Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Charles-Quint

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CHARLES-QUINT, empereur et roi d’Espagne, né à Gand le 24 de février, fête de saint Mathias 1500, a été le plus grand homme qui soit sorti de l’auguste maison d’Autriche. Il était homme de guerre, et homme de cabinet : de sorte que se trouvant maître de tant de royaumes et de provinces, il aurait pu subjuguer toute l’Europe, si la valeur de François Ier. n’y eût apporté des obstacles (A). Il y eut une concurrence continuelle entre ces deux princes, dans laquelle la fortune se déclara presque toujours contre la France ; ce qu’il fallait attribuer en partie à la supériorité de forces qui favorisait Charles-Quint, et en partie à la mauvaise conduite du conseil de France, où l’on faisait plus de fautes que la valeur des troupes françaises n’était capable d’en réparer. Tout cela n’empêcha point Charles d’éprouver plusieurs revers de fortune dans ses expéditions contre la France. On prétend qu’il fut un de ces esprits tardifs, qui ne promettent rien moins dans leur jeunesse que ce qu’ils seront un jour. On veut même que cela lui ait été fort utile pour obtenir la préférence sur Francois Ier. par rapport à la couronne impériale (B). Quoiqu’il eût un habile précepteur [a], il n’apprit que peu de latin [b] ; il réussit beaucoup mieux aux langues vivantes. Il avait la française tellement en main, qu’il s’en servit pour composer ses propres annales (C). On prétend néanmoins qu’il estimait plus l’espagnole (D). Il a harangué en certaines occasions ; mais il s’oublia d’une terrible manière dans la harangue qu’il prononça en espagnol devant le pape, l’an 1536 (E). On n’eut pas sujet en France d’être content des ambassadeurs de la nation qui assistèrent à cet acte (F). Bien des gens l’ont accusé d’avoir fait une grande faute lorsqu’il se livra à la bonne foi de François Ier. (G). Il faut être bien satirique pour appeler cela une faute (H). Les historiens flamands ont été, ou fort simples, ou fort malhonnêtes, en rapportant ce qui se passa en cette rencontre (I). La levée du siége de Metz fut une des rudes mortifications qu’il eût essuyées en toute sa vie ; et on lui fait dire un bon mot sur l’ascendant que l’étoile de Henri II prenait sur lui (K). Quelque grands succès qu’il ait eus dans ses entreprises, il est néanmoins certain que son histoire n’est qu’un mélange de bonheur et de malheur (L). Son abdication est quelque chose de fort singulier : ce fut un beau thème pour les faiseurs de réflexions ; ils dirent des choses bien différentes sur ses motifs (M), et sur les occupations de sa solitude (N) ; et quelques-uns prétendirent qu’il se repentit bientôt d’avoir cédé ses états à un fils surtout qui en témoigna si peu de reconnaissance (O). Il n’oublia point, dit-on, de s’y donner la discipline (P) : et en général quelques auteurs parlent fort avantageusement de sa piété (Q). D’autres prétendent qu’il avait plus d’ambition que de religion (R), et qu’il mourut presque luthérien (S). La première de ces deux choses est plus probable que la dernière. On cite mal à propos sur celle-ci l’apologie du prince d’Orange (T). Charles-Quint ne fut pas exempt de l’infirmité humaine par rapport aux femmes, et il était beaucoup plus sobre que chaste (U). Il mourut le 21 de septembre 1558, dans le monastère des hiéronymites où il avait choisi sa retraite. Son corps y fut laissé en dépôt jusqu’à l’arrivée du roi Philippe II en Espagne. On lui fit de magnifiques funérailles quelque temps après. Celles qui lui furent faites à Bruxelles dans l’église de Sainte-Gudule furent infiniment superbes : aucun de ses exploits ne fut oublié dans les inscriptions qui décorèrent l’église [c] ; et je ne crois pas que l’on ait jamais donné autant de titres à aucun prince du monde qu’on lui en donna alors. Si le sujet était grand, l’imagination et la rhétorique des Espagnols le furent aussi ; et sûrement les historiens de ce prince auraient plus honoré sa mémoire, s’ils avaient donné plus de bornes à leurs louanges. Une page de M. de Thou [d] est préférable à un volume de Sandoval, parce que M. de Thou, bon français, n’est point suspect de flatterie..….. On n’a pas manqué d’observer que plusieurs présages distinguèrent la mort de cet empereur [e]. On a même débité que son cadavre fut préservé de la pouriture (X). Sa vie fut publiée en italien, l’an 1559, par un Espagnol nommé Alfonse Ulloa, et depuis ce temps-là bien d’autres plumes se sont exercées sur cette belle matière (Y). J’ai oublié d’observer que l’on a dit, qu’afin de goûter de toutes sortes de dominations, il aspira à être pape (Z). Si on l’avait traité en cet état comme il traita Clément VII, il eût été bien marri que ses vœux eussent été exaucés. On prétend que les ravages d’Alaric et de Totila, et tout ce, en général, que les peuples les plus barbares ont fait dans Rome, n’approche point des excès que l’armée de Charles-Quint y commit. Il y eut là-dessus une chose remarquable. Ce prince prit le deuil pour cette victoire : il fit défendre le son des cloches [f], et ordonna des processions et des prières publiques par toutes les églises pour la délivrance du pape son prisonnier [g] ; et néanmoins il ne châtia aucun de ceux qui traitèrent le pape et la ville de Rome si indignement [h]. Ces artifices d’une profonde politique n’ont pas été moins remarqués que ceux dont il se servit dans la rébellion de Naples (AA). Ceux, qui le préfèrent à tout ce qu’il y avait eu de plus grand dans l’Europe depuis les Romains [i], le flattent ; car qu’acheva-t-il ? La guerre qu’il fit dans l’empire pour sa religion ne fut-elle point terminée à l’avantage des protestans ? et bien loin d’avoir conquis quelque chose sur la France, il n’avait pas eu même la force de retirer d’entre les mains de cette couronne ce qu’elle avait conquis. Si son successeur en recouvra la principale partie, ce fut par un traité de paix où la France se laissa duper et trahir honteusement.

Les historiens de Charles-Quint ont trop imité les poëtes : ils ont entassé souvent beaucoup de prodiges dont ils prétendent que ses victoires furent précédées. C’est ce qu’ils ont fait principalement à l’égard de la bataille de Mulberg, qu’il gagna le 24 d’avril 1547. Ils disent que le soleil s’arrêta (BB), et que Dieu fit en faveur de sa majesté catholique le même miracle qu’il avait fait pour Josué. On fit courir une prophétie qui promettait à cet empereur la défaite des Français, celle des Turcs, la conquête de la Palestine, etc. (CC). Nous dirons un mot touchant un lis qu’il avait planté dans le jardin de sa solitude (DD). Je ne sais si l’on a jamais réfléchi sur une circonstance notable du siége de Metz. Il ne forma point d’entreprise qui fût plus juste que celle-là ; ni dont le succès fût plus malheureux (EE). On ne doit point passer sous silence ce qu’il dit à François Ier. Nous commandons vous et moi à des peuples si bouillans, si fiers et tempestatifs, que si nous ne nous faisons quelque guerre par intervalles pour les amuser, et leur amortir cette impétuosité belliqueuse, nos sujets propres nous la feront, qui sera bien pis [j]. Il laissa une instruction à son fils, dans laquelle entre autres conseils il lui donna celui-ci, « de caler la voile quand la tempête est trop forte, de ne s’opposer point à la violence du destin irrité, d’esquiver avec adresse les coups qu’on ne peut soutenir de droit fil ; de les laisser passer ; de se jeter à quartier, et d’observer l’occasion de quelque favorable révolution, et d’une meilleure aventure [k]. » Il pratiqua ce conseil à la paix de Passau, qui eût été honteuse à l’empire, si la nécessité ne l’eût plutôt faite que l’inclination de l’empereur. Il le pratiqua à la paix de Soissons, où la disette d’argent interrompit la prospérité de ses armes, et lui-même fut contraint de s’offrir en otage aux Allemands qui, sans cela, faisaient dessein de s’en saisir [l]. Lui et son fils se croyaient capables de se bien servir des occasions ; car c’était un de leurs mots, Yo y el tiempos para dos otros ; Moi et le temps à deux autres [m]. L’auteur que je cite [n] raconte une chose qui témoigne également la curiosité de cet empereur pour l’astronomie, et son intrépidité. La magnificence avec laquelle les Fuggers le reçurent dans leur maison à Ausbourg ne doit pas être oubliée (FF).

  1. Il a été pape sous le nom d’Hadrien VI.
  2. Voyez la remarque (F) de l’article d’Hadrien VI, tome VII.
  3. Voyez Brantôme, Mémoires des Capitaines étrangers, tom. I, pag. 44.
  4. C’est la 430e. du XXIe. livre de l’édition de Francfort, 1625.
  5. Voyez sur cela les Pensées diverses sur les Comètes, pag. 265, et aussi pag. 279, 294.
  6. La Mothe-le-Vayer, tom. II, pag. 178.
  7. Maimbourg, Histoire du Luthéran., tom. I, pag. 163.
  8. La Mothe-le-Vayer, tom. II, pag. 178.
  9. Bautru le faisait. Voyez Saint-Evremond, Œuvres mêlées, tom. I, sur le mot de Vaste, pag. 103, édit. de Hollande [tom. IV, pag. 21, édition de Hollande, 1726.]
  10. Matthieu, Histoire de la Paix, liv. I, narrat. II, pag. m. 66, 67.
  11. Silhon, ministre d’état, tom. I, liv. III, chap. VI, pag. m. 361.
  12. Là même.
  13. Là même.
  14. Voyez Melchior Adam, dans la Vie de Philippus Apianus, à la page 349 du Vitæ Germanorum philosophorum.

(A) Il aurait pu subjuguer toute l’Europe, sila valeur de François Ier. n’y eut apporté des obstacles. ] Il fut presque le seul qui s’opposa au torrent ; et si l’on examine bien l’histoire, on trouvera que l’empereur avait ordinairement plus d’alliés que François Ier. : et bien loin que l’Angleterre songeât à tenir la balance égale entre ces deux princes, elle se liguait très-souvent avec l’empereur. Ne sait-on pas qu’en 1544 Charles-Quint et Henri VIII avaient déjà fait entre eux le partage de la France, et que leur traité portait qu’ils joindraient leurs armées devant Paris, pour saccager cette grande ville [1] ? Ils travaillèrent à l’exécution de ce projet en même temps, puisque tandis que l’empereur fit une irruption en Champagne, les Anglais descendirent en Picardie. Voilà comment le roi de France fut payé de toutes les mauvaises brigues, dont il se servit en faveur des amours de Henri VIII pour Anne Bolein. Voilà comment l’esprit souple de Charles-Quint sut oublier les affronts faits à sa tante répudiée, et les promesses qu’il avait faites à la cour de Rome [2]. On prétend que ce fut une des choses que sa conscience lui reprocha dans la suite, et pour lesquelles il se retira du monde. Esse non pauca quæ Carol vellicarent animum pietatis omninò non surdum. Icisse fœdus cum Henrico Angliæ rege, à fidelium societate, diris pontificiis, in Caroli gratiam expuncto. In quo ille et injuriam, quam ab Henrico acceperat, repudiatâ Catharinâ uxore, Cæsaris materterâ ; et constantiam promissi, nunquàm se cum hæretico rege, nisi is pontificiæ dignitati satisfaceret, in gratiam rediturum ; nimis quàm impotenter posthabuerat atroci inexpiabilique in Gallum indignationi [3]. Ce que je vais dire est une chose plus notable qu’on ne pense. Charles-Quint avait plus de forces que Francois Ier., et néanmoins, par son adresse, ou parce qu’on ne trouvait pas autant d’inconvéniens à le craindre, qu’à craindre la supériorité des Français, il formait des ligues en sa faveur plus nombreuses ordinairement que celles de ses ennemis. Je dirai en passant que Brantôme a parlé avec trop de mépris des autres princes qui s’opposèrent à l’ambition de Charles-Quint. Sans notre grand roi François, dit-il [4], voire sans son ombre seulement, cet empereur fût venu aisément à ce dessein. Et autant de petits princes et potentats qui s’y eussent voulu opposer, il en eût autant abattu comme des quilles, et leur puissance n’y eût eu pas plus de vertu, que celle des petits diablotins de Rabelais, qui ne font que grêler les choux et le persil d’un jardin : le pape ne lui eût peu résister, puisqu’il fut pris dans sa forteresse de Saint-Ange prétendue imprenable.

