Encyclopédie méthodique/Architecture/Tome 3/Z

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ZAB

ZABAGLIA. Né à Rome en 1674, mort en 1750.

L’architecture se compose de tant de parties différentes, quoique liées ensemble, et elle touche par la diversité soit de ses emplois, soit de ses moyens, à tant de pratiques usuelles et de connoissances théoriques ou mécaniques, que cet art reçut des Grecs, et avec beaucoup de raison, le nom qui, par sa composition, le désigne ou comme étant l’art par excellence, ou comme étant celui qui commande aux autres, αρχη τεχνη

Entre toutes les divisions qui forment son empire, il en est une, celle de la mécanique, dont le savoir pratique est plus ou moins nécessaire à l’architecte ; mais cette science, comme toute autre, se divise en deux. Il y a la pratique, dont l’expérience peut s’acquérir par l’étude de certaines règles, par la connoissance des ouvrages antérieurs, ou des procédés qui se transmettent d’âge en âge, et par la seule inspection des effets. Il y a ce qu’il faut appeler en ce genre le génie de la mécanique, que l’on a vu, chez quelques hommes privilégiés, être une sorte d’instinct qui pénètre sans le savoir jusqu’aux raisons premières, et leur fait deviner plutôt qu’apprendre les principes des forces motrices qu’ils mettent en œuvre, dans les plus grandes entreprises de l’art de bâtir.

Ces hommes qui, à plus d’un égard, ont bien mérité de l’architecture, méritent donc aussi qu’elle inscrive leur nom dans ses annales, l’eu importe qu’ils soient nés dans la classe obscure des ouvriers, au-dessus de laquelle ils ne s’élevèrent jamais ; l’opinion de leur temps, et celle de la postérité surtout, qui ne juge les hommes que par leurs œuvres, comblent a leur égard la distance que l’ordre des rangs de la société avoit mise entre eux et leurs contemporains.

L’Italie a particulièrement exercé cette justice, dans l’histoire de l’art de bâtir, envers deux hommes qui, simples ouvriers et sans aucune culture de l’esprit, ont rendu leur nom célèbre par leurs inventions en mécanique.

Tel fut Ferracino, né à Solagna, près de Bassano. Des sa première jeunesse, le besoin l’avoit condamné à scier tout le jour des planches pour fournir à la subsistance de sa famille. Ce pénible métier ne tarda point à lui déplaire ; mais n’ayant aucun autre moyen d’en remplacer le profit, il se mit à chercher quelqu’expédient propre à soulager sa peine, et à multiplier à la fois son travail. Il imagina donc une machine qui, placée dans un lieu convenable, et mise en mouvement par le vent, fit le travail pour lui. Ce premier essai de son industrie fut bientôt suivi de plusieurs autres, qui lui acquirent une


grande réputation ; on le rechercha de toutes parts. S’étant établi à Padoue, il te transportoit de cette ville dans les endroits où la confiance appeloit son talent.

C’est lui qui a fait l’horloge de la place Saint-Marc à Venise. En 1749, il construisit une machine hydraulique qui, par le moyen de plusieurs vis d’Archimède, portoit l’eau à trente-cinq pieds de hauteur. Cette machine, dont le succès avoit été contesté, excita l’admiration des gens de l’art, et fut reconnue digne d’une inscription en l’honneur de son auteur.

Mais le monument qui donna le plus de célébrité à Ferracino, et qui honora le plus son talent, c’est le pont qu’if fit construire à Bassano. On en trouve l’histoire et la description dans un ouvrage publié par François Memmo, et intitulé : Vita e Machine di Bartolomeo Ferracino (Venise, 1754), avec le portrait du célèbre mécanicien. J. B. Verci a aussi donné un Elogio storico del famoso ingegnere Bartolo Ferracino (Venise, 1777).

Ferracino ne s’appliqua jamais à rendre aux antres raison de ce qu’il inventoit. Son premier mouvement étoit dirigé par le besoin d’obtenir tel ou tel résultat. Il marchoit ensuite, et il arrivoit au but qu’il s’étoit proposé, sans s’en douter, par la voie la plus simple et la plus ingénieuse. On chercha plus d’une fois à lui inspirer du goût pour l’étude des sciences, en lui faisant sentir combien il pourroit illustrer son siècle, s’il vouloit cultiver son esprit par la lecture des bons ouvrages, ou par des conférences avec des savans ; mais il ne put jamais s’y résoudre. Quand on lui demandoit comment il s’y prenoit pour inventer quelque chose, il se mettoit à rire, et il répondoit que c’étoit. dans le livre de la nature qu’il apprenoit tout ce qu’il savoit.

Il est mort à Solagna en 1777. La ville de Baisano lui a élevé un monument.

Le nom de Zabaglia est beaucoup plus célèbre que celui de Ferracino. Sans vouloir établir ici aucun parallèle entre ces deux élevés de la nature, en mécanique, nous croyons que la différence de leur célébrité, peut provenir aussi de la différence des théâtres, où s’exercèrent et brillèrent les inventions de ces deux talens, quoiqu’à peu près vers la même époque.

Certes quant au lieu el quant aux circonstances, l’avantage fut tout entier du côté de Zabaglia. Lorsqu’il vint au monde, de très-grands travaux avoient été terminés dans Rome. Bernin avoit achevé l’ensemble de la plus vaste construction des temps modernes, et peut-être de l’antiquité. Dominique Fontana, par l’érection de l’obélisque du Vatican, en face de Saint-Pierre, par le succès des moyens qu’il y employa, par les projets nombreux, et les discussions auxquelles cette grande opération donna naissance, avoit éveillé dans les esprits le goût de la mécanique, des études théoriques, et des recherches pratiques de cette science. L’immense intérieur de la basilique de Saint-Pierre étoit fini quant à la construction, mais la décoration architecturale, et ce qu’on appelle le décor mobile et temporaire, qu’exigent les fêtes et les cérémonies, tant audedans qu’au-dehors, étoient devenus un vaste champ pour les inventions des procédés usuels, nécessaires à ces travaux. Le besoin, père de toutes les inventions, ne pouvoit manquer de susciter chez quelqu’homme versé dans ces travaux, le génie qu attendoient les circonstances.

Cet homme se rencontra, et comme si la nature eût voulu faire voir, qu’en bien des genres, le génie et le sentiment des arts en précèdent l’étude et la science, le hasard fit que cet homme se trouva dans la classe la plus humble des ouvriers charpentiers, employés à la fabrique de Saint-Pierre.

Tel fut Zabaglia, simple journalier, qui ne savoit ni lire ni écrire, et n’avoit appris qu’ à employer la hache et la scie.

Toutefois, on doit l’avouer, entre tous les métiers que l’architecture fait servir à ses entreprises, il n’en est pas qui soit plus habile à exercer l’esprit, que le travail du bois, dans ses innombrables applications aux besoins de l’art de bâtir. Il n’en est pas qui présente plus de rapports à combiner, plus d’observations à faire, sur les forces propres à vaincre les résistances, à soulever les fardeaux, à élever les masses, et à les transporter. Il y a par conséquent, entre le métier du charpentier et la science de la mécanique, des rapprochemens et des affinités, qui expliquent, comment un sentiment juste et un instinct d’observation, sans le secours d’aucune étude théorique, peuvent conduire à l’invention des moyens ingénieux, que les calculs de la science consacrent et accréditent, en prouvant leur justesse, par le développement des principes qu’ignoroient leurs inventeurs.

Ainsi-on Zabaglia, compagnon charpentier, se faire remarquer de très-bonne heure, par l’attention particulière qu’il portoit au mécanisme de tout ce qui existoit de machines avant lui, et de tout ce qui s’exécutoit de son temps. Fort différent du reste des ouvriers qui, bornés à l’exécution partielle de ce qu’on leur commande, ne s’avisent jamais de rechercher les rapports de la partie qu’ils fabriquent, avec l’ensemble qu’ils ne peuvent ni deviner ni comprendre, lui, pénétrant l’intention de chaque détail, s’occupoit d’obtenir l’effet à produire par des moyens toujours plus simples.

