Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Fernel

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FERNEL (Jean), médecin de Henri II, roi de France, était né en Picardie (A). Il fut envoyé un peu tard à Paris pour y faire ses études de rhétorique, et son cours de philosophie : mais il fit tant de progrès si promptement, qu’ayant été reçu maître ès arts au bout de deux ans[* 1], les principaux de colléges lui offrirent à l’envi les uns des autres la régence de la logique, avec des gages très-considérables[* 2]. Il n’accepta point ces offres ; il aima mieux travailler par des études et par des leçons particulières à se rendre beaucoup plus digne d’une profession publique. Il s’appliqua de telle sorte à l’étude, qu’il renonça aux plaisirs les plus innocens qui l’eussent pu arracher à son Cicéron, à son Platon, à son Aristote[a]. La lecture de Cicéron lui procura cet avantage, que les leçons qu’il donna sur des matières philosophiques, furent aussi éloquentes que celles des autres maîtres étaient barbares en ce temps-là. Il eut aussi une forte application à l’étude des mathématiques. Cette grande contention d’esprit lui attira une longue maladie qui l’obligea à quitter Paris. Y étant revenu après le retour de sa santé, il résolut d’étudier en médecine ; mais avant que de se bien appliquer à cette étude, il enseigna un cours de philosophie dans le collége de Sainte-Barbe. Après quoi il employa quatre années à étudier en médecine ; et ayant été promu au doctorat, il s’attacha tout entier à son cabinet, afin de lire les bons auteurs, et de cultiver l’étude des mathématiques. Il eut de grandes liaisons avec un excellent rhétoricien[b] qui lui apprit les belles-lettres, et à qui il enseigna les mathématiques. Les instrumens qu’il inventa et qu’il fit faire sur cette science l’engagèrent à de grands frais. La femme qu’il venait d’épouser ne s’accommodait point de cette dépense, qui s’étendait même sur sa dot : elle en murmura, elle en pleura, elle en fit ses plaintes à son père[c], et l’engagea à se fâcher tout de bon contre Fernel. Celui-ci céda enfin, et renvoya tous ses faiseurs d’instrumens, et s’attacha à la pratique de la médecine. Mais parce que la visite des malades ne pouvait point prendre tout son temps, à un homme qui, comme lui, en donnait peu aux repas et au dormir (B), il reprit une occupation à laquelle il s’était déjà exercé avant que d’être docteur en médecine, je veux dire qu’il fit des leçons publiques sur Hippocrate et sur Galien. Cela lui acquit bientôt une extrême réputation par toute la France, et dans les pays étrangers. Il fut obligé d’interrompre ces leçons au bout de six ans, parce que l’estime qu’il s’était acquise faisait recourir à lui un si grand nombre de malades, qu’il n’avait pas assez de temps pour rendre ses bons offices à tous ceux qui venaient les lui demander. Mais comme rien n’était capable de faire cesser ses études de cabinet, il employa toutes les heures qu’il avait de reste à composer un ouvrage de médecine[d], qui vit le jour quelque temps après. Les écoliers le pressèrent si vivement de leur faire des leçons sur cet ouvrage, qu’il s’y résolut, nonobstant les oppositions de sa femme (C) et les conseils de ses amis. Il donna trois ans à ces leçons ; et comme pendant ce temps-là, il entreprit un autre ouvrage qu’il fit imprimer[e], il s’imposa en quelque manière la nécessité de lire en public encore quelques années ; car on souhaita passionnément qu’il expliquât à la jeunesse ce second livre. Il n’avait pas achevé encore de l’expliquer, lorsqu’on l’appela à la cour, pour voir s’il pourrait guérir une dame dont l’on désespérait de la guérison (D). Il la guérit heureusement ; et ce fut la première cause de l’estime que le roi Henri II, qui n’était alors que dauphin, et qui aimait fort cette dame, conçut pour lui. Ce prince lui offrit dès lors la place de son premier médecin ; mais Fernel, qui préférait ses études à l’embarras de la cour, n’accepta point cet emploi ; et il se servit même d’artifices pour obtenir la permission de retourner à Paris (E). Il l’obtint sans diminution de la pension qui lui fut promise[f]. Ayant achevé d’expliquer son livre, il fut incessamment sollicité d’expliquer quelque autre chose ; mais la multitude de malades qui l’appelait l’empêcha de s’y engager[g]. Il ne cessa pas pourtant de se rendre utile au public autrement que par sa pratique. Il donna ses veilles à la composition de l’ouvrage de Abditis rerum causis, qui fut suivi des sept livres de Pathologie, après quoi il travailla sur les Remèdes (F). Avant qu’il eût achevé ce dernier ouvrage, il fut contraint de céder aux ordres de Henri II. Ce prince le voulut avoir auprès de lui pour son premier médecin ; et il arriva tout le contraire de ce que Fernel avait redouté ; car il trouva plus de repos et plus de loisir à la cour, qu’il n’en avait eus à Paris ; et sans les voyages que la reprise des armes fit faire à ce prince, son médecin eût pu regarder la cour comme une douce retraite. Étant de retour de l’expédition de Calais, il fit venir sa femme à Fontainebleau. Cette bonne femme, fâchée de se séparer de sa famille, tomba malade, et mourut frénétique dans peu de temps. Il en fut si affligé, qu’il devint malade douze jours après les obsèques de son épouse, et qu’il mourut le dix-huitième jour de sa maladie[h] (G). Je ferai une remarque sur le nombre de ses années (H). Il gagna beaucoup de bien (I), et maria ses deux filles très-avantageusement[i]. C’est une opinion fort répandue qu’il guérit la stérilité de Catherine de Médicis (K), et que cette princesse l’en récompensa magnifiquement (L). Nous rassemblerons dans une remarque les fautes de quelques auteurs (M).

