Elle et Lui/1

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Calmann-Lévy (p. 15-26).



I


Thérèse comprit fort bien, à première vue, le dépit et la jalousie qui avaient dicté cette lettre.

— Et pourtant, se dit-elle, il n’est pas amoureux de moi. Oh ! non, certes, il ne sera jamais amoureux de personne, et de moi moins que de toute autre.

Et, tout en relisant et rêvant, Thérèse craignit de se mentir à elle-même en cherchant à se persuader que Laurent ne courait aucun danger auprès d’elle.

— Mais quoi ? quel danger ? se disait-elle encore : souffrir d’un caprice non satisfait ? souffre-t-on beaucoup pour un caprice ? Je n’en sais rien, moi. Je n’en ai jamais eu !

Mais la pendule marquait cinq heures de l’après-midi. Et Thérèse, après avoir mis la lettre dans sa poche, demanda son chapeau, donna congé à son domestique pour vingt-quatre heures, fit à sa fidèle vieille Catherine diverses recommandations particulières et monta en fiacre. Deux heures après, elle rentrait avec une petite femme mince, un peu voûtée et parfaitement voilée, dont le cocher même ne vit pas la figure. Elle s’enferma avec cette personne mystérieuse, et Catherine leur servit un petit dîner tout à fait succulent. Thérèse soignait et servait sa compagne, qui la regardait avec tant d’extase et d’ivresse, qu’elle ne pouvait pas manger.

De son côté, Laurent se disposait à la partie de plaisir annoncée ; mais, quand le prince D… vint le prendre avec sa voiture, Laurent lui dit qu’une affaire imprévue le retenait encore deux heures à Paris, et qu’il le rejoindrait à sa maison de campagne dans la soirée.

Laurent n’avait pourtant aucune affaire. Il s’était habillé avec une hâte fiévreuse. Il s’était fait coiffer avec un soin particulier. Et puis il avait jeté son habit sur un fauteuil, et il avait passé ses mains dans les boucles trop symétriques de ses cheveux, sans songer pourtant à l’air qu’il pouvait avoir. Il se promenait dans son atelier tantôt vite, tantôt lentement. Quand le prince D… fut parti en lui faisant dix fois promettre de se hâter de partir lui-même, il courut sur l’escalier pour le prier de l’attendre et lui dire qu’il renonçait à toute affaire pour le suivre ; mais il ne le rappela point et passa dans sa chambre, où il se jeta sur son lit.

— Pourquoi me ferme-t-elle sa porte pour deux jours ? Il y a quelque chose là-dessous ! Et, quand elle me donne rendez-vous pour le troisième jour, c’est afin de me faire rencontrer chez elle un Anglais ou un Américain que je ne connais pas ! Mais elle connaît, certainement, elle, ce Palmer, qu’elle appelle par son petit nom ! D’où vient alors qu’il m’a demandé son adresse ? Est-ce une feinte ? Pourquoi feindrait-elle avec moi ? Je ne suis pas l’amant de Thérèse, je n’ai aucun droit sur elle ! L’amant de Thérèse ! je ne le serai certainement jamais. Dieu m’en préserve ! une femme qui a cinq ans de plus que moi, peut-être davantage ! Qui sait l’âge d’une femme, et de celle-là précisément, dont personne ne sait rien ? Un passé si mystérieux doit couvrir quelque énorme sottise, peut-être une honte bien conditionnée. Et avec cela, elle est prude, ou dévote, ou philosophe, qui peut savoir ? Elle parle de tout avec une impartialité, ou une tolérance, ou un détachement… Sait-on ce qu’elle croit, ce qu’elle ne croit pas, ce qu’elle veut, ce qu’elle aime, et si seulement elle est capable d’aimer ?

Mercourt, un jeune critique, ami de Laurent, entra chez lui.

— Je sais, lui dit-il, que vous partez pour Montmorency. Aussi je ne fais qu’entrer et sortir pour vous demander une adresse, celle de mademoiselle Jacques.

Laurent tressaillit.

— Et que diable voulez-vous à mademoiselle Jacques ? répondit-il en faisant semblant de chercher du papier pour rouler une cigarette.

— Moi ? Rien… c’est-à-dire si ! Je voudrais bien la connaître ; mais je ne la connais que de vue et de réputation. C’est pour une personne qui veut se faire peindre que je demande son adresse.

— Vous la connaissez de vue, mademoiselle Jacques ?

— Parbleu ! elle est tout à fait célèbre à présent, et qui ne l’a remarquée ? Elle est faite pour cela !

— Vous trouvez ?

— Eh bien, et vous ?

— Moi ? Je n’en sais rien. Je l’aime beaucoup, je ne suis pas compétent.

— Vous l’aimez beaucoup ?

— Oui, vous voyez, je le dis ; ce qui est la preuve que je lui ne fais pas la cour.

— Vous la voyez souvent ?

