Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Apulée

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APULÉE (Lucius), en latin Apuleius, philosophe platonicien, connu de tout le monde par le fameux ouvrage de l’Âne d’or, a vécu au IIe. siècle, sous les Antonins (A). Il était de Madaure, colonie romaine dans l’Afrique (B). Sa famille était considérable (C) : il fut bien élevé ; il était bien fait de sa personne, il avait de l’esprit, il devint savant ; mais il se rendit suspect de magie, et cette mauvaise réputation fait beaucoup de tort encore aujourd’hui à sa mémoire. Il étudia premièrement à Carthage, puis à Athènes, ensuite à Rome (D), où il apprit la langue latine, sans le secours de qui que ce fût. Une insatiable curiosité de tout savoir l’engagea à faire divers voyages, et à s’enrôler dans diverses confréries de religion (E). Il voulait voir le fond de leurs prétendus mystères, et c’est pour cela qu’il demandait à y être initié. Il dépensa presque tout son bien dans ces voyages (F) ; de sorte qu’étant retourné à Rome, et se voulant consacrer au service d’Osiris, il n’avait pas assez d’argent pour soutenir la dépense à quoi l’exposaient les cérémonies de la réception. Il engagea jusqu’à son habit pour faire la somme nécessaire [a] : après quoi, il gagna sa vie à plaider des causes : et comme il était assez éloquent, et assez subtil, les procès, et même les grands procès, ne lui manquaient pas [b]. Mais il se mit encore plus à son aise, par le moyen d’un bon mariage, que par le moyen de la plaidoirie. Une veuve, nommée Pudentilla, qui n’était ni jeune ni belle, mais qui avait besoin d’un mari, et beaucoup de bien, le trouva fort à son goût (G). Il ne fit point le renchéri : il ne se soucia point de réserver sa bonne mine, Sa propreté (H), son esprit et son éloquence, pour quelque jeune tendron ; il épousa de bon cœur la riche veuve, dans une maison de campagne auprès d’Œea, ville maritime d’Afrique. Ce mariage lui attira un fâcheux procès : les parens des deux fils de cette dame prétendirent qu’il s’était servi de sortiléges pour s’emparer de son cœur et de son argent (I) : ils le déférèrent comme un magicien [c] non pas devant des juges chrétiens, ainsi qu’un commentateur [d] prétend que saint Augustin l’assure ; mais devant Claudius Maximus, proconsul d’Afrique, et païen de religion. Il se défendit avec beaucoup de vigueur : nous avons l’Apologie qu’il prononça devant les juges. C’est une très-belle pièce [e] : on y voit des exemples des plus honteux artifices que la mauvaise foi d’un impudent calomniateur soit capable de mettre en jeu (K). On a observé qu’Apulée, avec tout son art magique, ne put jamais parvenir à aucune magistrature : quoiqu’il fût de bonne maison, qu’il eût été fort bien élevé, et que son éloquence fût fort estimée [f]. Ce n’est point par un mépris philosophique, poursuit-on, qu’il a vécu hors des emplois politiques ; car il se faisait honneur d’avoir une charge de prêtre, qui lui donnait l’intendance des à jeux publics ; et il disputa vivement contre ceux qui s’opposaient à l’érection d’une statue, dont les habitans d’Œea le voulurent honorer [g]. Rien ne montre plus sensiblement l’impertinente crédulité des païens, que d’avoir dit qu’Apulée avait fait un si grand nombre de miracles (L), qu’ils égalaient, ou même qu’ils surpassaient, ceux de Jésus-Christ. Il y eut sans doute bien des gens qui prirent pour une histoire véritable tout ce qu’il raconte dans son Âne d’or. Je m’étonne que saint Augustin ait été flottant sur cela [h], et qu’il n’ait pas certainement su qu’Apulée n’avait donné ce livre que comme un roman [i]. Il n’en était pas l’inventeur : la chose venait de plus loin, comme M. Moréri l’a entrevu (M) dans les paroles de Vossius qu’il n’a pas bien entendues. Quelques païens ont parlé de ce roman avec mépris (N). Apulée avait été extrêmement laborieux (O) : il avait composé plusieurs livres (P), les uns en vers, les autres en prose, dont il n’y a qu’une partie qui ait résisté aux injures du temps. Il se plaisait à déclamer, et il le faisait avec l’applaudissement de tout l’auditoire. Lorsqu’il se fit ouïr à Œea, les auditeurs s’écrièrent tout d’une voix, qu’il lui fallait conférer l’honneur de la bourgeoisie [j]. Ceux de Carthage l’écoutèrent favorablement, et lui érigèrent une statue [k] : plusieurs autres villes lui firent le même honneur [l]. On dit que sa femme lui tenait la chandelle pendant qu’il étudiait ; mais je ne crois pas qu’il faille prendre cela au pied de la lettre : c’est apparemment une figure de l’éloquence gauloise de Sidonius Apollinaris : Legentibus meditantibusque candelas et candelabra tenuerunt [m]. Plusieurs critiques ont publié des notes sur Apulée (Q). Je ne sache point [n] qu’on ait d’autres traductions françaises de l’Âne d’or, qu’en vieux gaulois (R). On a raison de prendre ce livre pour une satire continuelle des désordres dont les magiciens, les prêtres, les impudiques, les voleurs, etc., remplissaient alors le monde (S).

  1. Voyez la remarque (F).
  2. Quæ res summum peregrinationi meæ tribuebat solatium nec minùs etiam victum uberiorem subministrabat, Quidni ? spiritu faventis eventûs quæsticulo forensi nutrito, per patrocinia sermonis romani....... quam nunc inconstanter gloriosa in foro redderem patrocinia. Apuleius, Metam., lib. XI, pag. 272., edit. Elmenhorstii, an. 1621, in-8.
  3. L’accusateur s’appelait Sicinius Æmilianus. Il était frère du premier mari de Pudentilla. Apuleius, Apologiæ initio.
  4. Leon. Coqueus, in Augustin. de Civitate Dei, lib. VIII, cap. XIX, pag. 790 ; edit. Francof., an. 1661, in-4o. ; mais il se trompe : saint Augustin dit tout le contraire.
  5. Augustinus, de Civitate Die, lib. VIII, cap. XIX.
  6. Saint Augustin fait cette remarque, dans son Épître V. Voyez la remarque (L), à la fin.
  7. Prostatuâ sibi apud Œcenses locandâ, ex quâ civitate habebat uxorem, adversùs contradictionem quorundam civium litigaret, quòd posteros ne lateret ejusdem litis orationem scriptam memoriæ commendavit. August. Epist. V.
  8. Idem, de Civitate Dei, lib. XVIII, cap. XVIII.
  9. Sermone isto Milesio varias fabulas conseram. Apul. in Prologo Asini aurei.
  10. Apul in Apolog., pag. 320.
  11. Idem, Floridor., pag. 355 et seq.
  12. Ibidem, pag. 356.
  13. Sidon. Apollin., Epist. X, lib. II.
  14. On écrit ceci l’an 1694.