Ce fut ainsi, que tous les objets les plus petits, comme les plus importans, qui entrent dans les nombreux assemblages de machines diverses, qu’exigent les grandes opérations de la bâtisse, se trouvèrent insensiblement, et grace à ses soins, ramenés à une beaucoup plus grande économie, et par plus de simplicité, gagnèrent plus de solidité.

Il seroit trop long d’énumérer ici en détail, tout ce qui reçut de son esprit inventif d’heureuses modifications. On comprend qu’il n’y a pas d’objet indifférent en ce genre. Depuis le clou, la vis, l’écrou, la pince, l’agrafe, la tenaille, etc. , le moufle, le cordage, jusqu’à la combinaison des grands assemblages de constructions, applicables aux travaux les plus difficiles et les plus périlleux ; depuis le plus modique agent de transport, que meut un seul homme, jusqu’aux machines compliquées, où une heureure répartition de forces motrices, épargne un grand nombre de bras ; depuis l’échelle simple jusqu’à la multiplication la plus ingénieuse et tout à la fois la plus sûre, des moyens d’ascension, depuis l’échafaud élémentaire à l’usage d’un seul ouvrier, jusqu’à ces ponts suspendus qui établissent, dans la confection ou la décoration des voûtes, de sûrs appuis et des communications faciles à des légions de travailleurs, on peut affirmer qu’il n’y a rien qui n’ait reçu des inventions de Zabaglia quelque procédé nouveau, quelque changement, quelqu’abréviation, quelque moyen jusqu’alors inconnu, devenu usuel depuis lui, et dont on jouit habituellement, sans s’inquiéter, non-seulement d’en connaître l’auteur, mais même de savoir s’ils en eurent un.

Dans la vérité, le mérite de beaucoup de ces inventions étant dans leur simplicité même, et l’habitude nous ayant familiarisé avec leur usage, chacun est porté à croire qu’il en eût fait autant. Mais c’est le sort de tout ce qui est simple, et cette opinion est en même temps le plus grand éloge qu’on puisse en faire.

Zabaglia, par sa position dans une classe des plus obscures de la société, n’ayant de fait aucun genre d’ambition, aucun moyen extérieur de se faire valoir, condamné même, et par l’esprit de son état, et par l’absence de toute culture, à rester dans sa sphère, toujours occupé, pour suivre son instinct, de produire de nouveaux procédés et de nouveaux expédiens, n’avoit jamais imaginé qu’il dût devenir célèbre. Encore moins dut-il avoir la pensée de recueillir dans un corps d’ouvrage des inventions qui, une fois sorties de ses mains, devenoient la proprié ; de tout le monde, et sur lesquelles il n’eût jamais conçu l’idée de réclamer le moindre privilège d’auteur.

Cependant par l’ordre du pape Benoît XIV et dans les dernières années de Zabaglia (en 1743), on s’étoit occupé à Rome, de publier la collection de toutes les machines dont il avoit enrichi la mécanique et l’art de bâtir. L’éditeur fut, à ce qu’on croit, le savant Bottari, et l’ouvrage vit le jour sous la forme d’un grand in-folio, orné de cinquante-quatre planches, auxquelles correspondent autant d’articles de descriptions et d’explications.

C’est là qu’entre une multitude infinie d’instrumens, ou nouveaux ou perfectionnés, mais qui entrés depuis dans la circulation des procédés industriels de l’Europe, ne peuvent plus exciter l’attention, on distingue ces échelles à entures, au moyen desquelles l’ouvrier peut s’élever à une hauteur indéfinie ; ces échafauds volans ou roulans à bascule, et à plusieurs étages, que l’on emploie pour les ragrémens et les réparations des facades, et des surfaces de tout genre ; ces ponts suspendus avec autant de solidité que de légèreté ; ces planchers sur lesquels avec une simple poulie, un ouvrier se transporte lui-même au sommet des voûtes les plus hautes, et avec tous les instrumens de son travail.

Rien de plus simple et de plus ingénieux dans sa simplicité, que l’échafaud commode et solide, quoiqu’il paroisse d’en bas ne tenir à rien, dont Zabaglia donna le dessin, pour orner dans les grandes cérémonies, et tapisser la frise de l’entablement de Saint-Pierre.

Il s’agissoit d’opérer une restauration dans la longue voûte du vestibule de cette basilique. Par la méthode employée jusqu’alors, il auroit fallu établir dans toute la largeur, un plancher, capable de supporter la pesanteur de deux étages de pont, pour qu’on pût travailler à la fois, et au sommet, et aux côtés de la voûte. On auroit encore été obligé de défaire et de refaire le même échafaudage, plusieurs fois dans la longueur du portique, parce qu’un plancher général établi dans toute l’étendue du local, eût privé de jour les travailleurs. Il fant voir dans le recueil cité, avec quel esprit et qu’elle intelligence Zabaglia fut économiser et le temps, et la dépense, el la matière, par la composition d’un échafaud qui, sans cacher la lumière du jour, non-seulement offroit plus d’un étage aux travailleurs, mais pouvoit sans se défaire, être transporté avec facilité, dans toute la longueur de l’espace à réparer.

Tout le monde sait avec quelle industrie et quelle économie de moyens furent pratiqués, dans les immenses courbes de la coupole de Saint-Pierre, les échafauds volans, qui servirent à la décoration interne de ce monument. Il entroit dans les inventions de ce genre, par Zabaglia, un point de vue qui n’est pas à négliger, surtout quand il s’agit d’opérations de long cours ; ses compositions avoient aussi pour objet, de ne pas obstruer l’aspect de l’édifice, comme il arrive trop souvent, dans ces échafaudages qui s’emparent inutilement de toute l’étendue d’un local, lorsque le travail ne peut être que partiel, et doit être successif.

Un des mérites de Zabaglia, fut encore de savoir faire de très-grandes machines, avec de petits matériaux. C’est ce dont on peut se convaincre en voyant l’échafaudage qu’il imagina autour de l’obélisque du Vatican, pour opérer à son sommet le travail de la pose ou restauration de la croix de bronze, qui en fait l’amortissement. Il fit habilement servir le fût même de l’obélisque, à être le noyau des huit étages, par lesquels on pût, sur de simples échelles, parvenir à la plate-forme supérieure, avec autant de facilité que de sûreté.

Zabaglia eut aussi l’honneur d’opérer, par le secours de ses procédés mécaniques, d’importantes restaurations des monumens de l’antiquité, parmi lesquelles on doit citer de préférence, celle de la colonne à restituer au péristyle du Panthéon, et celle de la colonne d’Antonin. Ce fut par ses soins, que fut tiré de terre le célèbre obélisque horaire d’Auguste au Champ-de-Mars, qui long-temps avoit été couché à Monte Citorio, et qui a enfin été dressé et restauré, sur la place du même nom, par les soins du pape Pie VI.

Nous ne porterons pas plus loin l’éntimération des travaux de Zabaglia. Les descriptions verbales étant insuffisantes pour en faire connoître les détails, et évaluer tont le prix, nous renvoyons le lecteur au grand ouvrage, d’où nous avons extrait ces courtes notions. Les planches nombreuses et très-bien exécutées qu’il renferme, sont tout à la fois le meilleur traité de mécanique pratique, et le plus bel éloge qu’on puisse faire du célèbre et bien modeste auteur, dont on a retracé la fidèle image, dans la plauche du frontispice, qui le représente avec son simple costume de compagnon charpentier.

