Discussion:Les Vacances de Pandolphe
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- 1852 : Paris, D. Giraud et J. Dagneau [1]
Critiques[modifier]
- 7/3/1852 Le Menestrel [2] critique positive...
- 10/03/1852 Le Constitutionnel : journal du commerce, politique... [3]
On ne se décide pas facilement à critiquer Mme Sand : d'abord, parce qu'on n'en a point l'habitude, et que ça devient, qui le croirait ? une difficulté. Ensuite il faut y regarder à deux fois, bien se tâter, se demander si l'on est sûr de soi, si l'on a oui ou non suffisamment compris, si l'on n'est pas dupe de son peu de finesse, si par hasard il ne vous manque pas un sens, ou si réellement la pièce est mauvaise. Prenons garde qu'il n'y ait quelque chose là-dessous ! Que penserait la postérité, de gens qui n'auraient vu que le dessus ? On peut lâcher les grands mots s'il s'agit de Mme Sand ; il n'y a rien de trop pour elle, et la postérité... Ma foi ! la postérité commence très mal pour les Vacances de Pandolphe.
Cependant, rien d'excessif ni d'audacieux, ni de révoltant cette fois-ci plus que les autres ; Mme Sand continue toujours Florian ou plutôt elle le retourne ; elle avait continué Sedaine l'autre soir avec tant de bonheur ! Pourquoi les arlequinades ne lui réussiraient-elles pas aussi bien que les bergeries ? Le public et la critique sont difficiles, en vérité ! On ne sait par quel bout les prendre. Vous vous imaginez qu'ils ont déjà de... l'accoutumance... point, ils en ont leur suffisance !... Il faudra peut-être laisser dans le Berry le reste des moutons, et M. Pierrot aux Funambules. Heureusement que Mme Sand, avec son talent et son invention, ne sera point embarrassée de nous donner quelque chose d'elle.
Nous n'allons pas rentrer, s'il vous plaît, dans la grande discussion--relativement à la nature,--entamée depuis le Champi et Claudie. Tenez-le vous pour dit : la nature de Mme Sand est aussi nature au moins que la nature de Gessner, et elle est bien plus à la mode, ce qui lui donne tous les avantages de la fraîcheur. Plus tard, sans doute, quelque, nouvelle nature éclora, qui fera reléguer les autres parmi les vieux décors de l'Opéra-Comique ; en attendant, contentons-nous du printemps que nous avons.
Quant à l'arlequinade en question, quant à ce nouveau théâtre italien que Mme Sand fonde, quant aux Vacances de Pandolphe, si l'on croit y avoir mis beaucoup de naïveté et de sainte simplicité, on se trompe. En tête de la dernière édition de ses œuvres, Mme Sand invoque la simplicité, et elle l'invoque en latin, — ce dont nous lui faisons notre sincère compliment, plutôt encore à cause du sentiment qu'à cause de l'idiôme.-- Oh ! certes, la simplicité, c'est la force suprême, c'est la passion irrésistible, c'est la grande poésie, c'est la nature, c'est le génie ! Homère est simple ; Molière aussi nous paraît assez effrayant de simplicité. À côté de cela, si l'on veut prouver que la comédie italienne est simple comme bonjour, et qu'il n'est rien de comparable à la sainte simplicité de l'arlequinade distillée, et que cet alambic qu'on appelle M. de Marivaux, est la source du naturel, je m'y perds absolument.
Nous voilà tous plongés dans la perplexité. À propos du Mariage de Victorine, Mme Sand a rédigé une préface, où il est dit,--en excellens termes d'ailleurs, --qu'un seul être vivant a suffisamment compris la pièce. Cet homme perspicace et sérieux est certaiment digne d'admiration. Mais qu'adviendra-t-il lorsque nous ferons un retour sur nous-mêmes ? N'avions-nous pas cru deviner que Victorine épousait le fils Vanderk ? Et puis après ? Après.... il y a que la comédie est remplie de mythes auxquels nous n'avons vu que du feu. Le bonhomme Sedaine lui-même n'y aurait pas vu plus loin que son... dénoûment. L'être sérieux à qui la préface rend hommage a seul pénétré les secrets de Mme Sand et de la Providence. Comme c'est encourageant à l'endroit des Vacances de Pandolphe ! Le Mariage de Victorine était un petit drame clair, tandis que les Vacances de Pandolphe... Ah ! prenez-vous-en à la grossièreté de vos esprits et de vos sens, à l'infériorité de votre intelligence, si les Vacances de Pandolphe vous ont surtout semblé parées des charmes du logogryphe.
