Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Faust

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Henri Plon (p. 263-264).
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Faust (Jean), célébrité allemande dans la magie. Il brilla au commencement du seizième siècle. Un génie plein d’audace, une curiosité indomptable, un immense désir de savoir, telles étaient, disent ses panégyristes, ses qualités prononcées. Il apprit la médecine, la jurisprudence, la théologie ; il approfondit la science des astrologues ; quand il eut épuisé les connaissances naturelles, il se jeta dans la magie. — On l’a confondu souvent avec Faust, l’associé de Guttenberg dans l’invention de l’imprimerie ; on sait que quand les premiers livres imprimés parurent, on cria à la sorcellerie ; on soutint qu’ils étaient l’ouvrage du diable ; et sans la protection de Louis XI et de la Sorbonne, l’imprimerie en naissant était étouffée à Paris.

Faust et Méphistophélès.

Mais l’histoire de Faust ne sera jamais bien connue dans ses détails intimes. Ceux qui l’ont vu poétiquement le font naître à Weimar, ou à Anhalt, ou dans la Souabe, ou dans la Marche de Brandebourg. On ne peut guère trouver rien de positif sur cet homme que dans Trithème et dans Mélanchthon. Il était né à Gundling, dans le Wurtemberg, à la fin du quinzième siècle. Son père était un paysan ; il avait des parents riches à Wittemberg ; il y alla, y fit ses études et connut là Luther, Mélanchthon et plusieurs autres philosophes avancés. On voit, dit Philippe Camerarius, qu’il alla, à dix-neuf ans, étudier la magie à Cracovie, où l’on donnait alors des leçons de sciences occultes. Il reparut ensuite, se disant le chef des nécromanciens, le premier astrologue, le second dans la magie, dans la chiromancie et les autres divinations. Ayant hérité alors des biens considérables que laissait un oncle qu’il avait à Wittemberg, il se livra sans frein à la débauche et s’adonna entièrement à l’évocation des esprits et aux sortilèges. Il se procura tous les livres magiques, prit des leçons d’un célèbre cristallomancien (Christophe Kayllinger), et rechercha tous les arts défendus. On dit qu’il se vanta de faire d’aussi grands miracles que le Christ. Ce qui paraît incontestable, c’est qu’à vingt-sept ans il conjura le démon et fit avec lui un pacte qui devait durer vingt-quatre ans, au bout desquels il s’obligeait à livrer son âme. Il reçut pour serviteur assidu le démon Méphistophélès, et dès lors il fit tout ce qu’il voulut. De graves historiens rapportent les fascinations étonnantes qu’il produisit à la cour de l’empereur Maximilien et à la cour de Charles-Quint. Il prétendait que les armées impériales lui devaient toutes leurs victoires, Mélanchthon, qui le connaissait personnellement, le peint comme la bête la plus immonde, le cloaque des hôtes de l’enfer, chassé de partout par les magistrats. Il raconte qu’ayant tenté de voler, comme Simon le magicien, il fut à demi écrasé en tombant. Au terme de son pacte, il fut étranglé par le démon, auprès de Rimlich, et l’écrivain que nous citons parle de cette fin horrible comme d’un fait notoire.

Dans l’étude publiée par M. François Hugo sur le Faust anglais (Revue française du 10 mai 1858), Faust est l’imprimeur. Le Parlement de Paris le tient emprisonné, mais il s’évade et gagne Mayence. Il évoque le diable, qui paraît sous diverses formes, de dragon, de griffon, d’étoile, de poutre de feu, enfin de moine gris. Il s’accorde avec lui et va le visiter en enfer. Sa visite lui est rendue assez vite, et sept princes de l’enfer arrivent chez lui : Belzébub, habillé en bœuf ; Lucifer en homme couleur des glands du chêne rouge ; Astaroth en serpent, avec deux petits pieds jaunes ; Satan en âne, avec une queue de chat ; Anabry en chien noir et blanc, avec des oreilles de quatre aunes ; Dythican en perdrix ; Drac en flamme bleue, avec une queue rouge ; Bélial en éléphant, riche d’une trompe démesurée.

On a recueilli, sous le nom de triple ban de l’enfer de Faust, une sorte de rituel infernal qui donne des formules de la dernière stupidité pour évoquer toute espèce de démons. On y voit qu’il faut écrire des sommations à comparaître sur du papier noir avec du sang de corbeau. Voy. {{DIv|Pactes. — Wagner, disciple de Faust, Videman et plusieurs autres, ont écrit l’histoire de Faust. Goethe en a fait un poëme singulier[1].

  1. Voyez la légende de Faust et de Méphistophélès, dans les Légendes infernales.