigne, T. II, p. 735.)

Ces deux acceptions figurées, naissent de la signification propre du mot latin abruptè, dont abruptement tire son origine.

Abscheid

subst. masc. Décret, arrêt.

Mot emprunté de l'Allemand. (Voy. Wachter. Glossar. Germanicum.)

Ces mots sont répétés plusieurs fois dans les Mémoires de Villeroy, T. VII, p. 210 et suiv. et dans l'ambassade de Bassompierre, T. II, p. 18, 29, etc. Abscheid est le vrai mot ; Abscherdit en est une corruption : Selon Pélisson, " les Suisses nomment Abscheid, la déclaration, ou contre-lettre signée de tous les cantons en la journée de St-Jean à Bade en 1579, avec la Maison d'Autriche. " (Hist. de Louis XIV, T. II, liv. VI, p. 269.)

VARIANTES :

ABSCHEID. Mém. de Bassomp. T. III, p. 255, etc.

ABSCHERDIT. Mém. de Villeroy, T. VII, p. 210, 214, etc.

Abscis

partic. Coupé, taillé.

Du latin Abscissus. (Voy. Cotgr. Dict. et Bouteill. Som. Rur. p. 548.)

VARIANTES :

ABSCIS. Cotgr. Dict.

ABSCISÉ. Bouteill. Som. Rur. p. 548.

Abscondre

verbe. Cacher.

On a formé abscondre, de l'infinitif latin abscondere ; mais absconser vient du supin absconsum. Ces deux orthographes ont chacune leurs variations qu'il est aisé de distinguer.

Prince, pourquoy, ne comment Est vérité du monde absent,


Qu'om ne la veut escouter ? Chascuns le va menaçant ; Pour ce se va escousant.

Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 302, col. 1 et 2.

Le soleil, lorsqu'il descend sous l'horizon, semble se cacher : de là soleil esconsant, pour soleil couchant. (Percef. Vol. I, fol. 69, V° col. 1.)

Par une espèce de métonymie ou de renversement d'idée, l'action de la nuit sur le soleil qu'elle éclipse ou fait disparoître, a été transportée à la nuit elle-même, qui s'obscurcit et devient plus noire. C'est en ce sens qu'on doit entendre le passage suivant : " adonc se print à esconser la nuyct obscure et ténébreuse, tant qu'il convint, etc. " (Percef. Vol. II, fol. 138, V° col. 2.)

Une pierre lancée en l'air se cache en quelque sorte dans l'endroit où elle tombe ; de là la signification figurée d'escondre dans ces vers de G. Guiart, cités par Du Cange :

Pierres qui ne sont pas légières, Grosses sont celles des périères Qui se vont en la ville escondre, Et font les couvertures fondre.

Gloss. Lat. au mot Absconsa.

VARIANTES :

ABSCONDRE. Gloss. du Rom. de la Rose.

ABSCONSER. Rom. de la Rose, vers 18079.

ASCONDRE. Gloss. du Rom. de la Rose.

ESCONCER. Gace de la Bigne, des Ded. MS. fol. 143, V°.

ESCONDRE. Borel, Dict.

ESCONSER. Nicot. Oudin, Cotgr. Dict.

ESCOSER. Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, p. 838.

ESCOUSER. Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 302, col. 1 et 2.

Absconse

subst. fém. Cachette. Subterfuge, détour, dissimulation. Lanterne sourde.

Ce mot, sous ses différentes orthographes, tire son origine du latin absconsum, caché ; la première acception est l'acception propre.

Lors vient do das de son esconse.

Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 525, col. 4.

Absconse ou Esconse, au figuré, signifioit subterfuge, détour :

Ne nous va plus querir esconse, Que dis-tu ! en feras-tu rien !

Eust. des Ch. Poës MSS. fol. 566, col. 1.

Dit le Roy, bien sçavoye en mon cuer sans Absconce, Que toutes me feriés une telle response.

Ger. de Rouss. MS. p. 95.

Enfin l'on nommoit absconse, une lanterne sourde, dans laquelle la lumière est cachée. Conse et Gonse sont des contractions d'absconce ou esconse, en ce sens on a employé le Latin absconsa avec la même signification. (Voy. Du Cange, Gloss. Lat. sous ce mot.)

Dans la Table de l'Hist. d'Auxerre, par Le Beuf, on dit que les lanternes du choeur de l'église d'Auxerre, s'appellent encore Conses ou Gonses.

VARIANTES :

ABSCONSE. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Absconsa.

ABSCONCE. Ger. de Rouss. MS. p. 95. CONSE. Le Beuf, Hist. d'Auxerre, T. Il, Table.

ESCONSE. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Absconsa.

GONSE. Id. ibid.

Absconsé

partic. et adj. Caché.

Ce mot, sous la plupart de ses orthographes, vient du latin absconsum. On a dit escondit d'absconditum, plus en usage qu'absconsum dans la bonne latinité. Cotgrave fait absconse des deux genres ; il est féminim dans ce passage : " Tousjours vous trouvez moynes en cuisines... Est-ce... quelcque vertus latente et propriété spécificque absconse dedans les marmites et contre-hastiers, qui les Moynes y attire, etc. ? " (Rabelais, T. VI, p. 47.)

On trouve soleil couché ou escoussé, dans le Cout. gén. T. I, p. 686.

De là, pour exprimer le coucher du soleil, l'on disoit adverbialement :

A escons tornoit li Solax.

Fabl. MS. de S. Germ. fol. 97.

Li Solax s'en vait à escons.

Fabl. MS. de S. Germ. fol. 98.

Mais li Solax trait à escox.

Parten. de Blois, MS. de S. Germ. fol. 157, R° col. 3.

VARIANTES :

ABSCONSÉ. J. Marot, p. 41.

ABSCONCÉ. Ger. de Rouss. MS. p. 5.

ABSCONSE. Cotgr. Dict.

ESCONDIT, Borel, Dict.

ESCONS. Fabl. MSS. de S. Ger. fol. 97 et 98.

ESCONSSÉ. Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 12, R°. col. 2.

ESCOUSSÉ. Cout. gén. T. I, p. 680.

ESCOX. Patern de Blois, MS. de S. Ger. fol. 157, R° col. 3.

Absconséement.

Adv. En cachette.

" Absconséement et celéement " (Cartul. 21. Corb. Charta 1457. D. Carp. Suppl. au Gloss. de Du C. au mot Absconsè.)

Absconsement

subst. masc. Lieu où l'on est caché.

" Elle regarda par les feuillées de son absconsement. " (Percef. Vol. IV. fol. 21, V°. col. 1. — Voy. ESCONSEMENT ci-après.)

Abscoultant

partic. Écoutant.

Du Latin Auscultare. Charte de 1389, citée par D. Carp. Suppl. au Gloss. de Du C. au mot Abscultare.

Absence

subst. fém. Absence. Manque, défaut.

Le premier sens est le sens propre et subsistant ; on écrivoit quelquefois acense.

Par extension de ce premier sens, on employoit absence pour manque, défaut : " Je vous envoye trois Balades... en l'absence (au défaut) du Lay. " (Froiss. Poës. MSS. p. 214, col. 2.)

Mais vrayement je n'oseroie Oster son signet, en l'acense De ma Partie, sans offense.

Modus et Racio, MS. fol. 158, V°.

Nous remarquerons quelques expressions actuellement hors d'usage, en termes de procédure.

1° Dilation d'absence. On distinguoit dans la manière de procéder, en cas d'héritages et de propriété, la dilation d'absence, des dilations d'avis et de délibération. " Est donné... dilation d'absence une fois, en quelque estat que la cause soit, et que l'on le veult requérir. " (Gr. Cout. de Fr. liv. III, page 301.)

2° Absence de conseil. Le jour pour absence de conseil, ou tout simplement jour d'absence, diffère du délai nommé jour de conseil : " car jour d'absence, si est tel qu'avoir le doit, soit demandeur ou defendeur, chacun une fois au procez durant... ne refuser on ne le peut ne doit, supposé que la Partie qui demande le jour d'absence, eust là present son conseil. " (Bouteill. Som. Rur. p. 41.) Ces délais sont abolis par les Ordonnances de 1539, art. 18. (Voyez id. ibid. p. 39 et 40.)

VARIANTES :

ABSENCE. Orthog. subsist.

ACENSE. Modus et Racio. MS. fol. 158, V°.

Absent.

Adj. Écarté, éloigné.

L'éloignement est une des causes de l'absence. De là, cette espèce de métonymie, lieu absent, pour lieu écarté, éloigné. " Que pis est fut en avisant que trouver le peust en lieu absent et hors de veue. " (Bouteill. Som. Rur. p. 230. — Voyez ABSENTÉ ci-après.)

Absentation

subst. fém. Absence.

C'est la même chose qu'ABSENTEMENT ci-dessus ; et ces deux mots sont communément employés pour désigner l'absence, la fuite d'un coupable qui cherche à se dérober à la Justice. (Voy. les Chartes de 1387 et de 1399, citées par D. Carp. Suppl. au Gloss. de Du C. au mot Absentandus.)

Absenté

partic. Eloigné, séparé.

L'idée de séparation est une idée accessoire de l'absence et de l'éloignement : ainsi l'on a dit en parlant de la Duchesse de Brabant, qui avoit eu deux maris, dont l'un étoit mort, et l'autre avoit épousé une autre femme : " la Duchesse Jaqueline demeura absentée de ses deux maris. " (Monstr. Vol. II, fol. 33, R° an. 1426. — Voy. ABSENTER ci-après.)

Absentement

subst. masc. Absence.

(Pasquier, Recher. p. 478.) On lit dans J. d'Auton, Annal de Louis XII, de 1506 et 1507, p. 92. " Connoissans aussi par l'absentement des Soldats du Palais qui s'estoient retirez au Chasteau, que les François ne se fioient plus en eulx. ") Voy. ci-dessus ABSENTATION.)

Ce mot a été pris pour consentement ; mais alors c'est le même que Assentement. (Voyez ASSENTEMENT ci-après.)

Absenter

verbe. Quitter.

Proprement s'absenter, s'éloigner, se séparer de quelqu'un. " Je sçay bien que surviennent ordinairement affaires de telle façon, qu'il est besoing qu'un amant laisse l'autre, et l'absente pour un temps. " (L'Amant ressuscité, p. 454. — Voy. Rabelais, Pronostic. T. V, p. 29. — Oeuvr. de Baïf, fol. 69, R°.)

VARIANTES :

ABSENTER. Crétin, p. 146. — Nuits de Strapar, T. II, page 341.

ABSENTIR. G. Machaut, MS. fol. 185, R° col. 2.

Absicte

subst. fém. Pierre précieuse.

C'est une pierre noire et pesante, qui a des veines rouges : lorsqu'elle est échauffée par le feu, elle en conserve la chaleur pendant sept jours. (Voy. Du Cange, Gloss. Lat. aux mots Absectos et Absictus.)

Absictes est neire et pesant, Veines a ruges cume sang.

Marb. de Gem. art. 52, p. 1674 et 1687.

VARIANTES :

ABSICTE. Marbodus de Gem. art. 52, col. 1674.

ABSITE. Sicile, Blas. des Coul. fol. 27, V°.

Absince

subst. masc. et fém. Absinthe.

(Voyez les Dict. de Nicot et de Cotgr. au mot Absince.) Ménage, sur le troisième livre de Malherbe, observe que cet Auteur fait le mot Absinthe masculin et féminin, et qu'il se trouve ailleurs peu d'exemples de ce dernier genre. Selon Vaugelas, il doit être masculin ; mais le féminin a prévalu.

VARIANTES :

ABSINCE. Nicot, Cotgr. Dict.

ABSINTHE. Ménage, sur Malherbe, p. 402.

Absoldre

verbe. Absoudre.

Ce mot, formé du latin Absolvere, délier : au figuré Absoudre, dispenser, avoit autrefois une signification plus étendue que celle qu'il conserve. (Voy. ABSOLT, participe). La conjugaison ancienne de ce verbe nous fournit grand nombre de mots que nous placerons selon l'ordre alphabétique, comme le plus commode.

CONJUG.

Absoille, subj. prés. Absolve. (Voy. Borel, Dict. 1res add. — Joinville, Epit. dédic. p. 1. — Ord. T. I, p. 613, bis, etc.)

Absolez, indic. prés. Absolvez. (Voy. Hist. de Fr. en vers, à la suite du Rom. de Fauvel, MS. du R. n° 6812, fol. 67, V° col. 1.)

Absoloit, imparf. indic. Absolvoit. (Voy. Hist. de Fr. en vers, à la suite du Rom. de Fauvel, MS. du R. n° 6812, fol. 66, V° col. 2.)

Absolons, indic. prés. Absolvons, Affranchissons. (Voy. La Thaum. Cout. d'Orl. p. 466, tit. de 1180.)

Absolut, préter. Renvoya absous. (Voy. Arresta amorum, p. 125).

Absoudent, indic. présent. Absolvent. (Voy. Caquets de l'Accouchée, p. 192.)

Absoul (J'), indic. prés. J'absous. (Voy. Contin. de G. de Tyr, Martène, T. V, c. 608.)

Absoule, subj. prés. Absolve. (Voy. Gloss. de l'Hist. de Bretagne.)

Absoulist, imparf. subj. Donnât l'absolution. (Voy. Joinville, p. 99.)

Absoulons, indic. prés. Absolvons. (Voy. Ord. T. III, p. 415.)

Absoulsist, imparf. subj. Donnât l'absolution, la dispense. (Voy. Chron. St Denys, fol. 196, V°.)

Asousist, imparf. subs. Donnât l'absolution. (Voy. Contin. de G. de Tyr, Martène, T. V, col. 698.)

Assoille, subj. prés. Absolve. (Voy. Ord. T. I, p. 765, note, art. 17.)

Assolons, indic. prés. Absolvons. (Voy. Ord. T. I, p. 264.)

Assolst, préter. Renvoya absous. (Voy. St Bern. Serm. Fr. MSS. p. 349.)

Assolt, imparf. ind. Absolvoit. (Voy. Villehard, p. 41.)

Assolt, préter. indic. Renvoya absous. (Voy. St Bern. Serm. F. MSS. p. 352.)

Assolt-om, indic, prés. On absout, dans le latin Absolvitur. (Voy. St Bern. Serm. Fr. MSS. p. 353.)

Assorrit, futur. subj. Aura absous, dans le latin Absolverit. (Voy. St Bern. Serm. Fr. MSS. p. 353.)

Assost, préter. indic. Donna l'absolution. (Voy. G. Guiart. MS. fol. 107, V°.)

Assot, indic. prés. Absout. (Voy. Hist. de Fr. à la suite du Rom. de Fauvel, MS. du R. n° 6812, fol. 76, R° col. 3.)

Assoudray (J'), futur indic. J'absoudray. (Voy. Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 195, R°.)

VARIANTES :

ABSOLDRE. Gloss. de l'Hist. de Paris.

ASOUDRE. Ordon. T. I, p. 286.

ASSAUDRE. Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 324, V° col. 1.

ASSOLER. Ordon. T. I, p. 264.

ASSORE. Gloss. sur les Cout. de Beauvoisis.

ASSOUDRE. Ordonn. T. I, p. 211.

ASSOUDRER. Borel, Dict.

ASSOULDRE. Rom. de la Rose. — L'Amant rendu Cordel, page 590.

Absolt

part. Absous, exempt, quitte, affranchi.

On reconnoît aisément notre mot Absous, dans les différentes orthographes. L'acception qu'il a conservée, est une acception particulière née d'une signification plus générale et plus étendue. On disoit de quelqu'un qui n'étoit pas sujet aux infirmités du corps, qu'il en étoit absouls et quitte. (Ger. de Rouss. MS. p. 204.) En parlant d'obligations pécuniaires dont on demeuroit déchargé. " Celuy que duisoit tender le money, est de ceo assouth et pleinment dischargé. " (Tenures de Littleton, fol. 77, V°.)

Ces significations figurées, sont des extensions du sens propre, indiqué sous l'article ABSOLDRE. (Voy. ce verbe et ABSOLU ci-après.)

VARIANTES :

ABSOLT. Ordon. T. III, p. 415.

ABSEULZ. (Plur.) Modus et Racio, MS. fol. 271, V°.

(1) rouges. ABSOLS. (Plur.) Ordon. T. II, p. 399.

ABSOULS. Ger. de Rouss. MS. p. 204.

ASOUS. Contin. de G. de Tyr, Martène, T. V, col. 700.

ASOZ. Fabl. MS. du R. n° 7615, T. I, fol. 72, V° col. 2.

ASSAUS. Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 106, V° col. 2.

ASSOS. Hist. de Fr. en vers, à la suite du Rom. de Fauvel, MS. du R. n° 6812, fol. 172, R° col. 1.

ASSOUBZ. Modus et Racio, MS. fol. 162, V°.

ASSOUS. Ordon. T. I, p. 211.

ASSOUTH. Tenures de Littleton, fol. 77, V°.

ASSOUTS. G. Guiart, MS. fol. 209, R°.

Absolte

subst. fém. Absoute, absolution.

Mais quand l'absoulte est la pensée De cuer, et par confession, Sa coulpe est en rémission.

Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 534, col. 3.

(Voy. ABSOLUTION ci-après.)

VARIANTES :

ABSOLTE. Oudin, Dict. — Borel, Dict.

ABSOULTE. Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 534, col. 3.

ABSOUTE. Oeuvr. de Baïf. fol. 72, R°.

ASSAUTE, ASSOULTE. Vergier d'honn. p. 133.

Absolu

partic. et adj. Absous. Décisif.

Ce mot, formé du latin Absolutus, s'est employé pour absous.

Je voi ci que la mort m'atrape : J'ai tant taillié et tant tolu, James n'en serai absolu.

Hist. de Fr. en vers, à la suite du Rom. de Fauvel, MS. du R. n° 6812, fol. 86, V° col. 2.

De là l'expression, Jeudi-absolu, pour le Jeudisaint, parce qu'autrefois dans l'Eglise d'Occident, c'étoit en ce jour qu'on absolvoit les pénitens publics. Comme dans les Eglises d'Orient, même dans quelques-unes d'Occident, on absolvoit le Vendredisaint, ce jour a aussi été nommé le Vendredi-absolu. (Voy du Cange, Gloss. Lat. au mot Absolutionis dies ; et Garasse, Rech. des Rech. p. 54.)

On est absous par la décision d'un Juge ; d'où l'on a pu dire " à toutes vos raisons feray responses absolues (réponses décisives.) " (Voy. Modus et Racio, MS. fol. 239, V°.)

Nous employons encore ce mot au même sens, dans quelques expressions ; et nous disons Volonté absolue. Autrefois on écrivoit absolute au féminin. " On peut desirer le bien d'autrui, ou une chose illicite, par volonté non absolute. " (Voy. Triomph. de la Noble-Dame, fol. 194.)

Absolutement

adv. Absolument.

En latin absolutè. " Disant absolutement qu'ils vouloient avoir certaines personnes. " (Monstr. Vol. I, fol. 179. — Voy. Fabri. Art de Rhétoriq. liv. I, fol. 146, V°.)

Absolution

subst. fém. Indulgence.

Ce mot subsiste, mais il n'est plus d'usage pour signifier ce qu'on nomme communément Indulgences. Chartier, parlant de la mort d'Agnès Sorel, dit qu' " elle requit audit Maistre Denis Augustin son Confesseur, qu'il la voulust absoudre de peine et de coulpe par vertu d'une absolution qui lors estoit à Loches. " (Hist. de Charles VII, page 192.)

On disoit en termes de Barreau, Absolution à cautèle, pour Suspension d'excommunication, à la charge de se représenter. (Voy. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Absolutio ad cautelam.)

Absolutoire

adj. Qui absout.