— Quelquefois.

— Alors vous êtes son ami… sérieux ?

— Eh bien, oui, un peu… Pourquoi riez-vous ?

— Parce que je n’en crois rien ; à vingt-quatre ans, on n’est pas l’ami sérieux d’une femme… jeune et belle !

— Bah ! elle n’est ni si jeune ni si belle que vous dites. C’est un bon camarade, pas désagréable à voir, voilà tout. Pourtant elle appartient à un type que je n’aime pas, et je suis forcé de lui pardonner d’être blonde. Je n’aime les blondes qu’en peinture.

— Elle n’est pas déjà si blonde ! elle a les yeux d’un noir doux, des cheveux qui ne sont ni bruns ni blonds, et qu’elle arrange singulièrement. Au reste, ça lui va, elle a l’air d’un sphinx bon enfant.

— Le mot est joli ; mais… vous aimez les grandes femmes, vous !

— Elle n’est pas très-grande, elle a des petits pieds et des petites mains. C’est une vraie femme. Je l’ai bien regardée, puisque j’en suis amoureux.

— Tiens, quelle idée vous avez là !

— Cela ne vous fait rien, puisqu’en tant que femme, elle ne vous plaît pas ?

— Mon cher, elle me plairait, que ce serait tout comme. Dans ce cas-là, je tâcherais d’être mieux avec elle que je ne suis ; mais je ne serais pas amoureux, c’est un état que je ne fais pas ; par conséquent, je ne serais pas jaloux. Poussez donc votre pointe, si bon vous semble.

— Moi ? Oui, si je trouve l’occasion ; mais je n’ai pas le temps de la chercher, et, au fond, je suis comme vous, Laurent, parfaitement enclin à la patience, vu que je suis d’un âge et d’un monde où le plaisir ne manque pas… Mais, puisque nous parlons de cette femme-là, et que vous la connaissez, dites-moi donc… c’est pure curiosité de ma part, je vous le déclare, si elle est veuve ou…

— Ou quoi ?

— Je voulais dire si elle est veuve d’un amant ou d’un mari.

— Je n’en sais rien.

— Pas possible !

— Parole d’honneur, je ne lui ai jamais demandé. Ça m’est si égal !

— Savez-vous ce qu’on dit ?

— Non, je ne m’en soucie pas. Qu’est-ce qu’on dit ?

— Vous voyez bien que vous vous en souciez ! On dit qu’elle a été mariée à un homme riche et titré.

— Mariée…

— On ne peut plus mariée, par-devant M. le maire et M. le curé.

— Quelle bêtise ! elle porterait son nom et son titre.

— Ah ! voilà ! Il y a un mystère là-dessous. Quand j’aurai le temps, je chercherai ça, et je vous en ferai part. On dit qu’elle n’a pas d’amant connu, bien qu’elle vive avec une grande liberté. D’ailleurs, vous devez savoir cela, vous ?

— Je n’en sais pas le premier mot. Ah ça ! vous croyez donc que je passe ma vie à observer ou à interroger les femmes ? Je ne suis pas un flâneur comme vous, moi ! je trouve la vie très courte pour vivre et travailler.

— Vivre… je ne dis pas. Il paraît que vous vivez beaucoup. Quant à travailler… on dit que vous ne travaillez pas assez. Voyons, qu’est-ce que vous avez là ? Laissez-moi voir !

— Non, ce n’est rien, je n’ai rien de commencé ici.

— Si fait : cette tête-là… c’est très-beau, diable ! Laissez-moi donc voir, ou je vous malmène dans mon prochain salon.

— Vous en êtes bien capable !

— Oui, quand vous le mériterez ; mais, pour cette tête-là, c’est superbe et s’admire tout bêtement. Qu’est-ce que ça sera ?

— Est-ce que je sais ?

— Voulez-vous que je vous le dise ?

— Vous me ferez plaisir.

— Faites-en une sibylle. On coiffe ça comme on veut, ça n’engage à rien.

— Tiens, c’est une idée.

— Et puis on ne compromet pas la personne à qui ça ressemble.

— Ça ressemble à quelqu’un ?

— Parbleu ! mauvais plaisant, vous croyez que je ne la reconnais pas ? Allons, mon cher, vous avez voulu vous moquer de moi, puisque vous niez tout, même les choses les plus simples. Vous êtes l’amant de cette figure-là !

— La preuve, c’est que je m’en vais à Montmorency ! dit froidement Laurent en prenant son chapeau.

— Ça n’empêche pas ! répondit Mercourt.

Laurent sortit, et Mercourt, qui était descendu avec lui, le vit monter dans une petite voiture de remise ; mais Laurent se fit conduire au bois de Boulogne, où il dîna tout seul dans un petit café, et d’où il revint à la nuit tombée, à pied et perdu dans ses rêveries.