(A) Il a vécu au IIe. siècle, sous les Antonins [1]. ] Pierre Pithou, rejetant bien loin ceux qui disent qu’Apulée a vécu après Théodose, prouve qu’il a vécu environ le temps d’Antonin Pius, et après [2]. Ce sentiment est appuyé sur de si bonnes raisons, que je ne vois personne qui ne l’embrasse. Il est manifeste qu’un Scipion Orfitus, qu’un Lollianus Avitus, qu’un Claudius Maximus, qu’un Lollius Urbicius, desquels Apulée parle comme de personnes vivantes, ont vécu sous les Antonins. Le père Noris critique mal Elmenhorst : il lui impute d’avoir avoué son ignorance sur le temps auquel Apulée a vécu [3], et il lui montre deux passages de l’Apologie d’Apulée, dans l’un desquels Antonin n’est point qualifié Divus, et dont l’autre fait mention du proconsul Lollianus Avitus, qui fut consul l’an 144. L’absence de Divus est une assez bonne preuve qu’Antonin vivait encore. Le père Noris n’aurait pas tort, si celui qu’il a critiqué n’avait point dit ce que l’on va lire. Quo anno natus (Apuleius) non liquidò liquet. Verisimiliter tamen possumus adserere eum temporibus Antonini Pii divorumque fratrum vixisse. Meminit enim [* 1] Lolliani Aviti, Lollii [* 2] Urbicii Pudentis, et [* 3] Scipionis Orphiti Coss. qui sub Antonino præcipuè floruerunt, summis macti honoribus, ut constat ex L. 3. ff. de his quæ in testament, delent. et L. 3. § 2. fl. de Decurion. [4]. Le passage, où Antonin n’est point qualifié Divus, contient les reproches qu’Apulée fait au fils de sa femme, sur ce qu’il produisait des lettres d’amour de sa mère : Hucusquè à vobis miserum istum puerum depravatum, ut matris suæ epistolas, quas putat amatorias, pro tribunali proconsulis recitet apud virum sanctissimum Claudium Maximum, ante has imperatoris Pii statuas filius matris suæ pudenda exprobret stupra, et amores objectet [5] ! Jonsius se trompe doublement, lorsque pour prouver qu’Apulée a vécu au temps que je lui assigne, il dit que ce philosophe donne à Antonin Pius l’éloge de Divus [6]. Le fait est faux, et la conséquence que l’on en tire est nulle.

(B) Il était de Madaure, colonie romaine dans l’Afrique. ] Cette ville, qui avait appartenu à Syphax, fut donnée à Masinissa par les Romains : Neque hoc eo dixi, quod me patriæ meæ pœniteret, etsi adhuc Syphacis oppidum essemus : quo tamen victo, ad Masinissam regen concessimus, munere populi Romani, ac deinceps veteranorum militum novo conditu, splendidissima colonia sumus [7]. Peu auparavant, il avait dit qu’il n’avait point de honte de participer comme Cyrus à deux nations différentes : De patriâ meâ ver quòd eam sitam Numidiæ et Gætuliæ in ipso confinio meis scriptis ostendisti, quibus memet professus sunt....... Seminumidam et Semigætulum, non video quid mihi sit in eâ re pudendum, haud minùs quàm Cyro majori quòd genere mixto fuit, Semimedus ac Semipersa. Un certain homme, qui se voulut ériger en censeur général vers la fin du XVIe. siècle, nous tombe ici entre les mains. Après avoir dit que Lucien, sous la forme prétendue d’âne, enseigne mille impudicités, il ajoute : Apuleius hunc imitatus, ut vir græcus se latinè nescivisse ingenuè confessus, in Asino aureo planè rudit [8]. Premièrement, il n’est pas vrai qu’Apulée avoue qu’il n’entend point le latin : il dit seulement, 1o. qu’il l’ignorait la première fois qu’il vint à Rome ; 2o. qu’il l’apprit sans maître. En second lieu, il n’est point vrai qu’il fût Grec. Madaure était une colonie romaine ; et, lorsqu’il se veut justifier par l’exemple des autres poëtes, il cite les Grecs comme étrangers, et les Latins comme ses compatriotes : Fecêre tamen et alii talia, et... apud Græcos Tejus quidam...... apud nos verò, Œdituus, et Portius, et Catulus [9]. Ce qu’il y a de vrai, c’est que la langue latine n’était pas commune à Madaure. Apulée, fils d’un des premiers magistrats, n’y entendait rien quand il vint à Rome. Le fils de Pudentilla sa femme n’entendait que le punique et un peu de grec, que sa mère, originaire de Thessalie, lui avait appris : Loquitur nunquàm nisi punicè, et si quid adhuc à matre græcissat : latinè enim neque vult neque potest [10].

(C) Sa famille était considérable. ] Son père se nommait Thésée. On ne le sait que par ces paroles : Si contentus lare parvulo, Thesei illius cognominis patris tui virtutes æmulaveris [11]. Il avait exercé à Madaure la charge de duumvir. C’était la première dignité d’une colonie : In quâ coloniâ patrem habui loco principe duumviralem, cunctis honoribus perfunctum [12]. Sa mère, nommée Salvia [13], était originaire de Thessalie, et descendait de la famille de Plutarque. Il le dit lui-même, dès le commencement de son roman. Saint Augustin a reconnu qu’Apulée était de bonne maison : c’est dans sa Ve. lettre. Voyez ci-dessous la remarque (E), citation (18).

(D) Il étudia premièrement à Carthage, puis à Athènes, ensuite à Rome. ] On ne trouverait point cette gradation, si l’on s’arrêtait au prologue de son roman, puisqu’il n’y parle point de Carthage. Il se contente de dire que ses premières études ont été celles de la langue grecque dans la Grèce, et qu’après cela il vint à Rome, où il étudia le latin sans le secours d’aucun maître : Ibi linguam Attidem primis pueritiæ stipendiis merui, mox in urbe latiâ advena studiorum Quiritium indigenam sermonem ærumnabili labore, nullo magistro præeunte, aggressus excolui. Cette narration est trompeuse : elle n’est rien moins qu’exacte : il la faut rectifier par d’autres passages d’Apulée. Se faut-il étonner qu’un auteur raconte mal les actions d’autrui ? ne raconte-t-il pas quelquefois les siennes bien confusément ? Voici ces autres passages de notre auteur. Il dit aux Carthaginois qu’il a étudié dans son enfance chez eux, et qu’il a même commencé d’y embrasser la secte platonicienne : Sum vobis nec lare alienus, nec pueritiâ invisitatus, nec magistris peregrinus, nec sectâ incognitus...... Enimverò et pueritia apud vos, et magistri vos ; et secta, licet Athenis Atticis confirmata, tamen hìc inchoata est [14] : à quoi il ajoute, Hanc ego vobis mercedem, Carthaginienses, ubiquè gentium dependo, pro disciplinis quas in pueritiâ sum apud vos adeptus. Ubiquè enim me vestræ civitatis alumnum fero [15]. Quelques pages après, il fait un dénombrement des sciences qu’il étudia à Athènes : Prima cratera litteratoris ruditatem eximit : secunda grammatici doctrinâ instruit : tertia rhetoris eloquentiâ armat. Hactenùs a plerisque potatur. Ego et alias crateras Athenis bibi : poëticæ commentam, geometricæ limpidam, musicæ dulcem, dialecticæ austerulam, enimverò universæ philosophiæ inexplebilem, scilicet nectaream [16]. Quelques-uns veulent qu’il ait étudié dans la Grèce en deux différens temps ; d’abord, avant que d’étudier à Carthage, et puis lorsqu’il eut étudié dans cette ville. Ils ne parlent point de Rome : ils prétendent que ce fut à Carthage qu’il apprit la langue latine [17] : ce dernier fait est visiblement démenti par le prologue de l’Âne d’or.