(Voy. Cotgr. et Oudin, Dict.) On dit aujourd'hui Bref absolutoire, au lieu de Lettre absolutoire. (Cotgr. Dict.)

Absolutrice

adj. fém. Qui absout.

Sentence absolutrice. (Procès de Jacques Coeur, MS. p. 17.)

Absorbir

verbe. Absorber, engloutir. Anéantir, détruire.

Ce mot, employé au premier sens dans les Serm. de St Bern., répond au verbe latin absorbere.

Maint assorbist l'eaue, et affonde, Maint sont hors reboutés par l'onde, Et ses flots maints en assorbissent.

Rom. de la Rose, vers 6299-6301.

Par extension du sens propre, absorbir signifioit anéantir, détruire. On lit au sujet d'un Committimus accordé sur un faux exposé, " que le cas est à répéter par le Juge ordinaire ; et à luy en doit estre renduë la cognoissance... car par le droict escrit, nul ne absorbist le droict d'autre, etc. " (Bouteill. Som. Rur. p. 368.)

VARIANTES :

ABSORBIR. S. Bern. Serm. fr. MSS. p. 74.

ABSORBOYER. Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 276, col. 1.

ASSORBER. Borel, Dict. — Gloss. du P. Labbe.

ASSORBIR. Id. ibid. p. 70. — Rom. de la Rose, vers 6301.

Abstenir

verbe. Abstenir. Gêner. Borner.

Ce mot subsiste sous l'orthographe abstenir, en latin Abstinere. (St Bern. Serm. ubi suprà.) L'on disoit autrefois au premier sens, qui est le sens propre.

Trois fois se pasme de foleur Ne se puet atenir de plour.

Athis, MS. fol. 6, V° col. 1.

De là, l'acception plus générale du verbe abstenir, employé absolument avec ou sans le pronom réfléchi, dans le sens de gêner.

Je ne vous veux point abstenir.

Blason des Faulces amours, p. 231.

" On a matière de s'abstiner et vivre sobrement. " (Triomph. de la Noble-Dame, fol. 44.)

Enfin de la signification d'abstenir, gêner, naît celle de borner. L'on disoit en ce sens, " s'abstenir à du pain, " pour se borner, s'en tenir au pain pour toute nourriture. (Contred. de Songe-creux, fol. 36, R°).

VARIANTES :

ABSTENIR. S. Bern. Serm. fr. MSS. p. 303, etc.

ABSTINER. D. Duplessis, Hist. de Meaux, T. II, p. 67, tit. de 1180.

ATENIR. Athis, MS. fol. 6, V° col. 1. Abstention

subst. fém. Action de s'abstenir.

Encore aujourd'hui, dans quelques provinces, s'abstenir d'une succession, signifie ne faire aucun acte d'héritier, ce qui produit une renonciation tacite. C'est cette renonciation que le mot abstention désigne dans le passage suivant : " Le survivant ou la survivante ne peut profiter du raport ni de l'abstention, mais les heritiers seuls. " (Cout. de Bouchault, au nouv. Cout. gén. T. I, p. 799, col. 1.)

Abstinence

subst. fém. Suspension. Modestie, retenue. Privation de viande.

On disoit au premier sens : Abstinence de guerre, pour suspension d'armes. (Mém. d'Oliv. de la Marche, p. 95.) Quelquefois abstinance tout simplement : " Trèves ne abstinances. " (Ord. T. III, p. 36.)

Dans le second sens, nous lisons :

Se tu la troves bone et de loial sustance, Et envers toi loial et de bone abstinence, Honorer et servir la dois, sans atendance Et prendre et espouser, etc.

Fabl. MS. du R. n° 7615, fol. 179, V° col. 1.

Abstinence, dans le sens de privation de viande, est d'un usage très ancien. J. de Meun a dit en parlant des hypocrites ou faux dévots :

.... mains pour sembler plus honnestes, Laissent à mangier chair de bestes Tout temps, sous nom de pénitence, Et font ainsi leur abstinence, Si comme en Caresme faisons, Mais tous vifs ils mangent les homs O les dens de detraction.

Rom. de la Rose, vers 16081 et suiv.

C'est cette mortification affectée qu'il appelle ailleurs abstinence orgueilleuse (vers 20243), et dont il fait un personnage allegorique sous le nom de Dame abstinence contrainte. (Ibid. vers 15531 et suiv.)

Toutes ces significations sont, comme l'on voit, des applications particulières de l'acception propre et générale d'abstinence, privation.

VARIANTES :

ABSTINENCE. Orthog. subsist.

ABSTINANCE. Mém. d'Ol. de la Marche, p. 94.

Abstracteur

subst. masc. Qui extrait.

On disoit en ce sens Abstracteur de quinteessence, pour Chimiste, ou Alchimiste. (Rabelais, T. II, p. 287. — Voy. ibid. note de l'Editeur.)

Abstraction

subst. fém. Enlèvement.

C'est le sens propre ; du latin abstrahere, enlever par force. " Achilles tenant à grand injure l'abstraction de sa concubine Briseis, etc. " (J. le Maire, Illustr. des Gaules, liv. II, p. 224.)

Abstraindre

verbe. Serrer, mettre à l'étroit. Astreindre, obliger.

Le premier sens est le sens propre, du Latin adstringere, serrer, pris figurément en ce passage : " Yvain de Galles avoit durement abstreint ceux de Mortaigne en Poitou... les avoit si abstreint de

vivres, que nuls ne leur en pouvoient venir. " (Froiss. Vol. II, p. 27, an. 1378.)

De là, le participe abstraint, pour obligé. " Laquelle des deux conditions je voudrois choisir, ou d'estre cocu, ou abstraint à ne jamais faire l'amour. " (Caquets de l'Accouchée, p. 97.)

CONJUG.

Astrent, indic. prés. Lie, attache. (Voy. St Bern. Serm. Fr. MSS. p. 281.)

VARIANTES :

ABSTRAINDRE. Eust. des Ch. Poët. MSS. fol. 79, col. 4.

ABSTREINDRE. Froiss. Vol. II, p. 27 et 29.

Abstraire

verbe. Emmener, enlever, arracher. Retirer.

Ce mot est formé du latin abstrahere, arracher. " La noble Pucelle Cassandra, se veit abstraire par force et violence, hors du Temple de Minerve. " (J. le Maire, Illustr. des Gaules, liv. II, p. 256.)

Dans le second sens, ce verbe a été employé comme verbe réfléchi. L'on a dit s'abstraire pour se retirer, s'arracher au monde. " Mieulx te vauldroit abstraire et aler demeurer en aucun lieu solitaire. " (Triomph. des neuf Preux, p. 267, col. 2.)

Abstrait

partic. Enlevé, arraché.

Du verbe ABSTRAIRE ci-dessus. (Voy. J. le Maire, Illustr. des Gaules, p. 256.)

Abuchement

subst. masc Achoppement.

Ce mot, sous l'orthographe Abuchement, semble venir des verbes Aboucher et Abuscer, et sous celle Abuissement dans les Serm. Fr. MSS. de St Bernard, où il répond à offendiculum du texte Latin, il pourroit être formé du Latin Bucca. Selon ces deux étymologies, Abuchement et Abuissement expriment l'état de celui qui penche ou tombe en avant, le visage ou la bouche contre terre ; et s'est employé de là pour désigner en général ce qui fait tomber, ce qui fait trébucher.

Au figuré, un de nos Poëtes du XIVe siècle, a dit d'un vieillard aveuglé par le plaisir :

Bezicles n'a et queurt parmy la rue ; En trebuchant se fraint, destruit et lasse. .... On ne voit point ne ne veult concepvoir L'Abuchement de pechié qui le blesse, etc.

Eust. des Ch. Poës, MSS. fol. 388, col. 2.

VARIANTES :

ABUCHEMENT. Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 388, col. 2.

ABUISSEMENT. St Bern. Serm. Fr. MSS. p. 287.

Abvier

verbe. Détourner.

Proprement détourner du chemin. On a dit au figuré : " Mon dit Seigneur, pour cuidier eviter le coup, getta le bras au-devant, dont il fut blecié tres vilainement, car il ne peut tant abvier, que le coup ne lui cheust sur le visage. " (Preuves sur le meurtre du D. de Bourg, p. 274). Si toutefois abvier n'est pas une faute d'impression, pour obvier, aller au devant, prévenir.

(1) od, avec. Abuisonner

verbe. Duper.

D. Carpentier, dans son supplément au Gloss. croit pouvoir dériver ce verbe du substantif Busio, buse, pris dans le sens figuré de dupe. (Voy. les passages par lui cités, de deux Chartes de la fin du XIVe siècle, dans lesquels ce mot paroit avoir cette signification.)

VARIANTES :

ABUISONNER, ABUSSONNER. D. Carp. suppl. au Gloss. de Du C. au mot Busio.

Abuleter

verbe. Donner ou recevoir un bulletin, un certificat.

D. Carpentier dérive ce verbe du substantif Bulleta, pris dans le sens de certificat, reconnoissance. Abuleter, signifioit proprement donner ou recevoir le certificat du serment d'obéissance prêté. C'est en ce sens qu'on disoit. " Jurez et abuletez. " (Trés. des Chart. Reg. 173, pièce 525.) On trouve ce mot avec la même signification, dans plusieurs passages tirés aussi des Reg. du Trés. des Chart. cités par D. Carpent. (Suppl. au Gloss. de Du C. au mot Bulleta. — Voy. BULLE ci-après.)

VARIANTES :

ABULETER. Trésor des Chart. Reg, 173. Pièce 525.

ABULLETER, ENBULLETER. D. Carp. suppl. au Gloss. de Du C. au mot Bulleta.

Abus

subst. masc. Abus. Artifice.

Le mot Abus subsiste. Nous ne le citons que pour remarquer qu'il a été introduit dans notre langue, à l'occasion du plaidoyer de Cugnières et de Bertrand. Le premier s'étant servi des termes " de torts et entreprises dont usoit le Clergé sur le Roy ; " Bertrand, pour adoucir ces expressions, convertit le mot de torts en celui d'Abus, que Gerson fit valoir dans son Traité de la Puissance ecclésiastique. De là l'expression appel comme d'abus. (Voy. Pasq. Rech. liv. III, p. 255.)

On a employé le mot abbuz pour artifice, illusion, dans ce passage... " Estoit ainsi tout esbahy par l'abbuz des trois Damoiselles. " (Percef. Vol. III, fol. 82, V° col. 2.)

VARIANTES :

ABUS. Orthog. subsist.

ABBUZ. Percef. Vol. III, fol. 82. V° col. 2.

Abuscer

verbe.

Broncher.

C'est proprement se heurter et donner du visage contre terre en bronchant. (Voy. ABUCHEMENT ci-dessus, pour Achoppement.)

Ses cevaus si fort s'abusca Par les cailleus, k'il defroissa ; K'il est si durement keus, Que tout froissiés est ses escus.

Ph. Mousk. MS. p. 457.

A la planche vint, si monta ; Ne sai dire s'il s'abuissa Ou escrilla ou mesmarcha : Mès il chaii et se néa.

Rom. de Rou. MS. p. 151 et 152.

Cette signification paroît s'être étendue, pour ex primer l'action d'un cavalier qui se heurte et s'accroche à son éperon.

Envers Raimon isnellement sailli ; Mais au saillir, forment li mescaï ; A l'esperon s'abuissa, si flati Encontre tiere, etc.

Anseis, MS. fol. 10, V° col. 2.

VARIANTES :

ABUSCER (s'). Phil. Mousk. MSS. p. 457.

ABUCHER. D. Carp. suppl. au Gloss. de Du C. au mot Boutare.

ABUISSER. Rom. de Rou. MS. p. 151.

ABUISSIER. Fabl. MS. du R. n° 7615. fol. 187, R° col. 2.

Abusement

subst. masc. Abus.

(Voy. R. Estienne, Dict.)

Abuser

verbe. Faire abus.

La première orthographe de cet mot subsiste ; et l'on dit encore abuser du temps, pour en faire mauvais usage ; mais l'on ne dit plus comme autrefois, soy abuser, pour abuser de soy-même, de son temps. " Soy abuser au pillaige " pour s'amuser au " pillage, y employer le temps mal à propos. " (Voy. le Jouvencel, MS. p. 125.) On dit encore dans quelques cantons de la Bourgogne, s'ébuser, pour s'amuser. On écrivoit aussi habuser, au lieu d'abuser ; faire abus, dans le sens propre :

Las aujourd'hui voy mainte creature De ces cinq sens laidement habuser Et en user contre toute droiture, Estre muyaulx et de sens aveugler.

Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 45, col. 2.

Abuser d'un Office, pour l'exercer sans y avoir été admis. (Ordonn. T. III, p. 587.)

CONJUG.

Abus, part. Abusé. (Voy. Froiss. Poës. MSS. p. 271, col. 1.)

VARIANTES :

ABUSER. Le Jouvencel. MS. du R. p. 125.

HABUSER. Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 45 col. 2.

Abuseur

subst. masc. Qui abuse. Trompeur.

Au premier sens, on a dit abuseurs en leurs offices, qui abusent de leurs charges, qui prévariquent. (Joinville, p. 122. — Voy. les Dict. de Monet, de R. Estienne, au mot Abuseur. — Ord. des Rois de Fr. T. III, p. 587. — Sagesse de Charron, p. 325, et Rabelais, T. II, prolog. p. 5, etc.)

On a dit aussi abuseur, pour trompeur, " charlatans et abuseurs. " (Des Acc. Bigar. liv. IV, fol. 44, V°.)

Abuseux

adj. Plein d'abus. Qui abuse.

Nous ne trouvons ces deux acceptions que dans Cotgr. Dict.

Abusif

adj. Où il y a abus.

Nous ne citons ce mot en usage, que pour rapporter l'expression ancienne, couronne abusive,

(1) glissa. On dit encore griller en Normandie, pour glisser. — (2) fit un faux pas. — (3) pencha, tomba — (4) estre muet. employée pour exprimer une tonsure usurpée par celui qui n'a pas droit de la porter. (Voy. le Gr. Cout. de Fr. liv. IV, p. 508.)

Abusion

subst. fém. L'action d'abuser. Sac, pillage. Abus. Illusion. Irrésolution, perplexité.

Le premier sens est le sens propre. (Voy. le Gloss. de Marot, où ce mot est pris pour une action de libertinage.)

Piller, c'est abuser de la victoire. De là le mot abusion, pour sac, pillage, dans ces vers qui terminent un détail assez long, de brigandages et de violences exercées dans la Gascogne ;

Enfans fuient et fames veuves, Con se ce fust abusion.

G. Guiart, MS. fol. 219, R°.

On l'a même employé, toujours par extension du premier sens, pour abus, pris génériquement. (Voy. Villon, p. 25.)

Ce seroit grans abuisions.

Anc. Poës. Fr. MS. du Vatic, n° 1490, fol. 132, R°.

Dans un sens moins générique, abusion a signifié illusion.

Songes fu ou abusions.

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 145, R° col. 2.

Souvent l'illusion produit l'embarras. De là on a dit abusion, pour irrésolution, perplexité. " Le Connestable et les Marechaux de France et de Bourgogne estoient... en celle abusion, et ne savoyent lequel faire pour le meilleur. " (Froissart, liv. II, page 207.)

Ce mot, en ce sens, pourroit aussi venir d'ABUSER ci-dessus, pris dans le sens particulier d'abuser de son temps, s'amuser, perdre le temps, comme on fait en délibérant sans rien résoudre.

VARIANTES :

ABUSION. Villon, p. 25.

ABUISSON. Anc. Poës. Fr. MS. du Vat. n° 1490, fol. 132, R°.

Abussal

subst. masc. Achoppement.

Ce mot est le même qu'Abuissement, avec une terminaison différente.

Un achopail et abussal A gent de pié et de cheval.

Guigneville, cité par D. Carp. suppl. Gloss. de Du C. au mot Boutare.

(Voy. ABUCHEMENT ci-dessus.)

Abutant

participe. Aboutissant.

(Voy. Le Moine, Diplomatique pratique, Dict.)

Abuter

verbe. Viser, tendre à un but. Mettre bout à bout. Additionner, calculer. Abonner.

Le premier sens est le sens propre. (Voy. Borel, Dict.) Ainsi on a dit : " Il semble que l'ame ébranlée et émeue, se perde en soy-mesme, si on ne luy donne prise, et faut toujours lui fournir d'objet où elle s'abutte et agisse. " (Essais de Montaigne, T. I, p. 27. — Voy. BUTER ci-après.)

Dans la seconde acception Abuter a signifié, mettre bout-à-bout. Ainsi on disoit : " ces lettres leuës, et deschirées par Aubain, les pieces furent recueillies par un Gentilhomme amy de Garnier, qui les abute avec de la cire. " (Pasq. Rech. liv. V, p. 406.)

De là, on a dit Abuter, pour additionner, joindre ensemble diverses sommes : " Recueillés par parcelles toutes les sommes mentionnées par cet article, et les abutez avecque les dixans, vous trouverés les quatre mille marcs. " (Pasq. Rech. liv. IX, p. 843.) Le peuple dit encore dans quelques provinces, Ebuter, pour supputer, mettre des sommes les unes au bout des autres.

Le Moine, dans sa Diplomatique pratique, Dict. explique Abutter, par Abonner un droit, un péage, à une somme fixe.

VARIANTES :

ABUTER. Pasq. Rech. liv. V, p. 406.

ABUTTER. Cotgr. Dict. — Essais de Montaigne, T. I, p. 27. — Le Moine, Diplomatique pratique, Dict.

Abutiner

verbe. Mettre au pillage. Associer au pillage.

Dans le premier sens : " Si par lascheté sumes deffaicts, nos biens seront abutinez, etc. " (J. d'Auton, Annal. de Louis XII, de 1503-4 et 5, fol. 26, V°. — Voy. BUTINER ci-après.)

On disoit par extension abutiner, pour associer au pillage, au butin. Ce verbe étoit quelquefois réciproque en ce sens : " Il ne dist à nul qu'il eust aucun abutiné avecques luy ; mais se abutinoit à tous, penssant qu'il deust avoir butin en tous les butins où il se boutoit,> etc. " (Le Jouvencel, MS. fol. 353. — Voy. BUTIN ci-après.)

Abvier

verbe. Détourner.

Proprement détourner du chemin. On a dit au figuré : " Mon dit Seigneur, pour cuidier eviter le coup, getta le bras au-devant, dont il fut blecié tres vilainement, car il ne peut tant abvier, que le coup ne lui cheust sur le visage. " (Preuves sur le meurtre du D. de Bourg, p. 274). Si toutefois abvier n'est pas une faute d'impression, pour obvier, aller au devant, prévenir.

Abylant

subst. masc. Nom de pays.

C'est la fleur, et en terre et en mer, De beaulté de pucelle ; Si n'arrestasse pour tout l'or d'Abylant Que j'en allasse tout le pays cherchant.

Percef. Vol. II, fol. 81, R° col. 1.

Cette expression, pour tout l'or d'Abylant, étoit proverbiale. On la retrouve dans ces vers :

Jà n'a il home en cest sicle vivant Qui i alast por tout l'or d'Abilant.

Anseis, MS. fol. 52, R° col. 2.

VARIANTES :

ABYLANT. Percef. Vol. II, fol. 81, R° col. 1.

ABILANT. Anseis, MS. fol. 52, R° col. 2.

Abysme

subst. fém. Abyme.

Ce mot, aujourd'hui masculin, s'est employé autrefois comme féminin :

Mers et abismes lointaines, etc.

Molinet, p. 124.

Il se prenoit quelquefois en bonne part. " La faute qu'elle faisoit de refuser un si grand party, qui la mettroit dans le fin fonds et abysme de la grandeur, etc. " (Brant. Dam. Gal. T. II, p. 156.

