Dictionnaire philosophique/Garnier (1878)/Sicle

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Éd. Garnier - Tome 20

SICLE[1].

Poids et monnaie des Juifs. Mais comme ils ne frappèrent jamais de monnaie, et qu’ils se servirent toujours à leur avantage de la monnaie des autres peuples, toute monnaie d’or qui pesait environ une guinée, et toute monnaie d’argent pesant un petit écu de France, était appelée sicle ; et ce sicle était le poids du sanctuaire, et le poids de roi.

Il est dit dans les livres des Rois[2] qu’Absalon avait de très-beaux cheveux, dont il faisait couper tous les ans une partie. Plusieurs grands commentateurs prétendent qu’il les faisait couper tous les mois, et qu’il y en avait pour la valeur de deux cents sicles. Si c’était des sicles d’or, la chevelure d’Absalon lui valait juste deux mille quatre cents guinées par an. Il y a peu de seigneuries qui rapportent aujourd’hui le revenu qu’Absalon tirait de sa tête.

Il est dit que lorsque Abraham acheta un antre en Hébron, du Chananéen Éphron, pour enterrer sa femme, Éphron lui vendit cet antre quatre cents sicles d’argent, de monnaie valable et reçue[3], probatæ monetæ publicæ.

Nous avons remarqué[4] qu’il n’y avait point de monnaie dans ce temps-là. Ainsi ces quatre cents sicles d’argent devaient être quatre cents sicles de poids, lesquels vaudraient aujourd’hui trois livres quatre sous pièce, qui font douze cent quatre-vingts livres de France.

Il fallait que le petit champ qui fut vendu avec cette caverne fût d’une excellente terre pour être vendu si cher.

Lorsque Éliézer, serviteur d’Abraham, rencontra la belle Rebecca, fille de Bathuel, portant une cruche d’eau sur son épaule, et qu’elle lui eut donné à boire, à lui et à ses chameaux, il lui donna des pendants d’oreilles d’or qui pesaient deux sicles[5], et des bracelets d’or qui en pesaient dix. C’était un présent de vingt-quatre guinées.

Parmi les lois de l’Exode, il est dit que si un bœuf frappe de ses cornes un esclave mâle ou femelle, le possesseur du bœuf donnera trente sicles d’argent au maître de l’esclave, et le bœuf sera lapidé. Apparemment il était sous-entendu que le bœuf aurait fait une blessure dangereuse : sans quoi trente-deux écus auraient été une somme un peu trop forte vers le mont Sinaï, où l’argent n’était pas commun. C’est ce qui a fait soupçonner à plusieurs graves personnages, mais trop téméraires, que l’Exode ainsi que la Genèse n’avaient été écrits que dans des temps postérieurs.

Ce qui les a confirmés dans leur opinion erronée, c’est qu’il est dit dans le même Exode[6] : « Prenez d’excellente myrrhe du poids de cinq cents sicles, deux cent cinquante de cinnamum, deux cent cinquante de cannes de sucre, deux cent cinquante de casse, quatre pintes et chopine d’huile d’olive, pour oindre le tabernacle ; et on fera mourir quiconque s’oindra d’une pareille composition, ou en oindra un étranger. »

Il est ajouté qu’à tous ces aromates on joindra du stacté, de l’onyx, du galbanum, et de l’encens brillant, et que du tout on doit faire une colature selon l’art du parfumeur.

Mais je ne vois pas ce qui a dû tant révolter les incrédules dans cette composition. Il est naturel de penser que les Juifs, qui, selon le texte, volèrent aux Égyptiens tout ce qu’ils purent emporter, aient volé de l’encens brillant, du galbanum, de l’onyx, du stacté, de l’huile d’olive, de la casse, des cannes de sucre, du cinnamum, et de la myrrhe. Ils avaient aussi volé sans doute beaucoup de sicles ; et nous avons vu[7] qu’un des plus zélés partisans de cette horde hébraïque évalue ce qu’ils avaient volé seulement en or à neuf millions. Je ne compte pas après lui.



  1. Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1772. (B.)
  2. Livre II. chapitre xiv, v. 20. (Note de Voltaire.)
  3. Genèse, chapitre xxiii, v. 10. (Id.)
  4. Voyez tome XI, page 120 ; tome XVII, page 357 ; tome XIX, page 240.
  5. Genèse, chapitre xxiv, v. 22. (Note de Voltaire.)
  6. Exode, chapitre xxx, v. 23 et suivants. (Id.)
  7. Tome XIX, pages 162 et 531.