(E) Son insatiable curiosité de tout savoir l’engagea..…. à s’enrôler dans diverses confréries de religion. ] Il se fait dire ces paroles dans le IlIe. livre de l’Âne d’or : Paveo et formido solidè domus hujus operta detegere, et arcana dominæ meæ revelare secreta. Sed meliùs de te doctrinâque tuâ præsumo, qui præter generosam natalium dignitatem, præter sublime ingenium, sacris pluribus initiatus, profectò nôsti sanctam silentù fidem [18]. Il finit son roman par le narré de son entrée dans la religion d’Osiris. Ce fut à Rome que cet honneur lui arriva. Il ne fut guère parmi le commun des initiés ; il monta bientôt aux premiers grades : Deniquè per dies admodùm pauculos, Deus Deûm magnorum potior, et majorum summus, et summorum maximus, et maximorum regnator Osiris non in alienam quampiam personam reformatus, sed coràm suo illo venerando me dignatus afflamine, per quietem præcipere visus est... Ac ne sacris suis gregi cætero permixtus deservirem, in collegium me Pastophororum suorum, imò inter ipsos decurionum quinquennales elegit. Avant que de venir à Rome, il avait été initié aux mystères d’Isis : ce furent les prémices de son humanité recouvrée. Il mêle dans la description de ces sortes de cérémonies plusieurs nobles sentimens, et qui ne sont dignes que de la vraie religion. Tel est, par exemple, celui-ci : Te jam nunc obsequio religionis nostræ dedica, et ministerii jugum subi voluntarium ; nam cùm cœperis Deæ servire, tunc magis senties fructum tuæ libertatis [19]. Ceux qui l’accusèrent de magie, lui objectèrent entre autres choses qu’il conservait je ne sais quoi dans un mouchoir avec une singulière superstition. Voici ce qu’il répondit : Vindicam cujusmodi illas res in sudario obvolutas laribus Pontiani commendârim ? Mos tibi geretur. Sacrorum pleraque initia in Græciâ participavi. Eorum quædam signa et monumenta tradita mihi à sacerdotibus sedulò conservo. Nihil insolitum, nihil incognitum dico. Vel unius Liberi patris symmistæ, qui adestis, scitis quid domi conditum celetis, et absque omnibus profanis tacitè veneremini. At ego, ut dixi, multijuga sacra, et plurimos ritus, varias cerimonias, studio veri et officio erga Deos didici. Nec hoc ad tempus compono, sed abhinc fermè triennium est, cùm primis diebus quibus Oeam veneram, publicè disserens de Æsculapii majestate, eadem ista præ me tuli, et quot sacra nôssem percensui. Ea disputatio celebratissima est, vulgò legitur, in omnium manibus versatur... Etiamne cuiquam mirum videri potest, cui sit ulla memoria religionis, hominem tot mysteriis Deûm conscium, quædam sacrorum crepundia domi adservare, atque ea lineo texto involvere, quod purissimum est rebus divinis velamentum [20] ? Il est probable que si Apulée était magicien, son crime était incomparablement moindre que celui des magiciens d’aujourd’hui, parce qu’il ne savait pas qu’il n’y eût que de mauvais génies qui s’attachassent à faire certaines choses à la présence de certaines cérémonies. Il croyait avec les Platoniciens que de bons génies pouvaient aussi faire cela [21]. J’ai cité dans le texte de cet article saint Augustin qui témoigne qu’Apulée avait une dignité de religion qui lui donnait l’intendance des combats des gladiateurs : Sacerdos provinciæ pro magno fuit, ut munera ederet venatoresque vestiret [22]. Enfin, je trouve que notre auteur s’était consacré au culte d’Esculape, l’une des principales divinités des Carthaginois, et qu’il avait même une dignité dans ce collége : Principium mihi apud vestras aureis auspicatissimum ab Æsculapio deo capiam, qui arcem vestræ Carthaginis indubitabili numine propitius respicit. Ejus dei hymnum græco et latino carmine vobis sic canam, jam illi à me dedicatum. Sum enim non ignotus illius sacricola, nec recens cultor, nec ingratus antistes [23].

(F) Il dépensa presque tout son bien dans ses voyages. ] Ce ne fut point la seule cause de la pauvreté où il tomba ; il fit des dépenses beaucoup plus louables : il s’en vanta, du moins, lorsqu’il répondit au reproche qu’on lui avait fait de sa misère : Ad istum modum desponsus sacris, sumptuum tenuitate contra votum meum retardabar : nam et viriculas patrimonii peregrinationis attriverant impensæ [24]. C’est ainsi qu’il parle, en représentant l’embarras où il se trouvait à Rome, au sujet de sa vocation à la confrérie d’Osiris. Il était hypothéqué à cette mystérieuse congrégation, les promesses étaient données ; mais comme on n’a jamais fait rien pour rien, il fallait payer quelque chose pour les cérémonies inaugurales, et il n’avait pas de quoi fournir à cette dépense. Il fallut, pour ainsi dire, qu’il vendît jusqu’à sa chemise : la divinité, qui le pressait, ne lui indiqua point d’autre ressource : Jamque sæpiculè non sine magnâ turbatione stimulatus, postremò jussus veste ipsâ meâ quamvis parvulâ distractâ sufficientem corrasi summulam, et idipsum præceptum fuerat specialiter. An tu, inquit, si quam rem voluptatis struendæ molireris, laciniis tuis nequaquàm parceres, nunc tantas cerimonias aditurus impœnitendæ te pauperiei contaris committere [25] ? Alors, il n’attribuait son indigence qu’aux frais de ses voyages ; mais dans l’autre rencontre dont j’ai parlé, il dit qu’il avait dépensé beaucoup à faire de bonnes œuvres, à secourir ses amis, à reconnaître les soins de ceux qui l’avaient instruit, à doter les filles de quelques-uns d’eux. Il ajoute qu’il n’aurait pas fait difficulté d’acheter au prix de tout son patrimoine le mépris de son patrimoine : mépris qui est un bien plus considérable que le patrimoine même. C’est parler en philosophe cela. Si tamen nescis, c’est ainsi qu’il adresse la parole à son délateur [26], profiteor mihi ac fratri meo relictum à patre H-S. vicies, paulò secùs ; idque à me longâ peregrinatione et diutinis studiis, et crebris liberalitatibus modicè imminutum. Nam et amicorum plerisque opem tuli, et magistris plurimis gratiam retuli, quorumdam etiam filias dote auxi. Neque enim dubitâssem equidem vel universum patrimonium impendere, ul adquirerem mihi quod majus est, contemptum patrimonii. Il avait fait des réflexions très-solides et très-morales sur la pauvreté [27].

(G) Une veuve, qui n’était ni jeune ni belle, mais qui avait besoin d’un mari... le trouva fort à son goût. ] L’accusateur d Apulée la soutenait âgée de soixante ans [28] : il avait son but ; il croyait prouver par-là que la passion qu’elle avait conçue pour l’accusé n’était point naturelle, mais l’effet de quelque charme magique. Apulée fit voir qu’elle n’avait guère plus de quarante ans, et que si elle en avait passé près de quatorze dans l’état de veuve, ce n’avait nullement été par aversion pour le mariage, mais à cause des oppositions de son beau-père : qu’enfin, cet état de continence lui avait ruiné la santé, jusque-là que les médecins et les sages-femmes s’accordèrent à dire qu’il n’y avait point de meilleur remède aux suffocations qui la tourmentaient que le mariage [29]. Une femme à qui l’on dit cela, et qui n’a guère de temps à perdre, si elle veut mettre à profit ce qui lui reste d’années de fécondité, n’a nul besoin d’être contrainte par la force des sortiléges à se choisir un époux. Ce fut le raisonnement d’Apulée, et il a beaucoup de force : Eo scrupulo liberata, cùm à principibus viris in matrimonium peteretur, decrevit sibi diutiùs in viduitate non permanendum. Quippè ut solitudinis tædium perpeti posset, tamen ægritudinem corporis ferre non poterat. Mulier sanctè pudica, tot annis viduitatis sine culpâ, sine fabulâ absuetudine conjugis torpens, et diutino situ viscerum saucia, vitiatis intimus uteri, sæpè ad extremum vitæ discrimen doloribus obortis exanimabatur. Medici cum obstetricibus consentiebant, penuriâ matrimonii morbum quæsitum. Malum in dies augeri, ægritudinem ingravescere : dum ætatis aliquid supersit, nuptis valetudinem medicandam [30]. C’est un malheur pour une femme, que certains procès où il faut dire cent choses en pleine audience, qu’on aimerait mieux cacher, soit que l’infirmité naturelle y ait plus de part que l’infirmité morale, soit qu’elle y ait moins de part [31]. Sans ce procès, Apulée se fût bien gardé d’indiquer la cause des maux dont Pudentilla avait été tourmentée pendant son veuvage. Elle y trouvait néanmoins quelque petite douceur : car, puisqu’elle avait tant souffert, c’était une marque qu’elle ne s’était point servie du vrai remède. On n’allégua point aux juges cette conséquence ; mais on assura que cette veuve avait vécu chastement, et qu’il n’avait couru d’elle aucun mauvais bruit. Revenant à son âge, je dis qu’Apulée était sans doute plus jeune qu’elle, car elle avait un fils qui avait été à Athènes le camarade d’Apulée [32] : mais j’ajoute qu’il ne l’épousa pas sans espérance d’en avoir des enfans. Il le témoigne, lorsqu’il répond au reproche qu’on lui faisait de s’être allé marier à la campagne. Après avoir répondu qu’on avait pris ce parti, afin d’éviter les frais que les noces leur auraient coûté dans la ville, il ajoute que la campagne est un poste beaucoup plus favorable que la ville en matière de fécondité, et que se coucher sur l’herbe, et à l’ombre des ormeaux, et au milieu d’une infinité de productions qui naissent du sein fertile de la terre, ne peut qu’apporter bonheur à de nouveaux mariés qui veulent avoir des enfans. Il eût bien fait de garder cette pensée pour ses Florida, je veux dire pour ces déclamations de rhétoricien, où il lâche la bride à toutes les fausses pensées de son imagination. Cet endroit gâte son apologie : il n’est digne, ni des juges à qui il parlait, ni de la cause qu’il plaidait : Immò si verum velis, uxor ad prolem multò auspicaciùs in villâ quàm in oppido ducitur : in solo uberi, quàm in loco sterili : in agri cespite, quàm in fori silice : mater futura in ipso materno si nubat sinu, in sesete adultâ super fœcundam glebam. Vel enim sub ulmo marita cubet in ipso gremio terræ matris inter soboles herbarum, et propagines vitium, et arborum germina [33]. Nous verrons ci-dessous [34], qu’on déclara en pleine audience que Pudentilla n’était point belle, et que son contrat de mariage contenait des clauses qui supposaient qu’elle était encore en âge d’avoir des enfans