(1) comme si ce fût. — (2) sommes deffaits. — Voy. sur l’origine de ce mot, Bourgoing. de Orig. voc. vulg.)

VARIANTES :

ABYSME. Brant. Dam. Gal. T. II, p. 156.

ABISME. Molinet, p. 124.

Abysmeux

adjectif. Profond.

Où l’on s’abyme : " Que vos cors en la fosse abismale eussent été ensevelis. " (Triomph. de la Noble Dame, fol. 38, V°.)

VARIANTES :

ABYSMEUX. Cotgr. Dict.

ABISMAL. Triomph. de la Noble Dame, fol. 38, V°.

Abytues

part. au fém. plur. Débatues, agitées.

" En ce Parlement furent abytues les causes des Eglises de l’Archevesché de Lyon et de Vienne, qui étoient vaguez, et sans pasteur. " (Chron. St Denys, T. I, fol. 175.) On lit dans le latin : " in quo causam Ecclesiarum Lugdunensis et Viennensis vacantium ventilari fecit. "

Acabat

partic. Fini.

Ce mot paroît formé de CAP ci-après, tête, chef. " Consideran que les triuves et sufrence de gucrre de Bretainhe, et nostres soren acabades à la feste de Sent Miqucu, etc. " (D. Morice, Hist. de Bret. Preuv. col. T. II, col. 1118. — Voy. ACHEVER.)

VARIANTES :

ACABAT. D. Carp. suppl. Gloss. de Du C. au mot Actuare.

ACABADES. (fém. plur.) D. Morice, Hist. de Bret. Pr. T. II, col. 1118.

Acabit

subst. masc. Accident, malheur.

On a dit cap, pour chef, tête ; mauvais cap, pour méchef, accident, malheur. De là peut-être Acabit, formé de cap, employé en ce sens dans ces vers :

Se en ceste malheure et labit Nous mourions par quelque acabit, Ame n’y a qui bien nous face.

Villon, p. 60.

Ménage semble avoir considéré ce mot comme une altération de l’orthographe Acapit, en le faisant venir du latin Accapitum. L’étymologie que nous proposons, nous a paru plus naturelle. Celle d’ACAPIT, ci-après, droit seigneurial pour chaque mutation ou changement de cap, de tête, pourroit bien être la même.

Acabler

verbe. Aterrer.

(Voy. Caseneuve et Ménage.) On a dit, en parlant des amendes imposées pour des coups donnés : " D’un coup de paulme cinq sols, d’un coup de poing douze deniers, de bateure à terre, que l’en appelle acabler, dix-huit sols. " (Anc. Cout. de Normandie, fol. 104, V°.)

VARIANTES :

ACABLER. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Cabulus.

ACHABLER. D. Carp. suppl. au Glossaire de Du Cange, au mot Cabulus.

Acacher

verbe. Chasser.

Mener, faire marcher devant soi.

Bien cent somiers que Turc vont acachant Vins et viandes portoient li auquant.

Anseis, MS. fol. 55, R° col. 1.

On dit encore Acacher en ce sens, dans quelques cantons de la Normandie. (Voy. CACHER ci-après.)

Acade

subst. masc. Sillage.

Oudin, dans son Dict. explique le mot acade, ou erre d’un vaisseau, par le sillage.

Académiste

subst. masc. Académicien.

Beauchamp observe que " la Comédie des Académistes, pour la réformation de la Langue françoise, en 1643.... fut réimprimée depuis sous le titre des Académiciens. " (Rech. des Théat. T. II, p. 210.)

Açaindre

verbe. Enceindre, entourer. Saisir, comprendre.

Mot formé du latin accingere, mettre une ceinture ; par extension, enceindre, dans ces vers, où le Poëte dit en parlant de la Vierge :

Vigne de noble fruit plantée Sans humaine cultiveure ; Violete non violée ; Courtiex tous açains d’aclosure.

Dits et Moral. MS. de Gaignat, fol. 296, R°, col. 3.

Entourer, envelopper, dans les deux passages suivans :

Sarasin demainent grant noise Sonnent timbres, trompes, tabor ; Les nos acagnent tot entor.

Phil. Mousk. MS. p. 193.

Turc les encloent, et acagnent.

Ibid. p. 191.

Dans un sens plus figuré encore, ce mot signifioit saisir, comprendre.

Tu dois tout enquerre ; et açaindre La vérité de la querele.

Dit de Charité, MS. de Gaignat, fol. 217, V° col. 2.

(Voy. ENÇAINDRE ci-après.)

CONJUG.

Açagnent, indic. prés. Enveloppent. (Phil. Mousk. MS. p. 191 et 193.)

Açaine, indic. prés. Enceint. (Guiteclin de Sassoigne, fol. 233, V° col. 1.)

Açaing, indic. prés. Enceint, environne. (Anc. Poët. MSS. avant 1300, T. II, p. 902.)

Açainst, indic. prés. Enveloppe. (Phil. Mousk. MS. p. 805.)

Açaint, indic. prés. Enceint. (G. Guiart, MS. fol. 139, V°.)

VARIANTES :

AÇAINDRE. Phil. Mousk. MS. p. 193.

ACEINDRE. Cout. de G. de Tyr, Martène, T. V, col. 672.

(1) bruit. - (2) nôtres. Açainte

subst. fém. Enceinte, enclos.

Par le poing a prise la dame, D'une part vont en une açainte

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 243, R° col. 1.

(Voy. ACCIN, ENÇAINT et ENÇAINTE subst. ci-après.)

VARIANTES :

AÇAINTE. Rec. des Hist. de Fr. par D. Bouquet. — Chron. S. Den. T. V, p. 255.

ACHAINTE. D. Carp. suppl. au Gloss. de Du C. au mot Accincta.

ANÇAINTE. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Incincta.

Acaire

subst. masc. Nom d'un Saint. Signe du Zodiaque.

Dans la première acception, ce mot est le nom d'un évêque de Noyon, qui guérit les acariastres, suivant Sylvius, cité dans le Dict. de Trévoux, au mot Acariâtre.

Tu serois plus hors du sens Que ceuls qu'on maine à St Acaire.

Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 529, col. 2.

De là, on disoit mal St Acaire, pour désigner le mal que St Acaire guérit. On écrivoit aussi Aquaire. (Voy. Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 353, col. 3 ; et G. Machaut, MS. fol. 182, R° col. 2.) La vertu de guérir certains maux, attribuée aux Saints par la superstition, dépendoit souvent de l'orthographe de leur nom.

Par un autre abus de l'allusion des noms, on appeloit ceux qui acquérent, qui gagnent. " Pélerins de St Aqaire. " (Anc. Poës. Fr. MS. du Vat. n° 1490, fol. 161, V°.)

Dans la seconde acception, ce mot signifioit le Verseau, signe du Zodiaque, du nom latin Aquarius.

Quant aux signes spéciaulx. Li Capricornes, li Toreaulx, La Vierge, le Mouton, l'Acaire.

Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 471, col. 1.

Il est écrit Aquaire dans la Chron St Den. T. I, fol. 118, V°, et dans le Gloss. de Labbe, p. 488, Aquaires. (Voy. l'art. AQUARIUS ci-après.)

VARIANTES :

ACAIRE. Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 529, col. 2.

AQAIRE. Anc. Poës. Fr. MS. du Vat. n° 1490, fol. 161, V°.

AQUAIRE. Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 353. — Chron. S. Den. T. I, f° 118, V°.

AQUAIRES. Labbe, Gloss. p. 488.

Acamusé

partic. Taillé en chamfrain.

Mot formé de CAMUS ci-après. On a dit figurément pierre accamusée, pour taillée en chamfrain. Pierre dont on a rabattu l'angle, l'arête en termes d'architecture. " Quand ès murailles estant entre deux héritages sont mis, et assis aucuns corbeaux, ou pierres estant en veuës et lieux apparens, et ayant saillie, et tels corbeaux et pierres sont accamusez par dessouz en faisant l'oeuvre, et sans fraude, iceux corbeaux et pierres démonstrent que tout le mur est commun aux deux dits héritages ; et si lesdits corbeaux ou pierres sont accamusez par dessus, demonstrent que lesdites murailles sont commu-

nes, jusqu'auxdittes pierres et corbeaux " (Cout. gén. T. I, p. 963.)

VARIANTES :

ACAMUSÉ. Cotgr. Dict.

ACCAMUSÉ. Cout. gén. T. I, p. 963, et T. II, p. 1029.

Acanner

verbe. Injurier.

Mot Picard. (Du Cange, Gloss. Lat. au mot Acanizare. — Voy. DEGANNER ci-après.)

Acapit

subst. masc. Sorte de droit féodal.

M. Freteau dit que l'on doit entendre par Acapit, le doublement des droits seigneuriaux à chaque changement de Seigneur. (Mém. sur Agen, p. 40, C. D.) Mais la Rocheflavin prétend que ce droit s'appeloit arrière-acapit ; et que l'on nommoit Acapits, certains droits qui se payoient au Seigneur direct pour chaque mutation arrivée, soit par la mort de son vassal, soit par vente, échange, ou autrement. (Voy. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Reaccapitum, T. I, col. 75.)

Laurière paroit être de même sentiment, puisque à l'article Acapt, il renvoie à celui des droits d'issue et d'entrée, qu'il définit : " Lods et ventes, ventes et honneurs et autres droits seigneuriaux qui se payent au Seigneur cavier, rentier, ou censuel et direct, par le vendeur et par l'acheteur de l'héritage aliéné et redevable envers quelque Seigneur foncier, pour le vest, devest ; saisine, desaisine. " (Gloss. du Dr. fr.)

On entendoit donc par Acapits, certains droits casuels, tels que le Relief, ou Rachat, etc. (Voy. ACABIT ci-dessus.)

Les nouveaux Editeurs de Du Cange, ont réfuté Brussel, qui, dans son Traité des Fiefs, p. 849, interprète Acapit, par feodum sine capite. (Voy. Gloss. Lat. T. I, col. 73.)

Lorsqu'un bien étoit d'un trop grand prix pour être inféodé sous la seule obligation de l'hommage, ou sous la redevance d'une petite censive, il arrivoit quelquefois que le Seigneur chargeoit le fonds, d'une rente seigneuriale proportionnée à la valeur de ce bien : c'est ce que paroit signifier l'expression ad Acapitum dare, citée par Du Cange, ubi suprà ; ou bien le Seigneur se faisoit payer une certaine somme d'argent, que les Coutumes de Bourbonnois et de Nivernois appellent entrage. (Voy. Laur. Gloss. du Dr. fr. sous Acapit, Acapte, etc.) L'on trouve ce droit d'entrée désigné par ces mots prim Acapte, dans un vieil acte en langue vulgaire de l'an 1255. (Ménage, Dict. étym. au mot Achepter.)

Ces sortes d'inféodations étoient alors de véritables ventes, ou des Acensements. Or, prendre à cens un héritage, ou en payer le prim acapte, c'est l'acheter. Ainsi les mots Achapt et Achapter, ont pu se former d'Acapte, ou Acapit. (Voy. ci-après ACHAPT et ACHAPTER.)

VARIANTES :

ACAPIT. Brussel, Traité des Fiefs, p. 849.

ACAP. D. Carp. suppl. Gloss. de Du C. au mot Acaptare. ACAPTE. Laur. Gloss. du Dr. fr. — Nouv. Cout. gén. T. I, page 903.

ACCAPTE. Cout. d'Agen, au nouv. Cout. gén. T. IV, p. 903. col. 1.

Acaration

subst. fém. Confrontation.

Du mot cara, care, face, visage. On trouve Accaratio au même sens, dans Du Cange, Gloss. Lat (Voy. l'art. suivant ACAREMENT.)

VARIANTES :

ACARATION. Rabelais, T. III, p. 210.

ACCARATION. Monet et Cotgr. Dict.

Acarement

subst. masc. Confrontation.

(Voy. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Acaratio.) On reconnoit dans ce mot, de même que dans ACARER, et peut-être ACARIASTRE ci-après, la même origine que celle d'ACARATION ci-dessus.

VARIANTES :

ACAREMENT. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Accaratio.

ACCAREMENT. Monet, Dict.

Acarer

verbe. Confronter.

Proprement mettre face-à-face, de l'ancien mot care. (Voy. Borel, Dict. au mot Chere. — Ménage, Dict. étym. au mot Accarer. — Laur. Gloss. du Dr. fr. — Brant. Cap. fr. T. III, p, 109, etc.)

VARIANTES :

ACARER. Caseneuve, Orig. de la Langue fr.

ACCARER. Oudin et Monet, Dict. — Ménage, Dict. étym.

ACCAROER. La Combe, Dict. du vieux langage.

Acariastre

adj. Acariâtre, d'une humeur difficile, contrariante.

Ce mot semble dérivé du latin Acer ; il pourroit aussi tirer son origine du substantif care, face, visage. De même que l'on en a fait le verbe Acarer, opposer face à face, confronter ; on a pu en former l'adjectif Acariastre,/ qui s'oppose en face, qui contrarie. (Voy. ACARER ci-dessus.)

VARIANTES :

ACARIASTRE. Nicot, Dict.

ACHARIASTRE. Bourgoing. de Orig. voc. vulg. p. 16, V°.

Acariastreté

subst. fém. Contradiction.

Cotgrave et Oudin interprètent ce mot par obstination, opiniâtreté, entêtement, folie, emportement, fureur ; son étymologie est évidemment la même que celle d'Acariastre. (Voy. cet article, et celui d'ACARER.)

VARIANTES :

ACARIASTRETÉ. Oudin, Dict.

ACCARIASTRETÉ. Cotgr. Dict.

Acarner

verbe. Massacrer.

On a dit, en parlant d'une escarmouche. « Ceste brigade de Gennevois (Genois) laisserent leur montaigne... et les aucuns à course suivoient les Albanois, en faisant grandes huées et cris horribles, disans, acarne, acarne, amace, amace. »

(J. d'Auton, Annal. de Louis XII, 1506-1507, p. 175.)

C'est du mot a-carne (au carnage), cri de guerre parmi les Italiens, que nous avons fait notre mot s'acharner, s'obstiner, comme nous avons fait allarme de leur mot all'arme (aux armes).

Acasement

subst. masc. Inféodation. Calme, assoupissement.

Du mot ACASER, qu'on verra ci-après, dans le sens de donner en fief ; l'on a dit acasement pour inféodation. L'on distingue " l'acasement fait par le Seigneur direct, de l'acasement fait par le tenancier, ou le sous-acasement.... L'acasement fait par le Seigneur foncier et direct, est vif, pour ainsi dire, et emporte lods et ventes, comme première rente foncière et seigneuriale, au lieu que de l'acasement fait par le tenancier, ou du sous-acasement, il n'est point deu de lods et ventes, d'où il est appellé quelquefois rente seiche. " (Laur. Gloss. du Dr. fr.)

Ce mot, au second sens, paroît changer d'étymologie, et s'être formé d'accoiser, apaiser, calmer. " Le venin avoit desja gaigné si avant... que sa mortelle opération ne peut plus être empeschée, mais elle fut bien un peu retardée par un acasement de ceste violente douleur. " (Printemps d'Yver, fol. 124, V°. — Voy. ACCOISER.)

VARIANTES :

ACASEMENT. Laur. Gloss. du Dr. fr.

ACCASEMENT. Cotgr. Dict.

Acaser

verbe. Inféoder. Établir domicile.

Ce mot formé de case, maison, manoir, et par excellence manoir féodal, a signifié proprement donner en fief, inféoder. (Laur. Gloss. du Dr. fr.) Dans quelques Coutumes, comme celle de Bordeaux, c'est aussi bailler à rente. (Id. ibid.)

De là, s'accaser, pour s'établir dans un lieu, proprement y prendre un domicile à rente, et en étendant l'acception, s'y domicilier. " Le Roi... de Sicille, Duc de Lorraine et d'Anjou, aimoit fort les Gascons et Gentilhommes de ce païs là-bas, et s'en servit fort, si bien qu'il y en eut quelques-uns qui s'y accazerent, dont en est sorti depuis d'honnêtes gens. " (Brant. sur les Duels, p. 3.)

VARIANTES :

ACASER. Cotgr. Dict. — Laur. Gloss. du Dr. fr.

ACAZER. Cotgr. Dict. — Cout. gén. T. II, p. 671

ACCAZER. Brant. sur les Duels, p. 3.

AKASSER. La Combe, Dict. du vieux langage.

Acate

subst. fém. Pierre précieuse ; en latin Achates, agate.

Acate est ceste apelée, Por un eve ù el est truvée ; Ke apelée est par cest num En Cezile la trove l'um . Neir est, e a plesurs figures En li formées de natures.

Marbodus, de Gem. art. 2, col. 1640.

(1) fleuve où. - (2) de ce nom. - (3) la trouve-t-on. - (4) noire. VARIANTES :

ACATE, Marbodus, de Gem. art. 2, col. 1640.

ACASTE. Sicile, Blas. des coul. fol. 27, V°.

ACHATE. Marbodus de Gem. art. 2, col. 1686.

Accagnardement,

subst, masc. Paresse, indolence, fainéantise.

Du verbe ACCAGNARDER. (Voy. Cotgr. Dict.)

Accagnarder,

verbe. Devenir fainéant.

Ce mot formé de CAGNARD ci-après, subsiste sous la première orthographe, dans le langage familier, avec une signification active ; mais on ne diroit plus : " Craignant... de vous voir accaignarder au logis, etc. " (Pasq. Lett. T. III, p. 586.)

Nous disons encore s'accagnarder dans sa terre ; mais s'accagnarder en oisyveté, est tout-à-fait hors d'usage. Charles-Quint disoit, en parlant de Henri II : " Je connois vostre Roy, issu du noble sang de France, comme j'en suis sorti ; estant jeune comme il est, et ambitieux aussi bien que moy, il n'a garde de s'accagnarder en oisyveté, ny aux plaisirs de sa cour. " (Brant. Cap. Etr. T. I, p. 15.)

VARIANTES :

ACCAGNARDER. Oudin, Monet et Cotgr. Dict.

ACAGNARDER. Orth. subsist.

ACCAIGNARDER. Pasq. Lett. T. III, p. 586.

Accasané,

adj. Casanier.

Qui aime la maison ; mot formé du mot case, maison. (Voy. Cotgr. Dict.)

Accasaner (s'), verbe. Devenir casanier.

Mener une vie casaniere ; au figuré, une vie obscure et oisive. De là, ces expressions, s'accasaner en voluptez, pour vivre obscurément, en s'abandonnant aux plaisirs. (Voy. Pasq. Rech. p. 883.)

S'accasaner à la recherche des femmes. On a dit, en parlant d'Henri IV, " Tandis qu'il s'occupa à la guerre et à tous ces exercices violens, peu souvent le voyoit-on s'acasaner à la recherche des femmes ni à s'en empétrer d'aucune passion. " (Mém. de Sully, T. XII, p. 289.)

VARIANTES :

ACCASANER (s'). Pasq. Rech. p. 883.

ACASANER. Mém. de Sully, T. XII, p. 289.

Accatz.

Etre mis Accatz, est une ancienne façon de parler, qui semble répondre à notre phrase proverbiale, être mis à-quia.

.... tost serois mis accaiz De me vanter devant les Théoriques, Et gens parfaits en carmes Heroïques.

Faifeu, p. 114.

Accélérateur,

subst. masc. Qui accélère. (Voy. Oudin, Dict.)

Accéléré,

adj. Prompt.

Ce mot ne subsiste plus que pour désigner un mouvement augmenté. On l'employoit autrefois pour désigner en général un mouvement prompt. " Grande, et accelerée diligence. " (Mém. de Du Bellay, liv. VIII, fol. 268, R°.)