  1. * Du temps de Fernel, il fallait, dit Leclerc, trois ans et demi pour obtenir le titre de maître ès arts.
  2. * On n’a, dit Leclerc, aucune preuve de cette offre prétendue.
  1. Voyez la remarque (B).
  2. Jacques Strebæus.
  3. Il était conseiller à Paris, mais on ne dit point de quelle cour.
  4. C’est celui qu’il intitula Physiologia.
  5. C’est celui De venæ sectione.
  6. Elle était de six cents livres.
  7. Hoc perfunctus munere alia quædam Hippocratis et Galeni interpretari scripta cogitabat, idque ab eo quotidianis precibus et acclamationibus contendebant philiatri omnes, sed præ ægrorum qui undique ad eum apis causâ quotidiè confugiebant turbâ, id muneris aggredi non potuit. G. Plantius, in Vitâ Fernelii.
  8. Tiré de sa Vie, composée par Guillaume Plantius, son disciple, natif du Mans. Elle est à la tête des Œuvres de Fernel dans toutes les éditions.
  9. Voyez la remarque (I).

(A) Il était né en Picardie. ] Je m’en tiens à cette généralité, afin de jouer au plus sûr, car je vois d’un côté qu’il se qualifie Ambianus natif d’Amiens, et de l’autre qu’on assure dans sa Vie, qu’il était né à Clermont, à vingt milles de Paris, et qu’il ne se donna le surnom d’Ambianus, qu’à cause que son père était d’Amiens[1]. Par Clermont on entend ici Clermont en Beauvoisis. Dom Pierre de Saint-Romuald allègue une autre raison pourquoi Fernel a été nommé Ambianus. Il était né, dit-il[2], à Clermont en Beauvoisis, dans une maison du faubourg, où pend encore aujourd’hui pour enseigne le Cigne. Quelques-uns l’ont appelé Ambianois, d’autant que le faubourg dans lequel il naquit s’appelle le faubourg d’Amiens. Mézerai assure[3] que Fernel était natif de Montdidier au diocèse d’Amiens.

(B) Il donnait peu de temps aux repas et au dormir. ] Tout autre plaisir que celui d’apprendre était insipide pour lui : il ne se souciait ni de jeux, ni de promenades, ni de collations, ni de conversations. Je parle du temps qu’il était encore écolier. Ludos, jocos, compotationes, et comessationes sermones etiam omnium penè condiscipulorum, ac familiarium, fugere statuit, non cibi, non somni, non corporis, non valetudinis, non rei familiaris rationem habere, omnia perpeti, dum liberalium artium cognitionem assequeretur : omne in eis studium, diligentiam, curam, industriam adhibere, nullam præterquàm ex discendo voluptatem capere : arbitratus omnem horam perire, quæ in bonorum authorum lectione et studiis non collocaretur : tanta in illius animo insita erat discendi cupiditas, tantus cognitionis amor et scientiæ[4]. La suite de sa vie ne démentit point ces commencemens ; jamais homme ne fut plus actif que lui. Il se levait à quatre heures du matin, et s’en allait étudier jusques à ce que le temps de faire leçon, ou d’aller voir les malades, approchât. Alors il examinait les urines qu’on lui portait, et il prescrivait des remèdes selon les conjectures qu’il pouvait former[5]. Revenant au logis pour dîner, il s’enfermait avec ses livres jusques à ce qu’on l’appelât pour se mettre à table : il retournait dans son cabinet en sortant de table ; il ne quittait son étude que pour les affaires qui l’appelaient hors du logis. Revenant le soir, il faisait comme à midi : il attendait sur ses livres qu’on l’appelât pour souper ; il les reprenait aussitôt qu’il avait soupé, et ne les quittait qu’à onze heures, pour se mettre au lit. Il ne faisait point scrupule, quand il priait quelqu’un à manger, de le quitter dès que le repas était fini, et de s’en aller retrouver ses livres. Omnia animi et corporis oblectamenta præ litterarum studiis, et medicæ artis exercitatione, pro nihilo ducens : ut nulla vitæ pars neque publicis, neque privatis, neque medicis, neque domesticis in rebus vacâsse officio videretur. Si quem fortè ad cœnam vel prandium aliquando invitaret, ab eo neque turpe, neque inhonestum ducebat, aliquantò post sumptum cibum, studiorum causâ se surripere[6].

À la prière de sa femme, quelques années avant sa mort, il acheta une maison de campagne[7] : mais il ne s’y allait délasser qu’une fois ou deux par an. Il trouvait plus de plaisir dans la vie active, et dans l’exercice de sa profession, que dans le repos[8]. Il ne renvoyait jamais les malades qui venaient implorer son assistance, quelque pauvres qu’ils fussent ; et il en venait un si grand nombre pendant l’été, qu’il n’avait pas le loisir de s’asseoir à table ; il dînait debout. Tantus ægrorum numerus ad eum confugiebat, ut per totam ferè æstatem stans prandere cogeretur : neminem quantumlibet pauperem à se abire dimittebat morbi quo angeretur ignarum, remediisque ad eum profligandum destitutum[9]. Quand on l’exhortait à se donner quelque relâche, il répondait que la mort lui donnerait un assez long temps pour se reposer. Quòd si illum nonnunquàm de curandâ corporis sui valetudine, deque nocturnis studiis intermittendis, commonefacerem, et ad quiescendum cohortarer, (erat enim somni parcissimus) responsum in promptu habere solebat,

Longa quiescendi tempora fata dabunt.

Les femmes de tels médecins sont fort à plaindre lorsqu’elles aiment leurs maris, et qu’elles ne sont point avares ; car l’indifférence et l’avarice peuvent trouver de bons dédommagemens dans cette absence du mari.