(H) Sa bonne mine, sa propreté, etc. ] Voici quelques parties de son portrait : At illa obtutum in me conversa, en, inquit, sanctissimæ Salviæ matris generosa proles. Sed et cætera corporis inexplicabiliter ad regulam congruentia, inenormis proceritas, succulenta gracilitas, rubor temperatus ; flavum et inaffectatum capillitium ; oculi cæsii quidem, sed vigiles, et in aspect micantes prorsùs aquilino, quoquò versum floridi : speciosus et immeditatus incessus [35]. Ses accusateurs lui reprochèrent sa beauté [36], ses beaux cheveux, ses belles dents, son miroir. Sur les deux premiers chefs, il répondit qu’il était fâché que l’accusation fût fausse : Quòd utinam tam gravia formæ et facundiæ crimina verè mihi approbrâsset ! non difficile ei respondissem quod Homericus Alexander Hectori :

Οὔτι ἀπόϐλητ᾽ ἐςὶ θεῶν ἐρικύδεα δῶρα.

Ὅσσα κεν αὐτοὶ δῶσιν, ἑκὼν δ᾽ οὐκ ἄν τις ἕλοιτο. Ili. III, vs. 65, 66.

Munera Deûm gloriosissima nequaquàm aspernanda :

Quæ tamen ab ipsis tribui sueta, multis volentibus non obtingunt.


Hæc ego de formâ respondissem. Prætereà, licere etiam philosophis esse vultu liberali. Pythagoram, qui primum sese philosophum nuncupârit, eum sui sæculi excellentissimâ formâ fuisse : item Zenonem.…. Sed hæc defensio, ut dixi, aliquammultùm à me remota est : cui, præter formæ mediocritatem, continuatio etiam litterati laboris omnem gratiam corpore deterget, habitudinem tenuat, succum exorbet, colorem oblitterat, vigorem debilitat. Capillus ipse, quem isti aperto mendacio ad lenocinium decoris promissum dixêre, vides quàm non sit amœnus ac delicatus, horrore implexus atquè impeditus, stuppeo tomento assimilis, et inæqualiter hirtus, et globosus, et congestus : prorsù inenodabilis diutinâ incuriâ, non modò comendi, sed saltem expediendi et discriminandi [37]. À l’égard du troisième chef, il ne se défendit point d’avoir envoyé à un ami une poudre qui était propre à bien nettoyer les dents, et d’y avoir joint des vers qui contenaient une description exacte des effets de cette poudre : il soutint que tout le monde, et principalement ceux qui parlaient en public, devaient avoir un soin tout particulier de tenir nette leur bouche. Il eut là un beau champ pour rendre bonne sa cause, et pour tourner en ridicule son adversaire, quoique apparemment il eût donné lieu à la critique, par une trop grande affectation de se distinguer des autres savans. Voilà comment certaines causes sont aisées à défendre, encore qu’on ait un peu de tort : Vidi ego dudùm, répondit-il [38], vix risum quosdam tenenteis, cùm mundicias oris videlicet orator ille asperè accusaret, et dentifricium tantâ indignatione pronunciaret, quantâ nemo quisquam venenum. Quidni ? crimen haud contemnendum philosopho, nihil in se sordidum sinere, nihil uspiam corporis apertum, immundum pati ac fœculentum : præsertìm os, cujus in propatulo et conspicuo usus homini creberrimus : sive ille cuipiam osculum ferat, seu cùm cuiquam sermocinelur, sive in auditorio dissertet, sive in templo preces alleget. Omnem quippè hominis actum sermo prœit : qui, ut ait poëta præcipuus, è dentium muro proficiscitur. Faisons le même jugement de la dernière accusation. Ce n’est pas un crime à un docteur dans quelque faculté que ce soit d’avoir un miroir ; mais s’il le consultait trop quand il s’habille, on l’en pourrait critiquer fort justement. Dans le temps d’Apulée, la morale était beaucoup plus rigide qu’aujourd’hui, par rapport à l’extérieur, car il n’ose point convenir qu’il se serve de son miroir. Il soutient qu’il le pourrait faire, et il le prouve par plusieurs raisons philosophiques, qui, pour dire la vérité, sont beaucoup plus ingénieuses que judicieusement placées ; mais il nie qu’il consulte son miroir : Sequitur de speculo longa illa et censoria oratio, de quo pro rei atrocitate penè diruptus est Pudens, clamitans : Habet speculum philosophus, possidet speculum philosophus. Ut igitur habere concedam, ne aliquid objecisse te credas, si negâro, non tamen ex eo me accipi necesse est exornari quoque ad speculum solere.… Plurimis rebus possessu careo, usu fruor : quod si neque habere utendi argumentum est, nequè non utendi non habere, et speculi non tam possessio culpatur quàm inspectio, illud etiam doceat necesse est quandò et quibus præsentibus in speculum inspexerim, quoniam, ut res est, majus piaculum decernis speculum philosopho, quàm Cereris mundum profano videre [39].

Voyez l’invective de Juvénal contre l’empereur Othon qui comptait son miroir pour l’une des principales pièces de son équipage de guerre :

Ille tenet speculum pathici gestamen Othonis,
Actoris Aurunci spolium : quo se ille videbat
Armatum, cùm jam tolli vexilla juberet.
Res memoranda novis annalibus, atque recenti
Historiâ, speculum civilis sarcina belli [40].


