Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Astyanax

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ASTYANAX, fils unique d’Hector et d’Andromaque (A), donna de l’inquiétude aux Grecs au milieu de leurs victoires, quoiqu’il ne fût encore qu’un enfant. Les vents contraires les empêchant de s’en retourner chez eux après la ruine de Troie, Calchas déclara qu’il fallait précipiter Astyanax du haut en bas des murailles ; parce que, s’il devenait grand, il ne manquerait pas de venger la mort de son père, et d’être plus brave encore que lui. Là-dessus, Ulysse se mit à le chercher ; et l’ayant trouvé, nonobstant les soins qu’avait pris sa mère de le cacher, il le jeta en bas des murailles [a]. D’autres disent que ce fut Ménélas qui fit cette exécution [b]. D’autres l’attribuent à Pyrrhus tout seul, sans dire que les Grecs, ou Calchas, l’eussent jugée nécessaire [c]. Quoi qu’il en soit, les poëtes, et les faiseurs de romans ont bien su le ressusciter, ou plutôt le faire échapper de la main des Grecs (B).

  1. Servius, in Æneïd., lib. III, vs. 489.
  2. Idem, in Æneïd., lib. II, vs. 457.
  3. Pausan., lib. X.

(A) Il était fils unique d’Hector et d’Andromaque. ] Homère le dit expressément ; car il ne faut point douter que ceux qui traduisent Ἐκτορίδην ἀγαπητὸν [1], par fils unique d’Hector, n’aient raison : c’est ainsi que l’entend le scoliaste. Les regrets d’Andromaque au XXIIe. livre de l’Iliade témoignent clairement qu’elle n’avait que ce fils. Hector lui donnait le nom de Scamandrius, et les Troyens l’appelaient Astyanax, à cause qu’Hector était la seule défense de la ville [2].

(B) Les poëtes, et les faiseurs de roman...... ont bien su le faire échapper de la main des Grecs. ] Ils ont dit que le même fils d’Hector, qui avait été nommé Astyanax ou Scamander, s’appela Francion, et qu’il fut la tige d’où les rois de France sont sortis [3]. Le Manethon d’Annius de Viterbe dit que Francus, fils d’’Hector, fut roi des Celtes, c’est-à-dire, des Gaulois. L’imposteur, qui a forgé cette pièce, cite dans ses notes Vincent de Beauvais, qui dit que ce Francus s’étant retiré dans les Gaules, après la ruine de Troie, s’y fit tellement aimer du roi, qu’il en épousa la fille, et qu’il succéda à sa couronne. Je n’ai point trouvé dans Manethon [4] ce que du Pleix lui attribue ; c’est que Francus succéda à Rhémus, roi des Gaules, duquel il avait épousé la fille [5]. Je n’ai pas même trouvé cela dans le commentateur de Manethon. Du Pleix ajoute que Trithème, alléguant pour son auteur Hunnibaud, qui vivait sous Clovis Ier., et celui-ci nommant pour ses garans Dorac et Wasthald, historiens scythes, dit qu’Hector eut deux fils, dont l’un, appelé Astyanax ou Scamander, périt à la prise de Troie, l’autre, appelé Laodamas [6] ou Francion, échappa des mains des ennemis, et s’enfuit avec un bon nombre de Troyens en la Pæonie, qui depuis fut dite Pannonie ; et ayant été accueilli humainement du roi des Pæoniens, il s’arrêta en cette contrée sur les frontières de Scythie, et y bâtit la ville de Sicambrie, où lui et sa postérité régnèrent jusques au temps du roi Antenor, qui fut tué par les Goths 420 ans avant Jésus-Christ. Les violences des Goths obligèrent les Troyens ou Sicambriens à se retirer en Allemagne, où ils se divisèrent en deux branches : l’une desquelles fonda enfin la monarchie française dans les Gaules ; l’autre s’arrêta dans l’Allemagne, et y fonda la Franconie, ou la France Orientale. Que de chimères ! M. Moréri, ne considérant pas que les auteurs de ces légendes sont assez chargés de mensonges, leur en attribue qu’ils n’ont point dits. Il impute au faux Manethon, et à d’autres auteurs de cette trempe, d’avoir fait premier roi des Gaules Francion ou François [7], fils d’Hector. Mais ils ne prétendent point cela, puisqu’ils disent que le roi des Gaules lui donna sa fille. De plus, quelle négligence n’est-ce pas, que de faire connaître Andromaque seulement comme mère de ce Francion, lorsqu’on pouvait lui donner un fils plus réel, je veux dire Astyanax ! Voilà deux fautes de Moréri, en voici une autre. Il dit qu’Astyanax fut précipité par ordre d’Ulysse, et il cite l’Enéide de Virgile. Or, ce poëte n’a rien dit de semblable dans aucun de ses ouvrages.

  1. Homer., Iliados lib. VI, vs. 401.
  2. Ibidem, vs. 403, et lib. XXII, vs. 507.
  3. Voyez Ronsard, au commencement de la Franciade.
  4. Édition d’Anvers, in-8o, en 1552.
  5. Du Pleix, Mémoires des Gaules, liv. II, chap. XXI.
  6. Dictys de Crète, au livre VI, dit que Pyrrhus emmène prisonnier Laodamas fils d’Hector et d’Andromaque.
  7. C’est mal traduire le nom propre Francus.

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