Domaine de fée/X

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Édition de la « Société nouvelle » (p. 22-24).
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X


Si je meurs
moissonné par la vie,
fauché par la durée,
si je meurs
d’avoir oublié l’heure
aux détroits tristes de la vie,
si la mort
étend sur moi le manteau pauvre,
si je meurs
couché sur un large bouclier
mon cœur battra de toi.


Si je vis
par les parcs enamourés,
si je vis
par les psaumes des paumes qui disent oui
à mes paroles,
si je vis glorieux et doux,
nos fanfares résonneront
sur les âmes en chansons
qui écoutent
le pas de notre cheval sur les routes.

Si je parle,
c’est ta voix
qui parlera dans la flûte de bois,
orgueil unique du poète,
si je parle,
c’est pour toi,
c’est pour ta beauté loi,
les lèvres sur l’âme aux abois.

Si je chante, ce sera
l’hymne des choses brunes et d’ambre,
ce sera l’avril des temps
et le réveil des rois des temps.
Les éventails de mon rêve
sur le rêve des gens passeront
comme un vif émerveillement
pavoisé de paons en rêve.


Et si plus tard je me tais,
ce sera que les vieilles lyres
des antécesseurs vaincus
orneront le parloir à sourires
où tes yeux sur les miens vaincus,
pèsent de leur despotisme aigu
mais si cher et si tenaillant
l’âme folle que moi je suis,
que loin de toi, je m’en irais
lentement comme vers un gouffre
glissant, comme une herbe qui souffre.