Zabaglia, comme nous l’avons dit, simple élève de son instinct et de la seule nature, ne manqua ni de considération ui de réputation dans le cours de sa longue carrière. Son mérite fut parfailement connu de ses contemporains, et si le genre de son esprit et de ses habitudes, ne l’eût pas invinciblement retenu dans la sphère d’ouvrier, où il persévéra, il est à croire qu’employé, comme il le fut, sous presque tous les règnes des souverains pontifes de son temps, auxquels il survécut, plus d’un titre d’emploi supérieur auroit relevé son existence sociale. Aussi quelques-uns ont-ils avancé, mais à tort, qu’il parvint à la place d’architecte de Saint-Pierre, ce qui ne put pas être ; mais il dut être mis à la tête des travaux et machines de construction de celle basilique. C’étoit là sa place, et il n’en eût pas voulu occuper d’autre. Les biens de la fortune (je parle de celle qui étoit de niveau avec son état), ne lui manquèrent pas, mais il dépensoit tout à mesure, el il employoît ce qu’il gagnoit à faire bonne chère. Il n’y auroit pas eu moyen de lui inspirer d’autre désir. Le pape Benoît XIV, qui se plaisoit à causer familièrement avec lui, lui demandoit un jour, ce qu’il pourroit lui donner qui lui fût le plus agréable : quelques bouteilles de bon vin, Saint-Père, répondit-il. Le pape sourit, et lui fit porter, avec une caisse de vin de Monte Pulciano, un brevet de pension de dix écus par mois.

Le site généralement humide sur lequel a été élevée la basitique de Saint-Pierre, endommageant les peintures à fresque de ses chapelles, on prit le parti de prévenir leur ruine, et de les remplacer au même lieu, pardes copies faites en mosaïque. Ou desiroit toutefois conserver les originaux. Zabaglia proposa, et il lui fut ordonné d’enlever ces peintures avec la masse même du mur, sur lequel on les avoit exécutées. Il commença par la peinture du Martyr de Saint-Sébaslien, ouvrage du Dominiquin. Plusieurs regardoient l’entreprise impossible ; mais le succès la justifia. II faut fire dans la description de cette opération embarlassée et délicate, surtout par rapport à la surface peinte, et au fond sur lequel l’ouvrage étoit exécuté, avec quelle intelligence Zabaglia parvint à isoler peu à peu la masse du mur, comment ayant commencé cet isolement par le bas, il fit passer dessous la masse une forte table en bois posée sur des rouleaux, comment il dégagea cette masse latéralement et par en haut, et comment étant parvenu à l’isoler du reste du mur, il la fit, au moyen des rouleaux, avancer sur le chemin dressé d’avance, puis comment il la fit remparer et encaisser, de façon à pouvoir la coucher, et la faire conduire a l’atelier des mosaiquistes.

On sait qu’après avoir été traduite en mosaïque, cette fresque fut transportée dans l’église de Saiute-Marie des Anges, où on la voit encore aujourd’hui, dans le meilleur état de conservation.

Zabaglia mourut à 86 ans, et fut inhumé dans l’église de Santa-Maria Traspontina, avec l’épitaphe honorable que nous allons rapporter.

Nicolaus Zabaglia romanus, litterarum plane rudis, sed ingenti acumina adeo pratans, ut omnes artis architectonicœ peritos, machinationum inventione ac facilitate, magna urbis cum admiratione, superavit. Vir fuit cum antiqui moris, tum a pecuniœ aviditate aliénus.

Vixit annos 86. Obitt die 27 menus januatii anni jubilœi 1750.

N’e igitur ipsius memoria interiret a fratribus hujus cœnobii S. Mariœ Transpontinœ ordinis S. Mariœ de monte Carmeli, hominis exuviis hœc adnotatio apposita est.

ZAMPIERI (DOMENICO), connu particulièrement en Itale sous le nom de Domenichino, et en France, sous celui de Dominiquin.

C’est comme peintre qu’il est surtout renommé. Sous ce rapport, son article biographique demanderoit une grande étendue dans un ouvrage dont la peinture seroit le principal objet. ICI, quel qu’ait été le talent, et quelle que soit la réputation de cet artiste, nous serons forcés de resserrer dans un fort petit espace les notions qui regardent le peintre, pour faire considérer plus particulièrement le peu d’ouvrages qui lui ont assuré un rang encore assez distingué parmi les architectes célèbres de son époque.

Zampieri, aopelé en Italie Domenichino, en français Dominiquin, étoit né à Bologne, où il vint au mande en 1581. Bien que son père ne fût pas très-accommodé des biens de la fortune, il ne paissa pas de lui donner de l’instruction et de prendre soin de cultiver son esprit. Ayant déjà un fils qui s’appliquait à la peinture, il destinoit l’autre à quelqu’un de des emplois qui exigent des connoissances littéraires. Mais il est difficile à un père de prévoir dès leur bas âge quelles seront les dispositions de ses enfans, et la nature souvent en ordonne tout au contraire de ses intentions, C’est ce qui arriva au père de Dominiquin. Il n’avoit pas prévu que celui de ses enfans qu’il destinoit aux lettres, embrasseroit l’étude des arts, et que l’autre quitteroit la peinture pour s’attacher à l’étude des sciences. Il en fut cependant ainsi.

Dominiquin, qui étoit le plus jeune, lassé des premiers élémens de la grammaire, en abandonna les écoles pour s’appliquer au dessin, et son frère, qui y faisoit fort peu de progrès, quitta le crayon pour s’aduuner aux lettres. Le père ne mit aucun obstacle à cette échange d’étude et de vocation entre ses deux fils, et Dominiquin prit la place de son frère chez un peintre flamand, nommé Denis Calvart, qui, sorti fort jeune d’Anvers, lieu de sa naissance, s’étoît établi à Bologne, où il avoit et beaucoup d’ouvrages et de nombreux élèves.

Comme le Guide et l’Albane avoient déjà quitté son école, pour entrer dans celle des Carraches, Denis Calvart voyoit avec peine l’accroissement qu’elle prenoît aux dépens de la sienne. Ayant surpris un jour Dominiquin occupé à copier quelques dessins des Carraches, il s’en irrita tellement, que, sous un autre prétexte (à la vérité), il le frappa outrageusement et le chassa de chez lui. Cela fut cause que son père s’adressa à Augustin Carrache, qui le reçut avec plaisir, et l’introduisit dans l’école de Louis Carrache.

Il travailla avec la plus grande assiduité, et ne tarda pas à s’y faire distinguer autant par le talent que par la modestie. Cette vertu souvent, dans le cours de la vie, nuit à la réputation, et lorsqu’il s’y joint une certaine timidité, elle s’oppose aux faveurs de la fortune, qui veut trop souvent qu’on lui arrache ses dons. Or il nous semble que c’est là ce qui explique en partie ls destinée de Dominiquin dans la carrière qu’il eut à parcourir.

On sait que dès ses promiers pas, comme dans tout te reste de sa vie, il chercha beaucoup plutôt à mériter qu’à obtenir les bienfaits de la capricieuse déesse. Il avoit contracté de très-bonne heure une manière d’apprendre et de faire, qui souvent a fait juger désavantageusement des hommes les plus habiles. Lorsqu’il avoit à commencer un ouvrage, il ne se mettoit d’abord ni à dessiner, ni à peindre. Il demeuroit long-temps à méditer sur ce qu’il devoit exécuter. De là on auroit pu croire qu’il y avoit chez lui ou difficulté de compréhension, ou stérilité d’idées, ou irrésolution entre le bien et le mal. Mais on prenoit ensuite une tout autre idée de l’auteur, en voyant ses productions. Dès qu’il avoit commencé un tableau, il demeuroit tellement attaché au travail, que de lui-même il ne l’auroit jamais quitté, ni pour prendre ses repas, ni pour toute autre affaire, si un ne l’en avoit tiré comme par force. Cette conduite fut habituelle chez lui, el il l’a tenue toute sa vie.

Nous tenons la plupart de ces observations du judicieux de Piles, qui fut son contemporain, et a’étoit procuré les plus exacts renseignemens sur les artistes dont il a parlé dans ses Entretiens sur les vies et les ouvrages des Peintres.

Comme Dominiquin apportoit autant de considération dans l’exécution de ses ouvrages, qu’il avoit mis de préméditation dans leur composition, ses adversaires appeloient cela lenteur d’esprit. Ils disoient que ses ouvrages étoient faits avec peine, et comme labourés à la charrue, le comparant à un bœuf. C’étoit le nom qu’on lui donnoit. Mais Annibal Carrache disoit que ce bœuf laboureroit le champ qu’il rendroit fertile, et qu’un jour il nourriroit la peinture.

