Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Arnauld 1

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ARNAULD [* 1], famille noble et ancienne d’Auvergne. Il y a plus de deux cents ans qu’une fille de cette maison fut mariée à un seigneur de la Fayette, petit-fils de celui qui était maréchal de France sous Charles VI. Henri Arnauld épousa, vers l’an 1480, Catherine Bariot, parente de celui qui fut conseiller au parlement de Paris, et maître des requêtes, sous Louis XI [a]. Peu de temps après ce mariage, il vint s’établir à Riom, où il fut attiré, avec plusieurs autres personnes de mérite, par Pierre de Bourbon comte de Beaujeu (A), qui y faisait sa résidence ordinaire. Ce prince était marié avec Madame Anne de France, fille de Louis XI, laquelle gouvernait absolument l’esprit de Charles VIII son frère, et était régente pendant sa minorité. Henri Arnauld se fit estimer du comte et de la comtesse de Beaujeu. Il devint écuyer du comte, et gouverneur de la ville et du château de Hermant. C’était le lieu de sa naissance, à huit lieues de Riom, sur les frontières de la Marche du Limosin, près d’Ussel. Ce gouvernement lui fut continué par le connétable de Bourbon, gendre du comte de Beaujeu. La charge d’écuyer lui fut aussi conservée. Il rendit un très-grand service à ce connétable, en faisant ferrer ses chevaux à rebours [b], lorsque François Ier., qui le traitait de rebelle, envoya des gens pour le prendre. Ces gens-là, jugeant par la trace des chevaux qu’il état parti du lieu où au contraire il s’était caché, allèrent courir inutilement où il n’était pas. Henri Arnauld avait lié une amitié très-étroite avec Florimond de Robertet, secrétaire du comte de Beaujeu, et depuis secrétaire d’état sous François Ier., et il ne tint qu’à lui de procurer à son fils un mariage très-avantageux par la générosité de cet ami ; mais il voulut répondre à cette générosité par une autre (B). Il laissa deux fils, Jean et Antoine. Le premier mourut sans enfans : il se donne, dans les registres baptistaires de la ville de Riom, en 1542, la qualité de commandeur de Hermant. Antoine Arnauld, son cadet, a continué la postérité. Il épousa en premières noces Marguerite Mosnier-Dubourg, proche parente du chancelier de ce nom, sœur du fameux Anne Dubourg conseiller au parlement, et de Jean Dubourg lieutenant criminel de Riom. Il n’eut qu’un fils de ce mariage, savoir Jean de la Motte-Arnauld, dont parle M. de Thou dans son histoire avec tant d’éloge, qui, à la tête d’une compagnie de cavalerie dont il était capitaine, s’enferma dans la ville d’Issoire, qui tenait pour le roi contre la ligue, et en soutint long-temps le siége avec les seigneurs de Chabanes et de Chazeron ; après quoi, il fit une vigoureuse sortie, à la tête de trente maîtres, et tua de sa propre main le comte de Randam [c], chef de la ligue en Auvergne. Cette mort fit lever le siége, et fut cause du gain de la bataille qui se donna ensuite, et qui assura toute l’Auvergne à Henri IV, le même jour et la même année qu’il gagna la bataille d’Ivry. Le père de ce Jean Arnauld suivit d’abord le parti des armes. Il leva une compagnie de chevau-légers, et se trouva en diverses occasions. Mais Catherine de Médicis, le connaissant capable et fidèle, le fit son procureur général, et procureur du roi au présidial de Riom, qui en ce temps-là avait plus de quarante lieues d’étendue [d]. Il se distingua fort dans ces deux charges. Il prend dans tous les actes qui restent de lui la qualité de seigneur de la Motte, de Chantegrenelle, de Fontainebleau, de Pessac, et de Bonnefilles, qui sont des fiefs et des châteaux à une demi-lieue de Riom. Il épousa en secondes noces Anne Forget, fille du premier maître d’hôtel du connétable de Bourbon [e]. Il vécut jusqu’à l’âge de cent et un ans, et mourut à Paris, où la reine Catherine de Médicis l’avait appelé. On l’enterra dans l’église de Saint-Sulpice, à la première chapelle qui y ait été bâtie, dont il était le fondateur. Le titre de la fondation porte qu’il avait une charge de correcteur des comptes, et de contrôleur général des restes (C), et qu’il était seigneur de Corbeuille, près de Paris. De son second mariage sortirent douze enfans mâles [f], et entre autres Antoine Arnauld, dont je parlerai à part ; Isaac Arnauld, qui fut intendant des finances ; David Arnauld, capitaine, tué au siége de Jerzeau ; Louis Arnauld, général des finances à Riom ; un autre Louis Arnauld, secrétaire du roi à Paris ; et Pierre Arnauld, le plus jeune des douze frères, et celui qui se distingua le plus dans la profession des armes. Il fut maréchal des camps et armées du roi Louis XIII, gouverneur du Fort-Louis, et colonel du régiment de Champagne. C’est celui dont le sieur de Pontis fait une si honorable mention : il ne craint point de l’égaler aux plus fameux capitaines qui aient jamais été parmi les Grecs et les Romains. Il dit que c’était l’homme du monde qui savait le mieux l’ancienne discipline militaire, et qui la faisait le mieux observer par les soldats, et qu’ils l’aimaient jusqu’à l’adoration. Isaac Arnauld, dont il a été parlé ci-dessus, fut père d’un autre Isaac Arnauld, qui fut gouverneur de Philisbourg, et mestre-de-camp des carabins, un des plus braves hommes, et des plus beaux esprits de son siècle : il est célèbre dans les écrits de Voiture. Sa sœur fut mariée à Manassé de Feuquières, qui commandait l’armée du roi devant Thionville, l’an 1639 [g].

