Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Apone

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APONE [a] (Pierre d’), l’un des plus fameux philosophes et médecins de son siècle [* 1], naquit l’an 1250 [b], dans un village qui est situé à quatre milles de Padoue. Il étudia long-temps à Paris, et y fut promu docteur en philosophie et en médecine (A). Je ne sais pas s’il mourut fort riche ; mais j’ai lu qu’il se faisait payer de grosses sommes pour la visite des malades (B). Il fut soupçonné de magie, et poursuivi par l’inquisition sur ce pied-là (C) ; et, s’il eût vécu jusqu’à la fin du procès, il y a beaucoup d’apparence qu’il eût souffert en sa personne ce qu’il ne souffrit qu’en effigie après sa mort. Nous rapporterons [c] ce que ses apologistes observent. Son cadavre, secrètement déterré par ses amis, échappa à la vigilance des inquisiteurs, qui voulaient le faire brûler (D). Il fut transporté en divers lieux, et enfin on le plaça dans l’église de Saint-Augustin, sans épitaphe, et sans nulle marque d’honneur [d]. Les accusateurs de Pierre d’Apone lui attribuent des opinions incompatibles : ils veulent qu’il ait été magicien, et qu’il n’ait point cru qu’il y eût des diables (E). Il eut pour le lait une telle antipathie, qu’il n’en pouvait voir manger sans sentir des maux de cœur [e]. Il mourut l’an 1316, à l’âge de soixante-six ans (F). L’un de ses principaux livres est celui qui lui fit donner le surnom de Conciliator. On fait un conte bien ridicule, c’est que, n’ayant point de puits dans sa maison, il fit porter dans la rue, par les diables, celui de son voisin, quand il eut appris que l’on avait défendu à sa servante de continuer d’y venir chercher de l’eau [f]. Il eût bien mieux fait d’employer les diables à lui faire un puits chez lui, et à boucher celui du voisin, ou, pour le moins, à le transporter dans sa maison, plutôt qu’à la rue [* 2].

  1. * Pour cet article Joly renvoie aux Mémoires du père Nicéron, comme si ce père relevait beaucoup d’erreurs de Bayle. Nicéron ne reproche à Bayle qu’une faute qu’il n’avait pas faite. Voyez la note sur la remarque (F).
  2. * Pour de plus grands détails sur Apone, Joly renvoie à la Vie de cet auteur, par Mazuchelli, imprimée dans le Raccolta d’opuscoli scientifici, tom, XXIII, pag. 1-54.
  1. Quelques-uns le nomment Pierre d’Avane.
  2. Jacobus Phillidus Tomasinus, Elog. illustr. Vir, pag. 22.
  3. Dans la remarque (C).
  4. Tomasini Elog. Viror. illustr., pag. 24.
  5. Mercklinus, in Lindenio renovato, pag. 879. Freherus, in Theatro, pag. 1209. Il cite Marcellus Donatus, et Matth. de Gradibus.
  6. Tomazo Garsoni, Piazza universale di tutte le professioni, discorso CXXXV, folio 365, verso.