(C) Nonobstant les oppositions de sa femme. ] Il n’est pas difficile de deviner pourquoi sa femme ne consentait pas à ces sortes de leçons : elles l’empêchaient de voir les malades, et ainsi elles diminuaient notablement le profit quotidien de sa pratique. Son historien ne s’est point tu sur ce dommage : quod onus... uxore, amicis omnibus, et ægrorum curis reclamantibus, vel magno rei domesticæ dispendio suscepit[10].

(D) On l’appela à la cour, pour voir s’il pourrait guérir une dame dont l’on désespérait de la guérison. ] Ceux qui croiraient que l’historien a eu en vue la stérilité de Catherine de Médicis s’abuseraient lourdement ; et tout le monde me l’avouera, si l’on considère comment il s’exprime[11] : Nec absolverat ejus commentationis explicationem, cùm in gravissimo mulieris nobilissimæ [12] casu ad aulicos quasi edicto regio rapitur. Pervagabatur enim incredibilis ad hujus imperii proceres de Fernelii eruditione fama et persuasio, quasi unus esset è Galliæ medicis calamitosi illius morbi perstrenuus oppugnator, et impendentis mortis fortissimus vindex, malorumque depulsor, quasi Hercules Alexicacus : quam ille opinionem de se strenuè sustinuit, ut non tam sit creditus mulierem in vitâ retinuisse, quàm jam profligatâ salute ex inferorum faucibus revocâsse. Premièrement on peut douter s’il s’agit ici en quelque manière de Catherine de Médicis ; en second lieu on ne peut douter qu’il ne s’agisse de toute autre chose que de la stérilité. Si l’auteur a voulu parler de cette princesse, qui était alors dauphine, n’est-il pas étrange qu’il l’ait désignée par le nom vague de femme de grande noblesse ? N’est-il pas étrange qu’il ait dit qu’elle était très-chère au dauphin[13] ? Si ce n’était point la dauphine, l’expression est bonne et à propos : ce pouvait être une maîtresse : ce pouvait être une dame pour qui le dauphin avait beaucoup d’amitié ; mais si c’était son épouse, l’historien s’explique impertinemment. On suppose toujours dans les récits de cette nature qu’un mari aime sa femme, qu’il s’intéresse extrêmement à la guérison de sa femme, qu’il a une extrême reconnaissance pour les médecins qui la guérissent. Il suffit donc de marquer que la malade est sa femme ; et si l’on veut se servir de l’épithète charissima, tenerrima, c’est après avoir employé le mot uxor, ou conjux, qu’il le faut faire. D’où je conclus que cet auteur ayant écrit sensément et éloquemment, ne se serait point exprimé comme il a fait, s’il eût eu dessein de parler d’une maladie de madame la dauphine. Ajoutez encore cette raison : la gloire de Jean Fernel aurait reçu un nouvel éclat, de ce que la dame qu’il aurait guérie aurait été la dauphine : pourquoi donc son historien, qui ne cherche qu’à le combler d’honneur et d’éloges, eût-il tu la qualité principale de cette dame ? Voilà pour le premier point : le second est encore plus clair. Catherine de Médicis se portait bien pendant qu’elle était stérile ; elle fatiguait un cheval, elle suivait le roi à la chasse[14], et sa santé ni sa vie ne paraissaient courir aucun risque de ce qu’elle continuerait à ne faire point d’enfans. On ne la guérit donc pas d’une maladie mortelle, quand on lui donna des remèdes contre la stérilité ; ce n’est donc point d’elle qu’il s’agit ici, puisqu’il est question de morbus calamitosus, de mors impendens, de profligata salus, de ex inferorum faucibus revocatio.

Ce n’est pas pour rien que je m’arrête à toutes ces observations : c’est pour en tirer une forte preuve contre ceux qui disent que Fernel guérit la stérilité de la dauphine. C’est un fait qui me semble très-douteux, puisque son disciple bien-aimé n’en dit rien, et qu’il parle d’une autre cure moins importante que ne serait celle-là. Il n’est nullement vraisemblable qu’il ait ignoré un si bel endroit de la vie de Fernel, ou que l’ayant su il l’ait passé sous silence dans l’histoire de ce médecin. Qui aurait su cette aventure si Plantius l’avait ignorée ? Plantius, dis-je, instruit si longtemps aux pieds de ce Gamaliel, et admis à sa plus étroite confidence. Et à qui convenait-il mieux qu’à ce disciple de publier une chose si glorieuse à son bon maître ? Il l’avait oubliée, me dira-t-on, quand il se mit à écrire l’histoire de Jean Fernel. Mais ne s’en serait-il pas ressouvenu quand il se mit à narrer le premier voyage que son maître fit à la cour ? Cette dame, abandonnée des médecins, si chère au dauphin Henri, pouvait-elle lui repasser dans l’esprit, sans exciter les idées d’une dauphine rendue féconde par les remèdes de Fernel ? Credat Judæus apella.

(E) Il se servit...... d’artifices pour obtenir la permission de retourner à Paris. ] L’on ne se rendait pas aux raisons qu’il alléguait, qu’il n’était pas encore assez fort pour mériter qu’on lui confiât la santé des princes ; mais que, si on lui permettait de retourner à Paris, il emploierait avec ardeur tous les moyens qu’il y trouverait de se rendre plus habile, et plus digne de servir M. le dauphin. Quand il vit que ces raisons ne le tiraient pas d’affaire, il feignit d’être malade, et il fit dire à ce prince par un chirurgien qui lui parlait familièrement, qu’il avait une pleurésie que le chagrin rendrait infailliblement mortelle ; et que ce chagrin procédait de ce qu’il se voyait séparé de ses livres, et de ses leçons, et de sa famille, et engagé à une vie tumultueuse. Simulatâ pleuritide et confictâ ementitâque à chirurgo qui principi familiaris erat periculi magnitudine, per eum nuntiari jubet tanti mali causam ab animi ægritudine et mœrore proficisci, quòd à studiis esset abductus etc.[15]. Le prince ajoutant foi à ce mensonge permit à Fernel de se retirer. Ne faut-il pas être bien amoureux de l’étude et de la vie philosophique, quand on emploie tant de machines pour n’être pas médecin de cour, c’est-à-dire, pour n’avoir pas un emploi que d’autres tâchent d’obtenir par toutes sortes de voies ? Lorsqu’Henri II fut sur le trône il renouvela ses instances, mais Fernel représenta que l’honneur qu’on lui offrait était dû par plusieurs raisons, et comme un droit héréditaire, au médecin du feu roi, et qu’il avait besoin d’un certain temps afin de faire des expériences sur plusieurs choses qu’il découvrait dans la médecine. On lui accorda du délai ; mais quand le médecin de François Ier. fut mort, il fallut que Fernel allât occuper sa place auprès de Henri II.