Pierrot ne s'appelle plus Pierrot, mais Pedrolino ; -- l'arlequinade remonte à sa source italienne ! -- Pandolphe, qui est d'ordinaire Cassandre, ressemble cette fois à un Bartholo doux ; Léandre est changé en matamore ; et il n'y gagne pas ; Colombiue est fort coquine, Isabelle est digne de Zirzabelle. Il y a encore Pascariel pour faire, avec Léandre, la paire de filous. Il y a un notaire guilleret, qui chante comme un bailli et lient à la forme autant que Brid'Oison. Il y a la tendre Violette, la tante Marinette... Mais n'en voilà-t-il pas assez ?
L'arlequinade commence à l'ombre du tilleul du docteur Pandolphe. Le docteur avait juré de passer tranquillement ses vacances à la campagne avec Pedrolino, son laquais, et Marinette, sa servante. La vieille Marinette fait venir sa nièce Violette. La nièce casse les assiettes, et voilà Pandolphe troublé ; Violette aime Pedrolino, Pedrolino est amoureux comme... un Pierrot. Survient Léandre la moustache en croc, qui demande la main de Violette. Le sacripant sait déjà qu'un oncle vient de mourir, laissant à Violette un grand bien. Violette dit que l'héritage sera pour son Pierrot. La tante fait la fière et veut donner un seigneur à sa nièce. On consulte le docteur, qui envoie tout ce monde-là au diable, et, finalement, se laisse attendrir au point de monter en carriole avec Pierrot, Violette et la tante, pour aller chercher la succession. Un docteur n'est point de trop dans ces affaires litigieuses ; mais bonsoir les vacances ! elles sont flambées, mon cher Pandolphe !
Après ce premier acte, qui n'avait pas déplu, la salle s'est répandue comme une avalanche dans les couloirs, et nous avons eu le spectacle de cinq ou six enthousiastes qui se pâmaient déjà, accusant les autres spectateurs de froideur, et disant qu'on ne comprenait pas le chef-d'œuvre. On avait beau répondre que le commencement de l'arlequinade était d'une gaîté douce, que le Pierrot Bressan était adorable de naturel, de naïveté, de sensibilité, de niaiserie, de physionomie, et qu'il dépassait tout ce qu'on pourrait espérer : qu'il n'y avait sans doute jamais eu de Pierrot aussi accompli ; on on avait beau reconnaître que cette nouvelle comédie italienne brillait à coup sûr par la noble simplicité des pantomimes ordinaires du théâtre des Funambules, où, comme on sait, le genre s'est conservé sans paroles ; on avait beau avouer que les paroles de Mme Sand étaient un petit concert philosophico-sentimental, un arlequin de style tel que Mme Sand est seule capable d'en accommoder, à l'aide du patois berrichon mélangé de fines sentences d'arlequinade ; que la Violette faisait à ravir une Claudie de Bergame, et Pedrolino un Sylvain à longues manches, les enthousiastes n'étaient pas encore contens. Ils nous ont dit ; — voyez jusqu'où entraîne le laisser-aller de cette comédie italienne, à laquelle très décidément Térence autrefois, et plus récemment Molière, ont bien fait de substituer la leur, — ils nous ont dit-que nous avions de longues oreilles, et que nous étions dignes de paître !
-- Mais de paître dans le Berry, ai-je, pour ma part, répondu fièrement ! J'aurais été mouton enrubanné et au petit musc, du temps que les bergères portaient des jupons de taffetas changeant ; j'aurais volontiers la clavelée, maintenant que les petites Fadettes savent la guérir !
À ces mots, un peintre, incapable de maîtriser son émotion, s'écria que je n'entendais rien à la couleur ! — On répliqua qu'il comprenait peu de chose à la littérature. — Le peintre terrassa ses interlocuteurs par cet argument sans réplique : que l'arlequinade était du Watteau pur, ou tout au moins du Lancret !
La question se résumait donc en ceci : Aimez-vous le Watteau ou ne l'aimez-vous pas ? c'est-à-dire : Quel est votre sentiment sur la nature élégante ? Barbares, sauvages ingristes, ayez le courage de l'exprimer carrément !