Au reste, il me semble (je n’ose néanmoins l’affirmer,) qu’Apulée avait en vue son procès, lorsqu’il décrivit dans l’une de ses harangues celui d’Apollon et de Marsyas. Il suppose que Marsyas débuta par louer ses cheveux entortillés, sa barbe affreuse, sa poitrine velue ; et par reprocher à Apollon une propreté extrême : Marsyas, quod stultitiæ maximum specimen est, non intelligens se deridiculo haberi, priusquàm tibias occiperet inflare, priùs de se et Apolline quædam deliramenta barbarè effutivit : laudans sese quòd erat et comâ relicinus, et barbâ squallidus, et pectore hirsutus, et arte tibicen, et fortunâ egenus ; contra Apollinem, ridiculum dictu, adversis virtutibus culpabat. Quòd Apollo esset et comâ intonsus, et genis gratus, et corpore glabellus, et arte multiscius, et fortunâ opulentus.... Linguâ fatidicâ seu tutè oratione, seu versibus malis, utrobique facundiâ æquipari..… Risêre Musæ, cùm audirent hoc genus crimina, sapienti exoptanda, Apollini objectata [41], et tibicinem illum certamine superatum, velut ursum bipedem, corio exsecto nudis et laceris visceribus reliquerunt [42]. Notez qu’Apulée assure que son accusateur n’était qu’un gros paysan fort laid : Mihi istud crede quanquàm teterrimum os tuum mininum à Thyestâ tragico demutet, tamen profectò discendi cupidine speculum inviseres, et aliquandò relicto aratro mirarere tot in facie tuâ sulcos rugarum. At ego non mirer, si boni consulis me de isto distortissimo vultu tuo dicere, de moribus tuis multò truculentioribus reticere [43] ?

(I) On l’accusa de s’être servi de sortiléges, pour s’emparer du cœur de sa femme et de son argent. ] Apulée n’avait pas besoin d’une grande justification par rapport au premier article ; car, puisque par des raisons de santé Pudentilla s’était déterminée à un second mariage, avant même que d’avoir vu ce prétendu magicien, la jeunesse, la bonne mine, le beau caquet, l’esprit, et les autres agrémens d’Apulée étaient un charme plus que suffisant à le faire aimer de cette dame. Il eut les occasions les plus favorables de gagner son amitié ; car il logea quelque temps chez elle : le fils aîné de Pudentilla le voulut absolument ; et ce fut lui qui souhaita qu’il se mariât avec elle, et qui le sollicita à y songer [44]. Apulée ménagea finement tous ses avantages, et poussa dans le ridicule, par des traits vifs et agréables, ses accusateurs. « Vous vous étonnez, leur disait-il, qu’une femme se soit remariée après treize ans de viduité : il est bien plus étonnant qu’elle ne se soit pas plus tôt remariée. Vous croyez qu’il a fallu de la magie pour obliger une veuve de son âge à se marier avec un jeune garçon : et au contraire, c’est ce qui montre que la magie eût été bien superflue : » Cur mulier libera tibi nupsit post annos tredecim viduitatis ? quasi non magis mirandum sit quòd tot annis non nupserit.….. At enim major natu non est juvenem aspernata. Igitur hoc ipsum argumentum est nihil opus magiâ fuisse ut nubere vellet mulier viro, vidua cœlibi, major juniori [45]. Si l’arrêt des juges eût été formé sur la sentence qui fut prononcée en pareil cas à peu près par la mère d’Alexandre-le-Grand, il eût été admirable : Ὁ βασιλεὺς Φίλιππος ἤρα Θεσσαλῆς γυναικὸς ἀιτίαν ἐχούσης καταϕαρμακεύειν αὐτόν· ἐσπούδασε οὖν ἡ Ὀλυμπιὰς λαϐεῖν τὴν ἄνθρωπον ὑποχείριον. Ὡς δὲ εἰς ὄψιν ἐλθοῦσα, τό τ᾽ εἶδος εὐπρεπὴς ἐϕάνη, καὶ διελέχθη πρὸς αὐτὴν οὐκ ἀγεννῶς οὐδ᾽ ἀσυνέτως. Χαιρέτωσαν (εἶπεν ἡ Ὀλυμπιας) ἁι διαϐολαί· σὺ γὰρ ἐν σεαυτῇ τὰ ϕάρμακα ἔχεις [46]. Rex Philippus deperibat Thessalicam quandam mulierem, quæ veneficio eum circumvenisse dicebatur : operam dedit Olympias, ut eam in suam redigeret potestatem : cùm in conspectum ea reginæ venisset, neque forma tantùm videretur egregia, sed et collocuta esset neque abjectè neque imprudenter : « Facessant, inquit Olympias, calumniæ : tibi tua in teipsâ sunt reposita veneficia. » Voilà pour l’article de la conquête du cœur. L’autre article, qui est celui de l’argent, fait naître quelques soupçons, non pas de magie, mais d’avarice. On a de la peine à croire que ce mariage n’ait pas été un sacrifice à des raisons d’intérêt. Ne condamnons pas néanmoins Apulée sans l’entendre. Il offre de prouver par son contrat de mariage qu’il ne se fit rien donner par Pudentilla ; mais qu’il se fit seulement promettre une somme assez modique, en cas qu’il lui survécût, et en cas qu’il vînt des enfans de leur mariage. Il fait voir par plusieurs faits combien sa conduite avait été désintéressée, et combien il était raisonnable qu’il exigeât de sa femme la somme qu’elle lui avait promise. C’est là, qu’en pleine audience, il est obligé de faire des confessions dont Pudentilla se serait très-bien passée. Il dit qu’elle n’était ni belle ni jeune, ni un sujet qui pût tenter en nulle manière de recourir aux enchantemens, et qu’il ne faudrait pas s’étonner qu’elle eût fait de grands avantages à un homme comme lui : Quod institui pergam disputare, nullam mihi causam fuisse Pudentillam veneficiis ad nuptias prolectandi. Formam mulieris et ætatem ipsi ultrò improbaverunt, idque mihi vitio dederunt talem uxorem causâ avaritiæ concupisse, atque adeò primo dotem in congressu grandem et uberem rapuisse [47]... Quanquàm quis omnium vel exiguè rerum peritus culpare auderet, si mulier vidua et mediocri formâ, at non ætate mediocri, nubere volens, longâ dote et molli conditione invitâsset juvenem neque corpore, neque animo, neque fortunâ pœnitendum.....? [48]. Il dit que Pontianus fils de Pudentilla ne lui proposa le mariage de sa mère que comme une charge, et comme une action d’ami et de philosophe ; je veux dire une action plus convenable à un bon ami de Pontianus, et à un philosophe, que ne serait pas d’attendre un parti où il pût trouver en même temps les richesses et la beauté : Confidere sese fore ut id onus recipiam, quoniàm non formosa pupilla, sed mediocri facie mater liberorum mihi offeratur. Sin hæc reputans formæ et divitiarum gratiâ me ad aliam conditionem reservarem, neque pro amico neque pro philosopho facturum [49]. relève extrêmement les avantages d’une fille sur une veuve. « Une belle fille, dit-il, quelque pauvre qu’elle soit, vous apporte une grosse dot, un cœur tout neuf, la fleur et les premières épreuves de sa beauté. C’est avec une grande raison que tous les maris font un si grand cas de la fleur du pucelage. Tous les autres biens, qu’une femme leur apporte, sont de telle nature, qu’ils peuvent les lui rendre s’ils ne veulent point lui avoir de l’obligation ; elle peut les retirer, elle peut les recouvrer : celui-là seul ne se peut rendre ; il reste toujours au pouvoir du premier époux. Si vous épousez une veuve, et qu’elle vous quitte, elle remporte tout ce qu’elle vous a apporté, vous ne pouvez point vous vanter de retenir quoi que ce soit qui lui ait appartenu. » Il remarque plusieurs autres inconvéniens des mariages avec des veuves, et il conclut qu’il en aurait coûté bon à Pudentilla, pour se marier, si elle n’avait pas trouvé en lui une humeur de philosophe : Virgo formosa, etsi sit oppidò pauper, tamen abundè dotata est. Affert quippé ad maritum novam animi indolem, pulchritudinis gratiam, floris rudimentum. Ipsa virginitatis commendatio jure meritoque omnibus maritis acceptissima est. Nam quodcunque aliud in dotem acceperis, potes cùm libuit ne sis beneficio obstrictus omne ut acceperas retribuere ; pecuniam renumerare, mancipia restituere, domo demigrare, prædiis cedere. Sola virginitas cùm semel accepta est reddi nequitur : sola apud maritum ex rebus dotalibus remanet. Vidua autem qualis nuptiis venit, talis divortio digreditur. Nihil affert irreposcibile, sed venit jam ab alio præflorata : certè tibi, ad quæ vedis, minimè docilis : non minùs suspectans novam domum, quàm ipsa jam ob unum divortium suspectanda : sive illa morte amisit maritum, ut scævi ominis mulier, et infandi conjugii minimè appetenda ; seu repudio digressa est, utramvis habebat culpam mulier : quæ aut tam intolerabilis fuit ut repudiaretur, aut tam insolens, ut repudiaret. Ob hæc et alia viduæ dote auctæ procos sollicitant. Quod Pudentilla quoque in alio marito fecisset, si philosophum spernentem dotis non reperisset [50].