Accensaige,

subst. masc. Arrentement.

(Voy. ACENSE et ACENSEMENT ci-après.)

" Declarons et ordonnons pour Nous et nos Subgez, que ce qui en a esté, ou sera levé par telle manière de accensaige, ou ferme, ne pourra estre trait à consequence. " (Ord. des Ducs de Bret. fol. 200, V°.)

Accenser,

verbe. Allumer.

Du latin accendere. Marot tourne en ridicule ceux qui de son temps affectoient de se servir de ce mot en ce sens :

L'autre par trop les oreilles m'offense, Quand pour allume ha voulu dire accense.

Clém. Marot, p. 204.

Accentuer,

verbe. Prononcer méthodiquement.

Prononcer en observant les accens. Ce mot subsiste sous la première orthographe ; mais ne signifie aujourd'hui autre chose que marquer les accens des mots. Le Gloss. de l'Hist. de Bretagne, explique acenter, dans le sens générique de lire distinctement. Il semble plutôt que ce soit lire avec des tons marqués de déclamation ; et c'est en ce sens qu'on a employé accentue, dans les vers suivans :

Là maint gosier barytonnant bondit, Qui Lay prononce ou Balade accentue, Virelay vire ou Rondel arrondit, Maint Serventois là endroit se punctue, Chant royal maint s'i chante et psalmodie.

J. Le Maire, Illust. des Gaules, p. 384.

VARIANTES :

ACCENTUER. Orthog. subsist.

ACENTER. Gloss. de l'Hist. de Bretagne.

Acceptance,

subst. fém. Acceptation, consentement.

" Hom n avera advantage par tel releas qui sera enconter son proper acceptance. " (Tenures de Littleton, fol. 111, V°.)

Littleton, Anglois de nation, semble attribuer au mot Acceptance, le genre masculin, dans le passage qu’on vient de citer, parce que dans ce passage, ce mot se rapporte à l’homme ; et non parce qu’il attribue effectivement le genre masculin à ce mot. En Anglois, les pronoms possessifs empruntent le genre du nominatif du verbe. Les Anglois qui parlent notre langue, y transportent souvent cette règle de leur syntaxe. Nous faisons ici cette remarque une fois pour toutes.

Acceptaple,

adj. Agréable.

En latin acceptabilis, qui répond au mot Acceptaule, dans les Serm. de St Bern. ubi suprà.

Levres mouvoir sanz cuer à oroison, N’est pas à Dieu prenant ne acceptable.

Eust. des Ch. Poës. MS. fol. 251, col. 2.

Par cest essample voel retraire Cascuns doit sa proiere faire, Que à la gent ne soit nuisable Et que à Dieu soit aceptable.

Bestiaire, MS. du R. n° 7989. Baluze, 572, fable 55.

On lit dans un autre MS. de la même fable, agréable, au lieu d’aceptable.

(Voy. ACCEPTEUR ci-après.)

VARIANTES :

ACCEPTABLE. Orthog. subsist. - Gloss. du R. de la Rose.

ACCEPTAULE. S. Bern. Serm. fr. MSS. p. 21.

ACEPTABLE. Bestiaire, MS. du R. n° 7989, fable 55.

Accepter,

verbe. Accueillir.

Faire un bon accueil.

Venez à moy, vous tous qui par labeur Estes lassez et chargez de douleur ; Je suis celuy qui vous accepteray.

Les Marguerites de la Marguerite, fol. 20.

CONJUG.

Accept, participe passif. Accepté ; dans le sens subsistant du verbe Accepter. (Tenures de Littleton, fol. 79, V°.)

Accepteur,

subst. masc. Qui fait acception.

Qui considère l’un plus que l’autre ; qui se conduit avec partialité. (Voy. ACCEPTABLE ci-dessus.) " Les grâces de Dieu, ne se donnent point aux hommes pour leur noblesse ou richesses, mais selon qu’il plaist à sa bonté, qui n’est point accepteur de personne, lequel élit ce qu’il veut. " (Contes de la R. de Nav. T. I, p. 25.)

On lit dans J. Le Maire : " Pâris de Royal parentage (toutesfois sans Royal appareil)... n’est point accepteur de personnes ne sousteneur de querelles iniques. (Illustr. des Gaules, liv. I, p. 96.)

Acceptilation,

subst. fém. Terme de Droit.

C’est proprement la déclaration par laquelle on tenoit quitte son débiteur. Bouteiller dit : " Est la quittance que aucun faict de la dette, ou du convent qui luy estoit deu, et que le creancier clame quitte son detteur, et recognoissance que sa tête tient pour bien payé. " (Som. Rur. p. 347.)

Accés,

subst. masc. Subside.

On disoit du temps de Sully " Surcharger ses peuples de levées de gens de guerre, d’accès, impôts, tailles et tributs. " (Mém. T. XII, p. 478.) C’est la même chose qu’ACCISE ci-après. On lit dans Bouteiller, Som. Rur. p. 405 : " Comment treux, peages et Assès furent mis sus. " (Voy. le mot EXCÉS ci-après.)

VARIANTES :

ACCÉS. Mém. de Sully, T. XII, p. 478.

ASSÈS. Bouteill. Som. Rur. p. 405.

Accessadeur,

subst. masc. Celui qui tient à cens.

" Michiel d’Albaspeyras, Chapellain, Fermier ou Accessadeur du Priore d’Albinhac. " (Lettr. de 1416, Reg. 169, Chart. 320, citées par D. Carpent. suppl. Gloss. de Du C. au mot Accessamentum.)

Accesseurs,

subst. masc. plur. Prédécesseurs.

Peut-être est-ce une faute pour ancesseurs, dans ce passage. " Paris fut fondé par les Troyans VIIIe IIII. XV. ans, avant l’incarnation de N. S. et illec habitrent, puis que leurs accesseurs se furent partis de Sycambre. XIIe LXX. ans. " (Traduct. de Boëce, par J. De Meung, MS. du R. n° 7355. fol. 106.)

Accession,

subst. fém. Addition. Acception, préférence.

On a dit au premier sens accession, pour addition, du mot latin accessio. (Voy. l’article ACCESSOIRE ci-après.) " Si pendant que l’oeuvre s’imprime, il m’en survient quelqu’un des oubliez, ou que l’on m’advertisse d’aucun nouvel ouvrage, nous ferons imprimer à la fin du livre une accession, où il sera mis. " (Du Verdier, Biblioth. Préf. p. 25.)

Ce mot est employé pour acception, préférence, dans le passage suivant ; peut-être par une faute de copiste :

En rendit le droit chascun Sanz faveur, sanz accession.

Eust. des Ch. Poës. MS. fol. 465, col. 3.

Accessoire,

subst. masc. et fém. Incident. Conjoncture. Embarras.

Ce substantif n’est proprement qu’un adjectif de tout genre, qui devient substantif par ellipse. (Voy. ci-après ACCESSORIE et ACESSOIRE.) Il paroît formé du verbe latin Accedere, arriver, approcher ; ou Accidere, arriver, survenir ; de là, il a été employé, comme terme de pratique, dans le sens d’Incident, point à débattre qui survient dans le cours d’un procès. " Pour oster les parties de long procès en plaidoiries, nous ordonnons que de quelconques accessoires qui seront proposez en la cour desdittes foires.... les gardes d’icelles foires pourront faire delaisser les parties sans icelles recevoir en Jugement. " (Ord. T. II, p. 312. - Voy. le gr. Cout. de Fr. liv. III, p. 296.)

Ce mot, qui, en ce sens, est très ancien dans notre langue, étoit quelquefois féminin, parce qu’alors on sous-entendoit les substantifs chose, affaire, etc.

On laisse tout le principal Pour venir à une Accessoire.

Eust. des Ch. Poës. MS. fol. 522, col. 2.

Dans la signification de Conjoncture, il exprime un état, une situation qui survient dans un cours d’événemens, d’affaires, et qui en dépend. " Les Italiens craignans de tomber au même accessoire qu’auparavant, si on élisoit un François, jettoient toutes leurs opinions sur un qui fust de leur nation. " (Pasq. Rech. liv. III, p. 231.)

Par extension, le mot accessoire, signifioit l’embarras né d’une conjoncture désavantageuse. " Je pense bien que... Monsieur de Bressuire fut en grand accessoire après cette lettre reçue. " (Brant. Cap. fr. T. I, p. 44.)

(1) promesse. Molière l’a employé en ce sens :

Et tout ce qu’elle a pu, dans un tel accessoire Est de me renfermer dans une grande armoire.

Ecole des Femmes, Act. IV, Scène VI.

Accessorie,

adj. et subst. masc. Accessoire. Complice.

Ce mot, que nous ne trouvons employé que par Britton, Ecrivain Anglois, est le même que notre mot accessoire, avec une légère altération.

Comme adjectif, on a dit " un fait accessorie " pour un incident, en matière de procès. (Britton, des Loix d’Angl. fol. 43, V°.)

Comme substantif, ce même mot s’est employé dans le sens de complice, celui qui se joint à un autre pour l’aider à commettre un crime. " En droit... de trespassours ... et des accessories nule peyne ordiné, forsque soulement vers les principals trespassours. " (Britton, des Lois d’Angl. fol. 51, V°. - Voy. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Accessorius, col. 80.)

Accidental,

adj. Accidentel.

On a dit en ce sens, " joieus de joie accidentale. " (Triomph. de la Noble Dame, fol. 172.)

VARIANTES :

ACCIDENTAL. Epith. de M. de la Porte.

ACCIDANTAL. Essais de Montaigne, T. I, p. 382.

Accidentalement,

adv. Accidentellement. (Voy. les Mém. d’Ol. de la Marche, liv. I, p. 291.)

Accides,

subst. masc. plur. Nom de Peuple.

On trouve ce nom employé dans les Chron. de St Denys, T. II, fol. 21, pour désigner les Assassins, les Sujets du Vieil de la Montagne, Roi des Accides. L’auteur de ces Chroniques, qui écrivoit dans un siècle où les Assassins n’étoient peut-étre pas encore tout-à-fait détruits, semble avoir fixé l’étymologie du nom de ce peuple, en le rendant par celui d’Accides, formé du latin Occidere, tuer, et au participe pluriel, Occidentes, qui tuent. Le changement de l’o en a, est fréquent dans les étymologies de notre langue ; et ce Glossaire en fournit grand nombre d’exemples. (Voy. ASSASSINS ci-après.)

Acciduler,

verbe. Terme de médecine.

Rendre acide ; mettre des sucs acides dans quelque chose. Ce mot est encore quelquefois d’usage sous l’orthographe Aciduler. (Dict. de Trévoux.)

VARIANTES :

ACCIDULER. La Combe, Dict. du vieux langage.

AKCIDOULER. Id. ibid.

Accin,

subst. masc. Enceinte, circuit.

Ce mot se trouve souvent répété sous trois de ces orthographes, dans l’arpentage, qui précède le Terrier MS. de la terre de Montmort en Champagne, fait du temps de Charles IX. Il est employé à chaque article pour l’enceinte d’une terre. On se sert encore en Champagne du mot Accin, pour l’enclos qui est autour d’une maison. Nous lisons au même sens : " A esté l’accreue faicte par la rivière de Seine à l’accin de ladite maison, adjugée audit Sr de Paiens, Hault-justicier. " (Pithou, Cout. de Troyes, p. 602. - Voy. AÇAINTE ci-dessus ; ENÇAINT et ENÇAINTE ci-après.)

VARIANTES :

ACCIN, ACCEN. Arpentage. MS. de la Terre de Montmort.

ACCINT. Cout. gén. T. I, p. 105.

ACHAINT. Triomp. des neuf Preux, p. 341, col. 2.

ACIN, ACINT. D. Carpent. suppl. Gloss. de Du C. au mot Ascinus.

ACTIN. Arpentage, MS. de la Terre de Montmort.

ASCIN. ASSIN. D. Carp. suppl. Gloss. de Du C. au mot Ascinus.

Accipé.

Mot latin employé pour sobriquet dans le vers suivant :

Dictes vous vray, Maistre Accipé.

Oeuv. de Roger de Collerye, p. 78.

Accise,

subst. Imposition, taxe, taille.

" .... Tant des accises, impôts, amendes, etc. " (Cout. de Bruxelles, au nouv. Cout. gén. T. I, p. 1236, col. 1.) " La franchises des Accises et autres exemptions. " (Id. ibid. p. 1274, col. 1.) Le mot Accise subsiste pour désigner certains impôts qu’on lève dans les Provinces-unies et en Angleterre. (Voy. ASSISE.) On trouve Accisia, pour taille, impôt, dans la basse latinité ; et ce mot paroît venir du latin Accidere, retrancher (Voy. le Rec. des Bolland. Avril, T. III, p. 738, et l’article ACCÈS ci-dessus.)

VARIANTES :

ACCISE. Cout. de Bruxelles, au nouv. Cout. gén. T. I, p. 1236, col. 1.

ASSIS, ASSISE. D. Carpent. suppl. Gloss. de Du C. au mot Assisa.

Acclamper,

verbe. Lier, attacher.

On dit encore en terme de marine, acclamper un mât, pour le fortifier en y attachant des pièces de bois par les côtés. Ces pièces de bois sont appelées en Anglois clamps : d’où l’on a pu faire acclamper dans la signification particulière qui subsiste. Mais en remontant à l’origine même de clamps, que Junius dérive avec assez de vraisemblance d’un mot Anglo-saxon qui signifie lien, on trouve qu’acclamper a pu se prendre dans le sens générique de lier, attacher ; plus particulièrement attacher avec des chevilles ; c’est ainsi que l’explique Cotgr. Il ajoute que ce mot est Normand.

Acclosagier,

verbe. Fermer, clore de murs ou de haies.

(Voy. CLOIRE ci-après.) " Une piece de terre acclosagiée, o tous les arbres dessocroissans. " (Charte de 1342, Reg. 74, ch. 525, citée par D. Carpent. suppl. Gloss. de Du C. au mot Acclausum. - Voy. ibid. Accudere.)

(1) coupables de trépas assassins, meurtriers. Accointable,

adj. Accessible.

Proprement facile à approcher ; de facile accointance. (Monet, Dict.) aisé à hanter et estre fait amy. (Nicot, Dict. - Voy. de plus le Dict. de Cotgr. et le Gloss. du Rom. de la Rose ; et ci-après l'article ACCOINT.)

Accointaire,

subst. Espèce de navire.

D. Carpent. suppl. Gloss. de Du C. au mot advisare, croit que le mot Accointaire, signifie un navire pour aller à la découverte, et il le dérive du mot Accointer, aviser, avertir. Il cite le passage suivant, tiré des Anecd. de D. Marten. T. I, col. 1823. " Une Accointaire chargée de femmes de Peyre, fut prise des Turcs. "

Accoisement,

subst. masc. Calme, adoucissement, tranquillité.

(Voy. Cotgr. Dict.) Ce mot formé de coi, tranquille, subsiste encore en terme de médecine : " L'Accoisement des humeurs " (Dict. de l'Acad. Fr. - Voy. ACASEMENT ci-dessus.)

Accoiser,

verbe. Appaiser, calmer. Reposer.

Au premier sens, c'est proprement rendre coi, rendre tranquille.

" Il s'émeut, il s'accoise, il approuve et réprouve en un instant même chose. " (Sag. de Charron, p. 203.)

Li Rois ot entendu, et le cri et la noise , Durement s'esmerveille quant elle ne s'acoise.

Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. II, p. 854.

Vous puet on bien d'un chapel couronner A IIII. flours, qui maint grief mal acoise.

Eust. des Ch. Poët. MSS. fol. 266, col. 1.

De là, s'acoisier, demeurer coi, dans le sens de se reposer.

Endormiz s'est, et acoisiez.

Estrubert, Fabl. MS. du R. n° 7996, p. 23.

Par une application particulière de l'idée du repos à l'idée du silence, on a dit s'acoyser pour se taire. (Voy. Percef. Vol. V, fol. 45, R°. - Voy. COISER ci-après.)

VARIANTES :

ACCOISER. Monet, Nicot, Oudin et Cotgr. Dict.

ACCOYER. Percef. Vol. V, fol. 155, R°, col. 2.

ACHOISER. Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 60, R°, col. 2.

ACHOISIER. Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 50, R° col. 1.

ACOIER. Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 145, V°. col. 2.

ACOISER. Hist. de B. du Guescl., par Ménard, p. 415.

ACOISIER. Estrubert, MS. du R. n° 7996, p. 27.

ACOISIR. Anseis, MS. fol. 5, R°, col. 2.

ACOYSER. S. Bern. Serm. fr. MSS. p. 6. - Percef. Vol. I, fol. 156, R° col. 1.

ACOYSIER. S. Bern. Serm. fr. MSS. p. 39.

ACQUOISIR. Cotgr. Dict.

AQUAYSER. Anc. Cout. de Bret. fol. 91, V°.

AQUOISER. G. Guiart, MS. fol. 68, R°.

AQUOISIER. G. Guiart, MS. fol. 266, V°.

AQUOISIR. Hist. des trois Maries, en vers, MS. p. 431

Accol,

subst. masc. Coup sur le col.

L'Acolade, en terme de chevalerie.

Mon col qui eut l'accol de chevalier, Est accolé de trop mortel collier.

Clem. Marot, p. 86.

(Voy. ACOLADE ci-après.)

Accollement,

subst. masc. Embrassement.

" Luy fit la plus grant chere du monde, non pas sans plusieurs baisers et Accolemens. " (Saintré, p. 511. - Voy. ACOLADE ci-après.)

Accollerye,

subst. fém. Embrassade.

(Voy. ACCOLLEMENT ci-dessus.)

Relevier fault son amy, quand il chet, De cueur entier, en doulce Accollerye.

Oeuv. de Roger de Collerye, p. 181.

Accommettre,

verbe. Opposer l'un à l'autre.

Animer l'un contre l'autre. Accomettre des chiens, les exciter les uns contre les autres. (Ménage, Dict. étym. - Voy. CQMMETTRE ci-après.)

Accomodable,

adj. Qui peut s'accommoder.

(Voy. Nicot. Dict.) " Mon appetit est accomodable indiféremment à toutes choses de quoy on se plaist. " (Essais de Montaigne, T. I, p. 252.)

Accomodation,

subst. fém. Accommodement, arrangement. Prêt gratuit.

Le premier sens est celui du latin accommodare. Voy. Monet, Dict.) C'est proprement l'action de rétablir une chose qui est en désordre. (Apol. pour Hérod, p. 505.)

En langage de coutume, on a aussi appelé accomodation, le prêt gratuit. " Accomodation que les coustumiers appellent prester à autre par courtoisie aucune chose. " (Bouteill. Som. Rur. p. 375.) C'est le sens du verbe latin commodare, Prêter.

Accomodement,

subst. masc. Commodité. aisance.

P. Corneille a dit en ce sens :

Et vostre fils rencontre, en un mestier si doux. Plus d'accomodement, qu'il n'en trouvoit chez vous.

L'Illusion, Coméd. de P. Corneille, Acte V, Scène V.

Accomparager,

verbe. Comparer.

Ce mot composé de la préposition latine ad et de comparager.... signifie faire comparaison d'une chose à une autre. (Nicot Dict. - Voy. COMPARAGER ci-après.)

L'orthographe acompagier pourroit bien être une faute pour acomparager. Nous ne la trouvons que dans le titre d'une Balade. (Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 434, col. 3.)

On disoit s'accomparager pour se comparer, entrer en comparaison.

Édouard III, roi d'Angleterre, après avoir rendu son hommage en 1329, pour le Duché de Guyenne, retourna de France en Angleterre, où il " recorda

(I) bruit ou querelle. assez.... du grand estat qu'il avoit trouvé, et des honneurs qui estoient en France, ausquelles du faire ne de l'entreprendre à faire, nul autre païs ne l'accomparage. " (Froiss. liv. I, p. 30.)

