Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Hélias

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Henri Plon (p. 330).
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Hélias. « Apparition admirable et prodigieuse arrivée à Jean Hélias, le premier jour de l’an 1623, au faubourg Saint-Germain à Paris. » — C’est un gentilhomme qui conte[1] : « Étant allé le dimanche, premier jour de l’année 1623, sur les quatre heures après midi à Notre-Dame, pour parler à M. le grand pénitencier sur la conversion de Jean Hélias, mon laquais, ayant décidé d’une heure pour le faire instruire, parce qu’il quittait son hérésie pour embrasser la vraie religion, je m’en fus passer le reste du jour chez M. de Sainte-Foi, docteur en Sorbonne, et me retirai sur les six heures. Lorsque je rentrai, j’appelai mon laquais avant de monter dans ma chambre ; il ne me répondit point. Je demandai s’il n’était pas à l’écurie ; on ne m’en sut rien dire. Je montai, éclairé d’une servante ; je trouvai les deux portes fermées, les clefs sur les serrures. En entrant dans la première chambre, j’appelai encore mon laquais, qui ne répondit point ; je le trouvai à demi couché auprès du feu, la tête appuyée contre la muraille, les yeux et la bouche ouverts ; je crus qu’il avait du vin dans la tête ; et, le poussant du pied, je lui dis : — Levez-vous, ivrogne ! — Lui, tournant les yeux sur moi : — Monsieur, me dit-il, je suis perdu ; je suis mort ; le diable tout à l’heure voulait m’emporter. — Il poursuivit qu’étant entré dans la chambre, ayant fermé les portes sur lui et allumé le feu, il s’assit auprès, tira son chapelet de sa poche et vit tomber de la cheminée un gros charbon ardent entre les chenets. Aussitôt on lui dit : — Eh bien, vous voulez donc me quitter ? — Croyant d’abord que c’était moi qui parlais, il répondit : — Pardonnez-moi, monsieur, qui vous a dit cela ? — Je l’ai bien vu, dit le diable ; vous êtes allé tantôt à l’église. Pourquoi voulez-vous me quitter ? je suis bon maître ; tenez, voilà de l’argent ; prenez en tant qu’il vous plaira. — Je n’en veux point, répondit Hélias. Le diable, voyant qu’il refusait son argent, voulut lui faire donner son chapelet. — Donnez-moi ces grains que vous avez dans la main, dit-il, ou bien jetez-les au feu. Mon laquais répondit : — Dieu ne commande point cela ; je ne veux pas vous obéir. Alors le diable se montra à lui ; et voyant qu’il était tout noir, Hélias lui dit : — Vous n’êtes pas mon maître, car il porte une fraise blanche et du clinquant à ses habits. Au même instant, il lit le signe de la croix et le diable incontinent disparut… »

Était-ce une hallucination ?

  1. Recueil de dissertations de Lenglet-Dufresnoy, t. II, p. 459.