Dictionnaire philosophique/Garnier (1878)/Convulsions

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Éd. Garnier - Tome 18
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CONVULSIONS [1].

On dansa, vers l’an 1724[2], sur le cimetière de Saint-Médard ; il s’y fit beaucoup de miracles : en voici un, rapporté dans une chanson de Mme la duchesse du Maine :

Un décrotteur à la royale,
Du talon gauche estropié,
Obtint pour grâce spéciale
D’être boiteux de l’autre pied.

Les convulsions miraculeuses, comme on sait, continuèrent jusqu’à ce qu’on eût mis une garde au cimetière.

De par le roi, défense à Dieu
De faire miracle en ce lieu.

Les jésuites, comme on le sait encore, ne pouvant plus faire de tels miracles depuis que leur Xavier avait épuisé les grâces de la Compagnie à ressusciter neuf morts de compte fait, s’avisèrent, pour balancer le crédit des jansénistes, de faire graver une estampe de Jésus-Christ habillé en jésuite. Un plaisant du parti janséniste, comme on le sait encore, mit au bas de l’estampe :

Admirez l’artifice extrême
De ces moines ingénieux ;
Ils vous ont habillé comme eux,
Mon Dieu, de peur qu’on ne vous aime.

Les jansénistes, pour mieux prouver que jamais Jésus-Christ n’avait pu prendre l’habit de jésuite, remplirent Paris de convulsions, et attirèrent le monde à leur préau. Le conseiller au parlement Carré de Montgeron alla présenter au roi un recueil in-4o de tous ces miracles, attestés par mille témoins. Il fut mis, comme de raison, dans un château, où l’on tâcha de rétablir son cerveau par le régime ; mais la vérité l’emporte toujours sur les persécutions : les miracles se perpétuèrent trente ans de suite, sans discontinuer. On faisait venir chez soi sœur Rose, sœur Illuminée, sœur Promise, sœur Confite : elles se faisaient fouetter, sans qu’il y parût le lendemain ; on leur donnait des coups de huche sur leur estomac bien cuirassé, bien rembourré, sans leur faire de mal ; on les couchait devant un grand feu, le visage frotté de pommade, sans qu’elles brûlassent ; enfin, comme tous les arts se perfectionnent, on a fini par leur enfoncer des épées dans les chairs, et par les crucifier.[3] Un fameux maître d’école[4] même a eu aussi l’avantage d’être mis en croix : tout cela pour convaincre le monde qu’une certaine bulle était ridicule, ce qu’on aurait pu prouver sans tant de frais. Cependant, et jésuites et jansénistes se réunirent tous contre l’Esprit des lois, et contre... et contre... et contre... et contre... Et nous osons après cela nous moquer des Lapons, des Samoyèdes et des Nègres, ainsi que nous l’avons dit tant de fois !


  1. Dictionnaire philosophique, 1764. (B.)
  2. Le diacre Pâris, sur le tombeau duquel se firent les miracles, n’est mort que le 1er mai 1727 : Voltaire en a déjà parlé (tome XV) au chapitre xxxvii du Siècle de Louis XIV. Il parle des convulsionnaires de Saint-Médard dans les notes du Pauvre Diable et des Cabales (tome X). ainsi que dans une note de la Pucelle, chant III (tome IX). Il a parlé des convulsionnaires de Dijon au IXe siècle, dans le chapitre xxxi de l’Essai sur les Mœurs, tome XI, page 331.
  3. Voyez Correspondance de Grimm, etc., tome IV, pages 208, 379 et suiv. Édition Maurice Tourneux ; Paris, Garnier frères, 1878.
  4. Abraham Chaumeix se fit mettre en croix, le 2 mars 1749, dans la rue Saint-Denis. Ce fut lui qui dénonça au Parlement l’Encyclopédie ; voyez la note qui le concerne (tome X, page 127).
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