VARIANTES :

ACCOMPARAGER. Nicot, Borel, Monet, etc. Dict.
ACCOMPARER. Apol. pour Hérod. p. 201.
ACOMPAGIER. Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 434, col. 3.
ACOMPARAGER. Lanc. du Lac. T. II, fol. 52, V° col. 1.
ACOMPARAGIER. D. Carpen. suppl. Gloss. de Du C. au mot Consuenter.
ACOMPARAGIR. Modus et Racio, MS. fol. 191 R°.
ACOMPARER. Clém. Marot, p. 480.

Accomplaindre (s'), verbe. Se plaindre.

" Se accomplaignit fort au duc de ce qu'il lui avoit fait perdre ceste belle journée de Flandres. " (Hist. de la vie de Loys III. D. de Bourbon, p. 224. - Voy. COMPLAINDRE ci-après.)

Accomplir, verbe. Completter. Finir, terminer, achever. Exécuter à mort.

On lit au premier sens : " Donna la charge de les accomplir jusques au nombre de deux milles hommes. " (Mém. de Du Bellay, liv. VI, fol. 185, V°. - Voy. ACCOMPILER ci-après.)

De l'acception de completter, est née celle de terminer, achever. " Envoya Fredegonde à une ville assez prez de Rouen, pour la acomplir le remanant de sa vie. " (Chron. St Den. T. I, fol. 58.)

De là, au figuré, on a dit accomplir, dans le sens de terminer la vie de quelqu'un, l'exécuter à mort, le punir de mort. " Il doit lors estre mené et accomply à justice, et le corps, jaçoit ce qu'il soit mort, livré à tel exemple comme s'il fust en vie. " (Bouteill. Som. Rur. p. 273.)

Ces trois significations, dont nous venons de rapporter des exemples, sont des applications particulières de l'acception générale et subsistante, Accomplir, achever entièrement, effectuer. (Voy. COMPLIR ci-après.) On peut y rapporter diverses façons de parler, qui prennent leur origine dans les usages de notre ancienne Chevalerie.

Il arrivoit souvent qu'un chevalier s'engageoit à soutenir un pas d'armes, à rompre une lance, etc. c'est ce qu'on appeloit autrefois entreprinse. (Voy. EMPRISE ci-après.) Ces engagemens étoient en quelque sorte, des défis à tous les chevaliers ou gentilshommes d'une province, d'une ville, etc. Par conséquent les accepter, c'étoit fournir à ceux qui les proposoient, l'occasion d'accomplir leur promesse.

De là, ces expressions figurées.

1° Accomplir les armes, ou l'entreprinse d'un chevalier, comme en ce passage : " Prest pour lendemain faire les armes qui ci-après sont escrites, par devant mon très-redoubté Seigneur Monseigneur le Duc d'Orleans, lequel m'a accordé la place. Si est adonc Gentilhomme... en la.... ville qui accomplir les me vueille ; et premièrement serons moy et le Gentilhomme qui accomplir me voudra mon entreprinse, montez à cheval en selles de guerre sans nulle lieure. " (Monstr. Vol. I, Ch. " VIII, p. 7, V°.)

" Je serai celui qui à mon pouvoir luy accompliray ses armes. " (Saintré, p. 218.)

2° Accomplir la faulte d'un autre, signifioit le remplacer ; mais le remplacer en accomplissant l'engagement qu'il avoit pris. " Le chevalier aux trois Couleuvres estoit appareillé d'accomplir la faulte de ses deux compaignons qui estoient blecez. " (Percef. Vol. VI, fol. 64, R° col. 2.)

3° Accomplir d'une lance, c'étoit dégager sa promesse, l'accomplir en rompant une lance. " Se dressa Lancelot sur les estriers.... et frappa ung Chevalier.... si durement qu'il le porta à terre.... et passa oultre pour.... acomplir de sa lance, car elle n'estoit pas encore rompue ". (Lanc. du Lac, T. III, fol. 117, V° col. 2.)

VARIANTES :

ACCOMPLIR. Orthog. subsist.
ACCOMPLYR. Bouteill. Som. Rur. p. 273.
ACCOMPLIR. Lanc. du Lac. T. III, fol. 117, V°, col. 2.
ACUMPLEYR. D. Morice, Hist. de Bret. p. 1002, tit. de 1266.
ACUMPLYR. D. Morice, Hist. de Bret. col. 1002 et 1003, tit. de 1266 et 1268.

Accomplissement, subst. masc. Perfection. Politesse, civilité.

Ces deux significations naissent du sens subsistant d'accomplir, achever. De là, accomplissement, l'état d'une chose achevée, parfaite ; ce que nous nommons perfection. Ainsi Guill. Guiart a dit en parlant de la fondation de Paris :

Establirent une cité
Bele et plaisant, à terre seche.
Et l'apelerent Leuteche :
C'est-à-dire, qui voit ramainne
Vile de bien rasée et plainne
Par la gent qui là s'iert atraite
Fu, si comme leur plut, parfaite
D'assez bel aconplissement.

G. Guiart, MS. fol. 142, R°.

De là, on a employé accomplissement, pour civilité, politesse achevée, politesse qui ne laisse rien à desirer. Le Duc de Biron faisant le récit du bon accueil que lui avoit fait l'Archiduc, finit ainsi : " Enfin toute sorte d'accomplissements nous avons receu de luy. " (Mém. de Bellievre et de Sillery, p. 436.)

VARIANTES :

ACCOMPLISSEMENT. Mémoires de Bellievre et de Sillery, p. 436.
ACONPLISSEMENT. G. Guiart, MS. fol. 142, R°.

Accomplisseur, subst. masc. Qui accomplit. (Voy. Oudin, Dict.)

Accompt, subst. masc. Compte.

On lit dans une citation de Du Cange : " Le marescal doit estre al jour de la feste et à tous aultres jours à les accomptz ; et les establissemenz

(1) qui ramène le mot à son vrai sens. — (2) comblée. — (3) s’étoit. del Hostel, seront faitz par le Senescal et par luy. " (Gloss. Lat. au mot Marescalus forinsecus. - Voy. ACONTE ci-après.)

Accompt, participe. Compté.

(Voy. ACCOMPTER ci-après.) " Les degrées en frank mariage seront accompts en tiel maner. §. De le donor à les donées en frank mariage, le primer degrée.... et de les donées tan que à lour issue, il serra acompt le second degrée. " (Tenures de Littleton, fol. 5, R°.)

Accompter, verbe. Compter, passer en compte. Estimer, faire compte.

Le premier sens est le sens propre de ce mot, composé de la préposition A et du verbe COMPTER. (Voy. ACONTER ci-après.) Nous lisons dans des Lettres de l’an 1393 : " Ils ne acomptoient à elle ne aux siens un festu. " (D. Carpent. suppl. Gloss. de Du C. au mot Compotum tenere, sous l’article Computus.)

N’accompter riens à quelqu’un, signifie n’en faire aucun cas, proprement ne lui compter rien pour son mérite (dans Monstr. Vol. III, p. 99, V°.)

On a dit au même sens :

Hercules remirant les hauts murs de Cramonne,
Unze Geans trouva, par maniere felonne ;
Mais à leur grand pouvoir n’acompta une pronne
Tous les defit, etc.

Mém. d’Ol, de la Marche, liv. II, p. 564.

En étendant l’acception propre de ce mot, il a signifié faire compte d’une chose, la priser " Pou ou neant acomptoit ce que Passavant leur avoit recordé. " (Percef. Vol. II. fol. 106, R° col. 1.)

VARIANTES :

ACCOMPTER. Monstr. Vol. III, fol. 99, V°.
ACOMPTER. Percef. Vol. II, fol. 106, R° col. 1.

Acconditionner, verbe. Mettre des conditions.

Du verbe CONDITIONNER ci-après, qui a la même signification. (Voy. Cotgr. Dict.) On a dit en parlant de la Loi que Dieu donna aux Israélites :

.... Loy ordonna, Qu’il leur proportionna, .... Lia, acconditionna De ceremonies maintes.

Al. Chartier, de l’Espérance, p. 344.

Acconduire, verbe. Conduire, guider, mener.

(Voy. Nicot, Oudin et Cotgr. Dict.)

Mercurius nous gouverna,
Un Dieu qui nous aconduit ça, etc.

Rom. du Brut. MS. fol. 52, V° col. 2.

De là, s’acconduire à une entreprise, pour entreprendre. (Rech. de Pasq. T. I, p. 33. - Voy. CONDUIRE ci-après.)

CONJUG.

Acconduit, préter. parf. Conduisit. (Rech. de Pasq. T. I, p. 33.)

VARIANTES :

ACCONDUIRE. Pasq. Rech. liv. I. p. 33.

ACONDUIRE. Rom. du Brut, MS. fol. 52, V° col. 2.

Acconsuivi, partic. Atteint, verbe.

Participe d’acconsuivre, atteindre, que l’on peut voir ci-après. Borel cite Acomsict, d’après Perceval ; peut-être devoit-il lire Aconsuivi, ou Aconsuit, ou même Acoinsict, comme dans le Moine. ubi suprà.

VARIANTES :

ACCONSUIVI. Mém. de du Bellay, liv. V, fol. 1431. R°.
ACOINSICT. Le Moine, Diplomatique pratique, Dict.
ACOMSICT. Borel, Dict
ACONSIEVY. Hist. de B. du Guesclin, par Ménard, p. 477.


Aconsuivre, verbe. Joindre, atteindre. Obtenir.

Selon Monet, ce verbe signifie proprement atteindre quelqu’un en cheminant. " Les prisonniers disoient n’avoir sçû.... quelle part on les conduisoit, ne que l’Empereur devoit venir les acconsuivre. " (Mém. de du Bellay, liv. VII, fol. 225, V°.) " Aconsuivit Liziart et le ferit. " (Ger. de Nevers, Part. II, p. 123. - Voy. ACONCEPVOIR ci-après.)

Ce verbe étoit quelquefois employé comme réciproque, se aconsuivirent, pour s’atteignirent. (Ibid. Part. II, p. 5, note de l’Éditeur.)

On disoit aussi proverbialement :

Tel va bien tost qu’on aconsuit.

Faifeu, p. 15.

De CONSUIVRE ci-après, l’on a fait acconsuivre par la réunion de la préposition latine ad. (Voy. Nicot, Dict. au mot acconsuyvre.)

Ce verbe, au figuré, signifioit obtenir, atteindre l’objet que l’on pousuivoit. Nous ne le trouvons en ce sens que dans le Dict. d’Oudin, sous l’orthographe Acconsuivre.

CONJUG.

Acconsuirent, prét. ind. Joignirent, atteignirent. (D. Carpent. suppl. Gloss. de Du C. au mot Attendere 4.)

Aconceust. - Aconsceut, prét. ind. Joignit, atteignit. (D. Carp. suppl. Gloss. de Du C. au mot Attendere 4.)

Aconsivent, ind. prés. Atteignent. (G. Guiart, MS. fol. 273, R°.)

Aconsui (J’), indic. prés. Je poursuis. (G. Guiart, MS. fol. 99.)

Aconsuîmes, prétér. ind. Atteignîmes. (Fabl. MS. du R. n° 7615, T. II, p. 187, V° col. 2.)

Aconsuiroit, imp. subj. Joindroit. (D. Carpent. suppl. Gloss. de Du C. au mot Attendere 4.)

Aconsuy, prétér. ind. Atteignit. (Hist. de Fr. en vers, à la suite de Fauvel, MS. du R. n° 6812, fol. 88, V° col. 3.)

Acouseroit (lisez Aconseroit), imp. subj. Atteindroit. (Martene, Contin. de Guill. de Tyr, T. V, col. 597.)

(1) prune.

VARIANTES :

ACONSUIVRE. Oudin, Dict.
ACCONSUIR. Gloss. de l’Hist, de Paris.
ACCONSUIVIR. Rabelais, T. V, p. 185, note 5.
ACCONSUYVRE. Nicot, Dict.
ACONSIEURRE. Fabl. MS. du R. n° 7615, T. II, fol. 163, V° col. 1.
ACONSIVRE. G. Guiart, MS. fol. 273, R°.
ACONSUIR. Thib. de Nav. Anc. Poët. fr. MSS. avant 1300, T. I, p. 58.
ACONSUIRE. G. Guiart, MS. fol. 354, V°.
ACONSUIVRE. Borel, Dict. - Hist. de B. Du Guesclin, par Ménard, p. 336.
ACONSUYVRE. Cotgr. Dict.

Accoquiner, verbe.

Ce mot formé du latin Coquina, cuisine, signifie proprement allecher par la mangeaille. (Monet, Dict.) " Rendre quelqu’un ou quelque beste si privée en sa hantise, qu’elle ne vueille estre nulle part ailleurs. " (Nicot, Dict.)

De là, l’acception figurée d’apprivoiser, accoutumer, que ce verbe conserve encore aujourd’hui ; " Les hommes sont accoquinez à leur estre misérable.... Il n’est si rude condition qu’ils n’acceptent pour s’y conserver. " (Essais de Montaigne, T. II, p. 773.)

VARIANTES :

ACCOQUINER. Nicot, Monet, Dict.

ACOQUINER. Sagesse de Charron, p. 254.

Accord,

subst. masc. Réconciliation. Proportion. Assortiment. Avis, opinion. Décision, jugement. Desir, volonté. Droit seigneurial.

On a dit accorder, pour mettre d’accord, réconcilier : de même on a dit accord pour réconciliation.

.... Si ai tort Bien m’a tenu sos le pié Et sans deport Et tousjors m’a essongié De son acort.

Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. III, p. 1134.

Au figuré, ce mot s’emploie encore pour exprimer la proportion, le rapport, la convenance, par exemple, entre les parties du corps humain ; mais on ne diroit plus de deux personnes, dont les membres et la taille seroient de même proportion, qu’elles sont d’ung accord et d’une grosseur. (Lanc. du Lac, T. I, fol. 21, R° col. - Voy. ACCORDANCE et ACCORDE ci-après.)

C’est aussi par une application particulière de l’idée générale de convenance, que l’on a nommé acort le rebord assorti d’un manteau, dont la doublure s’accorde, convient, assortit avec le dessus :

El a son mantel destachié Donc li acort, li sont au pié, D’une porpre et fresche et novele Donc l’ueuvre est menuete et bele... Li orlès est de sebelins Trés vairs et bien sainz et bien fins, Qui orlent l’ermine de fors Si dure de si as acors.

Parten. de Blois, MS. de S. G. fol. 151, V° col. 1.

Convenir, être d’accord sur une chose avec quelqu’un, c’est être de son avis. On disoit autrefois de votre accort, pour à votre avis. (Modus et Racio, MS. fol. 157, R°) Au pluriel :

.... c’est mes accords.

Eust. des Ch. Poës. MSS. fol. 549, col. 2.

Par extension de ce dernier sens, ce mot signifioit jugement, décision.

Grand debat avoit au jugier : En la fin fu li acors fais, A ce que il seroit desfais.

Cleomades, MS. de Gaignat, fol. 15, V° col. 3.

(Voy. ACCORDE ci-après sous la seconde acception.)

Dans une signification plus générale, desir, volonté :

Pwis que l’ainné le vuet Fait cera ces acors.

Fabl. MS. du R. n° 7615, T. II, fol. 172, R° col. 2.

Enfin ce mot, pris dans le sens d’accord, convention, désigne dans quelques Coutumes un droit seigneurial, qu’on nomme aussi ACCORDE et ACCORDEMENT. (Voy. ces articles ci-après :) " Se freres commungs acquierent aulcuns héritaiges tenus en fief ou en cens et payent le rachapt ou accord dudict héritaige une fois ensemble, etc. " (La Thaumass. Cout. de Berri. ch. 149, fol. 296.)

VARIANTES :

ACCORD. Orthog. subsist.

ACCORT. Modus et Racio, MS. fol. 157, R°.

ACORT. Anc. Poët. fr. MSS. avant 1300, T. III, p. 1134.

ACOURT. Cleomades, MS. de Gaignat, fol. 55, V° col. 3.

AQUORT. H. de Fr. en vers, à la suite de Fauv. MS. du R. n° 6812, fol. 76, V° col. 1.

Accordable,

adjectif. Accordant. Accommodable. Terme de coutume.

Du mot accord, qui subsiste comme terme de musique ; on a dit au premier sens : " La fleute est accordable au tambour et aus violes " (Monet, Dict.)

Du mot accord qui subsiste dans le sens de convention, l’on a dit accordable, en parlant d’un différend qui se peut pacifier. (Monet, Dict.)

C’est aussi du mot accord, pris en ce dernier sens, qu’on a formé l’expression de cens accordable, qui, en termes de coutume, signifie un cens dont la mutation donne lieu à certain droit seigneurial sur lequel l’acquereur et le Seigneur censuel ont coutume de composer, de faire un accord. (Voy. ACCORDE et ACCORDEMENT ci-après) : " En la ville, Chastel et Chastellenie d’Issoudun ; par acquisition de chose censuelle, soit par succession directe ou collaterale, par contract ou autrement, ne sont deuz aucuns accordemens, lods, ventes ou doubles cens, s’il n’y avoit paction ou convention spéciale au bail d’héritage à cens, ou autre droit constitué, auquel cas, quand ladite paction seroit par ces mots, cens portant lods et ventes ; lesdits cens sont de la nature et condition des cens coustumiers et accordables. Toutesfois audit cas de ladite paction.... en succession directe ou collaterale, ne sont deuz

(1) jusques. aucuns droits de lods et ventes. " (Cout. de Berri, au Cout gén. T. II, p. 368.)

De là, l'auteur du Glossaire sur les coutumes de Beauvoisis, a défini le cens accordable, sens portant lods et ventes.

Le simple cens étoit celui dont la mutation ne devoit aucun droit au Seigneur censuel. " En la ville et septaine de Dun-le-Roy, cens sont simples et non accordables, s'il n'est qu'il soit ainsi dit et accordé par le bail, ou que l'on ait ainsi jouy par droit constitué ou prescrit. " (Cout. de Berri, au Cout. gén. ubi suprà.)

Accordablement,

adv. Unanimement.

Tout d un accord. " Dient les auteurs accordablement. " (Chron. fr. MS. de Nangis, sous l'an 1344.)

Accordance,

subst. fém. Accords, harmonie. Convenance, accord. Concorde, union. Convention.

Le premier sens est le sens propre. (Voy. CORDANCE. ci-après.) Chiron apprit à Achille :

Son de harbe et acordance.

Ovide, de Arte, MS. de S. G. fol. 93, R°, col. 2.

.... chantez en commune accordance.

Clém. Marot, p. 245.

Ce mot, de la signification propre et particulière d'harmonie, accord de plusieurs voix ou de plusieurs instrumens, a passé à la signification figurée d'accord, convenance. (Rob. Estienne, Dict.)

C'est en ce sens qu'il exprime un certain rapport d'humeur, qui lie, qui unit deux personnes, et qui fait qu'elles s'accordent ensemble :

Miex aim morir recordant ses beautez, Et son grant sens et sa douce acordance, Qu'estre sires de tot le mont clamez,

Chans. MSS. du C. Thib. p. 83.

(Voy. sous l'article ACCORDER ci-après.)

De là, passant de la cause à l'effet, on a dit acordance, pour union, concorde.

N'i avoit povoir discordance, Tant estoient d'une acordance.

Cleomades, MS. de Gaignat, fol. 55, V° col. 3.

(Voy. ACCORDISON ci-après.)

