Dictionnaire infernal/6e éd., 1863/Herbadilla

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Henri Plon (p. 332-333).
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Herbadilla. Autrefois, il y avait à la place du lac de Grand-Lieu en Bretagne un vallon délicieux:et fertile qu’ombrageait la forêt de Vertou. Ce fut là que se réfugièrent les plus riches citoyens de Nantes, et qu’ils sauvèrent leurs trésors de la rapacité des légions de César. Ils y bâtirent une cité qu’on nomma Herbadilla, à cause de la beauté des prairies qui l’environnaient. Le commerce centupla leurs richesses; mais en même temps le luxe charria jusqu’au sein de leurs murs les vices des Romains. Ils provoquèrent le courrouxdu ciel. Un jour que saint Martin de Vertou, fatigué de ses courses apostoliques, se reposait près d’Herbadilla, à l’ombre d’un chêne, une voix Lui cria : Fidèle confesseur de la foi, éloigne-toi de la cité pécheresse. Saint Martin s’éloigne, et soudain jaillissent, avec un bruit affreux, des eaux jusqu’alors inaperçues, et qui faisaient éruption d’une caverne profonde. Le vallon où s’élevait la Babylone des Bretons fut tout à coup submergé. À la surface de cette onde sépulcrale vinrent aboutir par milliers des bulles d’air, derniers soupirs de ceux qui expiraient dans l’abîme. Pour perpétuer le souvenir du châtiment, Dieu permet que l’on entende encore au fond de cet abîme les cloches de la ville engloutie, et que l’orage y vive familièrement. Auprès est une île au milieu de laquelle s’élève une pierre en forme d’obélisque. Cette pierre ferme l’entrée du gouffre qui a vomi les eaux du lac, et ce gouffre est la prison d’un géant formidable qui pousse d’horribles rugissements. C’est une légende.

À quatre lieues de cet endroit, vers l’est, on trouve une grande pierre qu’on appelle la vieille de Saint-Martin ; car il est non de savoir que cette pierre, qui pour bonne raison garde figure humaine, fut jadis une femme véritable, laquelle, s’étant retournée malgré la défense en sortant de la ville d’Herbadilla, fut transformée en statue[1]. Voy. Is.

  1. M. de Marchangy, Tristan le voyageur, t. 1, p. 115.