Il y aurait bien des réflexions à pousser sur ce discours d’Apulée, si l’on n’avait autre chose à faire que cela ; mais, quelque pressé que je sois de passer à d’autres articles, je dirai pourtant deux choses : l’une, que ce bien, que l’on ne retire jamais d’entre les mains d’un mari, est fort chimérique : il n’y a ni boulanger ni boucher qui voulût faire crédit de cinq sous sur cette impérissable possession ; l’autre, qu’Apulée n’avait pas considéré selon toutes leurs espèces les désavantages des veuves. Il n’a rien dit des veuves qui n’ont pas eu d’enfans : aussi ne se trouvait-il point dans le cas. Un chanoine de Paris, qui fut embrasser à G. la religion protestante, l’an 1672, eut bientôt démêlé, parmi les femmes qu’il vit au temple, une jeune veuve, riche et bien faite. Il trouva bientôt l’occasion de lui parler, et plus il la vit, plus il connut qu’elle serait bien son fait. Mais comme il n’avait apporté de France que l’embonpoint des personnes de sa profession, et quelques lumières sur les abus du papisme, on le rebuta un peu fièrement. Il me fit confidence de ce rebut, et se plaignit moins du fond même de l’affaire, que des manières [51]. Je lui représentai ingénument qu’il avait eu tort de se commettre, vu l’état présent de sa fortune, et la grande volée de la dame. Il m’avoua qu’elle était trop riche pour un homme comme lui ; mais il faut rabattre beaucoup de ses richesses, poursuivit-il, à cause qu’elle n’a point eu d’enfans : cela seul y fait une brèche de trente ou quarante mille livres. Sans la présomption qu’elle est stérile, je l’estimerais d’autant un meilleur parti que je ne fais, vu surtout que mon frère unique n’a point d’héritiers, et que ma famille court risque de périr, si je ne laisse postérité. Je ne voulus point entrer en dispute avec un homme qui avait examiné si précisément cette matière : je lui en laissai toutes les compensations et les évaluations. Je me contentai de croire que l’envie de ne laisser point périr sa race avait été pour lui une vive source de lumières.

(K) On trouve dans son apologie des exemples des plus honteux artifices qu’un calomniateur mette en jeu. ] J’en produirai un seulement, afin qu’on voie que, dans tous les siècles, l’esprit de la calomnie a été de forger des preuves par des lambeaux, ou par des extraits infidèles de ce que quelqu’un a dit ou écrit. Les accusateurs d’Apulée, pour le convaincre de magie, alléguèrent une lettre que sa femme avait écrite pendant qu’il la recherchait. Ils soutinrent qu’elle avait avoué dans cette lettre qu’Apulée était magicien, et qu’il l’avait ensorcelée. Il ne leur était pas difficile de faire accroire qu’elle avait écrit cela ; car ils ne lisaient que certains mots de sa lettre, détachés de ce qui les précédait et de ce qui les suivait : et personne ne les pressait de lire tout. Apulée les couvrit enfin de honte, en faisant lire tout le passage de la lettre de Pudentilla. Il parut que bien loin de se plaindre d’Apulée, elle le justifiait, et se moquait finement des accusateurs. Voyez ses paroles, vous y trouverez que les mêmes termes précisément peuvent être, ou l’accusation, ou la justification d’Apulée, selon qu’on les détache de ce qui précède, ou qu’on ne les en détache pas : Βουλομένην γάρ με δι’ ἃς εἶπον ἀιτίας γαμηθῆναι, αὐτὸς τοῦτον ἔπεισας ἀντὶ πάντων αἱρεῖσθαι, θαυμάζων τὸν ἄνδρα, καὶ σπουδάζων αὐτὸν οἰκεῖον ἡμῖν δι’ ἐμοῦ ποιῆσαι. Νῦν δὲ ὡς μοχθηροὶ ὑμᾶς κακοηθεῖς τε ἀναπείθουσιν, αἰϕνίδιον ἐπένεθο Ἀπουλήϊος μάγος, καὶ ἐγὼ μεμάγευμαι ὑπ᾽ αὐτοῦ. Ναὶ ἐρῶ Καὶ ἤλθετε νῦν πρὸς ἐμέ, ἕως ἔτι σωϕρονῶ. Cùm enim vellem nubere propter eas causas, quas dixi, tu ipse persuasisti mihi, ut hunc præ omnibus eligerem, admirans virum, et cupiens reddere eum nobis familiarem meâ operâ. Nunc verò cùm nefarii et maligni vos sollicitant, Apuleius repentè magus factus est, et ego incantata sum ab eo. Certè amo eum. Venite nunc ad me, donec adhuc sum compos mentis [52]. Il exagéra comme il faut cette sorte de fourberie. Ses paroles sont dignes d’être gravées en lettres d’or en mille lieux, pour étonner, s’il est possible, les calomniateurs qui, en tout pays et en tout siècle, se servent de semblables infidélités : Multa sunt, dit-il [53], quæ sola prolata calumniæ possunt videri obnoxia. Cujavis oratio insimulari potest, si ea quæ ex prioribus nexa sunt principio sui defraudentur, si quædam ex ordine scriptorum ad libidinem supprimantur, si quæ simulationis causâ dicta sunt, adseverantis pronunciatione quàm exprobrantis legantur ?

(L) Les païens ont dit qu’il avait fait un grand nombre de miracles. ] On aurait de la peine à croire que cela eût été dit, si des gens dignes de foi ne l’attestaient ; mais nous voyons que cette impertinence des païens était tellement prônée au siècle de saint Augustin, qu’on pria ce grand prélat de la réfuter : Precator accesserim ut ad ea vigilantiùs respondere digneris, in quibus nihil ampliùs Dominum quàm alii homines facere potuerunt, fecisse vel gessisse mentiuntur. Apollonium siquidem suum nobis et Apuleium aliosque magicæ artis homines in medium proferunt, quorum majora contendunt extitisse miracula [54]. Saint Augustin se contenta de répondre que si Apulée avait été un si puissant magicien, il n’eût point vécu, avec l’ambition qui le possédait, dans une condition aussi petite que l’avait été la sienne ; que, d’ailleurs, il s’est défendu de la magie comme d’un grand crime [55]. On parlait de ses prétendus miracles long-temps avant saint Augustin ; car Lactance s’étonne que l’auteur qu’il a refuté n’eût pas joint Apulée à Apollonius de Tyane :Voluit ostendere Apollonium vel paria, vel etiam majora fecisse. Mirum quod Apuleium prætermisit cujus solent et multa et mira memorari [56]. Apulée a eu le destin de bien d’autres gens : on n’a parlé de ses miracles qu’après sa mort ; ses accusateurs ne lui objectèrent que des vétilles, ou prouvèrent le plus mal du monde ce qui pouvait avoir l’apparence de sortilége. Mais je ne sais comment accorder saint Augustin avec Apulée. L’un dit qu’Apulée ne put jamais parvenir à aucune charge de judicature : ad aliquam judiciariam reipublicæ potestatem [57] ; l’autre se vante d’occuper le poste que son père avait occupé ; son père, dis-je, qui avait passé par toutes les charges de sa patrie : In quâ coloniâ patrem habui loco principe duumviralem cunctis honoribus perfectum. Cujus ego locum in eâ repub. exindè ul participare curiam cœpi nequaquàm degener pari spero honore et existimatione tueor [58].