(A) Il étudia long-temps à Paris, et y fut promu docteur en philosophie et en médecine. ] Naudé observe cela dans une harangue où il relève le plus qu’il peut l’ancienne gloire de l’académie de Paris. Rapportons un peu au long ses paroles puisqu’elles nous apprendront en passant que Pierre d’Apone fit à Paris le grand ouvrage qui le fit nommer conciliateur : Prodeat tandem Petrus Aponensis ab insigni libro, quem dum vestras scholas frequentaret edidit, Conciliatoris nomen adoptus : certè latebat in Italiâ, nulli propè cognita, nullis aliis disciplinis, nullis artibus nedùm propriis exculta, nullâ deniquè vel linguarum cognitione, vel philosophiæ nitore decorata medicina : cùm ecce tutelaris illius genius, ex Aponensis Balnei pago, Italiam ab ignorantiæ barbarie, velut alter Camillus Romam à Gallorum obsidione liberaturus : diligenter inquirit, ubinàm gentium humaniores litteræ felicius excolerentur, philosophia subtiliùs traderetur, medicina puriùs et solidiùs edoceretur : cùmque rescivisset uni Lutetiæ hanc laudem deberi, in eam statìm involat, illius gremio totum se tradit, philosophiæ medicinæque mysteriis sedulò imcumbit, gradum, et lauream in utrâque consequitur, utramque posteà celeberrimè docet, et post diuturnam annorum moram divitiis vestris onustus, imò philosophus, medicus, astrologus, mathematicus suæ tempestatis præstantissimus in patriam suam revertitur, et primis omnium, Scardeoni viri gravissimi judicio, sinceram phiilosophiam, et medicinam illi restituit. Undè gratitudinis ergò compellandus venit, et à vobis meritâ gratiâ prosequendus Michaël Angelus Blondus medicus Romanus, quòd superiori seculo Aponensis vestri Conciliationes physiognomicas elegantioribus typis demandare volens, cùm vidisset eas à doctore vestro, Parisiis, et in facultate vestrâ fuisse elaboratas, has idcircò vestri collegii nomine et auspicio in lucem prodire voluerit, ut communis loci famæ beneficio frueretur [1].

(B) Il se faisait payer de grosses sommes pour la visite des malades. ] On ne marque point ce qu’il exigeait pour les visites qu’il faisait dans le lieu de sa résidence ; mais on assure qu’il n’allait point voir les malades hors de la ville, à moins qu’on ne lui donnât cent cinquante francs par jour [2]. On ajoute qu’étant mandé par le pape Honoré IV, il demanda quatre cents ducats par jour [3]. Voilà ce que porte l’abrégé de sa Vie, inséré dans la nouvelle édition de Van der Linden, de Scriptoribus medicis. Camérarius rapporte la même chose [4] ; mais sans nommer le pape qui recourut à ce médecin. Il n’en use pas de même à l’égard du lieu où Pierre d’Apone demeurait. Il dit que c’était Bologne. Il ne laisse pas de faire mention d’Honoré IV ; mais il prétend que le médecin qui exigea de ce pape un paiement si énorme n’était point Pierre d’Apone. Voici ses paroles, selon la version de Simon Goulart : Du temps de nos pères, un médecin de Florence, nommé Thadée, acquit une telle réputation, qu’allant en pratique hors la ville il gaignoit par chascun jour cinquante escus, et appellé du pape Honoré quatriesme, en eut cent par jour, tellement qu’à son retour de Rome il apporta dix mille escus [5]. S’il eût consulté la chronologie, il n’eût pas dit du temps de nos pères ; car ce pape fut élu l’an 1285, et mourut l’an 1287. Dom Lancelot de Pérouse, citant Ciaconius [6], dit que ce Thadée, Florentin, et professeur à Bologne, se fit promettre cent écus par jour, quand le pape Honoré IV le manda ; et il ajoute que ce voyage lui valut dix mille écus ; mais il observe que d’autres écrivent que Pierre d’Apone obtint de ce pape quatre cents écus par jour [7]. Il avait dit que ce Pierre ne sortait point de la ville pour voir des malades, à moins qu’on ne lui donnât cinquante florins. Vous trouverez, dans le Théâtre de Paul Freher, qu’il était professeur en médecine à Bologne, et qu’on l’appelait de tous les endroits de l’Italie pour voir les malades, quoiqu’il exigeàt cinquante florins par jour [8]. Vous y trouverez aussi qu’il stipula d’Honoré IV la somme de cent florins chaque jour, et qu’ayant guéri ce pape il en reçut mille. Voilà bien des variations.