Le bois de Boulogne n’était pas à cette époque ce qu’il est aujourd’hui. C’était plus petit d’aspect, plus négligé, plus pauvre, plus mystérieux et plus champêtre : on y pouvait rêver.

Les Champs-Elysées, moins luxueux et moins habités qu’aujourd’hui, avaient de nouveaux quartiers où se louaient encore à bon marché de petites maisons avec de petits jardins d’un caractère très-intime. On y pouvait vivre et travailler.

C’était dans une de ces maisonnettes blanches et propres, au milieu des lilas en fleur, et derrière une grande haie d’aubépine fermée d’une barrière peinte en vert, que demeurait Thérèse. On était au mois de mai. Le temps était magnifique. Comment Laurent se trouva, à neuf heures, derrière cette haie, dans la rue déserte et inachevée où les réverbères n’avaient pas encore été installés, et sur les talus de laquelle poussaient encore les orties et les folles herbes, c’est ce que lui-même eût été embarrassé d’expliquer.

La haie était fort épaisse, et Laurent tourna sans bruit tout à l’entour, sans apercevoir autre chose que des feuilles légèrement dorées par une lumière qu’il supposa placée dans le jardin, sur une petite table auprès de laquelle il avait l’habitude de fumer quand il passait la soirée chez Thérèse. On fumait donc dans le jardin ? ou on y prenait le thé, comme cela arrivait quelquefois ? Mais Thérèse avait annoncé à Laurent qu’elle attendait toute une famille de province, et il n’entendait que le chuchotement mystérieux de deux voix, dont l’une lui paraissait être celle de Thérèse. L’autre parlait tout à fait bas : était-ce celle d’un homme ?

Laurent écouta à en avoir des tintements dans les oreilles, jusqu’à ce qu’enfin il entendît ou crût entendre ces mots dits par Thérèse :

— Que m’importe tout cela ? Je n’ai plus qu’un amour sur la terre, et c’est vous !

— À présent, se dit Laurent en quittant précipitamment la petite rue déserte et en revenant sur la chaussée bruyante des Champs-Elysées, me voilà bien tranquille. Elle a un amant ! Au fait, elle n’était pas obligée de me confier cela !… Seulement, elle n’était pas obligée de parler en toute occasion de manière à me faire croire qu’elle n’était et ne voulait être à personne. C’est une femme comme les autres : le besoin de mentir avant tout. Qu’est-ce que ça me fait ? Je ne l’aurais pourtant pas cru ! Et même il faut bien que j’aie eu la tête un peu montée pour elle sans me l’avouer, puisque j’étais là aux écoutes, faisant le plus lâche des métiers, quand ce n’est pas un métier de jaloux ! Je ne peux pas m’en repentir beaucoup : cela me sauve d’une grande misère et d’une grande duperie : celle de désirer une femme qui n’a rien de plus désirable que toute autre, pas même la sincérité.

Laurent arrêta une voiture qui passait vide et alla à Montmorency. Il se promettait d’y passer huit jours et de ne pas remettre les pieds chez Thérèse avant quinze. Cependant, il ne resta que quarante-huit heures à la campagne et se trouva le troisième soir à la porte de Thérèse, juste en même temps que M. Richard Palmer.

— Oh ! dit l’Américain en lui tendant la main, je suis content de voir vous !

Laurent ne put se dispenser de tendre aussi la main ; mais il ne put s’empêcher de demander à M. Palmer pourquoi il était si content de le voir.

L’étranger ne fit aucune attention au ton passablement impertinent de l’artiste.

— Je suis content parce que j’aime vous, reprit-il avec une cordialité irrésistible, et j’aime vous, parce que j’admire vous beaucoup !

— Comment ! vous voilà ? dit Thérèse étonnée à Laurent. Je ne comptais plus sur vous ce soir.

Et il sembla au jeune homme qu’il y avait un accent de froideur inusité dans ces simples paroles.

— Ah ! lui répondit-il tout bas, vous en eussiez pris facilement votre parti, et je crois que je viens troubler un délicieux tête-à-tête.

— C’est d’autant plus cruel à vous, reprit-elle sur le même ton enjoué, que vous sembliez vouloir me le ménager.

— Vous y comptiez, puisque vous ne l’aviez pas décommandé ! Dois-je m’en aller ?

— Non, restez. Je me résigne à vous supporter.

L’Américain, après avoir salué Thérèse, avait ouvert son portefeuille et cherché une lettre qu’il était chargé de lui remettre. Thérèse parcourut cette lettre d’un air impassible, sans faire la moindre réflexion.

— Si voulez répondre, dit Palmer, j’ai une occasion pour La Havane.

— Merci, répondit Thérèse en ouvrant le tiroir d’un petit meuble qui était sous sa main, je ne répondrai pas.