(F) Il travailla sur les remèdes. ] Il avait achevé l’ouvrage des remèdes composés, et il travaillait à celui des remèdes simples, dont il avait découvert plusieurs vertus inconnues aux anciens. Il n’en disait rien à personne ; il voulait que le public sût à qui l’honneur en serait dû ; c’est pourquoi son dessein était de ne s’en ouvrir que quand il publierait son livre. La nécessité où il se trouva réduit de suivre la cour l’empêcha de mettre la dernière main à cet ouvrage. Le plus grand de ses regrets en mourant fut de n’avoir pas pu l’achever. Hic dolor hominem præcipuè angebat, hæc cura sollicitabat, quòd therapeuticæ postremæ medicinæ parti in quâ multùm diùque versatus erat, quamque suis inventis plurimum locupletare poterat, extremum manum non addidisset[16]. Voilà ce qui fait qu’on trouve dans ses ouvrages une excellente pathologie, mais peu de thérapeutique. Voyez le Journal des Savans, au mois d’avril 1666.

(G) Il fut si affligé de la mort de sa femme,.... qu’il mourut le dix-huitième jour de sa maladie. ] Vu le narré de Plantius, on peut dire que diverses causes concoururent à faire mourir Fernel. Il avait la rate en mauvais état : le chagrin venant là-dessus empira cette mauvaise disposition, d’où naquit une fièvre continue. Il ne serait point mort si tôt, ni avec son mal de rate, sans le chagrin ; ni avec son chagrin, sans le mal de rate. Il est même vrai que son chagrin ne venait pas tout de la perte de sa femme : bien d’autres choses l’affligeaient avant cela très-violemment[17]. Mais quand on ne ferait aucune attention à ces circonstances, on ne laisserait pas de connaître que M. l’abbé Deslandes s’est étrangement trompé. Jean Fernel, dit-il[18], ayant été appelé à la cour par une princesse qui était désolée de sa stérilité, et ayant su la mort de sa femme, il tomba aux pieds de cette princesse, d’où on l’ôta pour le porter au tombeau, dans l’église de Saint-Jacques de la Boucherie. Cette princesse est sans doute Catherine de Médicis, qui avait cessé d’être stérile l’an 1543. Or Fernel et sa femme ne moururent qu’en 1558, et de plus, il n’est pas vrai que la mort de ce médecin ait été si subite. Il ne tomba malade que dix ou douze jours après avoir enterré sa femme, et il ne mourut qu’au dix-huitième jour de sa maladie.