— Ô peintres, voilà parler en peintres ! Par nature élégante, entendez-vous quelque chose qui soit réellement dans la nature, le soleil, l'ombre, les grands bois et les eaux ? alors, vive le glorieux Watteau ! Mais que si vous nous offrez, sous prétexte d'élégance dans la nature, des arbres couleur de fard, qui mettent des papillottes et se font friser par des coiffeurs ; des étangs d'eau de Cologne ; un soleil de poche et des ombres au cosmétique, gardez-votre fantaisie, gardez vôtre élégance, et rendez-nous bien vite la nature grossière ! Du moins ça sera la nature que ses vrais amans trouveront en core asséz parée de sa nudité. -- Une dernière observation, si vous le permettez, Messieurs de la peinture : vous répondez à tout : Watteau pur ! pur Watteau ! (aussi-bien diriez-vous : Tarte à la crème ! tarte à la crème !) je suppose qu'à votre prochaine exposition on apporte un volume d'Alfred de Musset et qu'on le croche au mur. Devant le livre, tous les littérateurs de se pâmer : quel dessin, quel fini, quel ton ! oh ! la belle toile, oh ! le tableau exquis ! le reste du musée n'est rien. Vous nous ririez au nez, sang doute.--On vous répondra effrontément : Musset pur, pur Musset ! Cela mettra-t-il de la couleur en place de l'encre, le pinceau en place de la plume, un tableau en place d'un poème ? Ne confondez donc pas les arts, et n'oubliez pas que leurs procédés diffèrent.
Au théâtre les décors, les costumes, les groupes, la mise en scène peuvent bien former tableau ; le côté plastique est intéressant ; il plaît à l'œil ; mais c'est la pièce qui séduit l'esprit et le cœur. Arlequinade ou sérénade, comédie ou drame, fantaisie ou réalité, prose ou vers, peu importe ! intéressez-nous, passionnez la foule, amusez-la seulement, si vous pouvez, et la besogne est faite. Ce Boileau qu'on dit si rigide était cependant de facile composition : Tous les genres sont bons, hors le genre ennuyeux ! Il ferait beau voir que quelqu'un se montrât plus exigeant que Boileau.
Que demandait-on à Mme Sand au second acte des Vacances de Pandolphe ? Le rire ou les pleurs, à son gré ; la curiosité, les simples coups de pied de tradition, si elle l'eût préféré ; à moins qu'enchérissant littérairement sur le genre — son talent le lui permettait, bien sûr,--elle n'eût continué Marivaux, et alors nous aurions la suite des Fausses confidences. Au lieu de cela, Mme Sand nous a donné... un Watteau. Les décorateurs et les régisseurs n'ont jamais rien fait de plus joli : Un grand tapis vert mi-partie d'ombre et de soleil, avec des fleurs rouges de sang, qui pointent ça et là ; le bassin à balustres près des quinconces ; dans le fond l'immense parc qui fuit, et sur le devant les personnages tout en soie chatoyante, élégamment groupés ; on a même la guitare et les divers accessoires du tableau.-- Ajoutez à cela du style, oui certes du style ; de plus une jolie chanson berrichonne, bretonne, italienne ou allemande, mais pour sûr une chanson très poétique et très amoureuse, paroles et musique. Malgré tout, malgré la prose, les vers et le charme du dialogue, on se prend, au bout de dix minutes, à regretter vivement les arlequinades plus modestes où l'on ne parle pas. À quoi sert donc le beau langage ? Il sert surtout à prouver combien il vaut mieux se taire que de parler hors de propos.