(B) On prétend qu’il fut un de ces esprits tardifs,... et que cela lui ait été fort utile pour obtenir la préférence sur François Ier. à la couronne impériale. ] Il est certain qu’après la mort de l’empereur Maximilien, arrivée le 22 de janvier 1519, François Ier. brigua assez hautement l’empire, et qu’il acheta des voix, qui après avoir touché le paiement se tournèrent vers son compétiteur. La gloire qui environnait déjà ce monarque fut une des causes de son exclusion. « Plus il paraissait avoir de mérite, plus on craignait qu’il ne réduisît les princes d’Allemagne au petit pied, comme ses prédécesseurs y avaient réduit ceux de la France ; et s’il y avait à redouter de l’oppression de tous les deux côtés, elle ne paraissait pas si proche du côté de Charles qui était plus jeune de cinq ans que lui, et en apparence un fort médiocre génie. Enfin, avec toutes ces considérations et avec 300,000 écus, qui dès l’an précédent avaient été apportés en Allemagne, et qui ne furent distribués que bien à propos, Charles l’emporta, et fut élu à Francfort le 20 juin, étant pour lors en Espagne, où il était passé il y avait près de deux ans [5]. » Ceci confirme ce que j’ai déjà remarqué plus d’une fois [6], qu’en quelques rencontres la supériorité de forces, de mérite, sert plutôt à faire échouer un dessein, qu’à le faire réussir.

(C) Il avait la langue française tellement en main, qu’il s’en servit pour composer ses propres annales. ] Je n’ai lu que dans Jérôme Ruscelli que Charles-Quint ait composé en français les mémoires de son règne, et c’est aussi l’unique auteur que Valère André allègue [7], quand il parle de cet ouvrage de Charles-Quint. Je m’étonne que ces mémoires n’aient jamais vu le jour, puisqu’on en avait des copies, et que Guillaume Marindo les avait traduits en latin, à dessein de les publier incessamment. C’est Ruscelli qui l’assure. Egli stesso il predetto imperator Carlo Quinto era venuto scrivendo in lingua francese gran parte delle cose sue principali, come già di molte delle sue proprie fece il primo Cesare, et che s’aspetta di hora d’haverle in luce fatte latine da Guglielmo Marindo [8]. Brantôme à raison de dire que cet ouvrage se fût bien vendu ; mais il ne fallait pas douter comme il a fait de la version de Marindo, sous prétexte qu’elle était demeurée dans l’obscurité. Il a cru que l’auteur qu’il cite parlait de cette version comme d’un ouvrage qui était déjà public, et c’est ce qu’il n’a pas dû croire. Voyons maintenant ce qu’il dit : J’ai vu une lettre [9] imprimée parmi celles de Belleforest, qu’il a traduite d’italien en français, qui certifie que Charles-Quint écrivit un livre comme celui de César, et avait été tourné en latin à Venise par Guillaume Marindre : ce que je ne puis pas bien croire ; car tout le monde y fût accouru pour en acheter, comme du pain en un marché en un temps de famine : et certes la cupidité d’avoir un tel livre si beau et si rare, y eût bien mis autre cherté qu’on ne l’a vue, et chacun eût voulu avoir le sien [10]. Le Ghilini a mis ce prince parmi les auteurs, et a prétendu que l’ouvrage dont j’ai fait mention avait été imprimé. Opere sue, dit-il [11], che publicate, acorescono non poca fama al suo per altro celebratissimo nome, e sono, Istoria delle cose da lui fatte, la qual scrisse in lingua francese ad imitazione di C. Giulio Cesare. Puis il donne le titre de quelque lettres, et de quelques manifestes de cet empereur. Nouvelle faute ; car il faisait faire ces écrits-là par ses secrétaires. Je m’imagine que si le P. Bouhours se fût souvenu de ce que Ruscelli rapporte, il en eût parlé dans l’endroit de ses entretiens où il a dit, que Charles-Quint avait une grande idée de notre langue : il la croyait propre pour les grandes affaires et il l’appelait langue d’état, selon le témoignage du cardinal du Perron [* 1]. C’est peut-être pour cela qu’il lui fit l’honneur de se servir d’elle dans la plus célèbre action de sa vie. L’histoire des guerres de Flandre [* 2] nous apprend qu’il parla français aux états de Bruxelles, en remettant tous ses royaumes entre les mains de Philippe II [12]. Joignez à cela ces paroles de Brantôme : Entre toutes langues, il entendoit la françoise tenir plus de la majesté que toute autre,..... et se plaisoit de la parler, bien qu’il en eût plusieurs autres familières [13].

(D) .... On prétend néanmoins qu’il estimait plus l’espagnole. ] Citons encore le père Bouhours. « Si Charles-Quint revenait au monde, il ne trouverait pas bon que vous missiez le français au-dessus du castillan, lui qui disait que, s’il voulait parler aux dames, il parlerait italien ; que, s’il voulait parler aux hommes, il parlerait français ; que, s’il voulait parler à son cheval, il parlerait allemand ; mais que, s’il voulait parler à Dieu, il parlerait espagnol. Il devait dire sans façon, reprit Eugène, que le castillan était la langue naturelle de Dieu, comme le dit un jour un savant cavalier de ce pays-là, qui soutint hautement dans une bonne compagnie, qu’au paradis terrestre le serpent parlait anglais ; que la femme parlait italien ; que l’homme parlait français ; mais que Dieu parlait espagnol [14]. » Ceci diffère beaucoup de ce qui fut dit par un Espagnol à un Allemand : les Allemands ne parlent pas, lui dit-il, mais ils foudroient ; et je crois que Dieu employa leur langue, lorsqu’il fulmina sur Adam l’arrêt de condamnation. On lui répondit que le serpent s’était servi des afféteries de la langue castillane pour tromper Ève. Petrus Royzius Mauræus, Hispanus, poëta illo seculo celeberrimus, consiliarius regius, et ob eruditionem Lango [15] acceptissimus ; etiam in quotidiano convictu, sed qui velut ὰναλϕάϐητος Germanicam linguam ridere soleret. Itaque famulos Langi oratoris, mensæ aliquandò adstantes, atque durâ pronunciatione et accentu affectatè voces Germanicas exasperantes, isto scommate jocove illusit : Germani, inquit, non loquuntur, sed fulminant. Et credo ego, mi Lange orator, Deum ex indignatione hoc sermonis fulmine usum, cùm primos parentes extruderet paradiso. Cui Langus, Ego rursùs, inquit, verisimile censeo, serpentem suavi et blando vocis hispanicæ fuco usum, cùm imposuit Evæ. Hoc argutulo Royzium et convivis et adstantibus propinavit deridendum : quod et ipsum regem hoc audientem mirè delectavit [16]. J’ai allongé cette citation afin qu’on vît que le roi même de Pologne fut régalé de ces railleries. Mais voici un autre partage qui ne s’accorde pas tout-à-fait avec Charles-Quint, et qui plaît beaucoup à un docteur espagnol : la langue allemande y est pour les soldats, la française pour les femmes, l’italienne pour les princes, et l’espagnole pour Dieu. De præstantiâ…. illarum (linguarum) quæ Europæis frequentiores sunt, sic Tympius [* 3] distinguendum putat, ut si quispiam cum Deo locuturus esset, hispanicè deberet loqui, ob linguæ majestatem ; si cum aliquo principe, italicè propter hujus elegantiam ; si cum fœminis, gallicè ob suavitatem ; si cum militibus, germanicè quòd sit omnium robustissima ; ac sic omnes suo encomio evexit, sed hispanicam cæteris superiorem meritò extollit [17]. On fait encore un autre partage, selon lequel la langue espagnole est propre pour le commandement, l’italienne pour persuader, et la française pour s’excuser. De là vint, disait un Espagnol, que Dieu se servit du castillan pour défendre au premier homme de manger d’un certain fruit, que le serpent se servit de l’italien pour tromper Ève, et qu’Adam parla français pour justifier sa faute [18].

(E) Il s’oublia d’une terrible manière dans la harangue qu’il prononça.… devant le pape l’an 1536. ] Ce fut une cause d’apparat qu’il voulut plaider lui-même à Rome devant le pape, les cardinaux, les ambassadeurs de princes, plusieurs prélats et grands seigneurs. Il exposa adroitement tout ce qu’il jugea de plus propre à justifier sa conduite, et à condamner celle de François Ier. Il déclara les conditions sous lesquelles il était prêt de conclure un traité de paix avec la France. Il dit que, si ce parti ne plaisait pas à François Ier., il lui en offrait un autre sur quoi il attendait réponse dans vingt jours ; c’est que pour éviter l’effusion du sang humain, ils vidassent entre eux deux leurs différens, de personne à personne... en combattant en une île ou sur un pont, ou bateau en quelque rivière, et que quant aux armes, eux deux se pourraient aisément accorder à les prendre qu’elles fussent égales, et que lui de sa part les trouverait toutes bonnes, fût-ce de l’épée ou du poignard en chemise [19]. Si ce parti ne plaisait pas, il en offrit encore un autre, ce fut la guerre. Il déclara que si l’on en venait là, il prendrait les armes de telle heure que chose du monde ne l’en détournerait, jusqu’à ce que l’un ou l’autre des deux en demeurât le plus pauvre gentilhomme de son pays. Lequel malheur il espérait et se tenait sûr et certain qu’il tomberait sur le roi : et qu’à lui Dieu serait aidant, ainsi qu’il avait été par le passé [20]. Voyez la citation [21]. Il ajouta que son assurance de vaincre était fondée sur trois raisons, 1°. Sur son bon droit ; 2° sur ce que les conjonctures du temps lui étaient les plus favorables qu’on se pût imaginer ; 3°. sur ce qu’il trouvait ses sujets, capitaines et soldats, si bien disposés, en si bonne amour, affection et volonté vers lui, et si bien expérimentés en l’art militaire, qu’il se pouvait entièrement reposer du tout sur eux. Chose qu’il savait certainement être du tout au contraire envers le roi de France : duquel les sujets, capitaines et soldats, étaient tels et de telle sorte, que si les siens de lui étaient semblables, il se voudrait lier les mains, mettre la corde au col, et aller vers le roi de France en cet état lui demander miséricorde [22]. C’est ici que l’on peut se servir de la demande que fit Ulysse à Agamemnon :

Ἀτρείδη, ποῖόν σε ἔπος ϕύγεν ἕρκος ὀδόντων !
Atrida, quale verbum fugit ex septo dentium [23] !


C’est ici que l’on peut s’étonner avec justice qu’un discours beaucoup plus digne d’un capitan de théâtre, ou d’un chevalier espagnol, que d’un empereur d’Allemagne, soit échappé à ce sage prince devant une si auguste assemblée. Sanè mirati sumus vehementissimè cùm hanc orationem legimus apud Bellaium et alios, potuisse ejusmodi verba et alia quamplurima nec minùs ferocia, quæ iidem auctores recitant, excidere in tali conventu adeò sapienti ac prudenti ab omnibus habito principi, quæ magis Pyrgopolinici Militi glorioso Plautino convenire videntur [24]. Mais, comme le remarque un historien moderne, la bonne fortune, les panégyristes et les prophètes, avaient concouru à remplir de vastes desseins l’esprit de cet empereur. Depuis qu’il s’était vu à la tête de deux grandes armées faire reculer Soliman, et fuir Barberousse, il ne respirait plus que la guerre. Les flatteurs, qui perdent l’esprit des princes les plus sages par leurs louanges excessives, ne lui promettaient pas moins que l’empire de toute l’Europe : les poëtes et les panégyristes l’en assuraient effrontément, et les devins et les astrologues, qui ne sont pas moins hardis menteurs, avaient tellement répandu cette croyance par leurs prédictions, qu’ils avaient fait impression sur les esprits faibles [25]. Ce fut en ce même temps que l’empereur, enflé des victoires qu’il venait de remporter, et de celles qu’il tenait déjà pour certaines, dit à Paul Jove : Faites bonne provision de papier et d’encre, je vous ai taillé bien de la besogne [26]. Mais jamais on ne vit la providence de Dieu mortifier plus visiblement la présomption de la créature. Charles-Quint, à la tête de dix mille chevaux, et de plus de quarante mille hommes d’infanterie, soutenu d’une bonne flotte commandée par le fameux André Doria, fondit sur la Provence ; et fit entrer en même temps une autre armée de trente mille hommes dans la Picardie [27]. Ce fut l’enfantement de la montagne,

Parturiunt montes, nascetur ridiculus mus [28].