Il n appartient pas à l’objet qui est le principal de ce Dictionnaire, que nous entrions dans le détail, la description ou la critique des grands et remarquables ouvrages qui ont placé Dominiquin à la tête des plus célèbres peintres du dixseptième siècle ; nous ferions un article trop étendu, et hors de mesure avec les bornes qui nous sont prescrites. Mais Dominiquin, comme tous les maîtres de son époque, avoit réuni les conooissances et la pratique des autres arts du dessin. Nous lisons même dans la notice de ses différens ouvrages par Félibien, que, chargé de la construction d’un tombeau pour le cardinal Agucchi, à S. Pietro in Vincoli, il donna la composition de ce mausolée, où il fit le portrait du cardinal, qu’on voit peint dans une ovale entre deux sphiuxs de marbre, et où il sculpta lui-même en marbre plusieurs parties d’ornemens qui embellissent cette sépulture

Félibien nous dit encore que pour s’instruire à fond de l’architecture, Dominiquin s’appliqua à la lecture de Vitruve, que cette étude lui avoit méme inspiré le désir de pénétrer dans la connaissance de la musique des Anciens, et qu’il consacra à cette recherche un temps qu’il auroit mieux employé à la peinture. Il s’appliqua encore avec beaucoup de persévérance à l’étude des mathématiques, particulièrement à ce qui regarde l’optique et à la perspective, dont il reçut d’excellentes instructions du père Mattheo Zaccolino, religieux théatin.

Il n’y a donc pas lieu, comme on va le voir, de s’étonner que le nom de cet excellent peintre figure parmi les noms de ceux, qui concoururent à soutenir encore l’art de l’architecture dans le cours du dix-septième siècle. Ce fut comme architecte qu’il mérita la confiance du pape Grégoire XV, qui le nomma surintendant de ses palais. Il composa deux fort beaux projets pour la grande église de Saint-Ignace à Rome. De ces deux projets, dit-on, le père Grassi jésuite en fit un seul en les combinant, et de cette combinaison naquit le monument qu’on voit aujourd’hui. Si l’on en considère le plan, où l’on trouve un ensemble aussi correct, que régulier et bien entendu, on est tenté de croire que c’est là qu’il faut chercher particulièrement l’idée originale de Dominiquin. Ce sera probablement l’élévation qui aura subi le plus de modifications. Tant est que Dominiquin, voyant qu’on dénaturoit ses idées, se retira de l’entreprise, qui fut terminée par Algardi.

On attribue à Dominiquin la composition du riche plafond de l’église de Sainte-Marie in Transtevere dont on admire les ingénieux compartimens ; et on lui donne aussi dans la même église l’architecture d’une très-belle chapelle, qu’on appelle de la Madona di Struda Cupa.

Parmi les morceaux de détail d’architecture, qui sont en possession de fixer les regards des artistes, à Rome, moins par leur importance, que par un accord toujours assez rare d’une composition harmonieuse, et d’une pure exécution, on se plaît à faire remarquer la grande porte du palais Lancellotti, exécutée d’après les dessins de Dominiquin. Elle est flanquée de deux colonnes d’ordre ionique, qu’on aimeroit toutefois à ne pas voir engagées sans aucune raison, et qui soutiennent un balcon, dont les balustres ont une forme élégante. Les colonnes posent sur des bases circulaires, ce qui fut fait dans la vue d’élargir la voie pour l’entrée des voitures. On approuve moins dans cette composition la forme carrée donuée à l’ouverture de la porte, forme qui ne s’accorde plus avec l’intérieur de la cour, tout en arcades. On aimeroit aussi a voir supprimés au-dessus de I. porte, quelques ornemens d’un goût assez lourd, et qui ont encore l’inconvénient de couper la ligne de l’architrave.

Dominiquin donna les dessins de la villa Ludovisi, qui est dans l’intérieur de Rome. Elle fut embellie par lui de belles allées, de bosquets agréables, de statues, et principalement d’un charmant casino construit dans un style pittoresque.

Comme à cette époque tout étoit commun entre les trois arts du dessin, et entre ceux qui les pratiquoient, les notions qui nous sont transmises des principaux ouvrages de ce temps, nous présentent fort souvent sous les noms de deux artistes, dont chacun est particulièrement connu par l’art qu’il cultiva le plus, un fort grand nombre d’édifices, dans lesquels on seroit embarrassé de discerner la part de l’un ou de l’autre.

Telle fut, par exemple, à Fracasti, la superbe villa Aldobrandini, dite aussi le Belvédère, où nous trouvons le nom de Jacques de la Porte, associé à celui de Dominiquin, qui toutefois paroît en avoir terminé l’exécution. C’est aussi l’opinion de M. Percier et Fontaine dans leur bel ouvrage des plus célèbres maisons de plaisance de Rome et de ses environs, et dont nous emprunterons la description suivante.

« La villa Aldobrandini a son entrée principale sur la grande place et près des portes de Frascati. Ses jardins s’élèvent en amphithéâtre jusqu’au sommet de la montagne. Ils sont ornés de fontaines, de jets d’eau et de cascades perpétuelles formées par l’Acqua algida, qui se se répand en différens canaux dans toutes les parties de ce domaine, après avoir parcouru depuis sa source un espace d’environ six milles. Trois avenues ombragées de grands arbres entourent les parterres et conduisent à la première terrasse. On arrive ensuite par de grands escaliers à double rampe sur un vaste plateau en forme de cirque, au bas des murs de la terrasse du palais. Ces escaliers sont décorés de vases, de statues, de grottes et de fontaines. La terrasse, au niveau du rez-de-chaus- sée, domine sur les parterres et sur les bosquets qui l’environnent. »

« Un grand veltibule orné de colonnes sert d’entrée aux appartemens, et communique aux dépendances qui sont construites en ailes à droite et à gauche sous les terrasses ; l’habitation, composée de trois étages et d’une loge au-dessus des combles, renferme un grand nombre de pièces décorées par le Josepin et Dominiquin. Rien n’est comparable à la belle distribution et à l’élégante disposition de cette maison. L’imagination est surtout frappée de la variété enchanteresse des jardins, qui s’élevant jusqu’au sommet de la montagne, forment en face du palais une espèce de théâtre, Les eaux d’une magnifique cascade serpentent autour de plusieurs grandes colonnes hydrauliques, retombent sur des vases de différentes formes, et offrent en s’y précipitant le tableau agréable de plusieurs chutes variées. Les statues, les bas-reliefs, les fontaines jaillissantes, tout donne à cette scène un intérêt et un


mouvement extraordinaire, et présente un effet dont il est difficile de se faire une idée. »

« Des salles fraîches, pratiquées sous la terrasse, sont ornées de mosaïques et de peintures charmantes. Sur les murs d’une de ces salles, on distingue la réunion des Muses, la fable d’Apollon, et dans le fond, un rocher représentant le Parnasse, toutes peintures de Dominiquin. »

Il est à croire que les ouvrages qu’on voit de lui à Grotta-Ferrata auront été exécutés pendant le temps qu’il dut séjourner à Frascati, sur le territoire de l’ancien Tusculum.

Quoiqu’employé aux plus grands ouvrages qui furent faits de son temps, et en fort grand nombre, Dominiquin n’eut le bonheur de jouir tranquillement, ni des fruits de son talent, ni de sa réputation. Il est possible que son caractère, son humeur sévère, et sa manière d’être réservée, aient contribuer à augmenter la malignité des passions envieuses qui troublèrent son repos. Mal récompensé de ses grands pendentifs à Saint André de la Valle et à Saint-Charles de Catenari, il resolut de quitter de Rome pour aller à Naples peindre la chapelle du Trésor. L’exemple des désagrémens qu’avoient éprouvés Guido Rheni et Giusepino de la part des peintres napolitains, ne put le détourner de cette résolution. Le désir qu’il avoit d’entreprendre de grands travaux, la mort du pape Grégoire XV, qui le privoit de son emploi d’architecte du palais apostolique, & lui enlevait l’espoir de devenir architecte de Saint-Pierre, espoir qui lui avoit fait faire de sérieuses études en’ architecture, beaucoup d’autres considérations l’engagèrent à traiter avec les envoyés de Naples, et il alla s’établir dans cette ville, avec sa famille, en 1629.

