Dictionnaire universel d’histoire et de géographie Bouillet Chassang/Kant (emmanuel)

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KANT (Emmanuel), philosophe allemand, né en 1724 à Kœnigsberg, mort dans cette même ville en 1804, était fils d’un sellier. Il étudia à Kœnigsberg, et resta longtemps obscur et pauvre. Après avoir été pendant 15 ans simple répétiteur, il obtint en 1770 la chaire de logique et de métaphysique à l’Université de Kœnigsberg, devint en 1786 recteur de cette université, et fut reçu en 1787 à l’Académie de Berlin. Kant est l’auteur d’un système qui a opéré en philosophie une véritable révolution. Se proposant de soumettre à la critique toutes les connaissances humaines (d’où sa doctrine a pris le nom de criticisme), il distingue dans nos connaissances deux parts, l’une qui appartient aux objets de la pensée et qui nous est donnée par l’expérience : c’est ce qu’il nomme la matière, l’objectif ; l’autre qui appartient au sujet pensant et que l’esprit tire de son propre fond pour l’ajouter aux données de l’expérience : c’est la forme, le subjectif. La raison applique la forme à la matière comme le cachet donne son empreinte à la cire, puis elle croit voir comme existant dans les choses ce qui n’est réellement qu’en elle-même. Kant fait le dénombrement de ces formes qui sont inhérentes à la raison humaine, et qu’il nomme indifféremment idées a priori, idées pures, catégories ; à leur tête il place les idées de temps, d’espace, de substance, de cause, d’unité, d’existence, etc. Se demandant ensuite quelle est la valeur de nos connaissances et si nous pouvons légitimement passer du sujet à l’objet, il déclare que nous ne pouvons connaître directement que ce qui nous est donné par l’expérience, que tout le reste est simplement un objet de foi ou de croyance, et qu’ainsi nos idées d’âme, d’univers, de Dieu, n’ont aucune certitude objective. Cependant, par une heureuse contradiction, il accorde eu morale à la raison humaine une autorité qu’il lui refuse en métaphysique ; là il croit à la liberté, à la loi impérative du devoir, à la nécessité d’une harmonie entre le bonheur et la vertu, et il se trouve ainsi conduit à rétablir comme indubitables les vérités qui sont impliquées dans celles-là, l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme. En morale, ce philosophe enseigne une doctrine rigide, fondée sur l’idée du bien absolu, et qui rappelle le stoïcisme. Kant a laissé un grand nombre d’ouvrages qui se rapportent, les uns à la philosophie, les autres à différentes sciences. Ses ouvrages philosophiques les plus importants sont : Critique de la raison pure, Riga, 1781-1787 (c’est là que se trouve exposé son système sur l’origine et la légitimité de nos connaissances) ; Prolégomènes ou Traité préliminaire à toute métaphysique, 1788 ; Base d’une métaphysique des mœurs, 1784 ; Principes métaphysiques de la science de la nature, 1786 ; Critique de la raison pratique, 1787 (c’est là que se trouve son système de morale) ; Essai d’anthropologie, 1788 ; Critique du jugement, (où il traite du beau et du sublime) 1790 ; la Religion d’accord avec la raison, 1793 ; Essai sur la paix perpétuelle, 1795 ; Principes métaphysiques de la science du droit, 1796 ; Principes métaphysiques de la morale, 1797. On a en outre extrait de ses manuscrits un Manuel de logique, 1801, et un Traité de Pédagogie, 1803. Ses ouvrages scientifiques sont : Pensées sur la véritable évaluation des forces vives, 1746 ; Histoire naturelle du monde et théorie du ciel d’après les principes de Newton, 1755 ; Théorie des vents, 1759 ; Nouvelle théorie du mouvement et du repos des corps, 1758 ; Essai sur les quantités négatives en philosophie, 1763 ; Précis de géographie (posthume), 1802. — On reproche à Kant un langage obscur, une terminologie barbare. Son système offre incontestablement des vues neuves et profondes ; mais il a conduit plusieurs de ses disciples à de déplorables conséquences, au scepticisme, à l’idéalisme ou au panthéisme. La Critique de la raison pure est condamnée à Rome. Les œuvres de Kant ont été réunies par Tiestrunck, 4 v. in-8, Halle, 1799-1807, et par Rosencranz, 12 vol. in-8, Berlin, 1838 et années suivantes. Ses ouvrages philosophiques ont été trad. en latin par F. G. Born, Leips., 1796-98, 4 vol. in-4. Ch. Villers a le premier fait connaître son système en France en publiant la Philosophie de Kant, Metz, 1801 ; M. Cousin en a donné un exposé avec un examen critique. Tissot a traduit la Critique de la raison pure, 1836 ; les Principes métaphysiques de la morale, 1830 ; les Principes métaphysiques du droit, 1837. On doit à M. J. Barni une traduction de ses ouvrages principaux. 1846-1860.