Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Arétin 4

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ARÉTIN (Jean), surnommé Tortellius, passe pour l’un des savans hommes du XVe. siècle. Il composa une Vie de saint Athanase (A), à la prière du pape Eugène IV. Il fut admis à la confidence de Nicolas V, dont il était camérier [a]. Il était agréable en conversation, et il se distingua glorieusement des autres savans ses contemporains, en ne déshonorant pas, comme ils faisaient, par des disputes violentes et injurieuses, la profession des belles-lettres. Il était principalement versé dans la connaissance de la grammaire, comme il le témoigna par son livre de Potestate Litterarum (B). La Bibliothéque de Gesner rapporte les titres de plusieurs autres ouvrages de Tortellius ; mais on y a oublié un Lexicon, qu’il avait fait [* 1], et qui est cité par Magius [b]. Laurent Valle était fort de ses amis, et lui a dédié ses livres de Latinâ Elegantiâ (C). Vossius, qui assure qu’il était frère de Charles Arétin [c], se tromperait fort, s’il n’en avait point d’autre preuve que les paroles de Volaterran, auquel il semble nous renvoyer. Volaterran ne dit rien de cette fraternité prétendue (D).

Il y a de bons connaisseurs qui croient que Tortellius n’avait qu’une médiocre littérature, même pour son temps ; mais comme il était né fort officieux, et qu’il occupait auprès du pape un poste considérable, les beaux esprits de ce temps-là lui donnèrent de grandes louanges, dont quelques-uns ensuite se rétractèrent. Philelphe fut de ce nombre (E). Je dirai ailleurs [d] que Tortellius fut bibliothécaire de Nicolas V.

  1. * Bayle, dit Joly, de même que ceux qui ont parlé des écrits de J. Arétin, a oublié qu’il a traduit quelques Vies de Plutarque, imprimées à Rome, 1470, in-folio, Paris, 1521, in-folio, Bâle, 1542, et 1544, in-fol. Joly cite, d’après la Bibl. manuscriptorun nova de Montfaucon, trois autres ouvrages de J. Arétin ; et il ajoute qu’il croit que c’est un autre Jean Arétin, médecin, qui serait auteur d’une histoire manuscrite de la médecine (dont parle le père Niceron, au tome XXV de ses Mémoires) et de deux autres écrits aussi manuscrits, cités par Montfaucon.
  1. Jovius, Elogior. cap. CVIII.
  2. Magius, Miscellan., lib. II, cap. XIV.
  3. Vossius, de Hist. Lat., pag. 579.
  4. Voyez dans l’une des remarques de l’article Nicolas V, le passage de la Ire. Lettre du livre XXVI de Philelphe. [ Bayle n’a pas donné d’article à Nicolas V ; mais voyez la note ajoutée sur la remarque E.]

(A) Il composa une Vie de saint Athanase. ] Paul Jove insinue assez clairement que Tortellius ne fit que la traduire en latin : Divi Athanasii Vitam Eugenio expetenti latinam fecit [1]. Gesner le dit beaucoup plus expressément : Athanasii Alexandrini Vitam ad Eugenium pontificem in latinum transtulit [2]. Mais Vossius lui attribue en cela beaucoup plus que la fonction de traducteur : Athanasii Vitam ex variis, Eugenii postulato, consarcinavit ; et il cite Paul Jove et Volaterran [3]. La citation de Paul Jove ne saurait être tout-à-fait exacte, comme chacun le peut voir par la confrontation des paroles. Celle de Volaterran n’est pas plus exacte, car voici ce qu’il a dit : Joannes (Aretinus), cognomento Tortellius, romanæ ecclesiæ subdiaconus apud Eugenium quartum fuit. Orthographiam, vitamque Athanasii, ac nonnulla alia conscripsit [4]. Vossius assure que Wicelius a mis cette vie de saint Athanase dans son Hagiologia. Il conjecture que Tortellius est l’auteur de la Vie de saint Zenobius, évêque de Florence, insérée dans la compilation de Surius, sous le 25 de mai. La raison de sa conjoncture est prise des circonstances du temps, et de ce que l’auteur de cette Vie à nom Joannes archipresbyter Aretinus.

(B) Il a témoigné sa connaissance dans la grammaire, par son livre de Potestate Litterarum. ] « Ce que Volaterran appelle Orthographia, Paul Jove un livre de Potestate Litterarum, Gesner Commentarii Linguæ Latinæ, et Magius Lexicon, n’est qu’un seul et même volume de Tortellius, en deux parties, dont la première, qui est fort courte, contient quelques chapitres sur l’invention, le nombre, la figure, la prononciation, et l’assemblage des lettres de l’alphabet. La seconde, qui est fort longue, contient un catalogue alphabétique des mots latins, la plupart tirés du grec, desquels il enseigne ou tâche d’enseigner Dore [5]. »