L’armée de Provence échoua devant Marseille, et fut réduite en un état pitoyable sans avoir livré combat. Celle de Picardie échoua devant Péronne [29].

(F) ... On n’eut pas sujet en France d’être content des ambassadeurs... qui assistèrent à cet acte. ] L’évêque de Mâcon, qui était alors à Rome en qualité d’ambassadeur de François Ier., et le sieur de Velli qui faisait la même fonction auprès de sa majesté impériale, furent présens à la harangue. Le premier ne put répondre que peu de chose à cause qu’il n’entendait pas l’espagnol ; et ni l’un ni l’autre n’eurent le temps de parler beaucoup. Le pis est qu’ils ne rendirent pas à leur maître un fidèle compte de tout ce que Charles-Quint avait proposé. Ils en supprimèrent l’offre du duel, les louanges qu’il avait données à ses soldats, et le mépris qu’il témoigna pour ceux de France. Ils supprimèrent tout cela à la prière du pape, et afin de n’éloigner pas le traité de paix en aigrissant l’esprit de leur maître [30]. Brantôme est plaisant, lorsqu’il décrit les postures qu’un ambassadeur homme d’épée avait faites pendant la harangue, et celles que fit le sieur de Velli homme de robe [31].

(G) Bien des gens l’ont accusé d’avoir fait une grande faute, lorsqu’il se livra à la bonne foi de François Ier. ] La ville de Gand se souleva l’an 1539, et offrit de se donner à la France. Le roi, non-seulement n’accepta point de telles offres, mais aussi il en avertit l’empereur, qui ne trouvant point de meilleur remède à un mal dont les suites étaient à craindre, que d’y accourir en personne, demanda passage par la France, toute autre voie lui paraissant longue et périlleuse. Il obtint ce qu’il demandait, et reçut des honneurs extraordinaires par tout le royaume, et à la cour principalement. Cette conduite de François Ier. fut sans doute fort belle et fort généreuse : mais c’est une grande illusion que de lui donner des louanges de ce qu’il n’attenta point à la liberté de l’empereur. Est-on louable quand on ne commet pas une insigne perfidie ?

(H) ...... Il faut être bien satirique pour appeler cela une faute. ] La plupart de ceux qui ont blâmé Charles-Quint de la confiance qu’il eut en la générosité de François Ier. ne songeaient point à médire de cet empereur, mais à donner une idée affreuse de ce roi ; car si l’on choque les règles de la prudence en se fiant à la parole de François Ier., c’est un signe qu’il est très-probable qu’il fera une action de lâcheté et de trahison dès qu’il le pourra. J’avoue que quelques auteurs se fondent sur les fourberies continuelles qu’ils imputent à Charles-Quint à l’égard du roi de France, et voici comment ils raisonnent : cet empereur devait craindre que François Ier. ne trouvât beaucoup d’excuses spécieuses de ce qu’après tant d’injures souffertes, il violerait les droits de l’hospitalité ; donc la prudence ne souffrait pas que l’on se fiât à ce monarque. Ils diront tout ce qu’ils voudront, leurs pensées seront en effet plus désobligeantes pour François Ier. que pour Charles-Quint ; et l’on ne peut dire sans flétrir l’honneur de ce roi, qu’il ait mis en délibération dans son conseil s’il ferait prisonnier ou non Charles-Quint. Carmérarius, auteur allemand, ne trouve nulle vraisemblance à cela [32].

(I) Les historiens flamands ont été simples ou malhonnêtes, en rapportant ce qui se passa en cette rencontre. ] La candeur belgique, germanique, etc., des historiens généralement parlant, est une chimère : il n’y a peut-être point de nations où il y ait ni plus de plumes équitables, ni plus d’écrivains passionnés, que dans celles-là. Leur médisance est aussi aigre et pénétrante que celle de delà les monts, et outre cela elle est quelquefois bâtie sur des fables très-grossières. Je ne rapporte point toutes celles qu’ils ont produites touchant le passage de Charles-Quint par la France, je me contente de citer ces paroles d’un annaliste, Français de nation [33] : Nec ullo modo audiendus insipidus quidam belgicus chronologus [* 4] dum scribit, Cæsarem pasquillis quibusdam totam per urbem Lutetiam disseminatis præsentissimum suî periculum cùm vitâsset, pernicissimo cursu primùm Cameracum, hinc Gandavum concessisse. Insulsiora namque sunt ista quàm ab homine mente sobrio proferantur. At sic lubet plerisque Belgis cùm de Francis agitur, fatuari et ineptire, qualia permulta apud Maierum, Massæum, et alios ejus generis homines reperire liceat. Les longues guerres de France avec la maison de Bourgogne avaient tellement aigri les Flamands, que ceux qui ne pouvaient pas exercer des hostilités l’épée à la main, en exerçaient à coups de plume, ou à coups de langue. Or, dans ces diverses sortes de guerre il y a beaucoup de personnes qui se servent également de la maxime, Dolus an virtus, quis in hoste requirat ? Un historien qui ose dire que Charles-Quint, se sauva en poste, et qui ne sait pas ou qui feint de ne savoir pas, que ce prince fut accompagné jusqu’à la frontière par deux fils de France, et reçu par toutes les villes comme le roi même, quelle sorte d’homme doit-il être ?

(K) On lui fait dire un bon mot sur l’ascendant que l’étoile de Henri II prenait sur lui. ] Je vois bien, disait-il, que la fortune ressemble aux femmes, elle préfère les jeunes gens aux vieillards. Strada rapporte en gros cette pensée de Charles-Quint [34] : c’est à tort que Scioppius l’en censure [35] ; et c’est par un esprit de contradiction qu’il doute que cet empereur ait dit cela. Il fait le théologien mal à propos, et il se trompe de croire que ce mot de Charles-Quint donne tout au cas fortuit. Est-ce le hasard aveugle qui fait que les femmes aiment mieux un jeune mari qu’un vieux ? Il n’y a rien de plus opposé à la fortune, que l’affectation quelle qu’elle soit, de favoriser une chose plutôt qu’une autre. Si la maxime de Charles-Quint était vraie, elle prouverait infiniment mieux le dogme de la providence généralement parlant, qu’elle ne prouverait le sentiment opposé. Scioppius a plus de raison lorsqu’il dit que cette maxime se trouve dans Machiavel ; car voici ce que l’on trouve dans le Prince de cet auteur florentin, au chapitre XXV. Io giudico ben questo, che sia meglio essere impetuoso che rispettivo, perche la fortuna è donna, ed è necessario volendola tener sotto, batterla ed urtarla. E si vede che la si lascia più vincere da questi, che da quelli che freddamente procedano. E pero sempre (come donna) è amica de’ giovani, perche son meno rispetivi, pix feroci e con più audacia la commandano.

(L) Son histoire n’est qu’un mélange de bonheur et de malheur. ] Il avoua lui-même dans la harangue qu’il fit en se dépouillant de ses états, que les plus grandes prospérités qu’il avait jamais eues dans le monde, avaient été mêlées de tant d’adversités, qu’il pouvait dire n’avoir jamais eu aucun contentement[36]. On prétend que depuis son abdication il avait accoutumé de dire qu’un seul jour de sa solitude lui faisait goûter plus de plaisir que tous ses triomphes ne lui en avaient donné[37].

(M) On a dit des choses bien différentes sur les motifs de son abdication. ] Strada remarque que l’abdication de cet empereur est devenue un sujet de déclamation dans les écoles. Non ignoro eam rem vario tunc hominum sermone fuisse disceptatam : hodiéque declamatorum in scholis [38], politicorum in aulis, argumentum esse Caesirem abdicantem[39]. Quelques-uns ont dit que ne se sentant plus capable, à cause de ses maladies, de soutenir le poids de sa gloire, il prévint habilement la honte d’une plus grande décadence de réputation. On a dit aussi que le dépit de voir sa fortune inférieure à celle d’un aussi jeune prince que l’était Henri II ; sa fortune, dis-je, qui avait triomphé en tant de rencontres de celle de François Ier., l’obligea à quitter le monde. Je dirai dans les remarques suivantes, que le dépit de n’avoir pu devenir pape, et l’envie de servir Dieu selon le rit des protestans, ont passé pour la cause de sa retraite. Mais tout le monde n’a point envisagé d’un esprit critique cette grande action. Il y a eu des gens qui ont dit qu’un désir sincère de méditer sur le néant de ce monde, et sur les biens solides du paradis, le porta à chercher une solitude, afin d’expier par des exercices de pénitence les maux qu’il avait causés à la chrétienté, et pour se préparer de bonne heure et utilement à la mort, par une entière application à l’affaire du salut. Voyez dans Strada[40] la plupart de toutes ces choses, et plusieurs autres noblement représentées.

(N) ..…. Et sur les occupations de sa solitude. ] Il la choisit dans le monastère de Saint-Just[* 5], situé sur les frontières de Castille et de Portugal, proche de Placentia. Les religieux de ce monastère s’appellent hiéronymites. Il fit bâtir une petite maison joignant ce couvent, composée de six ou sept chambres, et s’y enferma au mois de février 1557. Il ne retint auprès de lui qu’une douzaine de domestiques et un cheval. Il ne s’occupait pas tellement aux exercices de dévotion, qu’il ne s’amusât à bien d’autres choses ; à la promenade sur son cheval ; à la culture de son jardin, à faire des horloges, et à des expériences de mécanique avec un fameux ingénieur[41]. Quelques jours avant sa mort, il fit célébrer ses funérailles et y assista en personne[42]. Quelques-uns ont dit qu’il tâcha d’accorder ensemble plusieurs horloges, avec une si grande justesse qu’elles sonnassent l’heure au même moment ; et que ce dessein n’était pas aussi difficile à exécuter que l’accord des religions qu’il se mit en tête du temps de l’Interim. Il n’avait pas si absolument renoncé au monde, qu’il ne s’informât des nouvelles de la guerre, et qu’il n’en dit son sentiment. Témoin ce qu’on veut qu’il ait dit et fait, après avoir su que son fils victorieux à Saint-Quentin n’avait point su profiter de ses avantages. Voici de quelle manière on le raconte : « Encor tout religieux, demi-saint qu’il étoit, il ne se put engarder (ce disoit-on lors, que la commune voix en couroit partout) que quand le roi son fils eut gagné la bataille de Saint-Quentin, de demander aussitôt que le courrier lui apporta les nouvelles, s’il avoit bien poursuivi la victoire, et jusques aux portes de Paris ? Et quand il sçut que non, il dit qu’en son âge et en cette fortune de victoire, il ne se fust arrêté en si beau chemin, et eust bien mieux couru : et de dépit qu’il en eut, il ne voulut voir la dépêche que le courrier apporta [43]. N’oublions point ce qui lui fut dit par un jeune moine. « L’empereur allant un matin réveiller à son tour les autres religieux, il trouva celui-ci, qui était encore novice, enseveli dans un si profond sommeil, qu’il eut bien de la peine à le faire lever : le novice se levant enfin à regret, et encore à moitié endormi, ne put s’empêcher de lui dire, qu’il devait bien se contenter d’avoir troublé le repos du monde, tant qu’il y avait été, sans venir encore troubler le repos de ceux qui en étaient sortis [44]. » J’ai lu une chose qui me paraît digne d’être rapportée. C’est un extrait d’une pièce que Balzac avait reçue de Rome sur la retraite de Charles-Quint. Balzac [45] en rapporte ainsi le commencement : Lorsque Charles ennuyé du monde voulut mourir sous l’empire de son frère, et sous le règne de son fils. L’auteur de la pièce ayant bien moralisé nous sert de ce petit conte : « Toutefois comme il n’est rien de si net que la médisance ne salisse, ni de si bon qu’elle n’interprète mal, quelques-uns ont voulu dire que ce prince s’était repenti de sa retraite, et en avait conçu un chagrin qui lui avait même touché l’esprit. Pour preuve de quoi ils débitent cette fable ; ils disent qu’il avait cinq cents écus dans une bourse de velours noir, de laquelle il ne se dessaisissait jamais, jusqu’à la faire coucher avec lui toutes les nuits [* 6] : si on les en veut croire, il baisait, il caressait, il idolâtrait cette bourse. Et après avoir méprisé les richesses de l’un et de l’autre monde, les perles et les diamans de tant de couronnes qu’il avait portées, il était devenu avare pour cinq cents écus. Un sujet naturel du roi d’Espagne me fit autrefois ce conte ; mais je m’en moquai, et le mis au nombre des histoires apocryphes. Il y a bien plus d’apparence que si l’empereur s’est repenti de quelque chose dans sa solitude, ç’a été de ne s’être pas plus tôt retiré du monde, ou, comme en parle un auteur de delà les monts, de n’avoir pas plus tôt coupé jeu à la fortune. Car par-là, dit-il, il attrapa la fortune, quoiqu’elle soit si forte, et qu’elle sache si bien piper [46]. »