(H) Je ferai une remarque sur le nombre de ses années. ] Il mourut la soixante et douzième année de sa vie, en 1557, peu de temps après la prise de Calais, si nous en croyons Plantius son historien. Cette ville fut conquise par Henri II, au mois de janvier 1557, selon la façon de compter de ce temps-là, c’est-à-dire, si l’on ne commence pas l’année au mois de janvier. Mais si on la commence comme nous la commençons, ce fut en 1558 que la ville de Calais fut prise. Plantius observe qu’elle était entre les mains des Anglais depuis cent ans. Il fallait dire depuis deux cent onze ans. L’épitaphe de Fernel marque sa mort au 26 d’avril. Si le jour est bien marqué dans l’épitaphe, il faut conclure que Plantius n’a pas bien marqué l’année ; car le 26 d’avril qui suivit la réduction de Calais appartient à l’an 1558, selon même la vieille façon de compter. Si M. de Thou marque bien le jour, au 27 mars[19], Plantius peut avoir bien marqué l’année. Mais ce n’est pas le principal. L’épitaphe donne à Fernel cinquante-deux ans de vie ; Plantius lui en donne soixante-douze. Il ne faut pas croire que les imprimeurs aient mis soixante-douze au lieu de cinquante-deux ; car on trouve dans cette même vie de Fernel, 1o., qu’il avait environ soixante ans lorsqu’il s’arrêta auprès du roi, comme premier médecin ; 2o. qu’il a pratiqué la médecine à Paris pendant trente ans ; 3o. qu’il avait fait plusieurs choses avant que de s’attacher à voir les malades. Soyons donc très-assurés que Plantius lui a donné soixante-douze ans : et cependant l’épitaphe dressée par le beau-fils de Fernel lui donne seulement cinquante-deux ans. Rapportons un passage de Guy Patin[20] : « Puisqu’on imprime chez vous le Fernel, je vous veux prier d’une chose, qui est d’y faire corriger une faute que ceux d’Utrecht ont faite à leur impression [21] lorsqu’ils disent dans sa Vie, qu’il avait soixante-douze ans quand il mourut : ce qui est très-faux ; car je vous assure qu’il n’en avait que cinquante-deux, ce que j’ai ouï dire à feu M. de Villeray, maître des requêtes, fils d’une fille de Fernel, laquelle n’est morte qu’en 1642. Je l’ai aussi ouï dire à d’autres de ses parens ; et c’est une tradition toute claire dans sa famille : mais sans la tradition qui n’est pas toujours assurée, j’en ai deux preuves très-certaines : l’une est tirée des registres de notre faculté, que j’ai eus entre mes mains, tandis que j’ai été doyen, où il est expressément remarqué que Fernel mourut le 26 avril 1558, anno ætatis 52. L’autre preuve est dans son épitaphe, à Saint-Jacques de la Boucherie, que j’ai fait voir à une infinité de personnes, où il est encore marqué qu’il mourut à l’âge de cinquante-deux ans. L’auteur de cette épitaphe y est nomme Philippus [22] Barjotius, Fernelii gener, qui était un maître des requêtes et président au grand conseil, son premier gendre ; le second fut M. Gilles de Riant, président au mortier, qui est mort l’an 1597, sa veuve lui ayant survécu quarante-cinq ans[* 1]. » Il est difficile de combattre les autorités que Guy Patin a produites. S’il n’alléguait que l’épitaphe, sa preuve ne serait pas aussi décisive qu’il l’a prétendu ; car qui sait si le graveur n’a pas oublié deux xx ; ce qui réduirait soixante-douze à cinquante-deux ? Il a pu se tromper plus aisément, s’il s’est servi de chiffres au lieu de lettres, un 5 pour un 7 est bientôt mis. Ceux qui savent qu’un auteur qui corrige ses épreuves ne s’aperçoit pas quelquefois que ses imprimeurs ont prodigieusement altéré ses chiffres ou ses lettres numéraires[23], ne s’étonneraient pas que la faute du graveur n’eût pas été aperçue du gendre de Jean Fernel. Mais, comme je l’ai déjà dit, les autorités alléguées par Guy Patin ne sont pas réduites au seul témoignage de l’épitaphe. Je ne laisserai pas de lui opposer deux choses. 1o. Je ne comprends guère qu’un disciple de Fernel, qui a passé dix années de confidence avec lui, soit dans l’erreur d’une façon si énorme à l’égard de l’âge de son maître ; s’y tromperait-il de vingt ans ? et composerait-il sa vie sans s’informer un peu mieux de l’âge qu’il lui faut donner ? 2o. Si ce disciple erre à l’égard de l’âge ; il faut qu’il se trompe sur bien d’autres choses : il ment lorsqu’il conte que Fernel commença tard ses études[24] ; et il n’est pas vrai que Fernel ait étudié deux ans au collége de Sainte-Barbe, et puis en son particulier avec tant d’application, qu’il gagna une fièvre quarte qui fut fort longue, et qui l’obligea à s’en aller à la campagne[25]. Comment serait-il possible qu’ayant recouvré ses forces il fût revenu à Paris, et qu’après avoir délibéré sur la profession à embrasser, il eût régenté deux ans au collége de Sainte-Barbe ? comment, dis-je, cela serait-il possible, puisque nous savons qu’en 1526[26] il fit imprimer des livres de mathématique ? Or, en prenant les choses au pis, on ne saurait supposer que ces livres aient paru que pendant qu’il régentait. Où trouverons-nous le temps nécessaire selon le récit de Plantius, s’il est vrai que Fernel soit mort à l’âge de cinquante-deux ans ? N’aurait-il pas été auteur d’un livre d’astronomie à l’âge de vingt ans[27] ? Cela peut-il convenir à un écolier qui commence tard sa grammaire et sa rhétorique ? Et il faut bien prendre garde qu’au temps de Fernel un écolier qui entrait en philosophie avant l’âge de vingt ans passait pour bien avancé. Un provincial que l’on envoyait à Paris à l’âge de quinze ou seize ans, pour y faire ses basses classes, ne passait pas pour un écolier que l’on eût mis tard à l’étude. Je ne compte ici pour rien l’autorité de Thevet[28] ; car il n’a fait que copier Plantius, tant pour les soixante-douze ans de vie qu’il a données à Fernel, que pour tout le reste.

(I) Il gagna beaucoup de bien. ] Plantius[29] témoigne que pendant les dix années qu’il passa auprès de Fernel, le gain annuel de ce médecin allait souvent au delà de douze mille francs, et n’était au-dessous de dix mille livres presque jamais. Un auteur que j’ai cité ci-dessus me fournit ce que l’on va lire : On trouva dans son étude, après sa mort, 30,000 écus d’or : aussi mourut-il très-riche, car il laissa, outre cela, 36,000 livres de rente, à partager entre ses deux filles, ses uniques héritières [30]. Si l’on en croit son histoire, il faisait du bien à sa famille ; mais il était appliqué au gain. Attentus quidem ad rem familiarem, sed in suos beneficus et liberalis[31]. Scaliger dit sur cela et sur un point encore plus délicat, une chose très-choquante : Fernelius, bon gagne-denier, qui entra en crédit pour avoir facilité l’accouchement de la reine-mère, Habuit salacissimam filiam, cui dedit decem millia aureorum pro dote[32]. Ceux qui voudront savoir quelque chose touchant la postérité de Fernel, n’auront qu’à jeter les yeux sur ce passage de Guy Patin[33]. « Dans le couvent de la Visitation, à Lyon, il y a une demoiselle, fille de M. de Riant, conseiller d’état. Sa mère est nièce de M. de Narbonne, et s’appelle Marie des Prez. Cette belle religieuse, qui n’est pas encore professe, est considérable pour sa naissance, entre autres belles qualités qu’elle possède, étant descendue de notre grand Fernel, qui a été vraiment un incomparable médecin. Il laissa deux filles, dont l’aînée fut mariée à M. Barjot, président au grand conseil et maître des requêtes, duquel est descendu aujourd’hui M. d’Annœuil, maître d’hôtel de chez le roi. Annœuil est une terre de 12,000 livres de rente, en notre pays de Picardie, près de Beauvais, à deux lieues de mon pays natal. L’autre fille de Fernel fut mariée à M. Gilles de Riant, président au mortier, qui mourut l’an 1597. Elle s’appelait Madeleine Fernel, et mourut l’an 1642, au mois de mars, âgée de quatre-vingt quatorze ans : Et generatio rectorum benedicetur. J’ai grand regret que je n’aie été autrefois tout exprès à Villeray, au Perche, où elle est morte, pour avoir l’honneur de la voir et de lui baiser les mains. On nous fait bien baiser des reliques qui ne valent pas celle-là. Si bien que cette belle religieuse se peut vanter d’être descendue du plus grand homme qui eût été dans notre profession, depuis Galien, puisque le grand Fernel est son trisaïeul.