(M) M. Moréri a entrevu qu’il n’était point l’inventeur de son Âne d’or. ] Rapportons premièrement ses paroles. La métamorphose de l’âne d’or « est une paraphrase de ce qu’il avait pris dans Lucien, comme celui-ci l’avait tirée de Lucius de Patras, dont parle Photius...... Il y a même apparence qu’Apulée tira de sa source même le sujet de la fable qu’il a accommodée à sa façon ; car il savait très-bien la langue grecque et la latine. » Pour bien juger si M. Moréri mérite d’être critiqué, il faut comparer avec ce qu’il vient de dire le passage de Vossius qui lui a servi d’original : De ætate Lucii Patrensis non liquet, nisi quod antiquior credatur Luciano, quippè qui indè compilâsse videatur Lucium seu Asinum suum, uti ex Luciano posteà Asinum suum aureum exscripsit Appuleius. Nisi is potiùs ex eodem Lucii fonte sua hausit, et hoc sanè verisimilius est. Nempè ut Lucium in epitomen redegit Lucianus, ità paraphrasin Lucii scripsit Appuleius, sed ille græcè, hic latinè [59]. Il est clair que M. Moréri n’a pas entendu la pensée de Vossius, et qu’il ne devait pas dire que l’ouvrage d’Apulée est la paraphrase de celui de Lucien. Il devait dire que Lucius de Patras avait été abrégé par Lucien, et paraphrasé par Apulée. Le raisonnement que M. Moréri enferme dans ces paroles, car il savait très-bien la langue grecque et la latine, ne vaut rien du tout. Mettez en forme ce raisonnement, vous y trouverez cet enthymème : Il savait très-bien la langue grecque et la latine : donc il a tiré de sa source même le sujet de cette fable qu’il a accommodée à sa façon ; c’est-à-dire, donc il n’a pas paraphrasé Lucien, mais Lucius de Patras. Cet enthymème est ridicule ; il ne faut pas moins savoir la langue grecque pour se servir de Lucien, que pour se servir de Lucius ; et il ne sert de rien de savoir la langue latine, pour accommoder à sa façon un sujet emprunté de Lucius. M. de la Fontaine ne peut-il pas accommoder à sa façon un conte d’Ouville ? Il serait d’un plus grand usage qu’on ne pense de critiquer la fausse logique des auteurs. Les jeunes gens, qui sont nés pour composer, profiteraient beaucoup de bonne heure à une telle critique.

(N) Quelques païens ont parlé de son roman avec mépris. ] Je n’en veux point d’autre preuve que la lettre où l’empereur Sévère se plaint au sénat des honneurs qu’on avait rendus à Clodius Albinus. On lui avait donné entre autres louanges celle de savant. L’empereur ne pouvait souffrir qu’une telle louange eût été donnée à un homme qui s’était uniquement rempli l’esprit des contes et des rapsodies d’Apulée : Major fuit dolor quòd illum pro litterato laudandum plerique duxistis, quùm ille næniis quibusdam anilibus occupatus inter Milesias punicas Apuleii sui, et ludicra litteraria consenesceret [60]. Macrobe a renvoyé aux nourrices tous les romans semblables à l’Âne d’or d’Apulée : Vel argumenta fictis casibus amatorum referta quibus vel multùm se arbiter exercuit, vel Apuleium nonnunquàm lusisse miramur. Hoc totum fabularum genus quod solas aurium delicias profitetur, è sacrario suo in nutricum cunas sapientiæ tractatus eliminat [61].

(O) Il avait été extrêmement laborieux. ] Voyez ce qu’il dit lui-même, quand il répond à son adversaire, sur le chapitre de l’éloquence : De eloquentiâ verò, si qua mihi fuisset, neque mirum neque invidiosum deberet videri, si ab ineunte ævo unis studiis litterarum ex summis viribus deditus, omnibus aliis spretis voluptatibus, ad hoc œvi, haud sciam anne super omnes homines impenso labore, diuque noctuque, cum despectu et dispendio bonæ valetudinis, eam quæsissem [62].

(P) Il avait composé plusieurs livres. ] Voyez la dissertation de Vitâ et Scriptis Apuleii, que Wower a mise à la tête de son édition, et que M. Fleuri, scoliaste dauphin, a fait imprimer à la tête de la sienne. On peut dire qu’Apulée était un génie universel : il y a peu de sujets qu’il n’ait maniés. Il a traduit le Phédon de Platon, et l’Arithmétique de Nicomachus : il a écrit de Republicâ, de Numeris, de Musicâ ; on cite ses Questions de table, ses Lettres à Cérellia, qui étaient un peu bien libres ; ses Proverbes, son Hermagoras, ses Ludicra. Il parle lui-même de ce dernier. Legerunt, dit-il [63], è Ludicris meis epistolium de dentifricio, versibus scriptum. Nous avons encore son Âne d’or, en onze livres, son Apologie, ses Traités de Philosophiâ naturali, de Philosophiâ morali, de Syllogismo categorico, de Deo Socratis, de Mundo, et ses Florida. Quant à ses Lettres à Cerellia, je ne veux point omettre la pensée d’un savant critique [64]. Il croit que le nom de Cicéron doit être inséré dans le passage d’Ausone où il est parlé de ces lettres ; car c’est à Cicéron qu’on a reproché d’avoir eu des liaisons peu louables avec Cérellia, et de lui avoir écrit trop librement. Sur ce pied-là, il faut lire ainsi dans Ausone : Esse Apuleium in vitâ philosophum, in epigrammatis amatorem, Ciceronis in præceptis omnibus exstare severitatem, in epistolis ad Cærelliam subesse petulantiam.

(Q) Plusieurs critiques ont publié des notes sur Apulée. ] Philippe Beroalde en publia de fort amples sur l’Âne d’or, à Venise, in-folio, l’an 1504, qui ont été réimprimées plusieurs fois in-8o., à Paris et en d’autres lieux. Godescalc Stewechius, Pierre Colvius, Jean Wower, etc. ont travaillé sur toutes les œuvres d’Apulée. Priceus a publié à part l’Âne d’or et l’Apologie, avec quantité d’observations [65]. Les notes de Casaubon, et celles de Scipion Gentilis, sur l’Apologie, sont estimées. Celles-là parurent l’an 1594 ; et celles-ci l’an 1607. La meilleure édition du livre de Mundo est celle de Leyde, en 1591, in-8o. Nous la devons à Bonaventure Vulcanius. Disons, en passant, que ce traité-là n’est presque que la traduction d’un pareil ouvrage attribué à Aristote. Le livre de Deo Socratis a paru avec les notes de Josias Mercerus [66]. L’auteur que je cite vous instruira plus amplement de ce qui regarde les éditions d’Apulée [67]. Il n’a point parlé en particulier de celle de Bâle, apud Henricum Petri, en 1560, en trois volumes in-8o. ; ni de celle de la même ville, apud Sebastianum Henric. Petri, en 1620, en deux volumes in-8o. ; ni de celle de Lyon, en 1614, en deux volumes in-8o., qui ressemble parfaitement à celle de Leide, dont il articule toutes les pièces, et qu’il met à l’an 1614. Je ne sais s’il n’aurait point pris le Lugdunum de France pour le Lugdunum Batavorum.

(R) Je ne sache point d’autres traductions françaises de l’Âne d’or, qu’en vieux gaulois. ] Jean Louveau, si je ne me trompe, est l’auteur de la première ; la Croix du Maine en fait mention sans marquer l’année qu’elle parut [68]. Il se contente de dire qu’elle fut imprimée à Lyon. Elle fut réimprimée à Paris, par Claude Micar, l’an 1584. Un certain J. de Montlyard a donné une traduction de ce même livre, avec un commentaire. Les deux éditions que j’en ai vues sont, l’une jouxte la copie imprimée à Paris, chez Abel l’Angelier, 1612 ; l’autre, à Paris, chez Samuel Thiboust, 1623. La préface est assez longue, et contient la critique de plusieurs fautes de Jean Louveau.