(O) Quelques-uns prétendirent qu’il se repentit bientôt d’avoir cédé ses états à un fils qui lui en témoigna si peu de reconnaissance. ] On rapporte une réponse faite par Philippe II au cardinal de Granvelle, d’où il faudrait inférer que le repentir de Charles-Quint ne tarda point jusqu’au lendemain, et que la bonne volonté de renoncer au commandement ne passa pas les vingt-quatre heures. Il y a aujourd’hui un an, dit le cardinal de Granvelle au roi Philippe, que l’empereur se démit de tous ses états. Il y a aussi aujourd’hui un an, répondit le roi, qu’il s’en repentit. Ceux qui ne sont pas si malins prétendent qu’il ne commença à regretter ses couronnes que lorsqu’en traversant plusieurs provinces d’Espagne pour se rendre à Burgos, il vit si peu de noblesse venir au-devant de lui. Outre qu’étant arrivé dans cette ville, il fut obligé d’y attendre assez long-temps la somme qu’il s’était réservée. Il avait besoin d’en toucher une partie, afin de récompenser les domestiques qu’il devait congédier ; et on le renvoyait de jour à autre pour le payement : cela lui déplut beaucoup. Citons un long passage de Strada [47], où l’on verra qu’il n’affirme rien sur le repentir en question [48]. Quùm in Cantabriam appulsus, ac profectus indè Burgos, raros admodùm sibi obvios vidit Hispanos proceres, (quos nempè solus, incomitatusque titulis suis Carolus non allexerat) sensit tùm primùm nuditatem suam. Accessitque et illud, quòd ex centum nummûm aureorum millibus, (quem sibi reditum ex immensis opibus tantummodò seposuerat) quùm eorum parte opus tunc esset, quâ famulos aliquot donaret, dimitteretque, expectandum ei plusculùm, nec sine stomacho Burgis fuit, dum ea videlicet summa aliquandò redderetur. Quam ille offensionem sicut dissimulanter haud tulit, ita occasionem nonnullis fortè præbuit affirmandi, regnis vix ejuratis, cœpisse Carolum initi consilii pœnitere. Quamquam alii ipso ejurationis die mutâsse illum sententiam ex eo narrant, quòd aliquot post annis, quum cardinalis Granvellanus ex occasione Philippo regi revocâsset in mentem, anniversarium illum esse diem, quo Carolus pater imperio regnisque cesserat ; responderit illicò rex : Et hunc quoque diem anniversarium esse, quo illum cessisse pœnituit. Quod incerto rumore prolatum facilè percrebruit apud homines, non sibi in tam inaudito facinore constantiam vel unius diei persuadentes. Nisi fortè Philippus non putavit in parente laudandum, quod imitandum sibi non statueret. On a prétendu que le roi Philippe fit bien pis que de n’être pas ponctuel sur le paiement de la pension. Il la diminua, dit-on, des deux tiers. Écoutons Brantôme. « J’ai lu dans un petit livre fait en Flandres, inscript l’Apologie du prince d’Orange, une chose étrange, que je ne veus ni puis croire ni être croyable, étant faite des ennemis du roi d’Espagne ; possible aussi ce pourroit être, je n’affirme rien, si non ce que j’ay vu et bien certainement sceu, que de cent mille escus reservez ou autre revenu, le roi son fils lui en retrancha les deux parts, si bien que la pluspart du temps il n’avait le moyen de vivre ni pour lui ni pour les siens, ni pour donner ses aumônes et exercer ses charitez envers ses vieux serviteurs et fidèles soldats, qui l’avoient si bien servi, ce qui lui fut un grand despit et creve-cœur, qui lui avança ses jours [49]. » En général, on peut dire que l’ingratitude a mis son principal trône dans la conduite des enfans envers les pères.

(P) Il n’oublia point, dit-on, de se donner la discipline. ] Strada n’en parle que sur le ton affirmatif [50], et il n’est pas le seul qui assure que le fouet employé par Charles-Quint, et teint de son sang, est gardé comme une espèce de relique. Ce qu’il dit que le roi Philippe II se fit porter le fouet de son père, et le mit entre les mains de son fils, est confirmé par d’autres historiens. Vous trouverez cela dans les mémoires de Chiverni [* 7][51], et dans les mémoires de Brantôme : je ne citerai que ce dernier. Il fit aussi tirer hors d’un coffret un fouet de discipline, qui étoit sanglant par les bouts ; et le tenant en haut il dit : ce sang est de mon sang, non toutesfois proprement du mien, mais de celui de mon père, que Dieu absolve ; lequel avoit accoutumé de se servir de cette discipline. Je l’ai bien voulu déclarer [52]. Scioppius se vante d’avoir manié ce fouet dans le monastère de l’Escurial. Quod ego in monasterio Laurentiano manibus tractavi et Car. V. sanguine, ut aiebant, adhuc oblitum vidi. Il raille Strada d’avoir observé que ce fouet est encore teint du sang de Charles ; car c’est une preuve que les descendans de cet empereur ont laissé sa discipline pendue au croc, sans lui donner aucun exercice sur leurs épaules, ce que Scioppius ne trouverait point mauvais. Ce qu’il dit là contre les flagellations est assez curieux. Vereor ne Austriaci principes pietatem suam frigidè laudatam putent, cùm flagellum illud adhuc Caroli sanguine notatum prædicetur : quod argumento est, id ipsos jam octoginta annos ferreatum de parietibus clavo pependisse, nec vel filii ejus vel nepotis ac pronepotum dorso molestiæ multùm creâsse [53].

(Q) Quelques auteurs parlent fort avantageusement de sa piété. ] Guillaume Zénocarus assure que Charles-Quint composait lui-même des prières à chaque expédition qu’il entreprenait, qu’il les écrivait de sa propre main, qu’elles étaient aussi longues que les sept psaumes de la pénitence, et que les ayant fait approuver par ses confesseurs, il les récitait chaque jour au milieu de ses armées. Quelquefois, lorsqu’il sentait les émotions et les componctions dévotes, il se mettait à l’écart sous prétexte de quelque nécessité naturelle, afin d’être plus long-temps dans la ferveur de l’oraison. Il donnait ces prières à garder à Adrien Sylvanus, avec ordre de les déchirer en petits morceaux et de les jeter au vent, si quelque malheur lui arrivait. Plusieurs, ayant observé le temps que cet empereur employait à ses prières, dirent qu’il parlait plus souvent à Dieu qu’aux hommes [54].

(R) ........ d’autres prétendent qu’il avait plus d’ambition que de religion. ] Ils soutiennent que l’envie de s’agrandir au préjudice de François Ier., fut cause qu’il laissa prendre Belgrade et Rhodes à Soliman, et qu’il ne se servit point des occasions favorables que Dieu lui mettait en main contre les Turcs, soit en Hongrie, soit en Afrique. Il aimait mieux venir ravager la France, que profiter des avantages qu’il remportait sur les infidèles. On l’accuse d’avoir fomenté le luthéranisme, qu’il lui eût été facile d’exterminer. Il trouvait son compte dans les divisions que cette secte causa, et s’en servait à toutes mains, tantôt contre le pape, tantôt contre la France, tantôt contre l’Allemagne même. Il rejeta, dit-on, les offres que les protestans lui firent de le servir contre les Turcs, moyennant la liberté de conscience ; mais il la leur accorda amplement dès qu’ils lui promirent de renoncer à l’alliance de la France [55]. Si cela est, on ne peut nier qu’il n’y ait là un exemple de ce qui a été dit ci-dessus [56] de la religion des souverains. En tant qu’hommes, ils sont zélés pour leur religion : ils prient Dieu, ils vont aux églises dévotement ; mais dès qu’ils se considèrent revêtus de la qualité de souverain, ils ne songent qu’à vaincre leurs ennemis, et ils attaquent avec le plus de vigueur, non pas celui qui est le plus opposé à leur créance, mais celui pour lequel ils ont la plus grande haine, ou par crainte ou par jalousie, fût-il le plus grand soutien de leur religion. Au reste, on a débité un grand mensonge dans la vie de Charles V [57], le voici : « Estant obligé d’éviter le duc Maurice, n’estant accompagné que de six cavaliers, les princes d’Allemagne lui proposèrent que, s’il vouloit seulement commander que leurs opinions fussent disputées, ils lui fourniroient cent mille hommes pour s’opposer au Turc qui descendoit en Hongrie, et qu’ils les entretiendroient jusqu’à ce qu’il se fust rendu maître de Constantinople : il répondit qu’il ne vouloit point de royaumes à si cher prix, ny l’Europe mesme avec une telle condition ; mais qu’il ne désiroit que Jésus-Christ [58]. » Il est plus que manifeste qu’après cette fuite de Charles-Quint devant Maurice, les protestans obtinrent presque tout ce qu’ils voulurent. Voyez le Luthéranisme de Maimbourg [59]. J’y renvoie parce que c’est un livre cent fois plus commun que Sleidan, que M. de Thou, que Chytreus, cités par Maimbourg.

(S) ....... et qu’il mourut presque luthérien. ] Brantôme sera le premier que je citerai. « Ce livre [60] dit bien plus, qu’il fut une fois arrêté à l’inquisition d’Espagne, le roi son fils présent et consentant, de désenterrer son corps, et le faire brûler comme hérétique (quelle cruauté !) pour avoir tenu en son vivant quelques propos légers de foi, et pour ce étoit indigne de sépulture en terre sainte, et très-brûlable comme un fagot ; et même qu’il avoit trop adhéré aux opinions et persuasions de l’archevêque de Tolède, qu’on tenoit pour hérétique, et pour ce demeura long-temps prisonnier à l’inquisition, et rendu incapable et frustré de son évêché, qui vaut cent à six-vingts mille ducats d’intrade : c’étoit bien le vrai moyen pour faire à croire qu’il étoit hérétique, et pour avoir son bien et sa dépouille [61]. » L’auteur que j’ai à citer donne un détail plus curieux de tout ceci. Entre les bruits qui avaient couru, dit-il [62], dans le monde sur la retraite de l’empereur, le plus étrange fut que le commerce continuel, qu’il avait eu avec les protestans d’Allemagne, lui avait donné quelque inclination pour leurs sentimens, et qu’il s’était caché dans une solitude, pour avoir la liberté de finir ses jours dans des exercices de piété, conformes à ses dispositions secrètes. Il fit choix de personnes toutes suspectes d’hérésie pour sa conduite spirituelle, comme du docteur Caçalla son prédicateur, de l’archevêque de Tolède, et surtout de Constantin Ponce évêque de Drosse, et son directeur. On a su depuis, que la cellule où il mourut à Saint-Just, était remplie de tous côtés d’écriteaux faits de sa main, sur la justification et la grâce, qui n’étaient pas fort éloignés de la doctrine des novateurs [63]. Mais rien ne confirma tant cette opinion que son testament. Il n’y avait presque point de legs pieux, ni de fondation pour des prières ; et il était fait d’une manière si différente de ceux des catholiques zélés, que l’inquisition d’Espagne crut avoir droit de s’en formaliser. Elle n’osa pourtant éclater avant l’arrivée du roi ; mais ce prince ayant signalé son abord en ce pays par le supplice de tous les partisans de la nouvelle opinion, l’inquisition, devenue plus hardie par son exemple, attaqua premièrement l’archevêque de Tolède, puis le prédicateur de l’empereur, et enfin Constantin Ponce. Le roi les ayant laissé emprisonner tous trois le peuple regarda sa patience, comme le chef-d’œuvre de son zèle pour la véritable religion ; mais tout le reste de l’Europe vit avec horreur le confesseur de l’empereur Charles, entre les bras duquel ce prince était mort, et qui avait comme reçu dans son sein cette grande âme, livré au plus cruel et au plus honteux des supplices, par les mains mêmes du roi son fils. En effet, dans la suite de l’instruction du procès, l’inquisition s’étant avisée d’accuser ces trois personnages d’avoir eu part au testament de l’empereur, elle eut l’audace de les condamner au feu avec ce testament. Le roi se réveilla à cette sentence, comme à un coup de tonnerre. D’abord, la jalousie qu’il avait pour la gloire de son père lui fit trouver quelque plaisir à voir sa mémoire exposée à cet affront ; mais depuis, ayant considéré les conséquences de cet attentat, il en empêcha l’effet, par les voies les plus douces et les plus secrètes qu’il put choisir, afin de sauver l’honneur du saint office, et de ne faire aucune brèche à l’autorité de ce tribunal... Cependant le docteur Caçalla fut brûlé vif, avec un fantôme qui représentait Constantin Ponce, mort quelques jours auparavant dans la prison. Le roi fut contraint de souffrir cette exécution, pour obliger le saint office de consentir que l’archevêque de Tolède appelât à Rome, et de ne parler plus du testament de l’empereur. Si ces choses étaient véritables, il faudrait ou que l’empereur eût poussé la comédie aussi loin qu’elle peut aller, ou que les historiens qui parlent de ses dévotions [64], et de sa haine pour les hérétiques [65], fussent de grands fourbes. On prétend qu’il comptait parmi ses crimes de n’avoir point fait brûler Luther, nonobstant le sauf-conduit qu’il lui avait accordé [66].