Imaginez ce qu'on peut dire, pour peu qu'on y mette de la prétention, sur le canevas que voici : (étant entendu que le Watteau, — notre décor,—représente le château du défunt oncle de Violette.) Pandolphe, la tante, la nièce et Pedrolino, trouvent Isabelle et Colombine établies dans la maison. Léandre et Pascariel ne tardent pas à passer par-dessus le mur du jardin. On veut berner Pandolphe, brouiller Pierrot avec Violette, marier l'héritière à Léandre, Isabelle à je ne sais qui, et Colombine à Pierrot. Colombine prend un baiser à l'amoureux. L'amoureuse prend la mouche. Grande brouille. Pierrot veut se jeter à l'eau ; le docteur l'en empêche en le menaçant de lui tirer un coup de fusil. Nos coquines s'attaquent au docteur qui se moque d'elles. Puis on voit venir le notaire, porteur de l'acte par lequel Violette doit accepter la succession ; et le notaire, au lieu de l'acte, offre à signer une chanson. En voilà-t-il assez de complication et d'embrouillamini, pour nous servir d'un mot un peu italien puisqu'il s'agit de comédie italienne. Et dire que toute cette fantaisie, — ce n'est pas la fantaisie que je reproche à l'auteur ; — dire que l'imbroglio, le décor si gai et tout ce joli petit monde fantastique, tourne invinciblement à la mélancolie comme si l'on était dans le Berry. La mélancolie d'Arlequin, sandis ! La tristesse en plein, soleil ! ah ! comme c'est triste ! On répond que Mme Sand n'a pas de comique ; nous le savons de reste. Qu'elle ne fasse pas d'arlequinade, alors, qu'elle s'en tienne au sentiment ! On dirait que le Pierrot, la Pierrette, la Zirzabelle et la Colombine, que le Léandre et le Pascariel se sont tous grisés de petit lait. Il n'y a que le notaire qui ait bu un doigt de Bourgogne ; que le docteur Pandolphe qui ait l'air d'un personnage éveillé ; encore est-il, je crois, perclus de rhumatismes. Les autres dorment debout, et ils dorment au bruit insupportable d'un babil qui donnerait des attaques de nerfs aux blancs moutons de Mme Deshoulières.
Après quoi le drame entre dans la bergerie. Violette étouffe, Pierrot se pâme. La fille est jalouse ; le garçon, par délicatesse, fait semblant de ne plus aimer la fille : on dirait peut-être qu'il l'épouse par ce qu'elle est riche ! Comment le docteur Pandolphe se tirera-t-il de là ? Il ne s'en tire pas. Violette s'en tire bien toute seule, quand elle a vu le bon cœur de son Pierrot. On lui apporte, à signer, le papier où il faut accepter la succession de l'oncle ; elle signe, sachant bien que le notaire se trompe et lui présente sa chanson. À peine la signature est-elle mise, que toute la bande des Colombine, des Zirzabelle, des Léandre et des Pascariel s'écrie : Nous allons faire vendre le château pour payer les dettes du défunt ! En effet, l'oncle était cousu de dettes. Léandre a racheté les créances avec une bourse volée, et croit déjà tenir le château. — À d'autres ! répond Violette ; ma signature n'engage à rien ; je refuse la succession et je garde mon Pierrot. ! — Allons-nous-en vite, ajoute Pandolphe, que je puisse au moins finir tranquillement mes vacances.
Donc vers la fin, l'arlequinade vous a pris une certaine tournure de mélodrame et, des semblans d'intrigue véritable, qui jettent dans la fantaisie des tons d'une platitude surprenante. On ne sait plus au juste dans quel milieu on est, si les marionnettes sont toujours suspendues par des fils, ou si des plaideurs de chair et d'os ne vont pas entamer un procès de succession. Heureusement pour le Gymnase, il est une chose sur laquelle il n'est permis à personne de se tromper.
L'arlequinade ne fût-elle pas de Mme Sand, le spectacle ne fût-il pas des plus curieux, rien que par la grâce et l'étrangeté de la mise en scène, M. Bressant à lui seul attire rait la foule. On connaissait M. Bressant comme jeune premier d'une distinction sans rivale, comme un amoureux d'un grand charme, mais on ne se doutait pas certainement qu'il y eût en lui l'étoffe du comédien qui s'est révélé dans le rôle de Pierrot. Naïf, sympathique, d'une niaiserie adorable, vrai dans les larmes, dans le sourire, dans les poses, poussant la gaucherie jusqu'à l'excellence, le naturel jusqu'au sublime, surtout dans la scène où il se traîne à genoux en sanglotant aux pieds de Pandolphe ; M. Bressant a sauvé la pièce de Mme Sand, et par ce rare succès d'acteur, il la maintiendra au répertoire. Rien ne manque d'ailleurs à l'interprétation : Mme Rose-Chéri joue Violette.