Laurent, qui suivait tous ses mouvements, la vit mettre cette lettre avec plusieurs autres, dont l’une, par la forme et la suscription, lui sauta pour ainsi dire aux yeux. C’était celle qu’il avait écrite à Thérèse l’avant-veille. Je ne sais pourquoi il fut choqué intérieurement de voir cette lettre en compagnie de celle que venait de remettre M. Palmer.

— Elle me laisse là, dit-il, pêle-mêle avec ses amants évincés. Je n’ai pourtant pas droit à cet honneur. Je ne lui ai jamais parlé d’amour.

Thérèse se mit à parler du portrait de M. Palmer. Laurent se fit prier, épiant les moindres regards et les moindres inflexions de voix de ses interlocuteurs, et s’imaginant à chaque instant découvrir en eux une crainte secrète de le voir céder ; mais leur insistance était de si bonne foi, qu’il s’apaisa et se reprocha ses soupçons. Si Thérèse avait des relations avec cet étranger, libre et seule comme elle vivait, ne paraissant devoir rien à personne, et ne s’occupant jamais de ce que l’on pouvait dire d’elle, avait-elle besoin du prétexte d’un portrait pour recevoir souvent et longtemps l’objet de son amour ou de sa fantaisie ?

Dès qu’il se sentit calmé, Laurent ne se sentit plus retenu par la honte de manifester sa curiosité.

— Vous êtes donc Américaine ? dit-il à Thérèse, qui de temps en temps traduisait à M. Palmer, en anglais, les répliques qu’il n’entendait pas bien.

— Moi ? répondit Thérèse ; ne vous ai-je pas dit que j’avais l’honneur d’être votre compatriote ?

— C’est que vous parlez si bien l’anglais !

— Vous ne savez pas si je le parle bien, puisque vous ne l’entendez pas. Mais je vois ce que c’est, car je vous sais curieux. Vous demandez si c’est d’hier ou d’il y a longtemps que je connais Dick Palmer. Eh bien, demandez-le à lui-même.

Palmer n’attendit pas une question que Laurent ne se fut pas volontiers décidé à lui faire. Il répondit que ce n’était pas la première fois qu’il venait en France et qu’il avait connu Thérèse toute jeune, chez ses parents. Il ne fut pas dit quels parents. Thérèse avait coutume de dire qu’elle n’avait jamais connu ni son père ni sa mère.

Le passé de mademoiselle Jacques était un mystère impénétrable pour les gens du monde qui allaient se faire peindre par elle et pour le petit nombre d’artistes qu’elle recevait en particulier. Elle était venue à Paris on ne sait d’où, on ne savait quand, on ne savait avec qui. Elle était connue depuis deux ou trois ans seulement, un portrait qu’elle avait fait ayant été remarqué chez des gens de goût et signalé tout à coup comme une œuvre de maître. C’est ainsi que, d’une clientèle et d’une existence pauvres et obscures, elle avait passé brusquement à une réputation de premier ordre et une existence aisée ; mais elle n’avait rien changé à ses goûts tranquilles, à son amour de l’indépendance et à l’austérité enjouée de ses manières. Elle ne posait en rien et ne parlait jamais d’elle-même que pour dire ses opinions et ses sentiments avec beaucoup de franchise et de courage. Quant aux faits de sa vie, elle avait une manière d’éluder les questions et de passer à côté qui la dispensait de répondre. Si on trouvait moyen d’insister, elle avait coutume de dire après quelques mots vagues :

— Il ne s’agit pas de moi. Je n’ai rien d’intéressant à raconter, et, si j’ai eu des chagrins, je ne m’en souviens plus, n’ayant plus le temps d’y penser. Je suis très-heureuse à présent, puisque j’ai du travail et que j’aime le travail par-dessus tout.

C’est par hasard, et à la suite de relations d’artiste à artiste dans la même partie, que Laurent avait fait connaissance avec mademoiselle Jacques. Lancé comme gentilhomme et comme artiste éminent dans un double monde, M. Fauvel avait, à vingt-quatre ans, l’expérience des faits que l’on n’a pas toujours à quarante. Il s’en piquait et s’en affligeait tour à tour ; mais il n’avait nullement l’expérience du cœur, qui ne s’acquiert pas dans le désordre. Grâce au scepticisme qu’il affichait, il avait donc commencé par décréter en lui-même que Thérèse devait avoir pour amants tous ceux qu’elle traitait d’amis, et il lui avait fallu les entendre peu à peu affirmer et prouver la pureté de leurs relations avec elle pour arriver à la considérer comme une personne qui pouvait avoir eu des passions, mais non des commerces de galanterie.

Des lors il s’était senti ardemment curieux de savoir la cause de cette anomalie : une femme jeune, belle, intelligente, absolument libre et volontairement isolée. Il l’avait vue plus souvent, et peu à peu presque tous les jours, d’abord sous toute sorte de prétextes, ensuite en se donnant pour un ami sans conséquence, trop viveur pour avoir souci d’en conter à une femme sérieuse, mais trop idéaliste, en dépit de tout, pour n’avoir pas besoin d’affection et pour ne pas sentir le prix d’une amitié désintéressée.