(K) C’est une opinion répandue qu’il guérit la stérilité de Catherine de Médicis[* 2]. ] On prétend que Henri II lui proposa cette affaire en des termes assez surprenans. Monsieur le médecin, ferez-vous bien des enfans à ma femme ? Et l’on veut que Fernel ait répondu sagement : C’est à Dieu, sire, à vous donner des enfans par sa bénédiction, c’est à vous à les faire, et à moi à y apporter ce qui est de la médecine ordonnée de Dieu pour le remède des infirmités humaines[34]. M. Varillas rapporte l’expédient dont ce médecin se servit. Le peuple était persuadé, dit-il[35], que la reine mère, après dix ans de stérilité, n’avait conçu le roi que parce que le premier médecin[36] Fernel avait conseillé à Henri II de coucher avec elle durant ses ordinaires, et que les personnes engendrées de la sorte étaient sujettes à cette honteuse maladie[37]. Selon Mézerai[38], François II avait été dans sa naissance de complexion malsaine, étant le premier enfant d’une mère qui avait eu ses purgations bien tard. En effet plusieurs prétendent que Catherine de Médicis ne devint féconde que parce qu’on trouva un remède qui fit cesser la suppression de ses fleurs[39]. Cet expédient est bien éloigné de celui que M. Varillas rapporte. Nous avons vu que Scaliger établit d’une tout autre manière le service rendu par Fernel : il insinue que ce médecin fut appelé pendant le travail d’enfant, et qu’il donna des remèdes pour faire accoucher la reine. Cela s’accorderait un peu mieux avec la cure d’une grande dame dont Plantius a parlé. Mais comme on ne voit aucune raison qui eût pu l’induire à ne pas apprendre au public que Fernel procura un heureux accouchement à madame la dauphine, en danger de mourir en couche, je persiste à dire qu’il n’a point voulu parler de Catherine de Médicis, et à tirer de son silence un argument très-puissant pour douter de ce qui est contenu dans le texte de cette remarque. Selon Brantôme, On disait à la cour qu’il ne tenait pas tant à madame la dauphine, qu’à monsieur le dauphin, pourquoi il n’avoit d’enfans[40] ; et sur cela il rapporte la plaisanterie d’une dame. Il avait là une très-belle occasion de dire ce qu’on conte de Fernel ; cependant il n’en parle pas : son silence est-il de petite signification ? M. de Thou, dans l’éloge de Fernel, eût-il oublié un événement de cette importance, s’il l’avait su, ou s’il l’avait cru ? Je crois donc que c’est un fait sur lequel on doit prononcer non liquet, nonobstant cette affirmation de Scévole de Sainte-Marthe : Ab Henrico secundo in regiam accersitus, principem inter ejus Archiatros locum tenuit. Eo felicis operæ proventu ut quod à naturâ negatum esse videbatur, artis beneficio consecutus invisam sterilitatem à domo regiâ repelleret[41]. Je pense qu’on lèverait facilement tous ces doutes, si l’on avait la dissertation que Varillas a citée. Le médecin Fernel, dit-il[42] ; après avoir observé le tempérament de la dauphine, s’était mis en tête de remédier à son indisposition ; et soit que les médicamens qu’il ordonna eussent opéré, ou que son secret n’eût consisté qu’à révéler au dauphin les momens dans lesquels sa femme était plus capable de concevoir, la cour s’était aperçue quelques mois après que la dauphine était grosse. Vous trouverez ce passage mot à mot dans les Galanteries des rois de France[43]. M. Menjot, savant médecin de Paris, a cru que Fernel conjectura que Catherine de Médicis n’était stérile que par une trop grande sécheresse de l’utérus, ou que pour être trop serrée dans cette partie. Au premier cas, la semence rencontrant une terre trop aride ne pouvait fructifier : au second cas, elle ne parvenait point où elle devait. Or, comme pendant le cours des ordinaires la partie s’humectait et se dilatait plus que de coutume, Fernel jugea qu’il fallait que le dauphin prît alors son temps, et que c’était le moment propice pour faire un coup de partie avec son épouse. M. Menjot ajoute qu’Hippocrate a pu fournir des ouvertures pour ce conseil. Cet auteur s’exprime avec tant de force, que je lui ferais du tort, si je ne rapportais pas tout ce qu’il dit. Referunt Catharinam Medicæam Galliarum reginam ætate licet integrâ, cùm velut quintâ lunâ nata progeniem desperaret, importunam alvi sterilitatem votivâ fœcunditate commutâsse, dulcique liberorum propagine ditatam fuisse, quòd contra Mosis edictum ἐν τῇ καθόδῳ τῶν καταμηνίων quibus semen aliàs eluitur, à rege subagitata esset, ex consilio Fernelii sagaciter conjicientis exuperantem uteri ariditatem benigni sanguinis aspergine rigandam esse, vel etiam stomachum matricis naturaliter, perindè ac ex eventu in gravidis, arctissimum nonnisi mensium transitu reserari. Idque edoctus fuerat Fernelius ab Hippocrate [* 3] jubente mulierem ἱμεροῦσθαι τοῦ ἀνδρὸς inchoante menstruo profuvio, sed maximè eo desinente, verùm profluente adhuc potiùs quàm arefacto[44].