  1. * Les nouveaux éditeurs de la Bibliothéque Historique de la France, par le père Lelong, tome II, n°. 29087, disent qu’il fallait écrire Arnaud. Au n°. 19779 ils avaient dit que ce fut Antoine Arnauld, docteur de Sorbonne, né en 1612 (dont on verra l’article ci-après) qui ajouta une l à son nom, et que quelques-uns de ses parens l’ont imité. En traduisant son nom en latin, Antoine avait écrit Arnaldus.
  1. De lui sont sortis M. Bariot, marquis de Moussy, et MM. Bariot, comtes d’Honneuil et du Masy.
  2. On voit dans les Galanteries des rois de France, imprimées en Hollande l’an 1694, à la page 189 du premier tome, que la maison d’Arnauld fut pillée à cause de cette ruse.
  3. Madame de Senecey, gouvernante du roi, était sa fille.
  4. Les présidiaux de Guéret, de Clermont et d’Aurillac n’en avaient pas été démembrés encore.
  5. M. Forget, secrétaire d’état sous Henri IV, et président à mortier, était de la même famille.
  6. Dans le Discours historique de la Vie de M. Arnauld, docteur de Sorbonne, pag. 2, édition de Liége, en 1702, on ne donne que huit fils, de deux lits, à Antoine Arnauld.
  7. Tiré d’un Mémoire communiquée à l’auteur du Mercure Galant, et inséré au mois de décembre 1693.

(A) Il fut attiré à Riom, avec plusieurs autres personnes de mérite, par Pierre de Bourbon, comte de Beaujeu. ] On montre encore dans Riom les maisons des Montboissier, Montmorin, Chazeron, Florat, Chasteaugay » Mariliac, Dubourg, Duprat, Forget, et Robertet, qui tous furent les principaux officiers et favoris du comte et de la comtesse de Beaujeu, et du connétable de Bourbon, leur gendre, par qui ils furent tous avancés dans la suite aux premières dignités de l’épée et de la robe [1]. Voilà par quel cas fortuit il est arrivé que tant d’Auvergnats ont paru à la cour de France, dans les postes les plus sublimes, sous Charles VIII, Louis XII, et Francois Ier. La comtesse de Beaujeu les avait tirés de leur province, et leur avait mis la fortune en main. Sans elle, ils seraient morts dans l’obscurité, leurs grands talens ne seraient jamais sortis hors de terre. Concluez de là que la gloire particulière d’une province, en certains temps, ne dépend que de ces sortes de patronages. Vous trouverez un supplément de ceci dans la suite du Ménagiana, aux pages 304 et 305 de l’édition de Hollande.

(B) Il était intime ami de Robertet… et il répondit à sa générosité par une autre. ] Voici ce que c’est. Florimond de Robertet, quittant Montbrison sa patrie, fut s’établir dans Riom, et devint secrétaire du comte de Beaujeu. Il le gouvernait absolument, comme il gouverna ensuite l’esprit de Charles VI, à qui la régente le donna, et celui de Louis XII, après la mort du cardinal d’Amboise, et enfin celui de Francois Ier., dont il fut secrétaire d’état. Il aimait si fort Henri Arnauld, que, lorsqu’il quitta Riom, pour s’établir à la cour de Charles VIII, il y amena tous ses enfans, hormis Jeanne de Robertet sa fille aînée, qu’il laissa à Riom entre les mains de la femme de Henri Arnauld, exprès afin qu’ils la mariassent avec Jean Arnauld leur fils aîné, quand elle serait en âge. Mais les tuteurs ne trouvèrent pas leur fils un parti assez bon pour elle ; ainsi ils la marièrent au plus riche jeune homme de Riom, nommé Amable de Ceriers, fils d’une Mariliac [2].

(C) Il était correcteur des comptes, et contrôleur général des restes. ] Depuis la première édition de cet ouvrage, j’ai reçu un petit mémoire écrit par un des premiers généalogistes de l’Europe. J’y ai trouvé ce qui suit : « Antoine Arnauld, sieur de la Mothe et de Villeneuve, procureur du roi en la sénéchaussée d’Auvergne à Riom, solliciteur général des restes du parlement en 1568 et 1570, puis auditeur des comptes à Paris, et procureur général ensuite de Catherine de Médicis, fut anobli en décembre 1577, en qualité d’auditeur des comptes. Il était fils d’Henri Arnauld, bailli du lieu d’Hermant en Auvergne, et de N. Colonges. Il avait épousé Anne Forget, fille de Jean Forget sieur de Bidoigne procureur du roi en Auvergne, et de Jeanne Godinet, et il mourut à l’âge de cent et un an, environ l’an 1591. Voyez les Mémoires de Sully, tom. IV, folio 71. » Mais, d’autre côté, lisez aussi la suite du Ménagiana, à la page 305 de l’édition de Hollande.

  1. Tiré d’un Mémoire inséré dans le Mercure Galant du mois de décembre 1693, pag. 42.
  2. Tiré du même Mémoire.

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