Au fond, c’était là la vérité dans le principe ; mais l’amour s’était glissé dans le cœur du jeune homme, et on a vu que Laurent se débattait contre l’invasion d’un sentiment qu’il voulait encore déguiser à Thérèse et à lui-même, d’autant plus qu’il l’éprouvait pour la première fois de sa vie.

— Mais enfin, dit-il, quand il eut promis à M. Palmer d’essayer son portrait, pourquoi diable tenez-vous tant à une chose qui ne sera peut-être pas bonne, quand vous connaissez mademoiselle Jacques, qui ne vous refuse certainement pas d’en faire une à coup sûr excellente ?

— Elle me refuse, répondit Palmer avec beaucoup de candeur, et je ne sais pas pourquoi. J’ai promis à ma mère, qui a la faiblesse de me croire très-beau, un portrait de maître, et elle ne le trouvera jamais ressemblant, s’il est trop réel. Voilà pourquoi je m’étais adressé à vous comme à un maître idéaliste. Si vous me refusez, j’aurai le chagrin de ne pas faire plaisir à ma mère, ou l’ennui de chercher encore.

— Ce ne sera pas long : il y a tant de gens plus capables que moi !…

— Je ne trouve pas ; mais, à supposer que cela soit, il n’est pas dit qu’il aient le temps tout de suite, et je suis pressé d’envoyer le portrait. C’est pour l’anniversaire de ma naissance, dans quatre mois, et le transport durera environ deux mois.

— C’est-à-dire, Laurent, ajouta Thérèse, qu’il vous faut faire ce portrait en six semaines tout au plus, et, comme je sais le temps qu’il vous faut, vous auriez à commencer demain. Allons, c’est entendu, c’est promis, n’est-ce pas ?

M. Palmer tendit la main à Laurent en disant :

— Voilà le contrat passé. Je ne parle pas d’argent ; c’est mademoiselle Jacques qui fait les conditions, je ne m’en mêle pas. Quelle est votre heure demain ?

L’heure convenue. Palmer prit son chapeau, et Laurent se crût forcé d’en faire autant par respect pour Thérèse ; mais Palmer n’y fit aucune attention, et sortit après avoir serré sans la baiser la main de mademoiselle Jacques.

— Dois-je le suivre ? dit Laurent.

— Ce n’est pas nécessaire, répondit-elle ; toutes les personnes que je reçois le soir me connaissent bien. Seulement, vous vous en irez à dix heures aujourd’hui ; car dans ces derniers temps, je me suis oubliée à bavarder avec vous jusqu’à près de minuit, et, comme je ne peux pas dormir passé cinq heures du matin, je me suis sentie très-fatiguée.

— Et vous ne me mettiez pas à la porte ?

— Non, je n’y pensais pas.

— Si j’étais fat, j’en serais bien fier !

— Mais vous n’êtes pas fat, Dieu merci ; vous laissez cela à ceux qui sont bêtes. Voyons, malgré le compliment, maître Laurent, j’ai à vous gronder. On dit que vous ne travaillez pas.

— Et c’est pour me forcer à travailler que vous m’avez mis la tête de Palmer comme un pistolet sur la gorge.

— Eh bien, pourquoi pas ?

— Vous êtes bonne, Thérèse, je le sais ; vous voulez me faire gagner ma vie malgré moi.

— Je ne me mêle pas de vos moyens d’existence, je n’ai pas ce droit-là. Je n’ai pas le bonheur… ou le malheur d’être votre mère ; mais je suis votre sœur… en Apollon, comme dit notre classique Bernard, et il m’est impossible de ne pas m’affliger de vos accès de paresse.

— Mais qu’est-ce que cela peut vous faire ? s’écria Laurent avec un mélange de plaisir et de dépit que Thérèse sentit, et qui l’engagea à répondre avec franchise.

— Écoutez, mon cher Laurent, lui dit-elle, il faut que nous nous expliquions. J’ai beaucoup d’amitié pour vous.

— J’en suis très-fier, mais je ne sais pourquoi !… Je ne suis même pas bon à faire un ami, Thérèse ! Je ne crois pas plus à l’amitié qu’à l’amour entre une femme et un homme.

— Vous me l’avez déjà dit, et cela m’est fort égal, ce que vous ne croyez pas. Moi, je crois à ce que je sens, et je sens pour vous de l’intérêt et de l’affection. Je suis comme cela : je ne puis supporter auprès de moi un être quelconque sans m’attacher à lui et sans désirer qu’il soit heureux. J’ai l’habitude d’y faire mon possible sans me soucier qu’il m’en sache gré. Or, vous n’êtes pas un être quelconque, vous êtes un homme de génie, et, qui plus est, j’espère, un homme de cœur.