(L) .....Et qu’elle, l’en récompensa magnifiquement. ] Écoutons M. Patin[45]. « Quelques-uns parlent du roi d’Angleterre qui a épousé la princesse de Portugal : il la veut répudier à cause de sa stérilité, comme eût fait Henri II à sa femme Catherine de Médicis, si Fernel ne s’en fût heureusement mêlé, de laquelle par une insigne libéralité il recevait chaque fois qu’elle accouchait dix mille écus, à ce que dit Louis d’Orléans, en sa Plante humaine[46]. » Le comme de cet auteur est plus juste qu’il ne pensait ; car ce qu’il rapporte du dessein de Charles II, roi d’Angleterre, est une imagination des nouvellistes qui n’avait aucun fondement, et nous apprenons de Brantôme que Catherine de Médicis se fit tellement aimer du roi son beau-père et du roi Henri, son mari, que demeurant dix ans sans produire lignée, il y eut force personnes qui persuadèrent au roi et à M. le dauphin de la répudier, car il était besoin d’avoir lignée en France ; jamais ni l’un ni l’autre n’y voulurent consentir, tant ils l’aimoient[47]. Voyez citation (26) l’observation que j’ai faite sur le passage de Gabriel Naudé : elle montre que Louis d’Orléans parlait d’une chose dont il n’était pas bien instruit.

Voilà ce que je disais dans la première édition : j’y ajoute présentement deux correctifs : l’un est qu’il y a des livres qui font mention de ce dessein de Charles II ; l’autre est que Catherine de Médicis fut quelquefois dans de cruelles alarmes, d’où l’on pourrait conclure que son beau-père et son mari ne parurent pas toujours éloignés de la pensée du divorce[48]. Voyez la remarque (O) de l’article Marot, tome X.

(M) Nous rassemblerons.... les fautes de quelques auteurs. ] Celles de M. Moréri sont en petit nombre. Il dit que Fernel a vu que les livres qu’il avait donnés au public étaient les seuls qu’on expliquait dans les universités de médecine, et ceux qu’on y préférait à tous les autres. C’est un des plus grands mensonges qui ait paru dans un livre. Ce que Sainte-Marthe assure ne mérite qu’à grande peine d’être cru : jugez ce qu’on doit penser des hyperboles monstrueuses dont Moréri l’a couvert. Voici les paroles de Sainte-Marthe[49] : Cujus (Fernelii) admirabili genio id contigit, quòd à multis seculis nulli quamlibet erudito contigisse memini, ut ipso vivo atque vidente opera quæ de universâ medicinâ scripsit in scholis publicè legerentur : ejusque auctoritas veterum scriptorum instar apud optimum quemque rei medicæ magistrum gravissimi esset ponderis et momenti. Les fautes du sieur Bullart sont en plus grand nombre. Il dit que Fernel se résolut un peu tard à se mettre sous la discipline de Jacques Strebé pour apprendre les principes des sciences[50]. Cela signifie deux choses : l’une, que Fernel commença tard ses études ; l’autre, qu’il les commença sous Jacques Strebé. La première de ces deux choses est très-véritable, selon Plantius, dans la Vie de Fernel ; mais la seconde est très-fausse ; car Fernel avait déjà enseigné la philosophie dans le collége de Sainte Barbe, et reçu le bonnet de docteur en médecine, lorsqu’il lia commerce avec Strebé. Ce commerce consistait dans une instruction mutuelle ; chacun enseignait son camarade, et en était enseigné : Fernel enseignait les mathématiques à Strebé, et apprenait de lui à bien écrire en latin[51]. M. Bullart croit à tort que Henri II était roi de France pendant que sa femme était stérile. S’il avait consulté Brantôme, il n’aurait point dit que ce prince délibérait de la répudier : et s’il avait consulté Louis d’Orléans, il n’aurait pas dit que la reine donna dix fois à Fernel un présent de dix mille écus[52]. Rapportons les paroles de M. Bullart[53] : Cet Esculape français usa si efficacement de la connaissance qu’il avait du mal, et du remède qu’il y fallait apporter, qu’il rendit la reine féconde en la délivrant de la suppression de ses purgations naturelles : ensuite de quoi elle eut cinq fils et cinq filles ; à la naissance de chacun desquels enfans, elle donna dix mille écus à ce savant homme. On suppose faussement[54] qu’après que Henri II l’eut retenu près de sa personne, en qualité de son premier médecin, et l’eut mené partout avec lui, comme le conservateur de sa santé,..... il lui donna le loisir de mettre en ordre les écrits qu’il avait composés sur la médecine, et les moyens de les faire imprimer. Lisez la Vie de ce savant homme : vous trouverez qu’il ne composa qu’un traité des fièvres, depuis qu’il exerça auprès de Henri II la charge de son premier médecin : vous trouverez même qu’il mourut avant que d’achever ce traité.