Il avoit traité à des conditions assez avantageuses, mais à peine eut-il commencé à travailler, que de furieuses cabales s’élevèrent contre lui. L’Espagnolet, quoiqu’il fût un de ses ennemis les plus modérés, se permettoit de dire que Dominiquin ne savoit pas mémo manier le pinceau, et ne méritoit pas le nom de peintre. Ce concert d’injures et de calomnies, qui alloit toujours en croissant, parvint aux oreilles de ceux qui l’avoient mis en œuvre et du vice-roi, et leur donnèrent les plus fâcheuses impressions. Troublé par toutes ces clameurs, et ne pouvant plus endurer sa position, Dominiquin, pour en sortir, n’imagina rien de mieux que de quitter Naples. Il en partit secrètement, monta à cheval suivi de son valet, et s’en vint à Rome avec une précipitation, qui anoonçoit plutôt une fuite qn’un retour prémédité, car il n’avoit eu égard ni aux chaleurs de la saison, ni aux fatigues du chemin, ni à sa famille qu’il abandonnoit.

A Naples, lorsqu’on fut qu’il s’étoit retiré de la sorte, on arrêta sa femme et sa fille, et on ne les laissa sortir de la ville qu’après que Dominiquin eut donné des assurances qu’il acheveroit ce qu’il y avoit commencé. Mais, lorsqu’environ un an après il y fut de retour, il y éprouva tant de déplaisirs, qu’il ne fit plus que languir. Ne se croyant pas même en sûreté dans sa propre maison, et au milieu de sa famille, il changeoit tous les jours de nourriture, et il n’osoit presque point manger dans la crainte du poison. Il ne put résister long-temps à cette manière d’être ; son esprit et son corps s’en trouvèrent bientôt abattus, et il mourut le 15 avril 1641, âgé seulement de soixante ans.

ZIGZAG, s. m. On appelle ainsi une suite de lignes qui forment, par leur rapprochement, des angles plus ou moins aigus.

Ainsi donne-t-on ce nom à une sorte de machine qui peut s’appliquer à divers emplois, et qui se compose de plusieurs pièces de bois ou de fer, attachées entr’elles de manière qu’elles se replient les unes sur les autres, et qu’on alonge ou qu’on raccourcit à volonté.

On donne le nom de zigzag au dessin d’une broderie, formée de la répétition de simples lignes tracées, de façon à être une succession uniforme d’angles égaux entr’eux.

Le mot zigzag s’applique, dans la fortification, à des ouvrages en boyaux de tranchée, par lesquels on communique d’une parallèle à l’autre, à couvert des feux de la place.

L’on dit d’un chemin qui présente à peu près la même figure, qu’il va en zigzag. On le dit aussi des allées d’un jardin. Voyez le mot ALLÉE.

ZOCLE. Voyez SOCLE.

Zodiacale, se dit d’une composition peinte ous sculptée, Dans Laquelle sur zodiaque non. d’un ous Figure Voyez CE MOT.

ZODIAQUE, s. m. C’est, sur les monumens, la représentation d’un des grands cercles de la sphère, où les planètes se meuvent, et qui est divisé en douze signes que le soleil parcourt tous ans.

Nom disons, sur les monumens, quoique cette eprésentation ait été et soit encore multipliée de beaucoup de façons, et figure fort souvent ailleurs que sur les édifices et les ouvrages de l’art de bâtir. C’est expliquer assez, en effet, que notre intention ne sauroit être de considérer ici le zodiaque, et d’en parler sous le rapport qu’il peut avoir avec l’astronomie.

Il y auroit toutefois une question, en cette matière, qui pourroit intéresser, d’un certain côte, l’emploi que les architectes et les décorateurs ont sait des représentations zodiacales dans les monumens ; ce seroit de savoir si cette représentation y a jamais été placée, comme devant indiquer, par l’ordre des signes, et marquer l’état du ciel à l’époque où le monument a été construit. Dans ce cas, les zodiaquesseroient des inscriptions chronologiques, qui nous donneroient la date de la construction des édifices. Mais cette conjecture, sur laquelle on avoit tenté d’élever un nouveau système de chronologie, s’est trouvée démentie par tous les savans qui l’ont examinée, et elle se trouve contredite par l’évidence des faits eux-mêmes, c’est-à-dire de l’ordre des signes, et par la certitude de l’état, beaucoup plus moderne qu’on ne l’avoit cru, des temples égyptiens où il existe des zodiaques. L’on a été amené (dit M. Letronne), par plus d’un rapprochement, à l’idée que ces zodiaques ont tous été exécutés lors de l’époque romaine.

Il est remarquable, selon le même savant, que ce soit là précisément la conséquence à laquelle on ait été conduit dans ces derniers temps, par la triple considération des inscriptions grecques, des cartouches hiéroglyphiques, et de la différence des styles. On observe d’abord qu’on ne trouve de ces zodiaques dans aucun des temples égyptiens, dont l’époque antérieure à celle des Romains ne sauroit être la matière d’un doute. Les temples de la Nubie, d’ancien style, et ceux de Thèbes, dont quelques-uns remontent à une époque très-reculée, n’en offrent aucune trace. Il en est de même de ceux de Pselcis, de Parembolé, d’Ombos et d’Apollinopolis magna, qui appartiennent au temps des Ptolémées. Quels sondonc les édifices où l’on a trouvé des zodiaques ? C’est le temple de Denderah, dont lezodiaque rectangulaire appartient (d’après l’inscription du pronaos) au temps de Tibère, sous le règne duquel ce pronaos a été bâti, et dont le zodiaque circulaire est du temps d’un autre empereur (probablement Néron). C’est le propylon d’Ackmin, qui est de la douzième année de Trajan (109 de notre ère). C’est le grand temple d’Esné, dont les sculptures sont du règne de Claude Germanicus, ce qui résulte des cartouches hiéroglyphiques. Enfin, c’est un petit temple d’Esné, dont les sculptures, au lieu de dater, comme on l’avoit cru, de trois mille ans avant Jésus-Christ, ont été exécutées au temps d’Adrien et d’Antonin, ainsi que le prouvent des indices certains, principalement une inscription grecque, tracée en gros caractères sur une face de ce temple. Ou peut donc regarder comme un point de fait, que les zodiaques qu’on voit en Egypte, ne surent point des monumens chronologiques, destinés à déterminer l’époque de la construction de leurs temples, par une représentation de l’état du ciel, en sorte qu’on eût été chercher dans les rapports du soleil avec telle ou telle constellation, la date qui devoit apprendre quand on auroit exécuté ces temples.

On a encore cherché à expliquer les représentations zodiacales, par la signification plus ou moins, probable de leurs signes, et leur rapport avec les travaux d’agriculture, selon chacun des mois de l’année. Quoiqu’il soit presqu’impossible d’assigner précisément l’origine des figures données aux constellations, on peut conjecturer, d’après les documens de l’histoire, des traditions et des fables, que ces figures auront été créées dans le but d’indiquer le retour des travaux agricoles, ou des circonstances atmosphériques importantes, comme la saison des pluies ou de la chaleur. C’est ainsi qu’on peut soupçonner, que la Vierge et son épi purent annoncer l’approche des moissons ; que la Balance signifia l’égalité des jours et des nuits ; que le Verseau et les Poissons désignèrent l’époque des inondations, etc. Le zodiaque, figuré dans ce système, auroit été une espèce de calendrier, dont les signes auroient eu pour objet, de fîxer dans l’esprit et dans la mémoire, le retour et la succession des mêmes époques, dans leurs rapports avec les travaux annuels de la campagne.