Maintenant il est possible que je n'aie point saisi le sens mystérieux des Vacances de Pandolphe, et qu'une grande pensée se dégage prochainement de cette arlequinade ; auquel cas je reconnaîtrais avec la confusion nécessaire le tort que j'ai eu d'accuser l'ouvrage de niaiserie et de prétention. Dès à présent on peut supposer que Mme Sand a voulu démontrer que la richesse est un embarras pour le cœur, et que les gens honnêtes sont le point de mire des intrigans ; —forte démonstration morale dans une arlequinade, où la démonstration par les cabrioles et les coups de batte a surtout du succès. Mais il n'y a seulement plus de batte ! il n'y a pas d'arlequin ! il y a en revanche une quintessence qui est loin de celle de Marivaux. Il n'y a pas trace, hélas ! de cette sainte simplicité ! Un peu moins de Watteau à l'avenir, je vous en supplie, et un peu plus de pièce ! Le théâtre est le théâtre. Si l'on persiste dans l'arlequinade, dans les continuations et les pastiches, eh bien ! alors nous crierons à tue-tête : Ramenez-nous à Térence ; ramenez-nous à Molière ; imitez les chefs-d'œuvre si vous pouvez ! Or, Mme Sand, malgré cette critique, qui n'ôte rien au profond respect que nous avons de son talent, Mme Sand peut autant et plus que qui que ce soit. Il faut féliciter un théâtre qui l'attire, et souhaiter qu'elle travaille pour la scène. Elle a eu de grands succès déjà, et elle en aura de plus grands encore quand elle trouvera tout-à-fait sa voie.
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Auguste Lireux
- 12/3/1852 Le Journal pour rire [4]
Madame George Sand a eu la mauvaise idée de faire un pastiche du genre bouffe italien, tandis qu'il lui était si facile de demeurer elle-même, c'est-à-dire un des plus grands génies littéraires de ces temps-ci.
Ce pastiche a été donné au Gymnase sous le titre des Vacances de Pandolphe. Il nous a montré rajeunis et arrangés pour la circonstance les vieux types de l'ancienne comédie italienne : Léandre, Pascariel, Colombine, Isabelle, Marinette. Pourquoi n'avoir pas fait franchement de Pandolphe le père Cassandre et de Pédrolino notre ami Pierrot l'enfariné ?
Jusqu'à présent madame Sand nous avait habitués, dans ses oeuvres théâtrales, à voir remplacer l'action scénique par un dialogue vif et animé ; mais cette fois, c'est bien autre chose. Elle a encadré dans son pastiche je ne sais quelle histoire mélodramatique qui a la prétention d'être gaie. On parle d'abord d'un certain naufrage sur la Brenta, où périt le marquis de Sbrufanelly et sa petite famille. C'est déjà pas mal drôle, comme vous voyez.
Un seul des naufragés s'échappe, c'est le valet Pascariel, qui en se sauvant vole une sacoche contenant dix mille frances. Son maître Léandre, un faux marquis, vrai chevalier d'industrie, se met en tête d'épouser l'héritière des Sbrufanelly. Un complot s'organise entre Colombine, Léandre, Pascariel et Isabelle, l'ex-maîtresse du fils de la maison, afin que le faux grand seigneur se marie à l'innocente héritière Violette. C'est alors que chacun des conspirateurs touchera sa part de la fortune conquise.
Trouvez-vous ça assez noir pour un pastiche du genre italien ? Eh bien, vous n'êtes pas encore au bout.
Pédrolino, l'amant de Violette, veut aller se jeter à l'eau, et il ne renonce à son suicide que parce que Pandolphe le menace de lui brûler la cervelle s'il persiste à aller se noyer.
À force de combinaisons machiavéliques, on parvient à faire signer par-devant notaire, à l'innocente Violette, un papier qui lui fait renoncer à son héritage.
Tout est perdu !... Non ! tout est sauvé !.... Au lieu de signer l'acte de renonciation, la jeune fille a signé, quoi ? Une chanson composée par le distrait notaire. Pédrolino épouse Violette, et les traîtres s'en vont se faire pendre ailleurs. M. Alboize aurait pu faire un gros mélodrame sur un tel sujet.
On a peu ri, on a peu pleuré, on a peu applaudi. C'est un succès d'estime, le moins productif de tous les succès. Si la pièce des Vacances de Pandolphe n'était pas jouée par des artistes éminents, tels que Bressant, Numa, Lafontaine, mesdames Rose-Chéri et Figeac, ce serait une bien triste pièce.
ALBERT MONNIER.
- mars 1852 Annuaire du théâtre : répertoire du mois, première [5]
- 8/3/1852 L'Argus Gallica
- Dans la correspondance, … de George Sand
- Revue littéraire, 1852/04
- Théophile Gautier : Histoire de l’art dramatique en France depuis vingt-cinq ans
Vocabulaire - Orthographe[modifier]
- Ils s’asseient
- giffler
- Des je va, j’eûte,...
Statistiques[modifier]
- 25 411 mots