— Un homme de cœur, moi ? Oui, si vous l’entendez comme l’entend le monde. Je sais me battre en duel, payer mes dettes et défendre la femme à qui je donne le bras, quelle qu’elle soit. Mais, si vous me croyez le cœur tendre, aimant, naïf…

— Je sais que vous avez la prétention d’être vieux, usé et corrompu. Cela ne me fait rien du tout, vos prétentions. C’est une mode bien portée à l’heure qu’il est. Chez vous, c’est une maladie réelle ou douloureuse, mais qui passera quand vous voudrez. Vous êtes un homme de cœur, précisément parce que vous souffrez du vide de votre cœur, une femme viendra qui le remplira, si elle s’y entend, et si vous la laissez faire. Mais ceci est en dehors de mon sujet ; c’est à l’artiste que je parle : l’homme n’est malheureux en vous que parce que l’artiste n’est pas content de lui-même.

— Eh bien, vous vous trompez, Thérèse, répondit Laurent avec vivacité. C’est le contraire de ce que vous dites ! c’est l’homme qui souffre dans l’artiste et qui l’étouffe. Je ne sais que faire de moi, voyez-vous. L’ennui me tue. L’ennui de quoi ? allez-vous dire. L’ennui de tout ! Je ne sais pas, comme vous, être attentif et calme pendant six heures de travail, faire un tour de jardin en jetant du pain aux moineaux, recommencer à travailler pendant quatre heures, et ensuite sourire le soir à deux ou trois importuns tels que moi, par exemple, en attendant l’heure du sommeil. Mon sommeil à moi est mauvais, mes promenades sont agitées, mon travail est fiévreux. L’invention me trouble et me fait trembler : l’exécution, toujours trop lente à mon gré, me donne d’effroyables battements de cœur, et c’est en pleurant et en me retenant de crier que j’accouche d’une idée qui m’enivre, mais dont je suis mortellement honteux et dégoûté le lendemain matin. Si je la transforme, c’est pire, elle me quitte : mieux vaut l’oublier et en attendre une autre : mais cette autre m’arrive si confuse et si énorme, que mon pauvre être ne peut pas la contenir. Elle m’oppresse et me torture jusqu’à ce qu’elle ait pris des proportions réalisables, et que revienne l’autre souffrance, celle de l’enfantement, une vraie souffrance physique que je ne peux pas définir. Et voilà comment ma vie se passe quand je me laisse dominer par ce géant d’artiste qui est en moi, et dont le pauvre homme qui vous parle arrache une à une, par le forceps de sa volonté, de maigres souris à demi mortes ! Donc, Thérèse, il vaut bien mieux que je vive comme j’ai imaginé de vivre, que je fasse des excès de toute sorte, et que je tue ce ver rongeur que mes pareils appellent modestement leur inspiration, et que j’appelle tout bonnement mon infirmité.

— Alors, c’est décidé, c’est arrêté, dit Thérèse en souriant, vous travaillez au suicide de votre intelligence ? Eh bien, je n’en crois pas un mot. Si on vous proposait d’être demain le prince D… ou le comte de S…, avec les millions de l’un et les beaux chevaux de l’autre, vous diriez, en parlant de votre pauvre palette si méprisée : Rendez-moi ma mie !

— Ma palette méprisée ? Vous ne me comprenez pas, Thérèse ! C’est un instrument de gloire ; je le sais bien, et ce que l’on appelle la gloire, c’est une estime accordée au talent, plus pure et plus exquise que celle que l’on accorde au titre et à la fortune. Donc, c’est un très-grand avantage et un très-grand plaisir pour moi de me dire : « Je ne suis qu’un petit gentilhomme sans avoir, et mes pareils qui ne veulent pas déroger mènent une vie de garde forestier, et ont pour bonnes fortunes des ramasseuses de bois mort qu’ils payent en fagots. Moi, j’ai dérogé, j’ai pris un état, et il se trouve qu’à vingt-quatre ans quand je passe sur un petit cheval de manége au milieu des premiers riches et des premiers beaux de Paris, montés sur des chevaux de dix mille francs, s’il y a, parmi les badauds assis aux Champs-Élysées, un homme de goût ou une femme d’esprit, c’est moi qui suis regardé et nommé, et non pas les autres. » Vous riez ! vous trouvez que je suis très-vain ?

— Non, mais très-enfant, Dieu merci ! Vous ne vous tuerez pas.

— Mais je ne veux pas du tout me tuer, moi ! Je m’aime autant qu’un autre, je m’aime de tout mon cœur, je vous jure ! Mais je dis que ma palette, instrument de ma gloire, est l’instrument de mon supplice, puisque je ne sais pas travailler sans souffrir. Alors je cherche dans le désordre, non pas la mort de mon corps ou de mon esprit, mais l’usure et l’apaisement de mes nerfs. Voilà tout, Thérèse. Qu’y a-t-il donc là qui ne soit raisonnable ? Je ne travaille un peu proprement que quand je tombe de fatigue.