Ayez recours aux remarques de l’article de Carranza, où vous trouverez diverses choses concernant cette matière. Ce qui suit pourra passer pour un supplément, et indiquera quelques fautes de Don Carlos. 1°. Les historiens espagnols ne conviennent pas que Constantin Ponce [67] ait été le directeur ou le confesseur de Charles-Quint : ils avouent seulement qu’il avait été son prédicateur. 2°. Il n’était point évêque de Drosse. Je ne trouve aucun évêque dans l’Espagne, ni ailleurs, qui ait ce nom-là. Il est vrai que M. de Thou parle d’un episcopus Drossensis [68] (c’est sans doute ce qui a trompé l’auteur du Don Carlos) ; mais il ne dit pas que ce fut Constantin Ponce : c’était un prédicateur de Séville nommé Giles, compagnon d’opinion et de fortune de Constantin Ponce ; car ils moururent tous deux avant que l’Auto de fé se fît, et ils furent brûlés en effigie tous deux [69]. Ce Giles fut nommé par l’empereur à l’évêché de Tortose [70]. 3°. Il n’est point vrai que l’inquisition attendit à attaquer le docteur Caçalla et Constantin Ponce, que Philippe fût arrivé en Espagne : il n’y arriva qu’au commencement de septembre 1559, et ces deux hommes étaient aux prisons de l’inquisition avant la mort de Charles-Quint, arrivée, comme chacun sait, le 21 septembre 1558. Le comte de la Roca rapporte ce qui fut dit par cet empereur au sujet de la sentence de Caçalla [71], et de l’emprisonnement de Constantin [72]. Un autre historien [73] rapporte que Caçalla, dans la maison duquel se tenaient les assemblées de ceux de la religion à Valladolid, fut exécuté le 21 mars 1559, pendant que Philippe était encore dans le Pays-Bas. 4°. Puisque Constantin Ponce fut emprisonné par l’inquisition pendant la vie de Charles-Quint, il ne rendit aucun service à ce monarque au lit de la mort, tant s’en faut qu’il ait reçu dans son sein cette grande âme. M. de Thou a trompé l’auteur du Don Carlos [74] ; ce qui doit servir d’avis à tous les auteurs, qu’il ne faut se fier aveuglément à personne. Si l’on s’égare à la suite de M. de Thou, que ne doit-on pas craindre à la suite des historiens à la douzaine ? 5°. Toute réflexion décochée contre Philippe, en vertu d’une prétendue permission par lui accordée d’emprisonner Caçalla et Constantin depuis son retour en Espagne, est chimérique ; car ces deux hommes étaient en prison avant que l’empereur fût mort. 6°. Il y a des historiens qui disent [75] que Caçalla se repentit, et qu’il tâcha vainement de convertir un de ses complices, dont l’opiniâtreté fut si grande qu’elle le porta à se laisser brûler vif. C’est dire assez clairement que Caçalla ne fut brûlé qu’après sa mort. 7°. En tout cas, il ne fut point brûlé vif avec un fantôme qui représentait Constantin Ponce ; car l’exécution de Caçalla se fit dans l’Auto de fé du 21 de mars 1559 à Valladolid, et celle de Constantin Ponce dans un autre Auto de fé à Séville [76]. 8°. Le roi n’obligea point le saint office de consentir que l’archevêque de Tolède appelât à Rome ; car, en premier lieu, la cause de cet archevêque ne fut point portée par appel à la cour de Rome ; elle y fut évoquée, et le pape qui aurait voulu que l’inquisition d’Espagne lui eût d’abord envoyé ce prisonnier, et qui se vit obligé à consentir que ce tribunal fît des procédures, se réserva toujours la sentence définitive [77]. En second lieu, le roi Philippe était si éloigné de souhaiter que Carranza appelât à Rome, qu’il résista fort long-temps aux instances que faisait le pape, qu’on lui renvoyât l’affaire de cet archevêque. Les pères de Trente se plaignirent diverses fois aux légats de ce que l’inquisition d’Espagne pratiquait envers Carranza : les légats en écrivirent au pape ; le pape chargea ses nonces d’agir vigoureusement ; et vous verrez dans Palavicini [78], que ceux qui croyaient que sa sainteté n’eut point en cela toute la vigueur nécessaire, seraient des gens qui ne considéreraient pas la nécessité qu’elle eut de céder par principe de prudence aux oppositions de Philippe.

Vous ne trouverez aucune de ces remarques dans les Sentimens d’un homme d’esprit sur la nouvelle intitulée Don Carlos [79], et cependant cet homme d’esprit fait tout ce qu’il peut pour critiquer cette nouvelle par toutes sortes d’endroits. Cela me surprend ; car faut-il s’ériger en censeur public d’un livre, sans s’informer s’il choque l’histoire ?

(T) On cite mal à propos... l’Apologie du prince d’Orange. ] Brantôme se vante d’y avoir lu que le roi Philippe II consentit que le corps de Charles-Quint fût déterré et brûlé comme hérétique. Il se trompe, et peut-être n’ai-je pas mal deviné la cause de son erreur. Je conjecture qu’il avait lu cette apologie reliée avec d’autres petits écrits qui avaient couru contre Philippe II en faveur du prince Guillaume. Il crut ou que toutes ces pièces étaient des parties de l’apologie, ou il ne se souvint pas dans laquelle de ces pièces il avait trouvé ce qu’il rapporte ; et comme l’idée de l’apologie l’avait plus fortement touché, il se persuada que c’était dans l’apologie qu’il avait lu ce fait étrange. La vérité est que ce reproche ne s’y trouve pas [80] ; mais on le rencontre dans un écrit anonyme publié l’an 1582 sous ce titre, Discours sur la blessure de monseigneur le prince d’Orange. On y lit ces propres paroles : Peut-il y avoir entre les humains créature plus méprisable qu’un fils si ingrat et si dénaturé envers un tel père qu’était l’empereur Charles, empereur de si grand renom et autorité, qui avait de son vivant donné de si grandes richesses à un misérable fils, et n’avait réserve que deux cent mille ducats de rente sur l’Espagne, et toutefois qui n’en a rien reçu depuis qu’il se démit de ses royaumes ? Un fils, dis-je, qui a laissé un tel père passer le reste de ses jours avec des moines, et se nourrir de ses bagues qui lui restaient, et de ses meubles, qu’il était contraint de vendre et engager pour se sustenter ? Un fils ingrat avoir enduré que des inquisiteurs aient mis en doute, si on devait déterrer les ossemens de son père, pour être brûlés comme un hérétique, pour avoir confessé à sa mort sur la remontrance de l’archevêque de Tolède, qu’il s’attendait au seul mérite de Jésus-Christ, et n’avoir son espérance ailleurs ! Un fils dénaturé avoir ravi tous les biens de ce bon archevêque pour avoir assisté l’empereur jusqu’à la mort, et l’avoir instruit de son salut ; l’avoir tenu prisonnier jusqu’à ce qu’il ait été contraint de le laisser aller à Rome, où après avoir le bon archevêque gagné sa cause, a été empoisonné par les ministres de ce roi, de peur qu’il ne rentrât en deux cent mille ducats de rente que vaut l’archevêché de Tolède ! Si l’on trouvait cela dans l’apologie du prince d’Orange, on serait fondé à le débiter, et à l’insérer dans une histoire ; car le nom d’un si grand prince, et l’autorité dont il revêtit son manifeste, sont de bons garans : mais pour ce qui est d’une infinité de petits écrits qui couraient en ce temps-là, sans nom ni d’auteur ni d’imprimeur, ils ne méritent pas plus d’être cités que ceux qui inondent l’Europe depuis trente ou quarante années, imprimés chez Pierre Marteau. Ce n’est pas que dans ces sortes d’écrits, soit qu’ils aient couru le monde du temps du duc d’Albe et pendant le reste du XVIe. siècle, soit qu’ils n’aient vu le jour que de notre temps, il n’y ait des vérités ; mais après tout, pendant que l’on ne sait pas d’où ils viennent, la prudence ne permet pas de s’y arrêter : tant s’en faut qu’un auteur grave puisse adopter ce qu’il y trouve. Pour l’ordinaire, ces livrets sont les égouts des nouvellistes de la place Maubert : ceux qui les forgent, étant sûrs de ne rendre jamais compte, avancent témérairement tout ce qu’ils entendent dire. Nous voyons ici une fausseté manifeste touchant l’archevêque de Tolède. Il ne gagna point sa cause, il fut obligé d’abjurer, il fut suspendu pour cinq ans [81], et il en avait soixante-treize : pouvait-on s’imaginer qu’il vivrait plus de cinq ans après une si longue prison ? et en tout cas, on eût attendu à s’en défaire, que les cinq ans fussent sur le point d’expirer.

[* 8] On peut même soutenir que tout ce qui fut débité dans l’apologie du prince d’Orange n’est pas vrai. Grotius assure que celui qui la dressa, et celui qui avait dressé l’arrêt de la proscription de ce prince, mêlèrent le vrai et le faux dans leurs digressions [82] : Adversùs novi moris edictum Arausionensis apud ordines Belgicos et Christianos principes libello se defendit, adjuvante Petro Villerio [83], homine gallo, qui subactum rebus forensibus ingenium, ad religionem docendam, et hinc ad intimæ Arausionensis consilia transtulerat. Extat scriptum utrumque pari acerbitate, quâ post crimina ad causam pertinentia, hinc animum ingratum et perduellem, indè sævam ac perfidam dominationem, VERIS FALSISQUE NARRATIONIBUS PERMIXTIS, porrò ad alia, rixantium more, prolabebantur.

(U) Il était beaucoup plus sobre que chaste. ] « On raconte....... qu’il buvoit toujours trois fois à son dîner et à son souper, fort sobrement pourtant en son boire et en son manger. Lorsqu’il couchoit avec une belle dame, (car il aimoit l’amour, et trop pour ses gouttes) il n’en eût jamais parti qu’il n’en eût joui trois fois [84]. » Voilà une grande inégalité dans le même nombre : trois prises de vin à table, trois prises d’amour au lit, ne méritent point la même qualification ; celles-là sont un acte de modération, celles-ci sont un excès. Au reste, c’était le moyen de ne se point exposer à ce reproche :

Inachia langues minùs ac me.
Inachiam ter nocte potes : mihi semper ad unum
Mollis opus [85] .........


