Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Attilius

La bibliothèque libre.

◄  Attila
Index alphabétique — A
Attius (Lucius)  ►
Index par tome


ATTILIUS, poëte latin, a vécu, selon toutes les apparences, au commencement du VIIe. siècle de Rome. Volcatius Sedigitus lui a donné le cinquième rang parmi les dix poëtes comiques. C’était pourtant un mauvais auteur : son style était dur comme le fer [a], non-seulement selon le goût de Cicéron, mais aussi selon le goût de Licinius, qui n’avait pas à beaucoup près l’oreille aussi délicate que Cicéron. La traduction de l’Électre de Sophocle par Attilius ne valait rien : cependant Cicéron la jugeait digne d’être lue [b]. Suétone remarque qu’on en tira quelques endroits, pour les chanter pendant la pompe funèbre de Jules César, à cause qu’ils pouvaient être appliqués aux assassins de cet empereur [c]. C’est en vain que Casaubon et Torrentius ont changé ce passage de Suétone (A). Ils n’ont fait que donner un exemple des désordres que la critique peut quelquefois apporter.

  1. Voyez la remarque (I) de l’article Accius, au commencement.
  2. Voyez la même remarque.
  3. Sueton., in Cæsar, CLXXXIV.

(A) Casaubon et Torrentius.... n’ont rien éclairci touchant Attilius, en changeant un passage de Suétone. ] Casaubon ayant trouvé dans tous les exemplaires de Suétone, ex Electrâ Attilii aliâ ad similem sententiam, ne laissa pas de croire qu’il fallait ôter cet Attilii, et mettre à la place Attii. Sic emendavimus, dit-il, corruptam omnium librorum lectionem Attilii. Torrentius ne se contenta pas de chasser Attilius en faveur d’Attius : il chassa aussi l’Électre, et prétendit que Suétone n’avait parlé que d’une pièce d’Attius, intitulée comme celle de Pacuvius, laquelle il venait de citer Armorum judicium. La raison de Torrentius est que les manuscrits varient furieusement sur le nom du poëte, mais qu’ils ont plus souvent Accius ou Attius. Voilà comment les critiques sont d’accord sur les leçons des manuscrits, qui est une matière de fait. Casaubon avoue qu’il a trouvé Attilius partout. Torrentius dit au contraire qu’il a trouvé moins souvent Attilius. Pierre Crinitus s’était plaint que les grammairiens eussent mis Accius au lieu d’Attilius dans ce passage de Suétone [1]. Mais venons à quelque chose de moins creux. Encore que Casaubon ne nous ait point dit pourquoi il avait changé le texte, on ne dit point douter qu’il n’ait en la même raison que Torrentius. Or, voici la raison de Torrentius : il ne se souvenait point d’avoir rien lu touchant l’Électre d’Attius, ni touchant un poëte qui eût nom Attilius. Il est moins surprenant qu’un homme docte se laisse entraîner par un tel principe à la négation d’un fait, que de voir que ces deux excellens critiques ignorassent que Cicéron a parlé de l’Électre d’Attilius ; qu’il a traité Attilius de poëte très-dur ; que Volcatius Sedigitus fait une honorable mention de lui dans Aulu-Gelle ; et que Varron l’a cité au Ve. et au VIe. livres de la langue latine[2]. Je ne parle point de Crinitus, ni de Grégoire Gyraldas, qui ne l’ont pas oublié dans la Vie des poëtes latins ; à telles enseignes que ce dernier a imputé faussement à Cicéron de l’avoir qualifié poëte tragique[3]. Je n’ai que faire de toucher aux plaintes qui ont été publiées contre ceux qui changent les leçons de manuscrits, à proportion qu’ils entendent ou qu’ils n’entendent pas une chose. Ce seroit songer à cela mal à propos, vu les grands services que Casaubon a rendus à la république des lettres par son érudition aussi vaste que judicieuse. Le mérite de Torrentius n’est pas de la même force ; mais il a son prix, que je ne prétends point diminuer.

  1. P. Crinitus, de Poët. lat., cap. XIV.
  2. Voyez Reinesius, variar. Lection. lib. III, cap. III, pag. 370, apud Sueton. Grævii, in Cæsare, CLXXXIV.
  3. Apud Vossium, de Poët. lat., pag. 7.

◄  Attila
Attius (Lucius)  ►