(C) Il fut soupçonné de magie, et poursuivi par l’inquisition sur ce pied-là. ] Ce soupçon subsiste encore parmi bien des gens : disons même qu’ils font plus que soupçonner, et qu’ils passent jusqu’à la persuasion. La commune opinion de presque tous les autheurs est qu’il estoit le plus grand magicien de son siècle ; qu’il s’estoit acquis la cognoissance des sept arts libéraux par le moien des sept esprits familiers, qu’il tenoit enfermez dans un cristal ; qu’il avoit l’industrie, comme un autre Pasetes, de faire revenir en sa bourse l’argent qu’il avoit despencé [9]. Celui qui me fournit ces paroles ajoute qu’il est constant qu’il fut accusé de magie en l’an lxxx de son aage [10], et qu’estant mort en l’an 1305 [11], que son procès n’estoit encore finy, on ne laissa pourtant, au récit de Castellan [* 1], de le juger au feu, et de brusler un faquin de paille ou d’osier, qui le représentoit, dans la place publique de la ville de Padoue, pour supprimer par un exemple si rigoureux, et par la crainte d’encourir une semblable peine, la lecture de trois livres superstitieux et abominables qu’il avoit composez en icelle : le premier desquels estoit cet Heptameron, qui est maintenant imprime sur la fin du premier tome des œuvres d’Agrippa : le second, celuy qui est appellé par Trithème Elucidarium Necromanticum Petri de Albano ; et le dernier, un qui se nomme dans le mesme autheur, Liber Experimentorum mirabilium de annulis secundum 28 mansiones lunæ [12]. Voilà des preuves qui semblent fortes : néanmoins Naudé n’en fait pas grand cas. Il les réfute d’abord par cette remarque : c’est que Pierre d’Apone fut un prodige d’esprit et d’érudition dans un siècle de ténèbres ; or, cela était fort propre à le faire prendre pour un magicien, puisque d’ailleurs il s’était fort attaché aux sciences curieuses et divinatoires. C’est un homme, dit-il [13], qui a paru comme un prodige et miracle parmy l’ignorance de son siècle, et qui, outre la cognoissance des langues et de la médecine, avoit tellement recherché celle des sciences moins communes, qu’après avoir laissé des tesmoignages très-amples, par ses escrits de physiognomie, géomance et chiromantie, de ce qu’il pouvoit en chacune d’icelles, il les abandonna toutes, avec la curiosité de sa jeunesse, pour s’adonner entièrement à la philosophie, médecine et astrologie, l’estude desquelles luy fut si favorable, que, pour ne rien dire des deux premières, qui l’insinuèrent à la bonne grâce de tous les papes et souverains pontifes qui furent de son temps, et luy acquirent l’authorité qu’il a maintenant parmy les hommes doctes, il est certain qu’il estoit grandement capable en la dernière, tant par les figures astronomiques qu’il fit peindre dans la grande salle du palais de Padoue, et les traductions qu’il fit des livres du rabbi Abraham Aben-Ezra, joint à ceux qu’il composa des Jours Critiques, et de l’Esclaircissement de l’Astronomie, que par le tesmoignage du renommé mathématicien Regio-Montanus, qui luy a dressé un beau panégyrique, en qualité d’astrologue, dans l’oraison qu’il récita publiquement à Padoue, lorsqu’il y expliquoit le livre d’Alfraganus. Ensuite, Naudé observe que Pierre d’Apone déféra beaucoup à l’astrologie [14], et que de là vient que beaucoup d’auteurs maintiennent une opinion directement contraire à celle des précédens, sçavoir : qu’il subit une telle condamnation, non point pour sa magie, mais parce qu’il voulut rendre raison des effects merveilleux qui arrivent le plus souvent en la nature, par la vertu des corps célestes, sans les rapporter aux anges ou démons. Ce qui est très-apparent par le recueil qu’a faict Symphorien Champier [* 2] des passages de ses Différences, qui ne doivent estre leus sans précaution, et par l’authorité péremptoire de François Picus, qui dict expressément, parlant d’iceluy [* 3] : Ab omnibus fermè creditus est magus ; verùm constat quàm oppositum dogma ei aliquandò tributum sit, quem etiam hæreseum inquisitores vexaverunt, quasi nullos esse dæmones crediderit ; à quoy il faut adjouster que Baptiste de Mantoue [* 4] l’appelle pour cette occasion Virum magnæ, sed nimiùm audacis temerariæque doctrinæ ; que Casmannus [* 5] le met au nombre de ceux qui rapportoient tous les miracles à la nature ; et que le Loyer, en ses Spectres [* 6], asseure qu’il se mocquoit des sorciers et de leur sabbat : d’où l’on se pourroit estonner que les mesmes autheurs le nomment en beaucoup d’autres endroits parmy les enchanteurs et magiciens, si ce n’estoit l’ordinaire de ceux qui escrivent sur cette matière de grossir tellement leurs livres, en copiant tout ce qu’ils trouvent dans les autres, que difficilement peuvent-ils observer le précepte du poëte :

Primo ne mediom, medio ne discrepet imum [15].