— C’est vrai, dit Thérèse, je l’ai remarqué, et je m’en étonne comme d’une anomalie ; mais je crains bien que cette manière de produire ne vous tue, et je ne peux pas me figurer qu’il en puisse arriver autrement. Attendez, répondez à une question : Avez-vous commencé la vie par le travail et l’abstinence, et avez-vous senti alors la nécessité de vous étourdir pour vous reposer ?

— Non, c’est le contraire. Je suis sorti du collège, aimant la peinture, mais ne croyant pas être jamais forcé de peindre. Je me croyais riche. Mon père est mort ne laissant rien qu’une trentaine de mille francs, que je me suis dépêché de dévorer, afin d’avoir au moins dans ma vie une année de bien-être. Quand je me suis vu à sec, j’ai pris le pinceau ; j’ai été éreinté et porté aux nues, ce qui de nos jours, constitue le plus grand succès possible, et, à présent, je me donne, pendant quelques mois ou quelques semaines, du luxe et du plaisir tant que l’argent dure. Quand il n’y a plus rien, c’est pour le mieux, puisque je suis également au bout de mes forces et de mes désirs. Alors je reprends le travail avec rage, douleur et transport, et, le travail accompli, le loisir et la prodigalité recommencent.

— Il y a longtemps que vous menez cette vie-là ?

— Il ne peut pas y avoir longtemps à mon âge ! Il y a trois ans.

— Eh ! c’est beaucoup pour votre âge, justement ! Et puis vous avez mal commencé : vous avez mis le feu à vos esprits vitaux avant qu’ils eussent pris leur essor ; vous avez bu du vinaigre pour vous empêcher de grandir. Votre tête a grossi quand même, et le génie s’y est développé malgré tout ; mais peut-être bien votre cœur s’est-il atrophié, peut-être ne serez-vous jamais ni un homme ni un artiste complet.

Ces paroles de Thérèse, dites avec une tristesse tranquille, irritèrent Laurent.

— Ainsi, reprit-il en se relevant, vous me méprisez ?

— Non, répondit-elle en lui tendant la main, je vous plains !

Et Laurent vit deux grosses larmes couler lentement sur les joues de Thérèse.

Ces larmes amenèrent en lui une réaction violente : un déluge de pleurs inonda son visage, et, se jetant aux genoux de Thérèse, non pas comme un amant qui se déclare, mais comme un enfant qui se confesse :

— Ah ! ma pauvre chère amie ! s’écria-t-il en lui prenant les mains, vous avez raison de me plaindre, car j’en ai besoin ! Je suis malheureux, voyez-vous, si malheureux, que j’ai honte de le dire ! Ce je ne sais quoi que j’ai dans la poitrine à la place du cœur crie sans cesse après je ne sais quoi, et, moi, je ne sais que lui donner pour l’apaiser. J’aime Dieu, et je ne crois pas en lui. J’aime toutes les femmes, et je les méprise toutes ! Je peux vous dire cela, à vous qui êtes mon camarade et mon ami ! Je me surprends parfois prêt à idolâtrer une courtisane, tandis qu’auprès d’un ange je serais peut-être plus froid qu’un marbre. Tout est dérangé dans mes notions, tout est peut-être dévié dans mes instincts. Si je vous disais que je ne trouve déjà plus d’idées riantes dans le vin ! 0ui, j’ai l’ivresse triste, à ce qu’il paraît ; et on m’a dit qu’avant-hier, dans cette débauche à Montmorency, j’avais déclamé des choses tragiques avec une emphase aussi effrayante que ridicule. Que voulez-vous donc que je devienne, Thérèse, si vous n’avez pas pitié de moi ?

— Certes, j’ai pitié, mon pauvre enfant, dit Thérèse en lui essuyant les yeux avec son mouchoir ; mais à quoi cela peut-il servir ?

— Si vous m’aimiez, Thérèse ! Ne me retirez pas vos mains ! Est-ce que vous ne m’avez pas permis d’être pour vous une espèce d’ami ?

— Je vous ai dit que je vous aimais : vous m’avez répondu que vous ne pouviez croire à l’amitié d’une femme.

— Je croirais peut-être à la vôtre ; vous devez avoir le cœur d’un homme, puisque vous en avez la force et le talent. Rendez-la-moi.

— Je ne vous l’ai pas ôtée, et je veux bien essayer d’être un homme pour vous, répondit-elle ; mais je ne saurai pas trop m’y prendre. L’amitié d’un homme doit avoir plus de rudesse et d’autorité que je ne me crois capable d’en avoir. Malgré moi je vous plaindra plus que je vous gronderai, et vous voyez déjà ! Je m’étais promis de vous humilier aujourd’hui, de vous mettre en colère contre moi et contre vous-même ; au lieu de cela, me voilà pleurant avec vous, ce qui n’avance à rien.