Enfin ce mot a signifié accord, convention. (Cotgr. Dict.) " Tretierent et firent une acordence de pès des altercations et des autres chouses, etc. " (Charte de 1289, citée par D. Carpent. suppl. Gloss. de Du C. au mot accordia.)

C'est en ce même sens qu'à la fin d'une Ordonnance de Philippe le Bel, en date de 25 août 1302, nous lisons : " Cette commune accordance et pourveance signifiez à tous par cri général. " (Ord. T. I, p. 347.)

VARIANTES :

ACCORDANCE. Rob. Est. - Cotgr. Dict. - Marot, Gloss.

ACODDANCE. Athis, MS. fol. 17, R°, col. 1.

ACCORDANCE. Chans. MS. du C. Thib. p. 83.

ACORDENCE. D. Carpent. suppl. Gloss. de Du C. au mot Accordia.

Accorde,

subst. fém. Réconciliation. Convenance. Convention, accord. Paix, union. Confédération. Droit seigneurial.

Comme on a dit accorder, pour réconcilier, on a dit aussi acorde, dans le sens de réconciliation. (Voy. ACCORDER ci-après, et ci-devant ACCORD.)

Les Elmes deslacièrent ; et desarment lor vis Par acorde se baisent, etc.

Guiteclin de Sassoigne, MS. de Gaignat. fol. 248, R° col. 2.

On vient de voir Accordance employé dans le sens général d'accord, convenance. De là le mot accorde, dans le sens spécial de convenance, rapport ou proportion qu'on doit mettre entre la punition d'une faute et la faute même.

Diex, je t'ai lonc tems méservi Se tu me rens à droite acorde Selon ce que j'ay déservi J'atent, et bien l'ai déservi, Jugement sans misericorde.

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 203, V° col. 1.

Accord subsiste encore dans le sens de convention : L'on disoit dans ce même sens acorde.

Si avoient fet leur acorde

H. de Fr. en vers à la s. de Fauvel, MS. du R. n° 6812, fol. 79, R°. col. 3.

De là, ce mot s'est appliqué aux conventions particulières de paix. On lit trieves ou acordes, dans Guiart, MS. fol. 313, V°, et par extension, accorde a signifié la paix, qui résulte de ces mêmes conventions :

As deux Rois l'acorde queroit.

Ph. Mousk. MS. p. 517.

Pour mettre entre les Rois acorde.

G. Guiart, MS. fol. 52, R°.

On l'employoit aussi pour paix, union en général.

Seignor Diex aime pais et het forment discorde .... Or li deproions tuit par sa misericorde Qu'il veuille entre clers metre fine amoureuse acorde.

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 253, R° col. 1.

L'idée d'union amène celle de confédération, alliance ; ainsi on a nommé acorde, l'alliance d'un Comte de Bretagne avec un Roi de France.

Li acorz de la Grant acorde.

Fabl. MS. du Recueil, n° 7615, T. II, fol. 186 R°, col, 2.

Enfin ce mot, comme terme de coutume, désignoit un droit seigneurial, une espèce de rachat, le même qu'ACCORDEMENT ci-après. (Voy. Gloss. sur le Cout. de Beauvoisis) " Si freres commungs ayant acquis héritages tenus en fief ou en cens, et payé le rachapt ou concord, veulent ensuite se départir, et il advient que le dict héritage ainsi acquis en ladicte communeaulté demeure à l'ung deux par ledict partaige, celluy à qui il demourra ne payera plus nulz accordes au maistre du cens, ne rachapt au maistre du fief. " (La Thaumass. Cout. de Berri, ch. CXLIX, p. 296 et 297.) Cette disposition est fondée sur le principe que " Pour partage lods et ventes ne sont deubs. " (Not. ibid. p. 297.)

(1) banlieue. - (2) visage. VARIANTES :

ACCORDE. Gloss. sur les Cout. de Beauvoisis. Ger. de Rouss. MS.

ACORDE. Parten. de Blois, MS. de S. G. fol. 164, R°, col. 2.

Accordé,

partic.

Ce mot, qui subsiste, étoit familier au maréchal de Matignon, qui, dans la conversation, répondoit Accordé, sur tout ce qu'on lui disoit : " Il se comporta à la Cour tousjours de mieux en mieux avec la lentitude et son mot usité accordé et son serment col Dieu. " (Brant. Cap. fr. T. III, p. 370.)

On sent que dans cette expression accordé, il y a ellipse ; comme dans l'expression subsistante d'accord, que nous employons dans le même sens.

Accordement,

subst. masc. Convention, accord. Droit seigneurial.

Ce mot, au premier sens, signifie en général convention, accord ; en latin Pactum compositio. (Loix Norm. ubi suprà.)

Quant il orent ensamble lor Concile tenu, De cest accordement sont joïaus devenu.

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 339, V° col. 1.

En termes de droit féodal ou de coutume, ce mot désigne un droit seigneurial ; proprement la convention, l'accord qui fixe les droits censuels, les " lods et ventes qui sont dûs au Seigneur censuel par l'acquereur, lequel a accoutumé d'en accorder et composer à son Seigneur à certaine somme. " (Laur. Gloss. du Dr. fr.)

On l'a même employé dans la signification de lods et ventes, soit qu'on eut composé ou non de ce droit avec le Seigneur. (Voy. Du Cange, Gloss. Lat. au mot Accordamentum.)

On distingue l'accordement du rachat " Qui veult achapter aulcun héritaige qui est tenu en fief ou en cens d'aulcun Seigneur, il fault rachapt ; et en cens accordemens.... Ledit Seigneur de fief doit avoir pour son rachapt la levée d'une année. " (La Thaumass. Cout. de Berri, ch. CXXIII, p. 286.) " L'accordement.... entre gens lais est de quatre blans qui valent vingts deniers tournois pour livre ; et en cens d'église deux sols pour livre pour ce qu'ils n'ont point de retraict et les gens lais ont retraict. " (Ibid. ch. CXXIV, p. 286.) Il n'y " a au cens du Roy aultres accordemens que double cens quant le cas y advient. " (Ibid. ch. CXVIII, page 285.)

Ce droit a lieu : " En cas de ventes et alienation, ou de mutation de Seigneurie, aultre que en ligne directe. " (Ibid. ch. XCVIII, art. III, p. 222.) " En nul lieu de France l'on ne paye nuls accordemens pour succession, reservé en la ville et septene de Bourges. " (Ibid. ch. IV, p. 257. - Voy. ACCORDE et ACCORD ci-dessus.)

VARIANTES :

ACCORDEMENT. Du Cange, Gl. Lat. au mot Accordamentum, col. 85.

ACORDEMENT. Loix norm. art. 12.

Accorder,

verbe. Réconcilier. Ranger, disposer. Convenir. Traiter.

Ce mot, dans le sens propre et subsistant, signifie mettre des instruments d'accord. (Voy. CORDER ci-après) ; d'où l'acception figurée mettre d'accord, réconcilier.

Le veray repentant, de temps la grand longuesse N'accorde pas à Dieu, mais la contrition.

Ger. de Rouss. MS p. 186.

On a même appliqué la signification propre d'accorder, aux convenances ou proportions que l'on observe dans l'arrangement et la disposition d'une armée, d'où vient accorder, pour ranger, disposer.

Piritoüs a conrées Ses batailles et accordées D'un à l'autre, etc.

Athis, MS. fol. 71, V° col. 2.

En étendant toujours la même acception, ce mot a signifié toutes sortes de rapports ou convenances ; et c'est dans le sens général de convenir, que le verbe accorder exprime encore aujourd'hui la convenance, le rapport d'une chose avec une autre ; mais on ne dit plus : " Ce qu'envoyé nous avez par avant, n'accorde pas à ce qu'escrit nous avez à present. " (Monstr. Vol. I, ch. IX, p. 11, V°.) Nous dirions : ne s'accorde pas.

Il désigne aussi un rapport d'idées, de sentimens ou d'opinions sur le même objet. On disoit autrefois en ce sens, accorder les uns aux autres, pour signifier, convenir ensemble, être d'un même avis. " Ilz accordent les uns aux autres qu'ilz ne se loueroient point un terme que par certain pris. " (Modus et Racio, MS. fol. 223, V°.)

C'est au même sens qu'on lit : " Les uns disent que Memnon les trcuva... en Egypte ; autre accordent du lieu, mais asseurent, etc. " (Des Acc. Bigar. fol. 1, V°.)

De là, s'accorder à une entreprise, pour y consentir, être à ce sujet de même avis, de même sentiment que les autres. (Le Jouvencel, MS. p. 518.)

Ce verbe exprimoit aussi quelquefois, en parlant des personnes, un rapport d'inclination et de sympathie, d'où naît l'union. " Mainte belle chevalerie avoit faict.... et ce fut ung de ceulx... à qui le Roi se accorda le mieulx. " (Lanc. du Lac. T. III. fol. 36, V° col. 2.)

(Voy. ACCORDANCE ci-dessus.)

On vient de voir s'accorder à une chose, pour y consentir : par une application particulière de cette acception générale, on a employé le verbe accorder dans le sens de traiter, faire un accord, une convention : " Eut advertissement comme iceluy Duc de Cleves avoit accordé avecques l'Empereur. " (Mém. de Du Bellay, liv. X, fol. 910, R°.)

CONJUG.

Accordis (j'), prétér. ind. J'accorday. (Mém. de Montluc, T. I, p. 41.)

(1) Banlieue. — (2) disposées, rangées. Accorge (j'), subj. prés. J'accorde. (Lanc. Du Lac. T. I, fol. 73, V° col. 1.)

Aquort (j'), ind. prés. Je consens. (H. de Fr. en vers, à la suite de Fauvel, MS. du R. n° 6812, fol. 76, V° col. 1.)

VARIANTES :

ACCORDER. Orthog. subsist. - Perard, Hist. de Bourg. p. 519 et 520, tit. de 1270.

ACCORDER. Jeh. de Lescur. Chans. fr. à la suite de Fauv. MS. du R. n° 6812, fol. 57, R°.

AQUORDER. H. de Fr. en vers, à la suite de Fauv. MS. du R. n° 6812, fol. 76, V° col. 1.

Accorné,

adjectif. Qui a des cornes. Battu avec un cor.

Le premier sens est le sens propre, et subsiste comme terme de blason. Animal accorné est un animal représenté avec ses cornes. " Pour cimier un chef naissant d'or accorné ou sommé de mesme, aislé de synople. " (La Colomb. Théat. d'Honn. T. I, p. 89. - Voy. CORNARD et autres composés du subst. Corne.)

Ce même mot se trouve employé pour battu avec un cor, dans le passage suivant, où en même temps on fait allusion à la première acception : " Comment, dit cellui qui avoit esté feru du cor, oncques cornart ne fut si acorné comme je suy. " (Modus et Racio, MS. fol. 146, V°.)

VARIANTES :

ACCORNÉ. La Colomb. Théat. d'honn. T. I, p. 89.

ACORNÉ. Modus et Racio, MS. fol. 146, V°. - La Colomb. Théat. d'honn. T. I, p. 89.

Accort,

adjeclif. Prévoyant, clairvoyant. Adroit, subtil. Civil, complaisant.

Ce mot paroit avoir été emprunté des Italiens, qui disent accorto, pour avisé d'entendement, clairvoyant, de bon esprit et jugement. (Voy. Nicot, Dict.) Pasquier, dans ses Lettres, T. I, p. 105, donne au mot accort la même origine et témoigne qu'il étoit encore nouveau de son temps.

Si les premiers malheurs de mes amours passées Ne m'eussent plus accort et plus sage rendu, etc.

Giles Durand, à la suite de Bonnef. p. 197.

En étendant cette première acception, l'on a dit accort, pour subtil, adroit, en parlant soit des personnes, soit des choses. " La plus fine, accorte et mieux disante Damoiselle qu'il estoit possible. " (Des Acc. Escr. Dijonn. p. 46. - Voy. ESCORT ci-après.)

Corneille a dit au même sens :

Son éloquence accorte enchaisnant avec grace L'excuse du silence à celle de l'audace.

P. Corn. Trag. d'Othon, T. IV, Ac. I, Scène I, p. 15.

Cette complaisance, cette politesse, qui savent plaire, supposent de la pénétration, de la finesse, de l'adresse. De là, on a dit accort, pour complaisant, civil, et ce mot n'est pas encore absolument hors d'usage en ce sens. On écrivoit autrefois accord. " M. Du Fouilloux, Gentilhomme autant accord et accompli qu'il s'en trouve, etc. " (Budé, des Ois. fol. 115, V°.)

VARIANTES :

ACCORT. Pasq. Rech. p. 662.

ACCORT. Budé, des Ois. fol. 115, V°.

ACORT. Tahureau, Dialog. p. 34.

Accortement,

adv. Subtilement, habilement, prudemment.

De l'Italien accortamente, qui signifie " adviséement et l'oeil au guet pour n'estre surprins.... industrieusement, ingénieusement et subtilement. " (Nicot, Dict. - Voy. aussi Monet et Cotgr. Dict.) L'usage de ce mot n'étoit pas encore trèsbien établi du temps de l'Auteur des Contes d'Eutrapel. (Voy. p. 477.)

Accortesse,

subst. fém. Finesse.

Subtilité d'esprit, de l'Italien Accortezza, qui dans le sens propre, signifie prévoyance, sagacité, prudence ; et selon Nicot, advisement, ou advis. (Voy. son Dict. au mot Accortesse.)

VARIANTES :

ACCORTESSE. Bibl. de Du Verdier, p. 290. - Monet, Dict.

ACCORTISE. Monet, Oudin et Cotgr. Dict.

Accoster,

verbe. Aborder, fréquenter. Appuyer. Mettre en parallèle. Braver.

Ce verbe, suivant Nicot, est imité de l'Italien, Accostare. Mais c'est plutôt un composé de la préposition A, réunie au verbe COSTÉER ci-après. Il signifie dans le sens propre se mettre à côté de quelqu'un, se ranger au costé de quelqu'un. De là les acceptions subsistantes : accoster, approcher quelqu'un, l'aborder ; " quelquefois prendre sa hantise et conversation ", le fréquenter. (Voy. Nicot, Dict.)

On a employé ce mot, même dans le sens générique d'aborder :

Quant à Douvre ne pot port prendre, Le lonc de la mer a siglé, Et le pays a acosté. A Toutenois rivage prist, Ne trouva qui l'y deffendist. A Essecestre vint poignant, etc.

Rom. du Brut, MS. fol. 39, V° col. 2.

On disoit aussi accoster, accoter, pour appuyer. (Nicot, Dict.) Proprement appuyer en mettant une chose à côté d'une autre pour la soutenir ; " apuier à côté. " (Monet, Dict. - Voy. ACOURTHER ci-après.)

De là, s'accôter, s'appuyer contre un arbre. (Nicot, Dict.) On trouve s'akeuter au même sens, dans ces vers :

Lors s'akeute de sor l'esclame . Si dist heures de Nostre-Dame.

Vies des SS. MS. de Sorb. chif. LIX, col. 2.

(Voy. AQUENTER sous ACOUTER ci-après.)

Par une extension de ces significations, accostoyer a signifié mettre à côté avec quelque sorte de comparaison, de parallèle. " Enguerrand de Marigny, pendant sa faveur, avoit pris la hardiesse d'accostoyer sa statue de celle d'un Roy de

(1) banc. France, au Palais royal de Paris. " (Pasq. Rech. p. 584.)

De là, on a dit, " acoster aucun, pour l'irriter, que nos nouveaux François (dit L. Trippault, dans son Celtellenisme) appellent ce jourd'huy braver ; " proprement se mettre en parallèle, défier, provoquer.

VARIANTES :

ACCOSTER. Monet, Cotgr. etc. Dict.

ACCOSTOYER. Pasquier, Rech. p. 584.

ACCOTER. Nicot, Oudin, etc. Dict.

ACOSTER. Tahureau, Dialog. fol. 34. R°. - Cleomades, MS. de Gaignat, fol. 27, V° col. 1.

ACOUSTER. Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 291, R° col. 1.

AKEUTER. Vies des SS. MS. de Sorb. chif. LIX, col. 2.

Accotepot, subst. masc. Appui-pot.

C'est ainsi que Nicot explique ce terme. C'étoit proprement " ce que l'on mettoit auprès d'un pot qui étoit devant le feu, pour l'empêcher de se renverser. " (Le Duchat, sur Rabelais, T. IV, p. 170. - Monet, Borel, R. Est. et Cotgr. Dict.) On a vu ci-dessus le verbe ACCOSTER, ACCOTER, pour appuyer

VARIANTES :

ACCOTEPOT. Monet. - R Est. - Nicot. - Oudin. - Cotgr. Dict.

ACCODEPOT. Le Duchat, sur Rab. T. IV, p. 170.

ACOTEPOT. Borel, Dict.

Accouardir, verbe. Rendre làche, poltron.

(Voy. Oudin, Dict.)

Car uns esmais l'acoardist.

Dits de Baudoin de Condé, MS. de Gaignat, fol. 315, R° col. 2.

De là, s'acoarder, pour s'effrayer, avoir peur.

Pourquoi ne vous acoardez Dou feu que seur vous atifiez.

Dit de Charité. MS. de Gaignat, fol, 222, V° col. 1.

On disoit être acouherdi de faire quelque chose, pour n'oser faire quelque chose.

Car qui de prendre n'est hardis, De doner est acouherdis.

Fabl. MS. du R. n° 7615, T. II, fol. 149, V° col. 2.

(Voy. COUARDER ci-après.)

VARIANTES :

ACCOUARDIR. Oudin, Dict.

ACOARDER. Dit de Charité, MS. de Gaignat, fol. 222, V° col. 1.

ACOARDIR. Dits de Baudouin de Condé, MS. de Gaignat, fol. 315, R° col. 2

ACOUARDIR. Alain Chartier, p. 654. - Eust. des Ch. MS. fol. 115, col. 2.

ACOUHARDIR. Cotgr. Dict.

ACOUHERDIR. Fabl. MS. du R. n° 7615, T. II, fol. 149, V° col. 2.

Accoucher, verbe. Se coucher, s'aliter. Baisser.

Ce mot signifioit autrefois dans le sens propre, " se coucher pour cause de maladie, s'aliter. Accoucha au lict malade en l'hostel d'ung noble Bourgeois. " (Ger. de Nevers, p. 88.) " Le Roy de Navarre acoucha malade au lit de la mort. " (Chron. St. Denys, T. II, fol. 88, V°.)

Nicot observe que, de cette signification géné-


rale, le mot accoucher a passé à l'acception spéciale d'enfanter, qu'il conserve encore.

Nous trouvons souvent coucher la lance, pour la baisser, dans nos anciens Auteurs. Accocher est au même sens dans les vers suivans, où il s'agit d'un coup de lance qui n'étoit pas mortel :

En accochant le prist la lance ; N'i a de mort nul doutance .

Athis, MS. fol. 84, R° col. 1.

(Voy. COUCHER ci-après.)

VARIANTES :

ACCOUCHER. Ger. de Nevers, p. 88.

ACCOCHER. Athis, MS. fol. 84, R° col. 1.

ACOCHER. Villehard. p. 18.

ACOLCHIER. Villehard. p. 120.

ACOLCIER. Borel, Dict.

ACOUCER. Phil. Mousk. MS. p. 61.

ACOUCHER. Chron. S. Den. T. II, fol. 88. V°. - Lanc. du Lac. - Percef. - Les neuf Preux. - Froiss.

ASCOUCHER. Joinville, p. 59.

Accouches, subst. fém. plur. Couches.

Du verbe ACCOUCHER ci-dessus.

" Joubert et Liebaut apportent que les femmes en plusieurs lieux commandent aux Matrones lors des accouches, leur garder la vedille, ou nombril de leur filles, pour leur faire des amoureux en temps et lieu. " (Maladie d'amour, p. 223.)