Après cela, son apologiste expose qu’il a de quoi le défendre, et du crime de magie et de celui d’athéisme, tant par le tesmoignage que l’illustrissime et religieux Frédéric duc d’Urbin a voulu rendre à ses mérites, luy dressant une statue parmy celles des hommes illustres qui se voyent en sa citadelle, que par l’attestation publique de la ville de Padoue, qui a faict mettre son effigie sur la porte de son palais, entre celles de Tite-Live, Albert et Julius Paulus, avec cette inscription sur la base : Petrus Aponus, Patavinus, philosophiæ medicinæque scientissimus, ob idque Conciliatoris nomen adeptus, astrologiæ verò adeò peritus, ut in magiæ suspicionem inciderit, falsòque de hæresi postulatus, absolutus fuerit [16]... Mais, ajoute-t-il [17], pour descouvrir entièrement la fausseté des objections, l’on peut respondre à ce que Lucdwigius [* 7] a dit des sept esprits qui luy enseignèrent les sept arts libéraux, que cette narration fabuleuse a pris son origine sur ce que le mesme Pierre d’Apone [* 8] assure, après Albumazar, que les prières qui sont faictes à Dieu lorsque la lune est conjoincte avec jupiter, en la teste du dragon, sont infailliblement exaucées ; et que pour luy, comme il eût demandé suivant ses propres termes sapientiam, à primo visus est sibi in illâ amplius proficere. Sur quoi néanmoins beaucoup d’autheurs se mocquent, à bon droict, de ce qu’il a désavoué si indiscrètement toutes ses veilles et labeurs, pour n’estre redevable de sa doctrine qu’à la superstition de cette prière, qui ne peut estre que vaine et sans efficace, en tel sens qu’on la veuille prendre. Car si l’on dict qu’elle s’addresse aux astres, c’est une pure bestise de croire qu’ils la puissent entendre ; si à Dieu, je demanderois volontiers s’il estoit sourd auparavant cette conjonction, s’il ne veut recevoir nos prières sans icelle, ou si elle le peut contraindre et nécessiter à condescendre aux vœux que l’on luy fait. Et de là vient que Jean Pic [* 9] avoit raison de dire, en parlant de ce nouveau Salomon : Consulerem Petro isti ut totum quod profecit suæ potiùs industriæ ingenioque acceptum referret, quàm joviæ illi suæ supplicationi. L’on peut dire aussi, pour satisfaire à la preuve des trois livres divulgués sous son nom, qu’ils luy sont non moins faussement attribuez, que beaucoup d’autres à presque tous les grands esprits, tesmoin que Trithème [* 10] ne les veut advouër pour légitimes, à cause du grand nombre de fables que l’on avoit pris plaisir de forger sur cet autheur ; et ce qu’il avoit dict auparavant en son Catalogue des Escrivains Ecclésiastiques, qu’il ne tenoit pour véritable ce que l’on disoit de la magie de Pierre d’Apono, parce qu’il ne s’estoit jamais apperceu qu’il eust faict aucun livre sur le sujet d’icelle. À quoi si l’on veut encores adjouster le silence de tous les bibliothécaires, et la confirmation que Symphorien Champier [* 11] donne à cette autorité de Trithème, quand il asseure qu’il n’a jamais veu aucun de ses livres en magie, sinon quelque différence où il en traicte comme en passant, je croy qu’il n’y aura plus rien qui nous puisse empescher de recognoistre son innocence, et de juger avec les mieux sensez que tout le soupçon que l’on a eu de sa magie vient comme de sa vraye source et origine de la puissance qu’il luy attribue en la différence clvi de son Conciliator, et des prédictions qu’il pouvoit faire au moyen de l’astrologie, sur lesquelles, par laps de temps, toutes ces fables et chimères se sont glissées, suivant le dire très-véritable de Properce :

Omnia post obitum fingit majora vetustas [* 12].