Afin que mes lecteurs aient de quoi s’exercer, en examinant si Brantôme est plus croyable que d’autres, je dirai que Guillaume Zénocarus loue non-seulement la frugalité de Charles-Quint, mais aussi la chasteté. Cet empereur, dit-il [86], ferma lui-même souvent ses fenêtres, lorsqu’il voyait venir de belles femmes, ou lorsqu’il savait que de belles femmes devaient passer. L’auteur qui rapporte cela [87] dit que ce prince en usait ainsi pendant la vie de l’impératrice. D’autres ont remarqué qu’il garda la foi conjugale [88], et qu’il cachait autant qu’il pouvait ses amourettes [89] : Si non castè, saltem cauté.

Ordinairement on ne lui donne que deux enfans naturels, Marguerite duchesse de Parme, et don Juan d’Autriche ; mais M. Imbof rapporte que Bernard Justiniani, dans son histoire d’Espagne, lui en donne deux autres, savoir, Priam Conrad d’Autriche, et encore un Juan d’Autriche qui mourut l’an 1530, à l’âge de sept ans [90]. Je crois que ce Priam Conrad ne difière point d’un certain Pyrame Conrad dont j’ai parlé ci-dessus [91], qui passait pour frère utérin de don Juan d’Autriche. Notez qu’il courut un bruit que Charles-Quint avait la vérole. Imperator, ut nonnulli confirmant, ex morbo Gallico laborat. Accedit ad morbum hujus belli (Turcici) impendentis metus. Hanc ego in malis voluptatem capio, quòd eum qui in nos tam crudelis fuit, non solùm corpore ægrotare ; verùm etiam animo angi videre mihi videor [92]. C’est ce que l’on trouve dans une lettre de Bunel, datée de Venise au mois de juin 1532 ; et voici la note que M. Graverol a faite sur ce passage. An illud (ex morbo Gallico) κατὰ πόδα, an in sensu mystico intelligendum sit, disquirunt multi : sanè quæ sequuntur, Imperatorem ex morbo venereo laborâsse confirmant : utatur quisque hâc in re judicio suo. Hoc unum scio, non omnes qui gravioris sunt supercilii, rigidæ virtutis esse sequaces : amavit Franciscus I, amavit et Carolus V, et ne quid tam strenuo rivali in ludo amatorio exprobraret, morbo etiam Gallico laboravit. Felix, et nimiùm felix, si graviori non laborâsset ! sed nôrunt Hispani quid sit el remedio de Carlos quinto.

(X) On a débité que son cadavre fut préservé de la pouriture. ] Quelques auteurs espagnols soutiennent qu’il s’est conservé en son entier [93] ; et, comme il n’avait pas été embaumé, ils attribuent cette exemption de corruption à la sainteté de mœurs, et à la candeur admirable qui éclatèrent, disent-ils, dans la conduite de ce prince. Cùm nullis balsamis aut medicamentis pollinctum fuerit regale cadaver, quæ à corruptione præservare potuissent, ipso imperatore sic ante obitum jubente ; quid aliud dicere possumus, nisi eximium illius animi candorem et virtutis splendorem, cujus ingens semper dedit specimen, posteris Deum ostendere voluisse ? cujus adhuc multò anteà certissima indicia præstolatus fuerat : nam cùm anno quatuor decimo ab illius obitu, en cœnobio S.-Justi corpus exhumaretur, non solùm integrum et incorruptum inventum est, sed thymi quoque ramusculi, quibus monachorum more respersum fuerat, virides et optimum odorem adhuc spirantes apparuerunt [94]. Anno 1656, cùm potentissimi regis nostri PHILIPPI jussu antecessorum suorum regia cadavera ad insigne illud Pantheonis monumentum traducerentur, invictissimi imperatoris Caroli V cadaver adhuc incorruptum repertum est, labe nullâ, nullâ temporis edacitate, aut putredinis carie infectum ; spectaculum sanè mirificum, et planè admirandum, post annos 96 incorruptum permansisse, ut tradit P.F. Franciscus de los Sanctos in descriptione Fabricæ D. Laurentii et Pantheonis [95].

(Y) Sa vie fut publiée....... l’an 1559 par Alfonse Ulloa, et depuis bien d’autres plumes se sont exercées sur cette matière. ] Louis Dolce a fait l’histoire de cet empereur. Guillaume Zénocarus de Schauenburg l’a faite aussi [96]. La vida del emperador Carlos V, por Don Antonio Figueroa, fut imprimée à Bruxelles, in-4o., l’an 1656. La vida y hechos del emperador Carlos V, por Prudencio de Sandoval, parut à Pamplune, l’an 1614, en 2 volumes in-folio [97]. Je laisse les autres, et si l’on voulait compter tous ceux qui ont travaillé sur quelques parties de cette histoire, ce ne serait jamais fait [98]. Je ne parlerai que de Guillaume Godelevæus, qui a fait l’histoire de l’abdication. Mais n’oublions pas Jacques Masénius, jésuite allemand, qui publia à Cologne, l’an 1652, in-4o., anima historiæ hujus temporis, in juncto Caroli V et Ferdinandi I fratrum imperio repræsentata. Cet ouvrage méritait de n’être pas inconnu au père jésuite qui a continué Alegambe.

(Z) L’on a dit que..... il aspira à être pape. ] Brantôme, que j’ai déjà cité plusieurs fois, est le seul auteur où j’aie lu cette particularité [* 9]. S’il eût pu accomplir, dit-il [99], un dessein qu’il avait de se faire pape, comme il voulait, il eût encore mieux éclairé le monde, comme étant tout divin ; mais il ne le put pas par les voix des cardinaux : comme fut le duc Amédée de Savoie, qui fut élu, et puis se retira en son monastère de Ripaille, et fit l’empereur aussi au sien, lequel pourtant j’ai ouï dire que s’il eût eu encore des forces du corps comme de son esprit, il fût allé jusqu’à Rome avec une puissante armée, pour se faire élire par amour ou par force ; mais il tenta ce dessein trop tard, n’étant si gaillard comme d’autres fois ; aussi Dieu ne le permit, car il voulait rendre le papat héréditaire (chose pour jamais non ouïe) en la maison d’Autriche. Quel trait, et quel homme ambitieux que voilà ! Ne pouvant donc être pape, il se fit religieux ; c’était bien s’abaisser. S’il eût au moins tâté de ce papat, comme ce duc, encore mieux pour lui, et eût pu dire en mourant, qu’il avait passé par tous les degrés de la bonne fortune, et pris tous les ordres de la grandeur. Le chancelier de Chiverni remarque [100] qu’on avait cru que le roi Philippe II se démettrait de ses états, et qu’il se ferait donner un chapeau de cardinal, afin de se faire élire pape à la première occasion.

(AA) Il se servit d’artifices dans la rébellion de Naples. ] Il récompensa les chefs des rebelles, et ne donna rien à ceux qui l’avaient servi fidèlement. Omnes qui Cæsarem adjuvârunt, qui bona, qui vitam pro eo deposuerunt irremunerati remanserunt : qui adversæ factionis hostes illius nati sunt, qui arma contra illum tulerunt, omnes fuerunt optimè et secundùm vota sua expediti. C’est ce que l’on trouve dans les lettres d’Agrippa [101]. Cette conduite paraît d’abord imprudente ; car elle est propre à dégoûter les bons sujets, et à enhardir les factieux. Mais il faut que l’expérience ait enseigné le contraire ; car les plus grands princes se sont servis et se servent de cette méthode. Ils négligent ceux dont ils se tiennent assurés, et travaillent principalement à gagner ceux dont ils se défient. Les plaintes semblables à celles du frère de l’enfant prodigue sont fréquentes parmi les fidèles sujets dans les pacifications des troubles. Du temps de Henri-le-Grand, les ligueurs obtinrent bien plus de charges [* 10] que les anciens serviteurs [102]. C’est une politique qui remédie au présent, et c’est ce qu’on cherche : on met en risque l’avenir, mais on espère qu’alors Dieu y pourvoira, et enfin ce n’est pas un mal certain.

(BB) Ses historiens... ont entassé beaucoup de prodiges : ….. ils disent que le soleil s’arrêta. ] Je n’ai point en espagnol la relation de Louis d’Avila ; mais voici ce qu’elle porte dans la traduction latine [103]. L’auteur parle comme témoin oculaire : Fæderico etiam futura clades evidenti prodigio denuntiata est. Sol enim velut sanguinolentus apparuit, et, quod mirabilius est, perindè ac si cursum tardâsset, spatiumque diei addidisset, quùm intentius intueremur altior, quàm pro horarum ratione, ferri visus est. Constans omnium hâc de re opinio est, nec ego certè refellere ausim [104]. Florimond de Rémond a rapporté le même passage [105] selon la version française que l’on avait publiée de cet ouvrage espagnol. Il a rapporté aussi les paroles italiennes de Baptiste Gribalde, qui avait été présent à l’action, et les termes espagnols de Gonçalo de Illescas, tirés de la IIe. partie de son Histoire pontificale, et les vers latins d’un anonyme ; et il s’est efforcé de prouver que le fait est vrai. Il s’est prévalu, entre autres choses, de ce que Sleidan, qui témoigne beaucoup de colère contre Louis d’Avila, ne le réfute point sur cet arrêt du soleil. Mais le père Maimbourg s’est moqué comme il fallait de cette vision espagnole, et de quelques autres qui concernent la même bataille, et il les a combattues par quelques raisonnemens [106]. Il n’a pas oublié de rapporter que le duc d’Albe, homme fort solide, et qui ne donnait nullement dans la bagatelle, fit bien connaître qu’il ne croyait rien de ce qu’on disait de ce prétendu miracle, lorsqu’étant venu en France pour y épouser au nom du roi Philippe la princesse Élisabeth, fille de Henri II, il répondit plaisamment à ce prince, qui l’interrogeait sur cela : Qu’il était si occupé ce jour-là à ce qui se passait alors sur la terre, qu’il ne prit pas garde à ce qui se faisait au ciel. Florimond de Rémond a rapporté cette réponse du duc d’Albe, et fait savoir à ses lecteurs qu’il l’avait apprise d’un gentilhomme basque, gouverneur d’Acqs, qui parlait et vivait à l’antique en ce temps-là, fort privé et favori du roi [107]. Notez bien cela : cet historien n’avait vu cette particularité dans aucun livre, il la tenait d’un gentilhomme qui était alors à la cour de Henri II. Il est peut-être le premier auteur qui l’ait publiée, et celui dont tous les autres l’ont prise ; et peut-être que s’il n’en eût point parlé, nous ne la trouverions pas dans l’histoire du duc d’Albe [108], qu’on vous a donnée en français il n’y a que peu de temps, comme la version d’un livre latin imprimé à Salamanque, l’an 1669, sous le titre de Vita Ferdinandi Toletani ducis Albani. L’auteur de la traduction assure qu’il l’a fait faire avec toute l’exactitude possible, qu’il n’y a rien mis du sien, et qu’il n’a rien ôté ni du corps de l’histoire ni des faits.