Accoudement,

subst. masc. L'action de s'accouder.

De s'appuyer sur le coude. (Cotgr. Dict.)

Accoudiere,

subst. fém. Parapet.

Muraille à hauteur du coude, à hauteur d'appui. " Donna de l'esperon à son cheval et le fait sauter par dessus les accoudieres, dedans la Loyre. " (Contes de Des Periers, T. II, p. 9. - Voy. ACCOUDOIR ci-après.)

Accoudoir,

subst. masc. Parapet.

Ce mot subsiste, sous la première orthographe, pour désigner une chose faite pour s'accouder. (Voy. COUDIERE ci-après) ; mais on ne s'en sert plus dans la signification de parapet, muraille à hauteur d'appui. " Il y a cent tours toutes de porphire ; tout le haut est en accouldoir. " (Merlin, Coc. T. II, p. 31.) Accoudouers du port, parapets d'un port. (Bouchet, Sérées, liv. I, p. 230. - Voy. ACCOUDIERE ci-dessus.)

VARIANTES :

ACCOUDOIR. Orthog. subsist.

ACCOULDOIR. Merlin, Coc. T. II, p. 31.

ACOUDOUER. Rabelais, T. II, p. 76.

Accouer, verbe. Approcher.

Proprement être à la queüe, ou à la coüe, comme on écrivoit autrefois : " Quand il verra le cerf.... tourner la tête pour s'enfuir, il doit piquer son cheval, et l'accouër le plus près qu'il pourra. " Fouilloux, Vén. fol. 53, R°.)

De là, on a dit être accoué à quelqu'un, pour se

(1) émotion, surprise. — (2) crainte.

Lucans, pour la raison aoire,

Nous dist que on ne doit pas croire

Losengier, ne menteour faus,

Mais les conseilleours loiaus.

Alars de Cambray, Moral. MS. de Gaignat, fol. 147, R° col. 2.

Aoite, subst. fém. Augmentation ou accroissement. Il semble que le substantif aoite, quelle qu'en soit l'origine, ait été pris dans un sens analogue à celui du verbe aoire, lorsqu'on a dit :

A Dieu commant le monnoier ;...

Diex li laist sa main tenir droite :

Il a bien prise s'escueilloite

En ce c'onnour aime et couvoite.

Li laist Diex sa voie emploiier

Et tous ceaus avoec lui d'aoite

Qui aideront à ma cueilloite.

Congiés de J. Bodel, MS. de Gaignat, fol. 228, V° col. 1.

On a dit en parlant des femmes dont l'inconstance augmente peu le bonheur en amour :

A poi d'aoite sont changiez.

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 348, V° col. 1.

Peut-être ce mot aoite désignoit-il une idée d'augmentation, d'accroissement en méchanceté, lorsque dans les principes de l'ancienne galanterie, on disoit :

Sire Bretel, à moult petit d'aoite

Iroit murdrir, u reuber

Qui vers sa Dame aroit fait tèle emploite

Con de traïson monstrer.

Anc. Poës. fr. MS. du Vatic. n° 1490, fol. 159, R°.

Aorbir, verbe. Priver de la lumière. Se retirer, se rouler en forme de cornet. Anciennement, avoir les yeux orbes signifioit être privé de la lumière, en latin lucis expers. (Voyez ORBE ci-après.) De là, le verbe aorbir dans le premier sens :

Qui gaitera lasses brebis ?

Je voi les pastors abaubis ;

Les miex parlans enkembelés ,

Et les miex veans aorbis.

Miserere du Recl. de Moliens, MS. de Gaignat, fol. 221, R° col. 1 et 2.

On voit un morceau de cuir, à l'approche du feu, se retirer, se rouler en forme de cornet, s'arrondir, en latin in orbem volvi. De là, le verbe aorbir dans le second sens : " Le fieu fait descéchier le cuir, adurchir et aorbir. " (Statuts des Cordonniers d'Abbeville. - Voy. D. Carpentier, Suppl. Gloss. lat. de Du Cange, au mot orbitare.)

Aoreillier, verbe. Ecouter. Prêter l'oreille à ce qu'on veut entendre. Pseautier, MS. du R. n° 7837, fol. 13, V° col. 2. (Voy. OREILLER ci-après.)

Aorger (s'), verbe. S'arrêter, se retenir. La signification de ce mot paroit avoir quelque analogie avec la signification propre des verbes aherdre, aherter, ahurter ci-dessus. " Baudart... féri sa belle-mère du pié ou cousté, par telle manière que se elle ne se feust aorgé à un estal, elle eust esté... boutée ou celier de ladite maison. " (Lett. de grâce, an. 1376. - Voyez D. Carpentier, Suppl. Gloss. lat. de Du Cange, au mot Arrestare.)

Aouer, subst. masc. On croit qu'aouer est une corruption du mot somer, somier, dans ce passage : " La charretée de fromages et d'ueus doit obol ; et se il estaient aporté à cheval, ou à aouer, ou à col, si doivent-il obol par la semaine. " (Beaumanoir, anc. Cout. d'Orléans, p. 472.) On lit plus bas : " Tuit cil qui sunt à somer, tuit cil qui portent à col, oboi por sa charge. " (Id. ibid. p. 473.) Un autre article de la même Coutume, où le verbe chevaucher répond à l'expression aporter à cheval dans la première citation, donne encore plus de vraisemblance à notre conjecture. " Li somiers qui porte coiffe, doit 4 deniers ; cil qui chevauche à trousses, 2 deniers ; à col, obol. " (Id. ibid. p. 474.)

Aouiller, verbe. Remplir. Plonger. Lorsqu'on a la preuve qu'aouiller étoit une variation de l'orthographe aoeiller, il semble raisonnable de croire qu'ouiller est le même qu'oeiller . (Voy. AOEILLER et OEILLER.) Le trou par lequel on remplit un tonneau, étant comparé à un oeil, oeiller les vins, les ouiller, aura signifié remplir les vins jusqu'à l'oeil, jusqu'au trou de la bonde du tonneau. Cependant quelques étymologistes ont cru qu'ouiller, oiller et même oeiller étoient des altérations du verbe saouler, en latin satullare. (Voyez Ménage, Dict. étym. T. II, p. 257.) En adoptant leur opinion sur l'origine du verbe simple oeiller, oiller, ouiller, on interpréteroit le composé aouiller dans le sens de rassasier, soûler : mais il est possible que par une métaphore tirée de l'action de remplir un tonneau jusqu'à l'oeil, l'expression figurée aouiller de délices ait signifié remplir de délices. " Vos oysivetez aouillées de toutes délices, et la descongnoissance de vousmesmes vous avoit jà et a bestourné le sens. " (Oeuv. d'Al. Chartier, Quadriloque invectif, p. 431.)

Dans cette autre expression figurée, s'aoillier ou s'aouiller en plaisirs charnels, le verbe réciproque s'aouiller, formé du substantif oeil pourroit signifier " se plonger dans les plaisirs jusqu'aux yeux, jusque par-dessus les yeux ; " ou bien " se plonger dans l'abondance des plaisirs. " Mais suivant cette dernière explication, il dérivoit de oule, en latin undula, diminutif de unda. (Voy. OULE.) " Reçoivent voulentiers l'ouverte licence et congié de s'aoillier


(1) Dérivé de cembel, qui signifie tournoi. D. Carpentier traduit enkembeler par hastiludio decertare. Il signifierait ici : « luttant les uns contre les autres. » (N. E.) — (2) Le simple œiller rend celle étymologie fort admissible ; le composé aouiller vient peut-être d’adoliare, fait sur dolium, comme entonner a été fait sur tonne ; Ulpien donne la forme duliare. (n. e.) AO - 478 - AO

en leurs plaisirs charnels. " (Oeuv. d'Al. Chartier, de l'Espérance, p. 355.) " En pourrez tant user et si longuement vous y aouiller, que trop en avoir pris vous fera souffreteux à tousjours. " (Id. ibid. Quadriloque invectif, p. 414.)

VARIANTES :

AOUILLER. Al. Chartier, Quadriloque invectif, p. 431.

AOILLIER. Id. ibid. de l'Espérance, p. 355.

Aoultrer (s'), verbe. S'emporter au-delà des bornes. Il est probable qu'aoultrer est de même origine que le verbe simple oultrer. On a dit en parlant d'une passion dont les emportemens outragent la Religion, la Justice et même la Nature : Luxure confond tout là où elle s'aoultre ; Car maint droit héritier deshérite tout oultre, Et hérite à grant tort maint bastard, maint advoultre, etc.

J. de Meun, Cod. vers 1785-1787.

Aourser (s'), verbe. Devenir furieux ; s'acharner avec la fureur d'un ours, ou d'une ourse. Dans l'Ecriture sainte, une ourse furieuse de l'enlèvement de ses petits, est l'image naturelle d'un homme qui ne respire que vengeance et fureur. C'est par une comparaison de même nature, que s'aourser a signifié,

1° l'acharnement à la vengeance : Jupiter, doulz Dieux et doulz Roys, Quant je voy que pour les desroys Des bestes qui vous ont courcé, Estes sur ceuls si aourcé, etc.

Eust. Desch. Poës. MSS. p. 479, col. 3.

2° La fureur avec laquelle on s'acharne à combattre un ennemi dont la résistance irrite :

Nos gens estoient si aoursez Du duel qu'en les fossez Estoint batus et pourbondis ; Meis prestement tous au palis Certainement il s'attachèrent, Et un soul pas ne reculèrent.

Rom. de G. de la Perenne. - Voy. Martène, Thres. Anecd. T. III, col. 1497.

3° L'acharnement furieux d'un jaloux à tourmenter une femme qu'il croit infidèle :

Par les tresses la sache et tire ; Ses cheveux luy rompt et dessire Le Jaloux, et sur luy s'aourse Plus que ne fait lion sur l'ourse.

Rom. de la Rose, vers 9824-9827.

4° La fureur de l'intérêt, avec laquelle certaines femmes s'acharnent à la ruine de l'homme qui s'attache à elles :

... Il ne peut riens demourer A ceulx qui pour elles se pâment Et qui plus loyaulment les ament... Elle sont si très aoursées Qu'elles ne quièrent que boursées.

Rom. de la Rose, vers 8676-8744.

Dans une pièce allégorique, où sous la figure " du lion condescendant aux autres bestes, " on a représenté un Roi dont l'administration foible et incertaine expose l'Etat aux malheurs de l'anarchie, l'expression s'aourser au temporel paroit désigner cette espèce d'acharnement religieux avec lequel la Puissance spirituelle, sous prétexte de conserver ses droits, attaquoit ceux de la Puissance temporelle.

Tout se voult en mal convertir : Car les bestes du temporel Emprindrent le spirituel... Et la Loy de Dieu se coursa, Au temporel trop s'aoursa. Avoir en vouloit congnoissance, Et là commença la naissance

Des debaz entr'eulx et les Princes, etc.

Eust. Desch. Poës. MS. p. 467, col. 3 et 4.

On imagine que dans un siècle moins poli que le nôtre, et moins éloigné de la Nature, le verbe s'aourser devoit paroitre d'une énergie propre à en faire généralement aimer l'usage. Cependant Eustache Deschamps et Guillaume de la Perenne cité plus haut, d'après Martène, sont peut-être les seuls qui s'en soient servis après Jean de Meun qui vraisemblablement en a été le créateur. VARIANTES :

AOURSER (S'). Rom. de la Rose, vers 9826.

AOURCER (S'). Eust. Desch. Poës. MSS. p. 479, col. 3.

Aoust, subst. masc. Août, mois de l'année. Chaleurs d'été, été chaud. Eté, temps de moissonner, de récolter. Moisson, récolte. On sait que les orthographes aoust, aust, août, etc. sont des contractions d'agust, en latin augustus, mois d'août. (Voy. AGUST.) En payant au Roi le vin d'ost, " c'est assavoir comme demy sextier de vin vault en aoust,... tout homs qui n'a maison à Mascon, et demeure à Mascon, et tient feu et lieu,.... est quitte de touz paages.... et doit user de toutes les franchises que ont li citoiens, tantost qu'i y a demouré an et jour. " (Ord. T. II, p. 349.) Le mot aoust, dans ces autres expressions demande d'aoust, double d'aoust, ban d'aoust, vérités d'aoust, signifie aussi le mois de l'année où l'on acquittoit certain droit ou devoir de servitude ; où l'on faisoit la publication de certains règlemens utiles au bien de la moisson ; où les Officiers de Justice informoient des abus et délits commis dans l'étendue de leur juridiction, durant le cours de l'année.

Quoiqu'on ait pu comprendre différens droits ou devoirs de servitude exigibles au mois d'aoust, sous la dénomination générale demande d'aoust, l'on croit que dans la coutume de Bretagne, la demande d'aoust étoit un droit ou devoir de même nature que la Taille ordinaire dans la coutume de la Marche, et que ce droit ou devoir de servitude ne doit pas être confondu avec le double d'aoust. " Chaque homme motoyer doit par an une geline, un boisseau d'avoine et le devoir appellé demande d'aoust, aux mains des Prevost féodez. " (Cout. de Bret. Nouv. Cout. gén. T. IV, p. 412. - Voy. AOUSTAGE.)

Le double d'aoust étoit un droit ou devoir de servitude comme la demande d'aoust. " Celuy qui tient héritage en condition de servitude ou de mainmorte, peut bien prescrire contre le Seigneur de (l) Homme sert attaché à une mote, à un tenement ; en latin, rolonus adscriptitius, addiclus gtebce. AO — 479 — AO qui il tient, les devoirs de rente ordinaire ; mais non pas les corvées, vinades, double d'aoust et autres droicts de servitude, sinon depuis le temps de contradiction. " (Cout. de la Marche, Cout. gén. T. II, p. 505.) On l'a sans doute mal défini en disant : " c'est la Taille ordinaire qui est deue au Seigneur, au mois d'aoust, par ses hommes serfs, ou tenans héritages, à condition de servitude. " (Voy. Laur. Gloss. du Dr. fr. T. I, p. 371.) Il paroit que ce droit ou devoir étoit un doublement de la taille ordinaire, et qu'on le nommoit double d'aoust, parce que cette taille étoit exigible dans le mois d'aoust. " Tous hommes réputez serfs coustumiers, ou autres à droict de servitude... doivent taille en aoust... Le double d'aoust... est pareille somme que ce qu'ils doivent en deniers de taille ordinaire rendable audit mois d'aoust. " (Cout. de la Marche, Cout. gén. T. II, p. 507.) En imposant la queste courant, payable dans le même mois, le Seigneur renonçoit à percevoir le double d'aoust ; mais il étoit à son choix de " prendre chacun an le double d'aoust, ou ladite queste courant une année, et le double d'aoust en l'autre. " (Cout. de la Marche, ubi supra.)

" Les Bans d'aoust, faicts en jours de plaids par plainte de Baillif et par jugement d'hommes, devoient estre publiez par hommes ou par Sergens en toutes les églises du Bailliage. Par ce ban d'aoust, il étoit défendu que nul, ne nulle, durant le mois d'aoust, chariât devant le soleil où après, etc. sous peine d'une amende de soixante sols. " (Voy. Bouteiller, Som. rur. tit. LXXXVIII, page 506.) Le ban de moissons, le même sans doute que le ban d'aoust, fixoit le jour auquel la moisson devoit commencer ; " mais il y a long-temps qu'on ne l'observe plus guère en France, parce qu'il est libre à chacun de dépouiller ses grains sitost qu'ils sont meurs, sans préfinition de jour. " (Voy. Id. ibid. p. 508.)

On peut définir la tenue des vérités d'aoust, une assise où ceux que la Coutume obligeoit de comparoitre une fois l'an, après la messon d'aoust, faisoient serment de dire vérité sur " tous les mesuz (1) [52] qu'ils avoient veus durante l'année. " Suivant la coutume d'Enneulin, on " mande... tous les mannans chiefz d'hostel... lesquels sont tenus de dire et par serment tous les mesuz qu'ils ont veu durante l'année ; et à la depposition de deux personnes, l'on assiet condemnation. " (Nouv. Cout. gén. T. I, p. 437. - Voy. Bouteiller, Som. rur. page 903.) C'est probablement ce qu'on appeloit tenir les véritez d'aoust, dans la coutume de Tournehem. " Les Officiers, hommes de fiefs et Gens de Loy de la ville et chastellenie de Tournehem... ont de toute anchienneté pouvoir et autorité de, pour le bien de Justice, correction des abus, maléfices et autres choses indues.... tenir les véritez d'aoust, d'an en an, ès lieux champestres accoutumez. " (Nouv. Cout. gén. T. I, p. 453, col. 1 et 2.)


Il seroit possible que le mot aoust eût signifié chaleurs d'été, un été chaud, parce que les grandes chaleurs se font ordinairement sentir dans les jours caniculaires, depuis le 24 juillet jusqu'au 23 août. En l'année 1433, " fist le plus aoust que on eust oncques vû d'aage d'homme, et furent les blés et les potaigers très-bons, mais si grant mortalité estoit de boce (2) [53] et d'épidémie, etc. " (Journ. de Paris sous Charles VI et Charles VII, p. 155.)

On a compris d'ailleurs sous la dénomination particulière du mois d'aoust, les mois les plus chauds de l'année, les mois de l'été, le temps de l'année où l'on moissonne et récolte les grains et les fruits qui mûrissent dans cette saison. " En l'aoust derrein passé, s'en estoit alé aouster pour gaigner, etc. " (Lett. de grâce, an. 1380.) " Je avoie... fait emporter en l'aoust et messon.... le droit du terrage ou campart. " (Charte de 1393. - D. Carpentier, Suppl. Gloss. lat. de Du Cange, aux mots Augustare et Augustus)

On connoit le miracle qui força les Israélites à se repentir de leur opiniâtreté à vouloir un Roi. Samuel fit tonner et pleuvoir en aoust, c'est-à-dire dans le temps de la moisson, vers les premiers jours de juillet : chose miraculeuse dans la Palestine où St Jérôme a observé qu'en ce temps il ne tombe jamais de pluie. " Ore (leur dit le Prophète) estez e... veez : aust est, e requerrai Deu qu'il face tuner, et pluie enveit en terre, encuntre le usage de cest païs.... Samuel Deu preiad, e Deus tuneire e pluie merveilluse à cel jur enveiad, et li poples out forment grant pour de Deu et de Samuel. " (Livres des Rois, MS. des Cordel. fol. 14.) Par une autre métonymie assez ordinaire, le mot aoust, qui signifioit l'été, le temps de moissonner, de récolter, a signifié la moisson même, la récolte des grains et des fruits mûris dans cete saison ; et l'on a dit en ce sens, aoust de grain, aoust de pesches, etc. (Voy. Journ. de Paris, sous Charles VI et Charles VII, p. 77. - Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 246.) Dans l'année 1430, " fut très bel aoust et très-belles vendanges. " (Journ. de Paris, sous Charles VI et Charles VII, p. 135.) " En païs de Galice, n'en Portugal, on ne sait que c'est d'yver... et l'aoust y est tout passé à la St Jehan-Baptiste. " (Froissart, Vol. III, p. 136. - Voy. AOUSTER.)

On disoit figurément faire son aoust, dans le sens de notre expression proverbiale " faire ses orges. " (Voy. Moyen de parvenir, page 399.)

VARIANTES :

AOUST. Pezron, Antiq. des Celtes, p. 434. - Duchesne, Hist. généal. de la M. de Béthune, pr. p. 164 ; tit. de 1247. - J. de Meun, cod. vers 248. - Froissart, Vol. III, page 136. - Du Bellay, Mém. liv. VIII, fol. 273, R°. - Cotgrave, Oudin, Rob. Estienne, Nicot et Monet, Dict. - Dict. de Trévoux.