— Si fait ! si fait ! s’écria Laurent. Ces larmes sont bonnes, elles ont arrosé la place desséchée ; peut-être que mon cœur y repoussera ! Ah ! Thérèse, vous m’avez déjà dit une fois que je me vantais devant vous de ce dont je devrais rougir, que j’étais un mur de prison. Vous n’avez oublié qu’une chose : c’est qu’il y a derrière ce mur un prisonnier ! Si je pouvais ouvrir la porte, vous le verriez bien ; mais la porte est close, le mur est d’airain, et ma volonté, ma foi, mon expansion, ma parole même, ne peuvent le traverser. Faudra-t-il donc que je vive et meure ainsi ? À quoi me servira, je vous le demande, d’avoir barbouillé de peintures fantasques les murs de mon cachot, si le mot aimer ne se trouve écrit nulle part ?

— Si je vous comprends bien, dit Thérèse rêveuse, vous pensez que votre œuvre a besoin d’être échauffée par le sentiment.

— Ne le pensez-vous pas aussi ? N’est-ce pas là ce que me disent tous vos reproches ?

— Pas précisément. Il n’y a que trop de feu dans votre exécution, la critique vous le reproche. Moi, j’ai toujours traité avec respect cette exubérance de jeunesse qui fait les grands artistes, et dont les beautés empêchent quiconque a de l’enthousiasme d’éplucher les défauts. Loin de trouver votre travail froid et emphatique, je le sens brûlant et passionné ; mais je cherchais où était en vous le siége de cette passion : je le vois maintenant, il est dans le désir de l’âme. Oui, certainement, ajouta-t-elle toujours rêveuse, comme si elle cherchait à percer les voiles de sa propre pensée, le désir peut être une passion.

— Eh bien, à quoi songez-vous ? dit Laurent en suivant son regard absorbé.

— Je me demande si je dois faire la guerre à cette puissance qui est en vous, et si, en vous persuadant d’être heureux et calme, on ne vous ôterait pas le feu sacré. Pourtant… je m’imagine que l’aspiration ne peut pas être pour l’esprit une situation durable et que, quand elle s’est vivement exprimée pendant sa période de fièvre, elle doit, ou tomber d’elle-même, ou nous briser. Qu’en dites-vous ? Chaque âge n’a-t-il pas sa force et sa manifestation particulières ? Ce que l’on appelle les diverses manières des maîtres, n’est-ce pas l’expression des successives transformations de leur être ? À trente ans, vous sera-t-il possible d’avoir aspiré à tout sans rien étreindre ? Ne vous sera-t-il pas imposé d’avoir une certitude sur un point quelconque ? Vous êtes dans l’âge de la fantaisie ; mais bientôt viendra celui de la lumière. Ne voulez-vous pas faire de progrès ?

— Dépend-il de moi d’en faire ?

— Oui, si vous ne travaillez pas à déranger l’équilibre de vos facultés. Vous ne me persuaderez pas que l’épuisement soit le remède de la fièvre : il n’en est que le résultat fatal.

— Alors quel fébrifuge me proposez-vous ?

— Je ne sais : le mariage, peut-être.

— Horreur ! s’écria Laurent en éclatant de rire.

Et il ajouta, en riant toujours et sans trop savoir pourquoi lui venait ce correctif :

— À moins que ce ne soit avec vous, Thérèse. Eh ! c’est une idée, cela !

— Charmante, répondit-elle, mais tout à fait impossible.

La réponse de Thérèse frappa Laurent par sa tranquillité sans appel, et ce qu’il venait de dire par manière de saillie lui parut tout à coup un rêve enterré, comme s’il eût pris place dans son esprit. Ce puissant et malheureux esprit était ainsi fait que, pour désirer quelque chose, il lui suffisait du mot impossible, et c’est justement ce mot-là que Thérèse venait de dire.

Aussitôt ses velléités d’amour pour elle lui revinrent, et en même temps ses soupçons, sa jalousie et sa colère. Jusque-là, ce charme d’amitié l’avait bercé et comme enivré ; il devint tout à coup amer et glacé.

— Ah ! oui, au fait, dit-il en prenant son chapeau pour s’en aller, voilà le mot de ma vie qui revient à propos de tout, au bout d’une plaisanterie comme au bout de toute chose sérieuse : impossible ! Vous ne connaissez pas cet ennemi-là, Thérèse ; vous aimez tout tranquillement. Vous avez un amant ou un ami qui n’est pas jaloux, parce qu’il vous connaît froide ou raisonnable ! Ça me fait penser que l’heure s’avance, et que vos trente-sept cousins sont peut-être là, dehors, qui attendent ma sortie.

— Qu’est-ce que vous dites donc ? lui demanda Thérèse stupéfaite ; quelles idées vous viennent ? Avez-vous des accès de folie ?

— Quelquefois, répondit-il en s’en allant. Il faut me les pardonner.