(CC) On fit courir une prophétie qui promettait à cet empereur la défaite des Français, celle des Turcs, la conquête de la Palestine, etc. ] Antoine Pontus, qui avait porté les armes dans l’expédition de Tunis, sous Charles-Quint, en composa une relation qui n’a été rendue publique que depuis un an [109]. Il dit dans son préambule que, pour augmenter le courage des soldats, il veut rapporter deux choses : l’une est une vieille prophétie, l’autre est le discours d’un spectre qui s’était montré au temps de l’expédition d’Odet de Foix dans le royaume de Naples. Laissons ce qui regarde ce fantôme, et contentons-nous de ce qui concerne la prophétie. Duo hæc ante prælibentur, non quòd historiæ inserviunt, sed ut animi nostrorum militum alacres nunc his auditis ad arma fiant alacriores. Quorum illud unum imprimis subvenit, et ut vulgatissimum ita quoque antiquissimum votis illius, quæ prophetia dicitur, verbum divinum, quod quidem tale circumfertur, Carolum Philippi filium ex natione Lilii, ut ejus verba præstringam, post Gallos Hispanosque domitos, Romam quoque et Florentiam, congregato magno exercitu regem Græcorum vocari, indèque post victos Turcas, Chaldæos, Palæstinosque, sanctam Hierusalem recuperaturum, atque inibi à Dei nuncio coronatum in summi principis sinu vitam expiraturum, facietque priùs edictum, ut qui sanctæ crucis signum non adoraverit morte puniatur [110]. Comparez cela avec une prophétie que David Paréus inséra dans son Commentaire sur l’Apocalypse, l’an 1598, et vous trouverez un échantillon des fraudes qui se commettent en pareils cas. Le sieur Comiers raconte [111] qu’étant à Orange, l’an 1660, on lui prêta cet ouvrage de Paréus, imprimé à Leidelberg, et qu’à la page 930 il y lut une prophétie que l’auteur avait trouvée in ædibus Præpositi Saleziani, et qui contenait ce qui suit : Surget rex è natione illustrissimi Lilii, habens frontem longam, supercilia alta, oculos longos, nasumque aquilinum : Is congregabit exercitum magnum, et omnes tyrannos regni sui destruet, et morte percutiet omnes fugientes montibus, et cavernis sese abscondentes à facie ejus. Nam ut sponsus sponsæ, ita erit justitia ei associata, cum illis usque ad quadragesimum annum deducet bellum subjugando Insulanos, Hispanos et Italos. Romam et Florentiam destruetet comburet, poteritque sal seminari super terram illam. Clericos qui sedem Petri invaserunt morte percutiet : eodemque anno duplicem coronam obtinebit. Postremum mare transiens cum exercitu magno, intrabit Græciam, et rex Græcorum vocabitur. Turcas et Barbaros subjugabit, faciendo edictum : Quicumque crucifixum non adoraverit, morte morietur. Et non erit qui resistere poterit ei, quia brachium sanctum à Domino semper cum eo erit, et dominium terræ possidebit. His factis sanctorum requies christianorum vocabitur, etc. Comiers donne une traduction française de cela en prose et en vers, et ajoute [112] qu’il a trouvé la même prophétie, mais en termes différens, dans le neuvième tome des œuvres de saint Augustin, au milieu du traité de l’Ante-Christ [113], page 454 de l’impression de Lyon, en l’année 1586 ; et notez qu’il applique à Louis XIV l’une et l’autre de ces deux prophéties. Comme la conquête de l’univers, dit-il [114], n’est pas l’ouvrage d’un jour, nous devons du moins espérer qu’en l’année prochaine 1666 notre grand monarque jettera les premiers fondemens de cet empire universel. Mais prenez encore mieux garde à la supercherie des flatteurs de Charles-Quint, ils empaumèrent la première de ces deux prédictions, et, afin de la faire cadrer à cet empereur, ils la tronquèrent d’un côté, et ils l’augmentèrent de l’autre : ils y fourrèrent le nom de son père et le sien, et la conquête des Français ; ils en ôtèrent le nez aquilin et quelques autres traits de visage. J’ai vu de fort bonnes gens infatués de prophéties, qui pendant la dernière guerre [115] appliquaient tout ce prétendu oracle le mieux qu’ils pouvaient à S. M. B. le roi Guillaume. Notez enfin l’aveu de Pontus, qu’il a publié la prophétie afin de donner plus de courage aux soldats de Charles-Quint, et soyez persuadés que la plupart de ces inventeurs ou promoteurs de prédictions ne se proposent que d’amuser la populace, et de lui inspirer les passions dont ils souhaitent qu’elle se remplisse, et, pour mieux y réussir, ils se servent et de subreption et d’obreption.

(DD) Nous dirons un mot touchant un lis qu’il avait planté dans sa solitude. ] Il le planta à la fin d’août 1558, et il mourut le 21 de septembre suivant. Au moment de sa mort, cet ognon de lis jeta tout d’un coup une tige de deux coudées, avec une merveilleuse fleur, aussi épanouie et aussi odoriférante que ces sortes de fleurs ont accoutumé de l’être en Espagne en leur saison ordinaire. Je me sers des termes que le supérieur des pères de l’Oratoire de Paris employa en haranguant la reine d’Espagne, l’an 1679 [116]. Je laisse le présage ridicule qu’il trouva dans cette végétation [117] ; mais il faut que je remarque que le comte de la Roca ne rapporte point le fait dans les mêmes circonstances. Voyons ses paroles : « Un auteur sincère écrit qu’il y avait un pied de lis dans un petit jardin où donnait une fenêtre de l’appartement de l’empereur, qui au commencement du printemps jeta deux tiges, dont l’une rompit sa tunique, fit éclore sa fleur, rendit une odeur agréable, et mourut enfin ; et l’autre, quoique de même âge, et qui n’était pas si avancée, se retenait en son bouton, ce qui causa de l’étonnement à plusieurs, parce qu’elle ne manquait ni d’eau ni de soleil ; et la même nuit que l’âme de l’empereur quitta la prison de son corps, cette belle fleur s’épanouit, fut coupée avec respect et admiration, et mise sur le grand autel [118]. » Tout le merveilleux du harangueur des pères de l’Oratoire de Paris s’évanouit à peu près dès qu’on examine attentivement la narration de l’historien espagnol. Je ne connais point cet auteur sincère qu’on a prétendu citer, mais je m’imagine que lui ou le comte de la Roca ont été copiés par Fabien Strada. Vous le croyez aisément si vous comparez les paroles de ce comte avec ce latin : Nec illud admiratione caruit : in Caroli, quem dicebam, hortulo, binos eodem tempore stylos emiserat candens lilium. Alter Majo mense, uti assolet, calyce dehiscente floruit : alter, quamvis eâdem culturâ provocatus, tumorem tamen ac partûs signa vere toto atque æstate sustinuit : eâdemque demùm nocte, quâ Caroli animus integumento sese corporis evolvit, explicato repentè folliculo, intempestivâ nempe atque insperatâ germinatione promisit florem. Id verò et observatum ab omnibus, et lilio super arâ templi maximâ ad spectandum proposito, fausti candidique ominis loco acceptum est [119]. Je me souviens ici d’une observation que j’ai lue dans un ouvrage de mademoiselle de Schurman. Elle raconte [120] qu’au temps que du Lignon, l’un des disciples de Labadie travaillait à l’établissement de la secte à Herford, il arriva trois prodiges. Le premier était qu’un tronc d’arbre sec depuis quatre ans poussa tout à coup quelques jets de quatre ou cinq pieds, et chargés de feuilles. Ce fut pendant l’automne, et dans un lieu clos et couvert, proche du temple que l’on assigna depuis aux labadistes. Le second prodige était que tous les arbres fleurirent dans le jardin de la princesse pendant l’automne qu’elle promit de protéger leur petite église. Le troisième était qu’un essaim d’abeilles se vint loger au même jardin, sans qu’on sût d’où il venait. Selon l’hypothèse des présages, tout cela devait promettre un glorieux et long établissement ; et néanmoins, cette secte fut bientôt contrainte de quitter Herford.

(EE) Il ne forma point d’entreprise plus juste que le siége de Metz, ni dont le succès fut plus malheureux. ] Henri II, ligué avec quelques princes d’Allemagne, avait été déclaré protecteur de la liberté germanique [121], et il se glorifiait de n’agir que selon cette qualité [122]. Néanmoins, il se rendit maître de Metz, ville impériale ; il la dépouilla de sa liberté, et cela par la plus insigne de toutes les fourberies. On ne peut lire sans horreur le prétendu stratagème dont on se servit pour assujettir cette petite république, qui ne regardait ce monarque que comme un tuteur. C’est alors qu’on avait raison de dire : Sed quis custodiet ipsos custodes [123] ? Ainsi toutes sortes de raisons autorisaient Charles Quint à réunir au corps de l’empire une ville qui en avait été détachée de cette manière. Il y employa ses plus grandes forces, et y échoua honteusement [124] ; et il a fallu enfin qu’à la paix de Munster l’empire renonçât à ce morceau, et le laissât à la France. Cet empereur avait réussi admirablement dans des entreprises tout-à-fait injustes.

(FF) La magnificence avec laquelle les Fuggers le reçurent ne doit pas être oubliée. ] Nous parlerons ci-dessous [125] de leur richesse : en voici une belle marque. « M. Félibien [126] rapporte un trait fort joli des Fouckers, ces fameux négocians d’Allemagne, qui, pour témoigner leur reconnaissance à Charles-Quint, lequel, à son retour de Tunis, leur avait fait l’honneur d’aller loger chez eux, en passant par Ausbourg, un jour, parmi les magnificences dont ils le régalaient, firent mettre sous la cheminée un fagot de cannelle, qui était une marchandise de grand prix, et l’allumèrent avec une promesse qu’ils avaient de l’empereur d’une somme très-considérable [127]. »

  1. (*) Perroniana, (au mot Langue).
  2. (*) Strada, de Bello belg., lib. I.
  3. (*) In Mensâ Theophilos., pag. 2.
  4. (*) Locri, hoc an.
  5. (*) Justus, nom de saint, fait en français Just monosyllabe. Rem. crit.
  6. * Joly dit qu’il ne sait si l’on trouve ailleurs que dans les Contes d’Eutrapel, « que Charles-Quint dans sa retraite avait caché quatre cents écus qui lui furent dérobés par un hiéronymite, et qu’il en pensa mourir de chagrin. »
  7. (*) Tous ces faits sont tirés d’un petit livre in-8°., imprimé en 1600 à Mayence, chez Zacharie Durant, sous le titre de Testament de Philippe II. Rem. crit.
  8. (*) Ces paroles, on peut même... Grotius assure... mêlèrent le vrai avec le faux, etc. sont contraires, ce me semble, à celles qui sont ci-dessus dans la page précédente : Si l’on trouvait cela dans l’apologie, etc. J’ajoute que le témoignage de Grotius doit être suspect. Rem. crit.
  9. * Leduchat ajoute que ce projet de Charles-Quint est aussi rapporté dans une lettre de l’empereur Maximilien Ier. à Marguerite d’Autriche sa fille : cette lettre est la Ire. du tome IV des Lettres de Louis XII, etc., Bruxelles, 1712, 4 vol. in-12.
  10. (*) Donnons ici ce qu’a dit sur le même sujet Jean Névizan (liv. IV, n. 152, de la Forêt Nuptiale) : Quandoque, dit ce facétieux écrivain, princeps ut immicum vincat obsequio…… eum plus extollit servitore suo, adeò quod quandoque boni servitores indignati dicant : si quispiam à principe nostro velit quicquam obtinere, oportet quòd in eum aliquam committat proditionem. Le discours de la Ruffie (liv. I, chap. V, de la Conf. de Sancy) semble avoir en vue ces paroles. Rem. crit.
  1. Mézerai, Abrégé chronol., tom. VI, pag. m. 628.
  2. L’empereur ne faisait point de scrupule d’avoir pour allié un prince noirci des foudres de l’Église, ennemi mortel du saint-siége, et qui avait traité si rigoureusement sa tante. Mézerai, Abrégé chonol., tom. IV, pag. 620.
  3. Famianus Strada, de Bello belg., dec. I, lib. I, pag. m. 19.
  4. Brantôme, Capitaines étrangers, tom. I, pag. 24.
  5. Mézerai, Abrégé chron., tom. IV, p. 493.
  6. Dans la remarque (A) d’Antoine (Marc) le Critique, tome II, pag. 139, et la remarque (X) de l’article Bellarmin, avant l’alinéa, tome III, pag. 282.
  7. Biblioth. belg., pag. 123.
  8. Ruscelli, Lettre à Philippe II, parmi les Lettres des Princes, tom. III, pag. 219.
  9. C’est celle de Ruscelli que j’ai citée.
  10. Brantôme, Capitaines étrangers, tom. I. pag. 42.
  11. Ghilini, Teatro, part. II, pag. 51.
  12. Bouhours, Entretien II d’Ariste et d’Eugène, pag. m. 82.
  13. Brantôme, Capitaines étrangers, tom. I, pag. 19.
  14. Bouhours, Entret. II d’Ariste et d’Eugène, pag. 81.
  15. C’était Jean Langus, ambassadeur de Ferdinand en Pologne.
  16. Melch. Adam, in Vitis Jurisc., pag. 81.
  17. Gaspar à Reies, Elysio jucund. quæst. Campo, quæst. LV, sub fin., pag. 695.
  18. Voyez La Mothe-le-Vayer, Problèmes sceptiques, chap. XV, à la page 259 du XIIIe. tome.
  19. Mémoires de Guillaume du Bellai, liv. V, pag. m. 506.
  20. Là même, pag. 507.
  21. Zenocarus in Caroli Vitâ etiam magnificentiùs scribit Carolum ad duellum Gallum provocâsse septem oblatis optionibus, ut mari vel terrâ, vel flumine, equo vel pedibus, colle vel planitie, inter se decertarent. Spondanus, ad ann. 1536, num. 9.
  22. Mémoires de Guillaume du Bellai, pag. m. 508.
  23. Iliad., lib. IV, vs. 350.
  24. Spondanus, ad ann. 1536, num. 7.
  25. Mézerai, Abrégé chronol., tom. IV, pag. 591.
  26. Voyez Brantôme, Discours sur Catherine de Médicis, au commencement.
  27. Mézerai, Abrégé chronol., tom. IV, pag. 595.
  28. Horat., de Arte poët., vs. 139.
  29. Mezerai, Abrégé chronol., tom. IV, pag. 595, 599.
  30. Mémoires de Guillaume du Bellai, pag. 519, 520. Brantôme, Hommes illustres, tom. I, pag. m. 246.
  31. Là même.
  32. Méditat. historiques, vol. III, liv. III, chap. III. Je parle de la traduction française publiée par Simon Goulart.
  33. Spondanus, ad ann. 1540, num. 1.
  34. Quin et vulgò credebatur, Cæsaris fortunam fastidio ac satietate jam captam retrocedere incæpisse : felicemque imperatoris hactenùs invicti genium in Henricum Galliæ regem immigrâsse. Ipso Cæsare non dissimulante, quem auditum ferebant quùm diceret, Nempè Fortunam esse juvenum amicam. Strada, de Bello belg., dec. I, pag. m. 17. Il cite une lettre d’Hippolyte Chizzala, qui est au IIIe. livre des Lettres des Princes, folio m. 212 verso ; il la cite, dis-je, pour la première partie de ce passage.
  35. Iofam. Fam. Strad., pag. m. 36.
  36. Mémoires de Beauvais-Nangis, pag. 120.
  37. Camérarius, Méditat. histor., vol. I, liv. III, chap. V.
  38. Cela me fait souvenir des paroles de Juvénal, sat. I, vs. 15, qui témoignent que les écoliers de son temps déclamaient sur l’abdication de Sylla.