(C) Laurent Valle lui a dédié ses livres de Latinâ Elegantiâ. ] De la manière que Gesner s’est exprimé, il n’y a personne qui ne jugeât que c’est Tortellius qui a dédié cet ouvrage à Laurent Valle. Voici les paroles de Gesner : Joannes Tortellius, natione Aretinus, Laurentii Vallæ amicissimus, ad quem elegantiarum linguæ latinæ sex libros perscripsit. Nicolai postmodùm pontificis contubernalis, et studiorum ejus intimus comes [6]. Des compilateurs qui, par l’envie de faire un gros livre en peu de temps, ou pour d’autres raisons, ne cherchent jamais hors de la page qu’ils ont sous les yeux l’instruction qui leur est nécessaire, feraient aisément trois grosses fautes, pour peu qu’ils joignissent leurs conjectures à ce texte de Gesner. 1°. Ils diraient que Tortellius a fait six livres des Élégances de la langue latine, et qu’il les a dédiés à Laurent Valle ; 2°. qu’il devint après cela domestique du pape Nicolas V, et son homme d’étude, et que ce fut le grand succès de son livre qui lui procura cet honneur ; 3°. que Nicolas V siégeait l’an 1420 ; car puisque Gesner met en ce temps-là l’état florissant de Tortellius, et que le sens commun nous dicte que cet état florissant doit être placé au temps que Tortellius était en faveur auprès de Nicolas V, il s’ensuit que, selon Gesner, ce pape siégeait au temps que j’ai dit. La vérité est qu’il fut élu l’an 1447, et que Tortellius était déjà son homme d’étude et son camérier lorsque Laurent Valle lui dédia ses Élégances. Je ne sais ce que veut dire Moréri sur cet article avec sa citation vague de Valère André. Que ne consultait-il Vossius et Paul Jove, qui lui eussent fourni quelque remède contre la maigreur ?

(D) Vossius le fait frère de Charles Arétin. Volaterran ne dit rien de cette fraternité prétendue. ] J’ai bien raison de la nommer de la sorte, puisque Tortellius, parlant de Charles et de Léonard d’Arezzo, les qualifie simplement ses compatriotes : A doctissimis viris nostræ ætatis, dit-il [* 1], et conterraneis meis Leonardo et Carolo Arretinis ; et lorsqu’il fait mention de Charles, il dit toujours : ou Carolus Arretinus conterraneus meus, ou Carolus noster Arretinus [* 2]. Ceci m’a été communiqué par M. de la Monnoie. Rapportons les paroles de Volaterran, et celles de Vossius ; on verra si le dernier a pu se fonder sur le premier : Carolus et Joannes Aretini nobilia temporis illius ingenia, quorum alter scriba Florentinorum Leonardo successit : alter Joannes cognomento Tortellius romanæ ecclesiæ subdiaconus apud Eugenium quartum fuit [7]. Voici ce que Vossius rapporte : Joannes Aretinus cognomento Tortellius Caroli Aretini, qui post Leonardum Aretinum scriba Florentinorum fuit, frater, romanæ ecclesiæ subdiaconus apud Eugenium IV... præter grande de orthographiâ volumen, etiam Athanasii Vitam.… consarcinarvit, ut præter Jovium auctor est Volaterranus lib. XXI Anthropol. ubi et hosce Aretinos fratres nobilia illius temporis ingenia appellat [8]. Si l’on s’était contenté de dire qu’ils étaient parens, on aurait pu se fonder sur ces paroles de Philelphe : Putabam Carolum Arretinum rediisse mecum in gratiam. Ità enim Joannes Arretinus ejus necessarius tuis verbis mihi renunciârat [9] ; car quoique necessarius se prenne quelquefois pour ami intime, Philelphe, cependant, et la plupart des écrivains de ce temps-là ne l’emploient jamais que dans le sens de parent, ou d’allié. Cette observation est de M. de la Monnoie.

(E) Philelphe fut du nombre de ceux qui se rétractèrent des louanges qu’ils avaient données à J. Arétin. ] Je citerai dans l’article de Nicolas V une lettre de Philelphe, datée du 1er. d’août 1465, où la littérature latine et grecque de Tortellius est bien louée [* 3]. Mais voici ce que le même Philelphe écrivit le 29 de mai 1473 : Video quosdam nostræ tempestatis homines, qui cùm magnum de se quiddam voluerunt in arte grammaticâ profiteri, in maximos errores devenerunt. E quorum numero principatum mihi tenere visus est Joannes Tortellius Aretinus, qui cùm et græcam et latinam litteraturam novisse videri vult, utramque ignoravisse apertissimé declarat [10].

  1. (*) Dans la Ire. partie de son ouvrage au chapitre de l’Y grec.
  2. (*) Dans la IIe. partie qui contient les mots par ordre alphabétique.
  3. * Bayle n’ayant pas donné l’article Nicolas V, voici du moins le passage qu’il avait promis et qu’a transcrit Joly : vir gravis ac disertus Joannes Tortellius, Arretinus, quem propter eruditionem latinæ græcæque litteraturæ, nobilissimæ illi sua Bibliothecæ idem Nicolaus Quintus præfecerat, etc. Cette lettre, dit Joly, est la première du livre XXVI.
  1. Jovius, Elogiorum cap. CVIII, pag. 251.
  2. Gesneri Biblioth., folio 458.
  3. Vossius, de Hist. Lat., pag. 579.
  4. Volater., lib. XXI, pag. 773.
  5. M. de la Monnoie, remarques manuscrites.
  6. Gesneri Bibliotheca, folio 458, ex Trithemio.
  7. Volaterranus, lib. XXI, pag. 773.
  8. Vossius, de Hist. Lat., pag. 579.
  9. Philelphus, Epist., lib. IX.
  10. M. de la Monnoie m’a fourni ceci.

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