Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Atrax

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ATRAX ou ATRACIA [a], ville de Thessalie [b], sur le Pénée, eut ce nom à cause qu’Atrax, fils de Pénée et de Bura, la fit bâtir [c]. Elle devait être considérable, puisque les poëtes se sont quelquefois servis de l’épithète Atracien, pour signifier Thessalien (A). Pline met les Atraciens parmi les peuples d’Étolie [d], mais il ne faut pas inférer de là qu’il ait prétendu parler d’un peuple différent de celui qui habitait la ville d’Atrax, qu’il attribue à la Thessalie [e]. Les confins des peuples et les divisions des provinces ont souvent changé, et ainsi le même canton qui appartenait en un temps à l’Étolie, était censé Thessalien en un autre temps. La rivière Atrac, qui avait son embouchure dans la mer Ionienne [f], passait par le pays des Atraciens.

  1. Stephan. Byzantin., verbo Ἄτραξ.
  2. Strabo, lib. IX, pag. 303.
  3. Stephan. Byzantin., verbo Ἄτραξ.
  4. Plinii Hist. natur., lib. II, cap. II.
  5. Ibidem, cap. VIII.
  6. Ibidem, lib. IV, cap. II.

(A) Les poëtes se sont quelquefois servis de l’épithète Atracien, pour signifier Thessalien. ] Céneüs, qui fut tué dans le combat des Centaures et des Lapithes, aux noces de Pirithoüs, est appelé Atracides par Ovide [1], non pas pour signifier qu’il était fils d’Atrax, car un peu auparavant on l’avait nommé fils d’Élatus [2], mais pour signifier en général qu’il était de Thessalie. Je n’ignore pas que selon d’autres auteurs [3] il était fils d’Atrax. Le même poëte nomme simplement Atracis la femme de Pirithoüs.

Desine mirari posito quod candida vino
Atracis ambiguos traxit in arma viros [4].


Il lui donne ailleurs le nom propre Hippodamie ; mais il y ajoute l’épithète Atracis.

An fera centauris indicere bella coëgit
Atracis Hæmonios Hippodamia viros [5] ?


Valérius Flaccus a désignée par les mots Atracia Virgo [6].

On ne peut pas supposer qu’Ovide entend qu’elle est fille d’Atrax, on prouverait trop par-là. Il faudrait aussi conclure qu’il a donné à Céneüs le même père ; mais il l’a fait fils d’Élatus, et il n’a point dit que Céneüs était frère de la mariée : omission impardonnable, s’il l’avait cru le beau-frère de Pirithoüs.

Je crois qu’Apulée s’est imaginé que le nom propre de la femme de Pirithoüs était Atracis ; car comme il écrivait en prose, il ne l’eût pas ainsi nommée, s’il eût su que ce mot-là n’était qu’un jeu ou qu’une figure poëtique. Sic instar Atracis, dit-il [7], vel (lisez et) Pirithoï dispectæ disturbatæque nuptiæ. Béroalde a fort bien compris qu’il s’agit là d’Hippodame (ou d’Hippodamie), femme de Pirithoüs ; mais quand il ajoute qu’elle s’appelait Atracis à cause qu’elle était fille d’Atrax, qui fut le premier auteur de la magie parmi les Thessaliens [8], il dit une chose dont il aurait dû apporter des preuves, car on ne trouve point qu’Atrax ait établi la magie. Il est bien vrai qu’on l’a nommée Ars atracia [9] ; mais ce n’est qu’au sens d’Ars thessalica, qui signifie en général la magie, à cause que la Thessalie était fameuse de ce côté-là [10]. C’est dans le même sens qu’il faut prendre ces vers de Valérius Flaccus :

Quamvis atracio lunam spumare veneno
Sciret, et Hæroniis agitari cantibus umbras [11].


Le scoliaste de Stace est le seul, si je ne me trompe, qui ait dit qu’Atrax était père d’Hippodamie. C’est ainsi que je voudrais corriger le mot Hippocatiæ, et non pas comme Barthius, par Hippocrateæ [12]. Le scoliaste d’Homère, sur le XXIe. livre de l’Odyssée ; Eustathius, sur le même endroit ; et Hygin, au chapitre XXXIII, disent que la ferme de Pirithoüs s’appelait Hippodamie, et qu’elle était fille d’Adraste. Je ne sais si l’on n’aurait point changé le génitif Ἄθρακος en Ἀδράςου. Si cela était arrivé, Atrax, le vrai nom du père d’Hippodamie serait disparu pour faire place à Adraste. Les copistes ont introduit des changemens aussi malaisés à faire que celui-là. J’en vais donner un exemple, tiré de notre sujet. Tous les manuscrits de Lycophron portent aujourd’hui ἄρπαγας λύκους [13], rapaces lupos ; cela signifie les Argonautes ; mais l’exemplaire, dont Étienne Byzantin s’est servi, ἄτρακας λύκους [14], Atracenses lupos, c’est-à-dire, loups de Thessalie. C’est ainsi qu’Eustathius a cité cet endroit de Lycophron [15].

Ce que Barthius prétend, qu’Atraciæ Oræ, dans Properce [16], signifie un lieu éloigné, et que Catulle s’est servi du mot Atracis dans un même sens [17], n’est pas fort fin. Quelques critiques mettent dans Catulle Atacis, rivière des Gaules, et non pas Atracis, rivière de Grèce ; mais quoi qu’il en soit, nous devons entendre littéralement ce que Catulle et Properce disent [18]. Quant à ce que Barthius suppose, qu’ils ont fait quelque allusion aux arts magiques, c’est une imagination ridicule.

  1. Ovidii Metamorph., lib. XII, vs. 209.
  2. Proles Elateia, ibid., vs. 189.
  3. Antonini Liberal. Metamorph., cap. XVII.
  4. Ovidii Amorum lib. I, eleg. IV, vs. 7.
  5. Ovidius, Epist. Helenæ, vs. 247.
  6. Valerii Flacci Argon., lib. I, vs. 141.
  7. Apuleii Metamorph., lib. IV, pag. 357 editionis anni 1615.
  8. Voyez les notes de Philip. Béroalde sur cet endroit d’Apulée.
  9. Statii Thebaïd., lib. I, vs. 106.
  10. Plinii Hist. natur., lib. XXX, cap. I.
  11. Valerii Flacci Argon., lib. VI, vs. 447.
  12. Voyez le Commentaire de Barthius sur Stace, tom. II, pag. 30, 31.
  13. Lycophronis Alexandra, vs. 1309.
  14. Steph. Byzant., au mot Ἄτραξ.
  15. Voyez Canter, sur ces paroles de Lycophron.
  16. Propertii Eleg. VIII, lib. I.
  17. Catulli Epigramm. XCVI.
  18. Voyez Scaliger sur cet endroit de Properce.

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