Au reste, je viens de m’apercevoir que la Croix du Maine, et du Verdier Vau-Privas ont parlé d’une traduction qui pourrait bien être antérieure à celle de Jean Louveau. Ils disent que Georges de la Bouthière, ou de la Boutière, natif d’Autun, a mis en français la Métamorphose ou l’Âne d’or d’Apulée [69]. L’un dit que cette version fut imprimée à Lyon, par Jean de Tournes et Guillaume Gazeau, l’an 1553 ; l’autre, qu’elle fut imprimée par Jean de Tournes, 5516 [70]. Il y a une faute d’impression dans cette dernière date ; et il est assez apparent que, pour remettre les chiffres dans leur bon ordre, il faut lire 1556. Or, comme le même bibliothécaire a dit que la traduction de Jean Louveau fut imprimée l’an 1558 [71], on a lieu de supposer qu’elle fut postérieure à celle de Georges de la Bouthiere.

Depuis la première édition de ce dictionnaire, il a paru à Paris une traduction d’une partie de l’Âne d’or. Le Journal des Savans, du 9 janvier 1696, en fait mention. M. le baron des Coutures publia, avec des notes, en 1698, sa version française du Traité de Deo Socratis.

(S) On a raison de prendre ce livre pour une satire continuelle des désordres dont les magiciens, les prêtres, etc., remplissaient alors le monde. ] Voici ce que je trouve dans les notes de M. Fleuri : Tota porrò hæc Metamorphosis Apuleiana, et stylo, et sententiâ, satyricon est perpetuum (ut rectè observavit Barthius, Advers. l. 51, cap. 11, ) in quo magica deliria, sacrificulorum scelera, adulterorum crimina, furum et latronum impunitæ factiones, palàm differuntur [72]. Il ajoute que les chercheurs de la pierre philosophale y prétendent trouver les mystères du grand œuvre. Un homme qui s’en voudrait donner la peine, et qui aurait la capacité requise (il faudrait qu’il en eût beaucoup), pourrait faire sur ce roman un commentaire fort curieux et fort instructif, et où l’on apprendrait bien des choses que les commentaires précédens, quelque bons qu’ils puissent être d’ailleurs, n’ont point dites. Il y a quelques endroits fort sales dans ce livre d’Apulée. On croit que l’auteur y a mis quelques épisodes de son invention, et entre autres celui de Psyché : Horum certè noster ità imitator fuit, ut è suo penu innumerabilia protulerit, atque inter cætera venustissimum illud Psyches Ἐπεισόδιος [73]. Cet épisode a fourni, de nos jours, la matière d’une excellente pièce de théâtre à Molière, et d’un fort joli roman à M. de la Fontaine.

  1. (*) Apolog., pag. 289, Capitol. Antonino, XXVII.
  2. (*) Apolog., pag. 274. Capitolin. Pertinace, LXXVIII.
  3. (*) Apuleii Floridor., pag. 357, 358.
  1. Et non pas sous Domitien, avec Apollonius de Tyane, comme l’assure Anastase de Nicée, Quæstione XXII, in Scripturam. Notez que d’autres donnent cet ouvrage à Anastase Sinaïte.
  2. Pithœus, Adversarior. lib. II, cap. X.
  3. Notis, Cenotaph. Pisan., pag. 33.
  4. Elmenh., in Vitâ Apulei.
  5. Apuleii Apologia, pag. 327.
  6. Jonsius, de Script. Hist. Philos., pag. 267.
  7. Apul. Apologia, pag. 289.
  8. Claudius Verderius, in auctores penè omnes Cension., pag. 73. Ce livre fut imprimé à Lyon, en 1586, in-4o.
  9. Apuleii Apologia, pag. 278.
  10. Ibidem, pag. 336.
  11. Apul. Metam., lib. I, pag. 112.
  12. Idem, Apologia, pag. 289.
  13. Idem, Metamorph., lib. II, pag. 115.
  14. Idem, Floridor., pag. 359.
  15. Id., ibid., pag. 361.
  16. Id., ibid., pag. 363.
  17. Il passa les premières années de son enfance dans la Grèce, et les suivantes à Carthage, où il apprit le latin sans maître, et avec beaucoup de peine. Il commença aussi à y étudier la philosophie. Il alla ensuite à Athènes, où il apprit la poésie, etc. Tillemont, Hist. des Empereurs, tom. II, pag. 722.
  18. Apuleii Metamorph., pag. 136.
  19. Metamorph., lib. XI, pag. 264.
  20. Idem, Apolog., pag. 309, 310.
  21. Voyez la dispute de saint Augustin contre le sentiment d’Apulée, au liv. VIII de la Cité de Dieu, chap. XIX, et suiv.
  22. August., Epist. V.
  23. Apuleïus, Florid., pag. 361.
  24. Idem, Metam., lib. XI, pag. 271.
  25. Idem, ibid.
  26. Idem, Apol., pag. 288.
  27. Id., ibid., pag. 285, 286, 287.
  28. Idem, ibid., pag. 317, 330.
  29. Idem, ibid., pag. 330.
  30. Idem, ibid., pag. 318.
  31. Voyez ci-dessous la remarque (I).
  32. Apuleii Apolog., pag. 320.
  33. Idem, ibid., pag. 329.
  34. Dans la remarque (I).
  35. Metamorphos., lib. II, pag. 115. Voyez aussi lib. I, pag. 112.
  36. Accusamus apud te philosophum formosum, et tam græcè quàm latinè, proh nefas ! disertissimum. Apuleius, Apolog., pag. 275.
  37. Apul., Apolog., pag. 276.
  38. Idem, ibid., pag. 277.
  39. Idem, ibid., pag. 281, 282.
  40. Juvenal., Sat. II, vs. 99.
  41. Voyez l’application qui est faite de ce passage dans les Nouvelles de la République des lettres, septembre 1685, article VII.
  42. Apul., Floridor., pag. 341.
  43. Idem, Apol., pag. 284.
  44. Idem, ibid., pag. 320.
  45. Idem, ibid., pag. 291.
  46. Plutarch., in Præcept. conjug., pag. 141, B. Voyez la remarque (L) de l’article Grandier.
  47. Apuleius, Apol., pag. 331.
  48. Idem, ibid., pag. 332.
  49. Idem, ibid., pag. 320.
  50. Idem, ibid., pag. 352.
  51. Il n’en parlait jamais sans dire, est modus in rebus.
  52. Apul., Apolog., pag. 326.
  53. Idem, ibid.
  54. Marcellinus ad Augustin., Epist. IV, inter Epist. Augustini. Voyez aussi la lettre XLIX de Saint Augustin, pag. 208.
  55. Augustinus, Epist. V.
  56. Lactant., Divin. Institut., lib. V, cap. III. Voyez aussi saint Jérome sur le psaume LXXXI.
  57. Augustinus, Epist. V.
  58. Apul., Apolog., pag. 289.
  59. Vossius, de Hist. græc., pag. 517, 518.
  60. Jul. Capitulin., in Clodio Albino, cap. XII.
  61. Macrobius, Saturnalium lib. I, cap. II.
  62. Apul., in Apolog., pag. 276.
  63. Idem, ibid.
  64. Fredericus Gronov., in Auson. Cent. Nuptial., in editione Ausonii, Amstelodami, anno 1671, pag. 516.
  65. L’Apologie, à Paris, en 1635, in-4o., l’Âne d’or, à Gouda, en 1650, in-8o.
  66. À Paris, en 1624, in-12.
  67. Joh. Albertus Fabricius, in Bibliothecâ latinâ, pag. 135 et seq.
  68. La Croix du Maine, Bibliothèque française, pag. 238.
  69. La Croix du Maine, pag. 118 ; du Verdier, pag. 448.
  70. Du Verdier, Bibliothéque française, pag. 448.
  71. Là même, pag. 716.
  72. Julius Floridus, Comment. ad usum Delphini in Apuleium.
  73. Idem, ibid., pag. 2.

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