  1. * Joly rapporte en l’honneur de Fernel un autre passage de Guy Patin, que Bayle n’a pu connaître, puisqu’il est dans l’Esprit de Guy Patin qui ne fut publié qu’en 1713.
  2. * A l’occasion de Fernel et de Marie de Médicis, l’homme de lettres qui a donné l’édition du Dict. de Bayle, publié à Leipsic 1802, in-8o. (il n’en a paru que huit parties), a cru devoir consacrer une longue note sur la médaille dont Prosper Marchand parle dans son Dictionnaire, I, 164–169, dont même il donne la figure, et sur laquelle on lit : Freneil, d’où le père Ménestrier avait conclu que cette médaille était un talisman fait par Fernel. Bayle, au reste, avait parlé de ce singulier monument dans sa Réponse aux questions d’un provincial.
  3. (*) Lib. I de Morb. Mul.
  1. Claromontio oppidulo (quod viginti duntaxat milliaribus à Lutetiâ distat) natus atque ingenuè educatus, Ambianum in operibus idcircò se prædicat, quòd patrem indè habuerit. G. Plantius, in Vitâ Fernelii, initio.
  2. Abrégé du Thrés. chronolog., tom. III, à l’ann. 1558.
  3. Histoire de France, tom. II, pag. 1229.
  4. Plantius, in Vitâ Fernelii.
  5. C’était la méthode de ce temps-là, pour les petites gens. Ils n’appelaient point le médecin, ils lui envoyaient de l’urine du malade, et il ordonnait des remèdes. Voyez Plantius, in Vitâ Farnelii.
  6. Plantius, in Vitâ Fernelii.
  7. Prædium Pentinianum.
  8. Erat hoc robore animi, atque hâc indole virtutis, et continentiæ, ut respueret omnes voluptates, omnemque vitæ suæ cursum in labore corporis atque in animi contentione conficeret ; quem non quies, non remissio, non æqualium studia, non ludi, non convivia delectarent, nihil in vitâ expetendum putaret, nisi quod esset cum laude, et honore, et cum dignitate conjunctum. Plantius, in Vitâ Fernelii.
  9. Idem, ibidem.
  10. Idem, ibidem.
  11. Plantius, in Vitâ Fernelii.
  12. Il ne faut avoir nul égard au sommaire que l’un voit à la marge, reginam curavit, car ce sont apparemment les libraires qui l’ont fait mettre.
  13. Henrico Gallicarum regi designato cui illa charissima erat.
  14. Brantôme, au discours de cette reine.
  15. Plantius, in Vitâ Fernelii.
  16. Idem, ibidem.
  17. Quùm causæ quædam externæ hæque graves admodùm acerbissimum mœrorem attulissent, superveniente uxoris obitu quo omnia exasperata sunt, humor in liene collectus tandem incalescens atque putrescens, inflammationem ejus visceris peperit, undè et febris accensa est continua. Plantius, in Vitâ Fernelii. Voyez Thevet, tom. VII, pag. 331.
  18. Dans une lettre insérée au Mercure Galant du mois de novembre 1693, pag. 197. Voyez tome V, pag. 85 la remarque (C) de l’article Charnacé.
  19. Thuan., Histor., lib. XXI, pag. 431.
  20. Patin, Lettre CXVII du Ier. tome.
  21. Patin a tort d’imputer cela aux auteurs de l’édition d’Utrecht ; car ils n’ont fait qu’imprimer la Vie de Fernel, composée par Guillaume Plaotius.
  22. Il fallait dire Philibert.
  23. Je le sais par expérience.
  24. Jam natu grandis quùm sub triviali magistro grammaticam didicisset, etiamsi mater rebus eum curisque domesticis potiùs quàm litteris tam sero destinandum contenderet. Plantius, in Vitâ Fernelii, initio.
  25. Febre quartanâ tandem corripitur, quâ crudeliter ac diu conflictatus cœptum studiorum cursum interrumpere, utque salubriore aëre frueretur solum vertere cogitur. Idem, ibid.
  26. Gesner., in Biblioth.
  27. Le livre qui, selon Gesner, fut imprimé à Paris, l’an 1526, avait pour titre : Monalosphærium.
  28. Dans l’Éloge de Fernel, au VIIe. tome, pag. 325, édit. de 1671, in-12.
  29. Plantius, in Vitâ Fernelii, in fine.
  30. Saint-Romuald, Abrégé du Thrésor chronol., tom. III, à l’ann. 1558.
  31. Plantius, in Vitâ Fernelii, sub fin.
  32. Scaligerana prima, pag. 82.
  33. Lettre C, pag. 394 du Ier. tome. Cette lettre est datée du 25 de sept., 1655.
  34. Bullart, Académie des Sciences, tom. II, pag. 84. Il cite Dupleix.
  35. Varill., Histoire de François II, liv. I, pag. m. 76.
  36. Fernel ne fut premier médecin qu’après la mort de François Ier. François II, fils aîné de Catherine de Médicis, naquit quatre ans avant la mort de François Ier.
  37. Il parle de la lèpre.
  38. Mézerai, Histoire de France, tom. III, pag. 42.
  39. Voyez la remarq. (M), citat. (53).
  40. Brantôme, Dames illustr., pag m. 42.
  41. Sammarth., in Elogiis, lib. I, pag. m. 33.
  42. Hist. de François Ier., liv. XI, pag. m. 99. Il met en marge : Dans la Dissertation latine présentée sur ce sujet au roi.
  43. Tome Ier., pag. 225 de l’édition de 1694, et pag. 207 de l’édit. de 1695.
  44. Antonius Menjotius, Dissertat. pathologicar., part. III, pag. m. 23.
  45. Patin, Lettre DXV, pag. 520 du IIIe. tome.
  46. Naudé, de Antiquitate Scholæ Medicæ Parisiensis, pag. 75, citant le même livre de Louis d’Orléans, dit que ce présent fut fait quatre fois. Fernelius ab Henrico secundo qui quater illi decem aureorum millia pro quatuor filiis ejus ope et consilio susceptis obtulit. Il est sûr que les dix enfans de Catherine de Médicis naquirent tous avant la mort de Fernel.
  47. Brantôme, Dames illustr., pag. 41.
  48. Voyez les Nouvelles de la République des Lettres, février 1700, pag. 196.
  49. In Elogiis, lib. I, pag. m. 32.
  50. Ballart., Académie des Scienc., tom II, pag. 83.
  51. Dum Strebæus à Fernelio mathematicarum disciplinarum, Fernelius vicissim à Strebæo politioris litteraturæ cognitionem et gravem plenumque orationis stylum accipit, integrum biennium exigitur. Plantius, in Vitâ Fernelii.
  52. Voyez ci-dessus, remarque (L), citation (46).
  53. Académie des Sciences, tome II, pag. 83.
  54. Bullart, là même.

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