Mais on ne doit pas oublier que le zodiaque fut aussi un monument mythologique. Le premier instinct de l’homme ayant été de chercher ses dieux dans le ciel, très-naturellement les idées mystiques se mêlèrent à celles de l’astronomie. Manilius nous apprend que chacun des douze principaux dieux dela fable, présidoit à un signe du zodiaque. Presque tout ce qu’on sait de la mythologie, paroît rouler sur des allégories poétiques du ciel et des astres qui le peuplent, ainsi que sur l’influence que la superstition attribuoit au retour de certains phénomènes naturels.

Quand donc on cherche la raison la plus probable de la multiplication des représentations zodiacales, dans les ouvrages de l’antiquité et sur un grand nombre de monumens, on est porté à croire que jamais l’idée ne put venir d’eu faire, par la position des signes à l’égard du soleil, des caractères chronologiques, susceptibles de faire connoître la date des monumens, par la connoissance du siècle où ils auroient été construits.

Il n’est guère probable non plus, qu’on ait été figurer les signes du zodiaque dans de grands monumens d’architecture, soit à un plafond d’une petite chambre du temple de Tentyris en Egypte, soit au plafond du pronaos du temple du Soleil à Palmyre, pour servir, ou d’indicateur des saisons, ou de régulateur des travaux de L’agriculture. D’autres idées, d’autres croyances religieuses, superstitieuses et mythologiques, ont dû suggérer l’emploi de ces compositions.

Nous avons peut-être indiqué déjà la véritable cause de ces rôles si multipliés qu’on voit jouer au zodiaque, surtout à Rome et sous la domination romaine. Sitôt, en effet, que l’opinion fut établie et accréditée que des divinités diverses, c’est-à-dire des pouvoirs surnaturels, présidoient aux constellations, il fut naturel à l’esprit du plus grand nombre des hommes, de confondre ensemble les deux notions, ou pour mieux dire de donner à ces corps roulans sur leur tête, une ame, une intelligence et une vertu particulière. Le paganisme ne fut véritablement que cela. Ce fut là son secret. Il consistoit à donner un esprit à chaque corps, et un corps à chaque idée morale ou métaphysique. Rien de plus difficile à l’intelligence du plus grand nombre, que de concevoir la divinité dans son essence purement incorporelle.

Lorsque tous les signes de la sphère, toutes les constellations zodiacales ou extrazodiacales eurent reçu, de la main des astronomes, des figures pour les rendre sensibles, et des noms pour les distinguer, il ne fut guère possible que ces figures et ces noms ne donnassent point le change à l’esprit des ignorans, c’est-à-dire du plus grand nombre, dans l’imagination desquels ces configurations et ces dénominations firent naître l’idée d’êtres actifs, puissans et capables d’influer sur les choses humaines.

Et comment ces croyances n’auroient-elles pas pris cours ? Dès que, ainsi qu’on en convient, il s’étoit établi des rapports certains entre l’ordre des signes du zodiaque, par exemple, et l’ordre des saisons et des travaux de la campagne, rie ne put empêcher qu’on attribuât à une vertu de ces phénomènes, les variations et les effets divers que l’on voyoit arriver dans ce cours des opérations de la nature, dont les causes nous sont inconnues. Car il est naturel de vouloir toujours assigner une cause aux effets, et tout aussi naturel, lorsque cette cause est hors de notre portée, de lui en imaginer une, plutôt que d’avouer son ignorance. C’est ainsi que nous voyons encore aujourd’hui chercher dans les phases de la lune, le principe des variations du temps et de l’atmosphère.

En un mot, l’idée de l’astre et celle du dieu s’étant confondues dans la notion des constellations, il fut on ne pas plus naturel d’attribuer à l’astre les propriétés d’intelligence, de presience, et d’influence morale ou physique sur les choses humaines, qui entrent de droit dans les attributions de la divinité. De là l’astrologie judiciaire.

Son but fut, comme on le sait, de satisfaire cet instinct qui porte l’homme à vouloir pénétrer dans l’avenir, et, il faut l’avouer, jamais matière à divination ne dut exercer un moins absurde empire sur les esprits, car jamais folie ne sembla reposer sur un principe et des moyens plus imposans. Au reste, ce qu’on en peut dire s’éloigne trop de notre objet. Pour comprendre ce qui donna à cette prétendue science une telle autorité, et ce qui multiplia sur tant de monumens et de tant de manières ses représentations, il faut lire ce qu’un savant académicien (M. Letronne) a publié à ce sujet dans sesObservations critiques et archéologiques sur l’objet des représentations zodiacales qui nous restent de l’antiquité. Qu’il nous suffise d’avoir fait pressentir la principale raison qui, ayant donné une haute importance religieuse et politique à ces représentations, liées tout ensemble à la mythologie, à la science astronomique et à l’art divinatoire, en a perpétué à un tel point l’usage, qu’il en existe encore aujourd’hui quelques pratiques usuelles, et quelques opinions populaires.

Il faut dire effectivement, ainsi que l’a prouvé l’écrivain déjà cité, que le zodiaque, en tant que monument astrologique, ne paroît pas, même en Egypte, remonter à une trés-haute antiquité, puisque les édifices et les momies, où on en voit la représentation, ne datent que de l’époque de la domination romaine. L’auteur cité fait voir que chez les Grecs les opinions sur l’influence des astres, paroissent s’être bornées aux rapports météorologiques, c’est-à dire aux simples pronostics relatifs aux variations de l’atmosphère et aux pratiques de l’agriculture. Ce fut lorsque de cette divination, si l’on peut dire matérielle, l’astrologie, qu’on appela judiciaire, passa à la science divinatoire des événemens de la société, des destinées des empires et des hommes, enfin à la prophétie de tout ce que cachoit l’avenir, dans le cours des choses humaines, que l’astrologie devint une véritable religion. Ce fut aussi alors qu’elle dut s’approprier tous les moyens par lesquels les croyances superstitieuses prennent la plus grande consistance ; et parmi ces moyens, un des plus actifs est celui que les arts d’imitation leur fournissent.

En suivant l’ordre des temps, nous allons parcourir très-brièvement les représentations zodiacales, dans leur simple rapport avec l’emploi qu’en ont fait les arts du dessin, et surtout celui de l’architecture.

C’est dans l’Egypte moderne, on veut dire l’Egypte sous la domination romaine, comme cela paroît démontré, que l’on voit des zodiaques sculptés sur les murs ou autres parties des édifices sacrés. Ils y sont exécutés, tantôt en bandes longitudinales, comme au pronaos de Denderah, au propylon d’Ackmin, au grand temple et au petit temple d’Esné ; d’autres fois dans des plafonds et en forme circulaire, comme le célèbre zodiaque de Denderah, qui occupoit une petite salle en retour du pronaos dont on a parlé. Au temple d’Hermontis, on trouve de même une petite pièce, au plafond de laquelle on a sculpté une scène composée de plusieurs des symboles du zodiaque. Ce temple n’ayant point été achevé, on seroit fondé à conclure qu’il doit être d’une époque assez récente.

Le plus ancien de ces zodiaques sera celui de forme rectangulaire, appartenant au pronaos de Denderah, qui porte une inscription grecque du règne de Tibère. D’après les probabilités qu’ont


justifiées les recherches et découvertes récentes, sur les époques de l’exécution de ces monumens, le zodiaque circulaire de Denderah dateroit, comme on l’a dit, du règne de Néron.

De tous les zodiaques que nous connoissons, il est celui qui présente à l’art du dessin, dans l’ajustement de ses formes et la composition des détails accessoirs, l’ensemble décoratif le plus propre à être encore imité pour faire l’ornement d’un plafond. Voici la description que permet d’en faire le seul point de vue qui doit nous occuper ici.