    Et nos ergò manum ferulæ subduximus, et nos
    Consilium dedimus Sullæ privatus ut altum
    Dormiret ......................

  39. Strada, de Bello belg., lib. I, dec. I, pag. 16.
  40. Idem, ibidem.
  41. Strada, là même, pag. 13, 14, le nomme Jannellus Turrianus, et en conte des choses très-singulières.
  42. Ex Stradâ, lib. I, dec. I, pag. 14.
  43. Brantôme, Mémoires des Capitaines étrangers, tom. I, pag. 12.
  44. Saint-Réal, Histoire de don Carlos, pag. m. 21, 22.
  45. Entretien Ier., pag. m. 10.
  46. Balzac, Entret. Ier., pag. 12, 13.
  47. Sirada, decad. I, lib. I, pag. 10, 11.
  48. À la suite de ce que je cite il rejette ce repentir comme un bruit fort mal fondé.
  49. Brantôme, Capitaines étrangers, tom. I, pag. 39.
  50. Quin etiam plexo è funiculis tormento.… exigere à sese anteactæ vitæ pœnas perseverè cæpit. Quos indè funiculos à Philippo rege reverenter habitos, ab eoque morti proximo afferri ad se jussos, et, ut erant cruore Caroli patris aspersi, filio Philippo III traditos, inter Austriacæ monumenta pietatis asservari fama est. Strada, dec. I, lib. I, pag. 14.
  51. Pag. 294, édit. de Paris, 1636, in-4°.
  52. Brantôme, Capitaines étrangers, tom. II, pag. 105.
  53. Scioppius, Infam. Fam. Stradæ, p. 19.
  54. Guill. Zenocarus, lib. V de Vitâ Carol V, apud Matthiam Castritium de Virtutibus principum Germaniæ, lib. I, cap. XXXIV.
  55. Voyez La Mothe-le-Vayer, tom. II, pag. 113, 114, 115, édit. in-12, 1681. Voyez aussi Maimbourg, Histoire du Luthéranisme, tom. I, pag. 247, 248, et tom. II, pag. 159.
  56. Dans la remarque (H) de l’article Agésilaus II, tome I, pag. 258, et dans la remarque (C) de l’art. Aristide, tome II, pag. 344.
  57. Composée par Jean Antoine de Vera et Figueroa, comte de la Roca.
  58. Le comte de la Roca, Hist. de Charles-Quint, pag. 335, édit. de Bruxelles, 1663, in-12.
  59. Tom. II, pag. 158, à l’ann. 1552.
  60. C’est-à-dire, l’Apologie du prince d’Orange. Je n’ai point trouvé cela dans mon édition, qui est celle de 1581 ; non plus que ce qui est cité ci-dessus, remarque (O), citation (49). Voyez la remarque (T).
  61. Brantôme, Capitaines étrangers, tom. I, pag. 30.
  62. L’abbé de Saint-Réal dans son Histoire de don Carlos. Il cite MM. de Thou, Aubigné, etc.
  63. Appliquez ici une chose vraie ou fausse, qui se lit dans Mélanchthon, in cap. XXV Matthæi, pag. m. 558. Carolus V jussit amoveri monachos à conjuge moriturâ, et jussit præceptorem filii su proponere consolationes de Cristo.
  64. Voyez Strada, decad. I, lib. I, pag. 14, 15.
  65. Voyez le comte de la Roca, pag. 334.
  66. Voyez La Mothe-le-Vayer, tom. II, pag. 199, édit. in-12.
  67. Ponce n’était point son nom : j’en ai averti, citation (20) de l’art. Carranza, tome IV, pag. 479. Voyez aussi le commencement de l’article Ponce, tome XII.
  68. Thuan., lib. XXIII, pag. 470, ad ann. 1559.
  69. Idem, ibidem.
  70. Il eût fallu donc le nommer Episcopus Torrosensis, ou Dertossensis, ou plutôt Dertusensis.
  71. Histoire de Charles-Quint, pag. 334.
  72. Là même, pag. 335.
  73. Herrera, Historia general., lib. VI, cap. XVI, pag. m. 400.
  74. Contantinus qui à sacris confessionibus diù Cæsari eique in solitudine suâ post imperii ac regnorum abdicationem, ac postremò animam agenti semper præsto fuerat, ad idem mox tribunal raptus, etc. Thuan., lib. XXIII, pag. 470, ad ann. 1559.
  75. Herrera, Historia general., ubi suprà.
  76. Herrera, ibidem.
  77. Palavicin., Hist. Concilii Trident., lib. XXI, cap. VII, num. 7.
  78. Ibidem.
  79. L’édition que j’en ai est d’Amsterd. 1674.
  80. Notez que ce silence du prince est une marque qu’il ne trouvait aucun fondement dans la chose ; car il ne ménage aucunement Philippe II. Il lui reproche des crimes affreux : il lui aurait reproché celui-là aussi librement que les autres, s’il l’avait cru véritable.
  81. Voyez Varillas, préface du Ve. tome de l’Histoire de l’Hérésie.
  82. Grotius, Annal. belg., lib. III, sub fin., pag. m. 99, 100.
  83. Nous dirons dans la remarque (E) de l’article de Languet, tome IX, qu’on a cru que cette Apologie du prince d’Orange fut composée par Languet.
  84. Brantôme, Capitaines étrangers, tom. I, pag. 18. 19.
  85. Horat., lib. Epod., od. XII, vs. 14.
  86. Zenocarus, in Vitâ Caroli V, lib. III, apud Castritium, de Virtutibus Princ. Germaniæ, pag. 224.
  87. Idem, lib. V, apud eumdem.
  88. (conjuge) vivente servâsse Carolum perquam sanctè conjugalem fidem fama est. Strada, dec. I, lib. X, pag. m. 612.
  89. Thuan., lib. XXI, pag. 431.
  90. Jacobus Wilhelmus Imbofius, Notitia Germaniæ Procerum, pag. 11, edit. Tubing., 1693.
  91. Dans la remarque (C) de l’article Blomberg (Barbe), tome III, pag. 464.
  92. Bunellus, epist. XXVIII, pag. 111, 112, edit. Tolos., 1687.
  93. Voyez la citation (95).
  94. Gaspar à Reies, in Flysio Jucundar. Quæst. Campo, quæst. XXXIV, num. 26, pag. m. 413.
  95. Idem, ibidem.
  96. En latin, imprimée à Anvers, 1596, folio.
  97. Ils avaient été déja imprimés l’un après l’autre à Valladolid, le premier en 1604, le second en 1606.
  98. Voyez Michael Hertzius, in Bibliothecâ Germanicâ, imprimée à Erfort, l’an 1679, num. 811 et seq.
  99. Capitaines étrangers, tom. I, pag. 36.
  100. Mémoires, pag. 203.
  101. Dans la Xe. lettre du VIIe. livre, pag. 1010. Elle fut écrite à Agrippa par un ami, et est datée de Ratisbonne, le 17 juillet 1532.
  102. Voyez l’Apologie de ce prince, attribuée à la duchesse de Rohan. Elle est imprimée avec le Journal de Henri III, dans l’édition de 1693. J’en parle dans l’article Parthenai (Catherine de), remarque (F). Voyez aussi la remarque (P) de l’article de Henri IV.
  103. Faite par Gulielmus Malinæus.
  104. Ludovic. ab Avilâ et Zunnigâ, Comment. de Bello Germ., lib. II, folio 126, edit. Antuerp., 1550.
  105. Flor. de Rémond, Hist. de l’Héresie, liv. III, chap. XVI, pag. m. 362.
  106. Maimbourg, Histoire du Luthéranisme, tom. II, pag. 55 et suiv., édit. de Hollande. Voyez les Pensées diverses sur les Comètes, pag. 274, 275.
  107. Flor. de Rémond, Histoire de l’Hérésie, liv. III, chap. XVI, pag. m. 362.
  108. Au chap. X du IIIe. livre, pag. 218, édit. de Paris, chez Jean Guinard, 1696.
  109. À Leyde, 1698, dans le Veteris ævi Analecta de M. Matthæus.
  110. Anton. Pontus Consentinus, in Hariadeno Barbarossâ, pag. 2.
  111. Claude Comiers, prêtre, prevôt de l’église collégiale de Ternan, et chanoine en la cathédrale d’Ambrun, de la Nature et Présage des Comètes, pag. 469, édit. de Lyon, 1665.
  112. Cl. Comiers, de la Nature et Présages des Comètes, pag. 478.
  113. Voyez touchant ce Traité, M. Audigier, de l’Origine des Français et de leur empire, tom. II, pag. 465 et suiv.
  114. Comiers, de la Nature des Comètes, pag. 480.
  115. On écrit ceci en 1699.
  116. Sa Harangue est toute entière dans la IIe. partie du Mercure Galant du mois d’octobre 1679. Voyez les Pensées sur les Comètes, pag. 294.
  117. Voyez les Pensées sur les Comètes, même.
  118. Le comte de la Roca, Histoire de Charles-Quint, pag. m. 349, 350.
  119. Famian. Strada, de Bello belg., dec. I, lib I, pag. m. 16.
  120. Anna Maria à Schurman, in cap. II, part. II, Euclerias.
  121. Mézerai, Abrégé chron., tom. IV, pag. 670, à l’ann. 1552.
  122. Voyez Sleidan, liv. XXIV, folio m. 695.
  123. Juven., sat. VI, vs. 345.
  124. Il courut alors mille pièces en vers et en prose aussi glorieuses aux Français qu’injurieuses à l’empereur, et les médisans en prirent sujet de changer en plus citrà le plus ultrà de sa devise. Histoire du duc d’Albe, liv. III, chap. XXIV, pag. 284.
  125. Dans l’article Fugger, remarque (A).
  126. Journal des Savans du 8 janvier 1685, pag. m. 12, dans l’Extrait de la IVe. partie des Entretiens sur les vies et les ouvrages des peintres.
  127. Voyez l’article Hadrien, empereur, citation (22), tome VII.

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