AHOUST. Hist. généal. de la M. de Guines, p. 291.

AOST. Perard, Hist. de Bourgogne, p. 300 ; tit. de 1213. - D. Morice, preuv. de l'Hist. de Bretagne, T. I, col. 963. - Fabl. MS. de St Germ. fol. 80. - Fabl. MS. de Berne, n° 354, fol. 53, R° col. 2, etc. AUST. Livres des Rois, MS. des Cordel. fol. 69. - Rymer, T. I, part. II, p. 115 ; tit. de 1270.

OST. Ord. T. II, p. 349.

Aoustage, subst. masc. Espèce de redevance. On observe, d'après D. Carpentier, qu'aostagium, en françois aoustage, ne signifie point droit de gite, en latin hostagium, dans une charte de l'an 1232, où on lit : " Percipiet per se consuetudines suas, videlicet terrageurias, aostagia, mestivam, gallos.... corveiam suam, etc. " (Voy. Du Cange, Gloss. lat. T. I, col. 540.) En comparant l'extrait de cette charte avec deux citations, l'une de la coutume de Bretagne, l'autre de la coutume de la Marche, on croiroit que l'aoustage, en latin aostagium, étoit un droit comme la demande d'aoust, le double d'aoust ; et que D. Carpentier z'est trompé lui-même, en disant qu'aoustage signifie une rente payable à la mi-aoust. Pour le prouver, il cite une charte de l'an 1298, où l'aoustage est au moins distingué des rentes foncières. " Les rentes des éritages d'ilec (de Gien) et les aoustages, la penne et le séel.... La prevosté de la Ferté-Aales... huit solz de rente à la mi-aoust, etc. " (D. Carpentier, Suppl. Gloss. lat. de Du Cange, au mot Aostagium.)

Aouster, verbe. Aoûter, mûrir. Faire l'août, moissonner, récolter. Passer le mois d'août, le temps de la moisson. On a désigné et l'on désigne encore l'effet des chaleurs du mois d'août, en disant aouster, aoûter, dans la signification de mûrir. (Voy. Cotgrave, Oudin et Nicot, Dict. - Dict. de Trévoux.) Cette acception est moins ancienne dans notre langue que celle d'aouster, faire l'août, moissonner, récolter. On disoit en ce sens, " faucher, fener, aouster, vendenger. " (Cout. d'Anjou, T. II, p. 105.)

Ce fu tout droit ou temps d'Esté, Quant temps d'auster est en saison, etc. Hist. des trois Maries, en vers, MS. p. 110. En la saison que l'en aouste, etc.

G. Guiart, MS. fol. 134, V°.

Employé comme substantif, le verbe aouster a signifié moisson, récolte, peut-être le temps de moissonner, de récolter. (Voy. AOUST ci-dessus.)

Gaste-bien selt moult bien gaster Son aoust devant l'aouster, Tant que avoec autrui aouste.

Miserere du Reclus de Moliens, MS. de Gaignat, fol. 209, V° col. 1.

Il semble que dans les vers suivans, où il s'agit de grillon, s'aoster, s'estre aosté signifie passer, avoir passé le mois d'aoust, le temps de la moisson dans les champs.

Le Ceraseron, par le temps de l'Esté, Ne fera jà nulle provision ; Il vit aux champs, et quant s'est aosté, Il se retrait en aucune maison, Et au four communement, Et ès foyers chante doubteusement.

Eust. Desch. Poës. MSS. p. 38, col. 4.

VARIANTES :

AOUSTER. Miserere du Recl. de Moliens, MS. de Gaignat,


fol. 209. - G. Guiart, MS. fol. 26, V°. - Cotgrave, Oudin, Nicot et Monet, Dict. - Dict. de Trévoux. AOSTER. Eust. Desch. Poës. MS. p. 38, col. 4. AUSTER. Hist. des Trois Maries, en vers, MS. p. 110. OUSTER. D. C. S. Glos. lat. de Du Cange, au mot Augustare.

Aousterèle, subst. fém. Sauterelle. Il est possible qu'on ait ainsi nommé cette espèce d'insecte, parce que l'été, le mois d'août, est la saison des sauterelles. (Voy. Borel, Dict.) VARIANTES : AOUSTERÈLE. Borel, Dict. AOUSTERELLE. Dict. de Trévoux. Aousteron, subst. masc. Aoûteron, moissonneur. Moisson, récolte. On observe qu'au premier sens, le mot aousteron, austeron, etc. par lequel on a désigné en particulier un valet d'aoust, celui qui est engagé pour faire l'août, a signifié en général, " celui qui fait l'août, la moisson, un moissonneur. " (Voy. Cotgrave, Oudin, Nicot et Monet, Dict. - Oeuv. de Remi Belleau, Bergeries, T. I, fol. 19, V° etc.) La verdure jaunist, et Cérès espiée Tresbuchera bientost, par javelles liée, Sous l'oûteron haslé, pour emplir le grenier. Oeuv. de Baïf, fol. 5, R°. S'il faut en croire Cotgrave, on a nommé austerons, les fruits d'août, les blés, la moisson. VARIANTES : AOUSTERON. Cotgrave, Oudin, Nicot et Monet, Dict. AUSTERON. Cotgrave, Dict. OUSTERON. Cotgrave et Oudin, Dict. OÛTERON. Cotgrave, Dict. - Oeuv. de Baïf, fol. 228, V°. - Ménage, Dict. étym.

Aousteux, adj. Qui est du mois d'août. Mûr, qui est en pleine maturité. Il semble qu'on ait dit au premier sens, moissonneur aousteus. Epith. de M. de la Porte. Dans le second sens, un fruit aousteux étoit un fruit mûr, un fruit mûri par la chaleur du mois d'août. (Cotgrave, Dict. - Voy. AOUSTER.) VARIANTES : AOUSTEUX. Cotgrave, Dict. AOUSTEUS. Epith. de M. de la Porte, au mot Moissonneur.

Aouvert, participe. Ouvert, découvert, dévoilé, révélé, éclairci, etc. Connu. La prononciation de l'w double, qui est une lettre propre aux peuples du Nord, étoit sans doute familière à nos ancêtres, et semblable à celle du v simple, autre lettre de même organe que le p. De là, les orthographes awert, aouvert, aovert, overt, qui toutes paroissent être des altérations de l'orthographe primitive apert (1) [54]. (Voy. APERT.) " Vostre oyl seront awert , etc. " (St Bern. Serm. fr. MSS. p. 60.) " Li Ciel furent awert sor luy. " (Id. ibid. p. 217.)

Droiz dit, ce n'est pas chose aperte, De plaie qui n'est aoverte C'on cognoisse la maladie.

Fabl. MS. du R. n° 7615, T. I, fol. 111, V° col. 1. La signification propre et figurée du participe ouvert, qui subsiste, n’est pas moins ancienne dans notre langue que celle d’aouvert. On écrivoit indifféremment aouvert et ouvert. " Li livre seront aouvert... et il seront ouvert au jour du Jugement. " (Lucidaires, MS. du R. n° 7989, fol. 237, V° col. 1, etc. - Voy. OUVERT ci-après.)

On a dit figurément, 1° en parlant d’une chose faite ouvertement, à découvert, publiquement, etc. qu’elle étoit faite en awert. (Voy. St Bern. Serm. fr. MSS. page 354.)

2° En parlant d’une personne dont le coeur s’ouvroit à la joie de faire son devoir, qu’elle le faisoit de cuer aouvert :

Grant travail et grant paine ; mais de cuer aouvert
Le prent pour Dieu en gré et loiaument le sert.

Berte as grans piés, MS. de Gaignat, fol. 125, V° col. 2.

3° En parlant d’une personne dont l’esprit n’a d’ouverture que pour le mal, qu’elle étoit aouverte à mal aprendre. (Voy. Fabl. MS. du R. n° 7615, T. I, fol. 119, R° col. 1.)

On ne connoît certaines choses, elles ne deviennent évidentes, claires, manifestes, etc. que lorsqu’elles sont ouvertes, découvertes, dévoilées, éclaircies, expliquées, etc. " Sunt conuit si cum cil qui awert sunt. " (St Bern. Serm. fr. MSS. p. 26. - Voy. id. ibid. passim.)

De là, le participe awert ou aouvert a pu signifier connu. " Li jor venrat ke li secret del cuer seront awert. " (Id. ibid. p. 34.)

Il semble que par l’expression, de tous bien aouverte, on ait désigné une personne avantageusement connue par des actions qui découvrent en elle le principe intérieur et caché d’une vertu bienfaisante et aimable.

Comment a Diex tel gent si longuement souferte ?
Blancheflour, qui est moult de tous bien aouverte,
Les geta de servage et de toute poverté.

Berte as grans piés, MS. de Gaignat, fol. 133, V° col. 1.

(Voy. AOUVRIR ci-dessous.)

VARIANTES :

AOUVERT. G. Guiart, MS. fol. 100, V°.
AOVERT. Fabl. MS. du R. n° 7615, T. I, fol. 111, V° col. 1.
AWERS (plur.) St Bern. Serm. fr. MSS. p. 179.
AWERT. Id. ibid. p. 13, 19, 26, passim.

Aouvertement, adv. Ouvertement, clairement, manifestement. Significations analogues à celles du participe aouvert. On disoit figurément : " Ci puetom avertement entendre etc. " (St Bern. Serm. fr. MSS. page 214.) " Vos donrat... un signe où li poosteiz et li chariteis serat awertement apparanz. " (Id. ibid. p. 16.)

Dex, quel male aventure ! com est durs li hom
Q’ainsi à oeil ouvert vait à perdition,
Qui tant a de savoir, qui bien et mal entent,
Et contre Dieu s’esdrèce tout aouvertement.

Vie de Ste Thaysies, MS. de Sorb. chiff. XXVII, col. 2.

(Voy. APERTEMENT ci-dessous.)

VARIANTES :

AOUVERTEMENT. Vie de Ste Thaysies, MS. de Sorbonne, chif. XXVII, col. 2.
AVERTEMENT. St Bern. Serm. fr. MSS. p. 214.
AWERTEMENT. Id. ibid. p. 9, 14, 22, passim.

Aouvré, partic. Mis en oeuvre. Occupé à faire une chose.

... Onc n’estoit huiseus trovez,
Mès traveillez et aouvrez
De messoner et de soier .
<poem>

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 248, V° col. 2.


En parlant d’une chose dont on espéroit faire bon usage, on disoit qu’elle seroit bien aovrée.

<poem>Une fort lance a recovrée
Que jà sera bien aovrée.

Athis, MS. fol. 101, V° col. 2 ; Var. du MS. du Roi.

(Voy. AOUVRER ci-dessous.)

VARIANTES :

AOUVRÉ. Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 248, V° col. 2.
AOVRÉ. Athis, MS. fol. 101, V° col. 2 ; var. du MS. du Roi.

Aouvrer, verbe. Mettre en oeuvre, à l’ouvrage ; occuper à faire une chose, l’ordonner. Opérer, faire, agir. Dans le premier sens, on a dit que sans la grâce, l’homme seroit trop aouvré, parce qu’il ne pourroit faire ce que Dieu lui ordonne.

Se Diex sa grace n’i répont,
Par soi sera trop aouvrez, etc.

Miserere du Rec. de Moliens, MS. de Gaignat, fol. 211, R° col. 3.

L’Écriture nous aoevre, parce que nous y lisons ce qui nous est ordonné de faire.

... Se nous faisons la soie oevre
Comme Escripture nous aoevre, etc.

Dits et Moral. MS. de Gaignat, fol. 287, V° col. 3.

On a dit en parlant d’un cheval que tous les jours on occupoit à un ouvrage fatigant, qu’il étoit bien aouvré :

Est chascun jor bien aouvrés :
Il seroit bientost recouvrez,
S’il ne fesoit oevre grevaine ;
S’eust du fuerre et de l’avaine.

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 249, R° col. 1.

S’aouvrer d’une chose, s’en aouvrer, ou simplement s’aouvrer, signifioit s’occuper à faire une chose, s’en occuper, s’occuper.

... Je sui moult très-bons ovriers ;
Dont je me puis bien recovrer,
Si je m’en voloie aovrer.

Fabl. MS. de Berne, n° 354, fol. 66, V° col. 2.

Ypocrisie est en grant bruit :
Tant a ouvré,
Tant se sont li sien aouvré,
Que par engin ont recouvré
Grant part el monde.

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 314, V° col. 1.

La signification du verbe composé aouvrer étoit quelquefois la même que celle du verbe simple ouvrer, en latin operari. (Voy. Psautier, MS. du R. n° 7837, fol. 75.) On s’est servi absolument du verbe aouvrer, lorsqu’en parlant d’une personne qui faisoit des oeuvres de charité et agissoit avec les pauvres d’une façon pleine de douceur, on a dit qu’elle aouvroit doucement vers les pauvres.

Ly pauvres ne pouvoient nulz confort recouvrer,
Vers cui elle souloit si doucement aovrer.

Ger. de Roussillon, MS. p. 192.

On lit ovrer. (Ibid. Var. du MS. de la Cathéd. de Sens. - Voy. OUVRER ci-après.)

VARIANTES :

AOUVRER. Psautier, MS. du R. n° 7837, fol. 75, V° col. 2.

AOEVRER. Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 213, V° col. 2.

AOVRER. Ger. de Roussillon, MS. p. 192.

Aouvrir, verbe. Ouvrir, découvrir, faire voir, dévoiler, révéler, expliquer, éclaicir, faire savoir. Le verbe aouvrir, aovrir, qui paroit être une contraction du composé adovrir, en latin adaperire, n’est vraisemblablement qu’une altération du verbe simple awrir, en latin aperire. C’est ainsi qu’il faut lire dans les manuscrits où le double w est écrit uu. L’on croit donc voir l’origine des orthographes aovrir, aouvrir, dans le premier u prononcé o, ou, et celle des orthographes ovrir, ouvrir, dans le changement assez ordinaire de l’a en o. Quoi qu’il en soit, la signification d’awrir, auvrir, aouvrir, verbe plus usité dans notre ancienne langue, qu’adovrir, étoit la même que celle d’ouvrir. " Sire, auvre les oilz de cest mien Servant.... e nostre Sire li auverid les oilz. " (Liv. des Rois, MS. des Cordel. fol. 130.) " Anz awrirent.... lor tressors. " (St Bern. Serm. fr. MSS. p. 214. - Voy. OUVRIR ci-après.)

Les portes covient aouvrir.

Bible Guiot, MS. de N. D. n° E. 6, fol. 89, R° col. 2.

Lorsque les Lois et la Religion permettoient que le sort des armes décidât les droits de la Justice et de l’Innocence, on demandoit à combattre, et la barrière du champ clos étoit ouverte. Peut-être faut-il rapporter à cet usage, l’origine de l’expression aouvrir Cour aux parties ; au figuré, " leur aouvrir loi et voie de droit : " c’est-à-dire, ouvrir aux

(I) Corr. assanler : assembler.


parties la barre de la Cour, les admettre à soutenir leur droit et à le poursuivre en Cour de Justice. " Le suppliant nous requist... que nous li vousissiens assauler le Court des frans hommes de nosdis Seigneurs, pour entendre ad che qu’il vaurroit dire ; lesquels nous lui assaulames, et adovrimes Court. " (D. Carpentier, Suppl. Gloss. latin de Du Cange, au mot Aperire ; tit. de 1358.) " En ladite information n’avoit chose que lois et voie de droit ne deust estre audit Raoulin aouverte, par la vertu duquel jugement nous... li aouvrismes Loi et feismes faire criées. " (Id. ibid. tit. de 1328.)

On ouvre, pour ainsi dire, à l’esprit humain, la porte des connoissances, en lui découvrant, en lui faisant voir, en lui dévoilant, en lui révélant, en lui expliquant, en lui éclaircissant les choses qu’il veut ou qu’il doit savoir. De là, le verbe awrir, aouvrir, signifioit découvrir, faire voir, dévoiler, révéler, etc. " Si enquist Herodes par les Escrivains, lo leu où nostre Sires dovoit naistre, et cil.... awirent (corr. awrirent) lo nom de la Citeit. " (St Bern. Serm. fr. MSS. p. 214.) " Comment li glore ait habiteit en nostre terre, ceu si awrit li Salmistes par ces parolles. " (Id. ibid. p. 369. - Voy. AOUVERT.)

CONJUG.

Awerid, indic. prétér. Ouvrit. (Livres des Rois.)

Awerit, indic. prét. Découvrit, déclara, fit savoir. (St Bern. Serm. fr. MSS. p. 195.)

Awrans, partic. prés. Ouvrant. (Id. ibid. p. 50.)

Awrat, indic. futur. Ouvrira. (Id. ibid. p. 133.)

Awreit, indic. prét. Ouvrit. (Id ibid. p. 14 et 40.)

Awrest, subj. imparf. Ouvrît (Id. ibid. p. 139.)

Awret, indic. prés. Ouvre. (Id. ibid. p. 4.)

Awriens, subj. prés. Que nous découvrions. (Id. ibid. p. 179 et 265.)

VARIANTES :

AOUVRIR, ADOVRIR. D. Carpentier, Sup. Gloss. lat. de Du Cange, au mot Aperire ; tit. de 1328 et 1358.

AOVRIR Floire et Blancheflor, MS. de St Germ. fol. 130.

AUVERIR. Liv. des Rois, MS. des Cordel. fol. 130, R° col. 1. - St Bern. Serm. fr. MSS. p. 195.

AUVRIR, AWRIR. St Bern. Serm. fr. MSS. p. 90, passim.


Niort. - Typographie de L. Favre.
  1. Voyez dans le Recueil des Mémoires de l’Académie Royale des Belles-Lettres, t. I. page 319 et suiv. et tome V. page 344 ; ceux de Mr Boindin, Boivin et Lancelot.
  2. Par M. de Villevault, Conseiller à la Cour des Aides.
  3. Par Dom Audiguier et son frère, Bénédictins.
  4. par Dom Clémencé.
  5. par dom Tassin.
  6. Par M. l’Abbé de Foy, chanoine de Meaux.
  7. par M. Souchet de Bisseaux.
  8. par M. Bouquet, Avocat, neveu du célèbre Bénédictin de ce nom.
  9. M. de Sainte Palaye était aussi de l’Académie Françoise.
  10. dépouillé, dépossédé.
  11. faubourg
  12. n’y eut
  13. logés
  14. clos, fermés
  15. aujourd’hui il n’y a plus.
  16. racheté.
  17. douceur
  18. Raison, sujet.
  19. aide, profite.
  20. Venir à bout, obtenir.
  21. sort.
  22. prist.
  23. dans la meslée.
  24. débat.
  25. chercher.
  26. à la porte.
  27. là il frappe.
  28. que peu s’en faut qu’il.
  29. eut.
  30. torts, injustices.
  31. ni jamais.
  32. jouerai, dit-il, à toi.
  33. avec.
  34. joyeuse.
  35. Qu’ils.
  36. ajustées, compassées.
  37. (1) Son cœur l’invite.
  38. (2) parenté.
  39. (3) éducation.
  40. (4) prompt, aisé, facile.
  41. (5) aisément enflammer.
  42. (6) tant soit peu allumé.
  43. (7) de race de bon ordre.
  44. (8) le chien.
  45. (9) veneur, chasseur.
  46. (10) maistre qui l’instruise.
  47. (11) faute.
  48. (1) se tenir.
  49. (2) perdrix.
  50. (3) torrent, ruisseau.
  51. (4) armées.
  52. abus
  53. charbon pestilentiel
  54. Apert est un mot de la langue savante et juridique ; ouvert est bien la forme populaire et primitive. (N. E.)