Le cercle entier, inscrit dans un carré, est censé supporté par douze figures distribuées aux huit principaux points de la circonférence, les bras étendus comme pour soutenir le planisphère. Aux quatre angles du carré est une femme debout, et à chaque point milieu du cercle, entre ces femmes, on voit un groupe de deux hommes à tête d’épervier et agenouillés, qui sont dans l’attitude de soutenir le cadre du cercle. On doit le dire, il seroit difficile à un décorateur de trouver un motif à la fois plus simple et plus varié, un ensemble plus ingénieux et mieux approprié aux convenances de la surface d’un plafond, c’est-à-dire d’une couverture horizontale. Long-temps avant que des caractères beaucoup plus positifs, eussent rapproché de nous l’époque qui vit élever le monument de Denderah, il nous avoit paru que ce parti de décoration régulière, le seul je crois qu’on puisse citer au milieu des innombrables travaux hiéroglyphiques de l’Egypte, sembloit trop contraster avec les pratiques routinières de ce genre d’écriture, pour qu’on n’y sonpçonnât point un goût nouveau et une invention étrangère à l’Egypte.

Le zodiaque de Denderah, mesuré dans sa forme carrée, a sept pieds neuf pouces de développement, en tous les sens. Le diamètre du cercle intérieur est de quatre pieds neuf pouces. Le plafond sur lequel il est sculpté est formé, comme tous ceux de l’Egypte, de dalles de pierre dont l’épaisseur est de plus d’un pied. Cette pierre est du grès d’un grain fort compacte. La surface totale se divise en deux parties, c’est-à-dire en deux dalles, dont l’une comprend les trois quarts de sa largeur.

Le zodiaque, après celui de Denderah, le plus remarquable de ceux qui figurent dans les œuvres de l’architecture, nous paroît devoir être celui de palmyre, et qui est gravé pl. 19 des antiquités de cette ville.

Ce zodiaque circulaire fait partie des compartimens qui décorent le pronaos du temple du Soleil. Son cercle est aussi inscrit dans un carré formé par les lignes diverses des petits caissons remplis de rosaces, qui s’y trouvent fort multipliés. Les angles du carré dans lequel est renfermé le cercle du zodiaque, sont remplis par des aigles, dont les ailes étendues semblent former le support du cadre. Le milieu du cercle zodiacal est occupé par sept compartimens, en manière de petits caissons hexagones, qui sont remplis par les bustes de sept figures, que les dessins, trop légèrement exécutés, de M. Wood ne permettent pas de bien caractériser chacun en particulier. Toutefois, si l’on prend en considération le nombre sept, et les traits de quelques unes de ces têtes, au nombre desquelles on en distingue une avec des rayons, on n’hésitera point à penser, avec M. Letronne, que ce sont les représentations des sept planètes. D’après cette conjeccture, assez certaine, on voit que Vénus répond aux Gémeaux, le Soleil au Lion, la Lune à la Balance, Mercure au Sagittaire. Les trois autres compartimens sont occupés par trois figures à tête barbue, qui ne peuvent être que Mars, Jupiter et Saturne.

Cette correspondance des divinités astronomiques, avec les douze signes du zodiaque, se découvre et se démontre avec encore plus d’évidence, sur un monument singulier rapporté et commenté par Visconti, dans ses Monumenti Gabini. On a trouvé dans les ruines de Gabies un grand et bel autel, d’une nature toute particulière. Il consiste en un disque de marbre pentélique, lequel reposoit et étoit isolé, non pas verticalement, mais horizontalement, sur un seul pied, en marière (comme nous le dirions) de guéridon. Ce disque a trois palmes deux tiers de diamètre ; son épaisseur a un peu moins d’un palme. Le milieu de la partie superficielle du disque est creusé circulairement, et autour sont disposées, en suivant la ligne du cercle extérieur, douze têtes, vues comme couchées, et qu’on diroit des bustes d’un fort grand relief et d’une excellente exécution.

Ces douze bustes horizontaux représentent les douze grands dieux, reconnoissables, la plus grande partie, aux symboles qui les accompagnent, et ceux qui manquent d’attributs s’expliquent d’eux-mêmes par leur physionomie ou par leur réunion avec les autres.

C’est sur l’épaisseur, ou, si l’on veut, la tranche perpendiculaire de ce disque horizontal que sont sculptés les douze signes du zodiaque, et chacun est accompagné des figures ou symboles allégoriques, dont la mythologie avoit fait leurs attributs. Or, rien ne prouve mieux ce qu’on a avancé plus haut, savoir, que presque tous les zodiaques finirent par appartenir exclusivement, ou à l’astrologie, ou simplement à la mythologie, quand ils ne furent pas de vagues représentations dont les artistes se servoient, pour indiquer simplement la demeure des dieux.

Les vers de Manilius s’appliquent avec tant de précision au zodiaque mythologique de Gabies, que nous croyons devoir les rapporter :



Lanigerum Pallas, Taurum Cytherea tuetur,
Formosos Phœbus Geminos, Cyllenie Cancrum,
Tuque pater, cum matre Deum, regis ipse Leonem,
Spicifera est Virgo Cereris, fabricataque Libra
Vulcani ; pugnax Mavorti Scorpios harer,
Venantem Diana virum, sed partis equinœ
Atque angusta fovet Capricorni sidera Vesta,
Et Jovis adverso Junonis Aquarius astrum est,
Agnoscitque suos Neptunus in athere Pisces.

(Astronom. l. 2. v. 439 seqq.)

Le zodiaque fut souvent employé dans les ouvrages de l’art, chez les Romains, comme simple ornement de convention, ainsi qu’on le voit à plusieurs monumens, qui furent des cadrans solaires ou des calendriers, et quelquefois tout ensemble l’un et l’autre. Tel est le monument fort curieux appelé calendrier rustique ou calendrier Farnése. C’est un marbre carré, dont chaque face contient trois signes du zodiaque, et trois colonnes où sont marqués les noms des mois et ceux des divinités tutélaires, enfin, la longueur des heures équinoxiales et naturelles du jour et de la nuit. On sait que les heures civiles des Romains étoient différentes. Ce marbre servoit de base à un cadran solaire.

Nous trouvons sur plus d’un monument de sculpture, le zodiaque servant de cadre à une figure de Jupiter. Il y en a un de ronde bosse à la villa Albani, où le Jupiter, en fort relief, occupe le milieu d’unzodiaque vertical, supporté par une sorte d’atlas sculpté de ronde bosse.

Il nous paroît, et nous l’avons déjà fait pressentir, que les arts du dessin durent s’emparer de la représentation et de la configuration du zodiaque, comme d’un symbole devenu vulgaire, et qui étoit entendu de tout le monde, pour figurer l’idée du ciel, sans aucune prétention à la science astronomique, ni même astrologique. Ainsi nous voyons sur une très-belle agate antique (Causei Musaum Romanum, tom. I, pl. 37) le soleil représenté dans un quadrige, au milieu d’un cadre ovale, où sont gravés les douze signes du zodiaque, qui, à la vérité, peuvent sembler n’indiquer ici que la route par courue par le soleil. Mais, pour n’en pas citer de plus nombreux exemples, nous renverrons le lecteur à deux pierres gravées, où Jupiter occupe le centre d’un zodiaque circulaire. Dans l’un il est accompagné de Mars et de Mercure, et son trône est supporté par Neptune. Dans l’autre, on le voit avec une portion du globe sous les pieds ; d’un côté paroît Vénus avec l’Amour, dans l’acte de snpplians ; de l’autre côté Mercure est représenté partant, pour obéir aux ordres du dieu.

Le zodiaque, sous la main des peintres et des sculpteurs, dut effectivement devenir une figure abréviative de l’Olympe, ou de la demeure céleste des dieux. Il signifia ensuite uniquement le ciel, et ce signe emblématique fut tellement répandu, qu’il lui arriva, comme à beaucoup d’autres dont nous ignorons l’origine, de tomber dans le domaine de ce que l’on appelle la décoration ou l’ornement.

