Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Arétin 1

La bibliothèque libre.

◄  Archirota (Alexandre)
Index alphabétique — A
Arétin (François)  ►
Index par tome


ARÉTIN (Charles) était d’Arezze dans la Toscane, comme son surnom le témoigne (ce qui soit dit pour tous les autres qui ont été nommés Arétin). Il tient un rang considérable parmi les savans du XVe. siècle. Pogge lui donne de grands éloges [a] ; mais ils doivent être suspects, à cause que Charles Arétin était grand ennemi de Philelphe, et que Pogge haïssait mortellement Philelphe. Celui-ci se plaint amèrement de notre Arétin, et le représente comme un méchant homme, plein de fraude, et de ruses malicieuses [b]. Cela aussi doit être suspect, venant d’un ennemi tel que Philelphe [* 1], qui naturellement médisant l’était devenu davantage, à cause des querelles qu’il eut avec quelques autres hommes doctes. Quoi qu’il en soit, il y a des gens désintéressés qui disent que Charles Arétin entendait parfaitement la langue latine et la langue grecque ; et qu’il l’a témoigné par quelques versions du grec [c]. Il était d’ailleurs assez bon poëte (A), et il a fait quelques comédies en prose, dont Albert de Eyb a inséré des morceaux dans sa Marguerite Poétique [d]. Mais ce qui marque beaucoup plus clairement son habileté, est qu’après la mort de Léonard Arétin, en 1443, il fut choisi pour lui succéder dans la charge de secrétaire de la république de Florence (B). Nous ne savons pas l’année de sa mort ; mais il est certain que M. Moréri se trompe, en disant que c’est l’année 1443 (C). Les auteurs qu’il cite ne disent point que notre Arétin ait laissé un volume de lettres [* 2]. Quelques-uns croient qu’il était frère de Jean Arétin [e], dont nous parlerons en son lieu. Ils se trompent. Il porta beaucoup d’envie à la gloire de Léonard Arétin son prédécesseur [f].

  1. * Joly, qui confirme l’inimitié réciproque de Philelphe et d’Arétin, rapporte un long passage d’une lettre du premier qui soutient, contre l’opinion d’Arétin (qui avait raison), que les deux premières syllabes de Ticinus (le Tésin), sont brèves, tandis qu’elles sont longues.
  2. * Joly, d’après Montfaucon, Bibl. Manuscriptorum nova, cite les titres de huit ouvrages de Ch. Arétin. Les sept premiers paraissent n’être que de petites pièces. Le huitième est la traduction en vers latins, de la Batrachomyomachie, mentionnée dans la remarque (A).
  1. Poggius, init. Histor. Discept. et II Invect. in Philelph.
  2. Philelphi Epist. ad Carol. Aretin., anno 1433, et Epist. seq.
  3. Leand. Albert., Descrip. Ital., pag. 96.
  4. Gesneri Bibliothec.
  5. Vossius, de Histor. Latinis, pag. 579.
  6. Voyez la remarque (H) de l’article de (Léonard) Arétin.

(A) Il était.... assez bon poëte. ] Il faut entendre ceci eu égard à ce temps-là : je doute même qu’avec cette restriction, je puisse faire passer mon texte partout ; car voici ce que M. de la Monnoie m’a écrit : Lilius Gyraldus, qui a vu des poésies de Charles Arétin, ne les trouvait point bonnes, et la vérité est que sur les citations qu’on en voit dans le Dictionnaire de Tortellius on a lieu de juger que c’est peu de chose. Notez que Tortellius ne cite de lui que des vers élégiaques ; mais le père Labbe [* 1] cite en deux ou trois endroits une version de la Batrachomyomachie en vers hexamètres par Charles Arétin.

(B) Il fut choisi pour succéder à Léonard Arétin dans la charge de secrétaire de la république de Florence. ] C’est ce que nous apprenons de Léandre Albert : Diem functus est (Leonardus Aretinus) anno post C. N. mccccxl, ætatis suæ LXXIV, Florentiæ, cùm illi reipub. diù à secretis fuisset, et successorem in eo munere habuit Carolum item Aretinum, et græcis latinisque litteris eruditissimum, qui etiam ipse quædam de græcis latina fecit [1]. Joignons à ce témoignage celui d’Énée Silvius, encore qu’il soit un peu long ; car il nous sert de preuve pour plus d’une chose : Commendanda est, dit-il [2], multis in rebus Florentinorum prudentia, tum maximè quod in legendis cancellariis non juris scientiam ut pleræque civitates, sed oratoriam spectant, et quæ vocant humanitatis studia. Norunt enim rectè scribendi dicendique artem non Bartolum aut Innocentium, sed Tullium Quintilianumque tradere. Nos tres ex eâ urbe cognovimus, græcis et latinis et conditorum operum famâ illustres, qui cancellariam alius post alium tenuêre, Leonardum et Carolum Aretinos, et Poggium ejusdem reipublicæ civem, qui secretarius apostolicus tribus quondam romanis pontificibus dictârat epistolas. Il faut corriger par ce passage l’obscurité ou l’erreur d’un autre passage d’Enée Silvius qui a mis en peine Vossius. Voici cet autre passage : Leonardum Aretinum ex te primum sensi obiisse, qui Latium ornavit litteris, quo nemo post Lactantium Ciceroni proximior fuit. Gaudeo Poggium ejus locum apud Florentinos tenere. Sed maluissem potiùs locum non vacâsse, ne tanto splendore caruisset Hetruria [3]. Voyez ci-après la remarque (A) de article de (Léonard) Arétin.

(C) Moréri se trompe, en disant qu’il mourut l’année 1443. ] Il est certain que Pogge a succédé à notre Arétin dans le secrétariat de Florence : or il paraît par la harangue où il félicite Nicolas V sur sa promotion au papat qu’il n’avait encore aucun emploi à Florence l’an 1447 [4]. Il faut donc dire qu’en 1447 Charles Arétin était secrétaire de Florence ; car Léonard Arétin, son prédécesseur, était mort dès l’an 1443. Mais voici une preuve plus démonstrative de l’erreur de M. Moréri. Pogge, dans une lettre écrite sous le pontificat de Nicolas V, témoigne que Charles Arétin l’était venu voir : Quo primùm anno dit-il [5]. Nicolaus pontifex quintus, pestis causâ, Fabrianum, Piceni oppidum, secessit, cùm me ad terram novam natalem patriam cum familiâ contulissem, venit eò postmodum rogatus à me qui Florentiam ob negotia publica adibat, Carolus Aretinus. Ce qui a trompé M. Moréri est d’avoir vu que Vossius [6] ne réfute pas l’auteur allemand qu’il cite, et qui a dit dans son Recueil des jours mortuaires et des jours de nativité, que Charles Arétin, orateur et historien, est mort l’an 1443, à l’âge de soixante-quatorze ans. Tout cela convient si bien à Léonard Arétin, que selon toutes les apparences l’auteur allemand a confondu Charles avec Léonard ; et en tout cas, il méritait que Vossius lui montrât sa faute, touchant l’année de la mort de notre Arétin.

  1. (*) Lab., Nova Bibliotheca MSS.
  1. Leand. Albert., Descriptio Italiæ, pag. 96.
  2. Æn. Silvius, Histor. de Europâ, cap. LIV.
  3. Idem, ibid., cap. LI.
  4. C’est l’année de l’élection de Nicolas V.
  5. Poggius, init. Disceptat. I.
  6. Vossius, de Historicis Latinis, pag. 578.

◄  Archirota (Alexandre)
Arétin (François)  ►