Notez quelques fautes de M. de Clavigni de Sainte-Honorine. Il prétend que l’effigie de Pierre d’Apono, qui fut faite par les soins du duc d’Urbin, est dans la place publique de Padoue avec Tite-Live, Albert et Julius Paulus, et que l’inscription contient Astrologiæ adeò peritus, ut in magiæ suspicionem venerit [18]. 1o. La statue où se lisent ces paroles n’est pas dans la place publique de Padoue, mais sur l’une des portes de la maison de ville : In unâ portarum Prætorii Patavini [19]. 2o. La statue que le duc d’Urbin fit faire, ne fut point mise dans Padoue, mais dans le château de ce duc. 3°. Elle ne contient point les paroles que M. de Clavigni rapporte. Voyez Tomasini [20].

(D) Son cadavre échappa à la diligence des inquisiteurs, qui voulaient le faire brûler. ] Pierre d’Apone, accusé de nécromancie et d’hérésie, mourut pendant le procès, et fut enterré dans l’église de Saint-Antoine. Tous les zélés s’en scandalisèrent : les inquisiteurs continuèrent leurs procédures, et l’ayant convaincu d’impiété, par ses écrits, ils condamnèrent son cadavre à être brûlé ; et comme ils ne le trouvèrent point, ils firent brûler publiquement une figure qui le représentait. Voilà ce qu’on lit dans M. de Sponde [21] : mais comment l’accorderons-nous avec l’inscription que les magistrats de Padoue firent mettre sous la statue de ce médecin, et où ils déclarèrent qu’il fut absous [22] ? Pierre de Saint-Romuald rapporte que les inquisiteurs, ayant lu publiquement la condamnation de Pierre d’Apone, firent mettre au feu son effigie. Il remarque aussi qu’ils ne purent trouver son corps, parce que sa concubine Mariette l’avait déterré de nuict secrètement, et caché dans un sépulchre rompu [23].

(E) Ses accusateurs lui attribuent des opinions incompatibles : ils veulent qu’il ait été magicien, et qu’il n’ai point cru qu’il y eût des diables. ] Nous avons vu [24] comment son apologiste se prévaut de cette contradiction ; mais il aurait dû prendre garde que Bodin met Pierre d’Apone entre les sorciers qui, pour éluder les poursuites de la justice, soutiennent que tout ce qu’on dit des diables et de la magie est une chimère. Bodin déclare qu’il a fait le livre de la Démonomanie des sorciers, entre autres raisons « pour respondre à ceux qui, par livres imprimez, s’efforcent de sauver les sorciers par tous moyens, en sorte qu’il semble que Satan les ait inspirez et attirez à sa cordelle, pour publier ces beaux livres, comme estoit un Pierre d’Apone, médecin, qui s’efforçoit faire entendre qu’il n’y a point d’esprits, et néanmoins il fut depuis avéré qu’il estoit des plus grands sorciers d’Italie [25]. »

(F) Il mourut l’an 1316, à l’âge de soixante-six ans. ] C’est ce qu’on lit dans une inscription rapportée par Tomasini [26] ; cela étant, il faut dire que Naudé se trompe lorsqu’il dit que Pierre d’Apone, accusé à l’âge de quatre-vingts ans, mourut l’an 1305 [* 13]. Freher dit la même chose, comme tirée de Bernardin Scardeon [27]. Disons aussi que Gesner se trompe, en faisant fleurir Pierre d’Apone l’an 1320 [28]. M. Konig a copié cette faute [29]. Mais le père Rapin s’abuse plus étrangement, puisqu’il le place au XVIe. siècle. Pierre d’Apone, dit-il [30], médecin de Padoue, qui florissait sous Clément VII, se gâta si fort l’imagination par la lecture des philosophes arabes, et par les spéculations trop fréquentes sur l’astrologie d’Alfraganus, qu’il fut mis à l’inquisition pour avoir été soupçonné de magie. Vossius a suivi Gesner, et a fait une observation qui mérite d’être pesée : Pierre d’Apone, dit-il [31], envoya son livre de Medicinâ omnimodâ au pape Jean XXII, qui fut élu l’an 1316, et siéga dix-sept ans. Nous connaissons donc par-là le temps de ce médecin. Mais si l’an 1316 fut celui de sa mort, la conclusion n’est pas exacte, et ne sauve pas d’erreur Vossius.

  1. (*) In Vitis illustr. Medicorum.
  2. (*) III parte, lib. Cribrat.
  3. (*) Lib. VII de Prænot., cap. VII.
  4. (*) Lib. I, de Patientiâ, cap. III.
  5. (*) Angelogr., part. II, cap. XXI, quæst. II.
  6. (*) Liv. IV, chap. III.
  7. (*) Dæmonomagiæ, quæst. XVI.
  8. (*) Differentia CLVI.
  9. (*) Lib. IV, adversùs Astrolog., cap. VIII.
  10. (*) Antipali., lib. I, cap. III.
  11. (*) Tractat. IV, lib. de claris medicinæ Scriptoribus.
  12. (*) Eleg. I, vs. 23, lib. III.
  13. * Nicéron, tom. XXVI de ses Mémoires, pag. 316, reproche à Bayle d’adopter 1305 peur date de la mort d’Apone. Ce reproche est injuste. Bayle est pour 1316.
  1. Gabriel Naudæus, de Antiquitate Scholæ Medicæ Parisiensis, pag. 44, et seq.
  2. Mercklinus, in Lindenio renovato, pag. 878.
  3. Idem, ibid.
  4. Camerarius, Meditations Historiq., tom. I, liv. I, chap. IV.
  5. Là même.
  6. In Vitâ Honorii IV.
  7. Secondo Lancelloti da Perugia, l’Hoggidi, parte II, Disinganno XVIII, pag. 377.
  8. Freher., in Theatro Viror illustr., pag. 1209. Il cite Bernardus Scardeonus, lib. II, classe IX, Historiæ Patavinæ.
  9. Naudé, Apologie des grands Hommes accusés de magie, chap. XIV, pag. 380.
  10. Cela est faux. Voyez la remarque (F).
  11. Cela est faux. Voyez la même remarque.
  12. Naudé, Apologie des grands Hommes accusés de Magie, chap. XII, pag. 38.
  13. Là même, pag. 382.
  14. Cela paraît par toutes ses Œuvres et principalement en la différence clvi de son Conciliator. Naudé, Apologie des grands Hommes, pag. 384.
  15. Naudé, Apologie des grands Hommes, pag. 384.
  16. Naudé, Apologie des grands Hommes, pag. 386. Cette inscription est dans Tomasin, in Elog. illustr, Virorum, pag. 23.
  17. Là même, pag. 388.
  18. Clavigni de Sainte-Honorine, lecture des livres suspects, pag. 101, 102.
  19. Tomasini, Elog. Viror. Illust., pag. 23.
  20. Ibidem.
  21. Spondanus, Annal. Eccles. ad ann. 1316, num. 8. Il cite Scardeon. Hist. Patav., lib. II, class. IX.
  22. Voyez cette Inscription ci-dessus, citation (16).
  23. Saint-Romuald, Journal chronol. et historiq. au 31 de décembre. Il cite Bernard Scande : il voulait dire sans doute Bernardin Scardeon.
  24. Dans la remarque (C).
  25. Bodin, préface de la Démonomanie des sorciers, pag. 5. Voyez aussi chap. V, pag. 71.
  26. Tomasinus, in Elog. Viror. illustrium, pag. 22.
  27. Paulus Freher., in Theatro Viror. illust., pag. 209.
  28. Gesnerus, in Bibliothecâ, folio 544.
  29. Konig, Bibl. vet. et nova, pag. 49.
  30. Rapin, Réflex. sur la philos., num. 28, pag. 360.
  31. Vossius, de Scient. Mathem., pag. 181.

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