Non qu’on veuille contester que quelques souvenirs d’astrologie judiciaire n’aient pu même, au moyen âge et sous l’empire des croyances chrétiennnes, trouver encore quelques racines dans certains esprits. Toutefois, il nous paroît que l’emploi du zodiaque figuré, pour marquer le cours du soleil dans l’année, et les douze mois qui la composent, aura dû et devra toujours en perpétuer l’image. Selon cette pratique, la figure des signes du zodiaque n’est plus qu’un caractère indicatif des douze mois, et réduit à cette insignifiante destination, nous croyons qu’on peut très-réellement le considérer comme un pur ornement décoratif.

C’est ainsi qu’il faut s’expliquer sa présence parmi les sculptures des églises gothiques ; car, bien qu’il soit vrai que certains préjugés astrologiques, quoique tout-à-fait étrangers au christianisme, aient subsisté chez beaucoup de personnes, et aient pu être encore assez vivaces dans les siècles qui virent élever les églises, dont les portails présentent des figures du zodiaque, nous croyons qu’il seroit difficile de leur trouver un autre emploi que celui dont nous avons parlé. Lorsqu’on sait quel étrange mélange, l’ignorance de ces temps a fait de toutes les parties d’ornement, d’allégories fabuleuses, de détails tronqués et incohérens, enfin de toutes sortes de débris échappés à la destruction des monumens antiques ; lorsqu’on voit qu’on les copioit sans se douter de leur signification ancienne, ni même qu’ils en eussent eu jadis une, on est fort porté à croire que les images du zodiaque n’eurent pas un sort différent. Aucune représentation figurée ne fut, en effet, aussi multipliée que celle-là, et n’eut, dans les siècles derniers de l’empire romain, autant de cours, n’exerça autant, sous toutes les formes, sur toutes les matières, les procédés de tous les arts.

Pourquoi donc ces signes, connus alors de tout le monde, et qui ne pouvoient plus avoir d’autre signification générale, que celle qu’on leur donne encore aujourd’hui sur nos calendriers, ne seroient-ils pas, comme simples objets d’ornement, entrés dans les combinaisons de ces ouvriers chargés de découper, n’importe avec quoi, tous les espaces des frontispices d’églises ? Et ne voyons-nous pas les portes de bronze faites, en 1445, à Rome, pour l’ancien Saint-Pierre, par Antoine Philarète, et Simon, frère de Donatello, reproduire dans les rinceaux qui accompagnent les battans, de petits sujets mythologiques fort improprement placés là, si l’on a égard au monument, mais qui ne furent regardés que comme des détails arabesques sans aucune conséquence.


On trouve donc, entre beaucoup d’autres exemples qu’on pourroit citer, un zodiaque fort anciennement sculpté à l’une des portes latérales de l’église cathédrale d’Autun. Dupuis a décrit celui de l’église Notre-Dame à Paris, et Lalande a donné, dans les Mémoires de l’Institut, les détails du zodiaque de l’église de Strasbourg.

Si nous avions à donner ici l’histoire du zodiaque, dans son rapport avec nos temps modernes, c’est-à-dire avec l’état actuel de la science, et avec l’emploi que nos arts peuvent en faire, il faudroit faire voir qu’il est devenu tout-à-fait étranger à l’étude et aux connoissances de l’astronomie ; que l’astrologie, de quelque manière et à quelque degré qu’on l’envisage, est entièrement bannie des croyances et des opinions même les plus populaires ; qu’il ne peut avoir conservé, dans les images de nos arts, d’autre autorité que celle, dont les allégories du paganisme ont légué les traditions, aux fictions de notre poésie et à nos locutions métaphoriques.

C’est ainsi que Jean-Baptiste et Georges Mantouem, d’après Raphaël, dans son Jugement de Pâris, et traitant le même sujet, ont fait voir l’entrée du palais de Jupiter environnée d’un grand demi-cercle du zodiaque. On ne sauroit dire combien est devenu usuel l’emploi de cette représentation, appliquée aux cadrans en grand, et en plus petit aux cartels de toute espèce, qui servent d’enveloppe aux mouvemens d’une horloge. Rien, en effet, de plus analogue à la forme naturelle des cadrans horaires ; et l’on citeroit, s’il en étoit besoin, quelques-unes de ces compositions, adaptées depuis peu, par l’architecture, pour la décoration d’une horloge faisant partie d’une façade de monument public.

ZOPHORUS, zophoros en grec. Se compose de deux mots, zoon, animal, et fero, je porte. Du mot zoon en grec, qu’on traduit littéralement par animal, on ne doit point ici conclure que le zophorus ne comportoit aucune autre représentation que celle d’animaux proprement dits en français. Ce mot générique signifie qui a vie, être vivant. Dès lors, en grec, il signifioit généralement ce que nous comprenons, d’une manière spéciale, dans les ouvrages de l’art, sous le nom de figure.

Le zophorus étoit donc, entre les diverses parties de l’architecture, considérée dans la composition des ordres, la partie sur laquelle on sculptoit des figures. Cette partie étoit, et est encore ce que nous appelons la frise. Voyez ce mot.

On doit entendre en français par figures, comme on l’entendoit sans doute en grec par zoon, nonseulement des représentations d’êtres vivans, mais beaucoup d’autres qui entrent dans le domaine de l’ornement. C’est ainsi qu’on appeloit zographos le peintre, et zographia la peinture, non parce que l’un et l’autre ne représentoient que des animaux et des êtres vivans, mais parce que ces objets d’imitation étoient en tête de tous ceux que l’art savoit reproduire, ou parce que ces mots, comme beaucoup d’autres, durent leur origine et leur formation aux premières impressions que firent sur les hommes, les premiers ou les principaux ouvrages de la naissance de l’imitation.

Du reste, que le zophorus ait très-fréquemment reçu des représentations de figures d’hommes ou d’animaux, c’est ce que les restes trèsnombreux des monumens antiques nous témoignent encore aujourd’hui.

On ne sauroit dire combien il s’est conservé de figures en bas-relief, de terre cuite, qui, comme le prouvent clairement les trous de scellement qui les attachoient à la surface de la frise, en firent avec beaucoup de goût, et en même temps d’économie, l’ornement et la décoration courante. Que cet usage ait été des plus anciens, c’est ce que nous démontre le style extrêmement barbare des figures en terre cuite du zophorus d’un ancien temple, dont on fit, en 1784, la découverte à Velletri, l’ancienne Veliternum, capitale du pays des Volsques. Ces figures sont coloriées, ainsi que l’étoient presque toutes celles, qu’on multiplioit, par des moules, en terre cuite, pour l’ornement des frises.

Les collections d’antiques et les muséum sont remplis de charmans bas-reliefs en terre cuite, dont la répétition assez fréquente prouve qu’ils étoient le produit du moule. Toutes ces figures furent détachées des frises d’anciens monumens. Leur entière conservation, l’agrément de leur composition, et leur belle exécution, font regretter qu’on ne renouvelle point aujourd’hui ce procédé expéditif à la fois et économique, d’orner les édifices.

Le zophorus (ou la frise) étoit, dans la vérité, avec le fronton, la seule partie qui pût comporter l’emploi de la sculpture en figures. L’ordre dorique dut le premier contribuer à accréditer cet emploi. Les intervalles des triglyphes, qu’on appela métopes, semblèrent devoir appeler l’art de l’ornement à l’embellissement de ces espaces, surtout si, comme on le croit, le triglyphe lui-même fut un objet rapporté après coup, pour masquer les bouts des solives. Il semble, en effet, que le plus grand nombre des bas-reliefs de terre cuite dont on vient de parler, à en juger seulement par la figure quadrangulaire de leurs dimensions, furent de simples métopes.

Le zophorus (ou porte-figures) ne fut pas nécessairement, malgré le nom qu’on lui donna, orné de figures sculptées. Il étoit souvent lisse : ce qu’un fort grand nombre de monumens atteste. Vitruve nous l’apprend aussi (lib. III. cap. 3) : « Le zophorus (dit-il), au-dessus de l’epistylium (l’architrave), doit être d’un quart moins haut


que l’epistylium. Mais si l’on doit y introduire des figures, il devra alors avoir un quart en hauteur de plus que l’epistylium, pour que les sculptures y aient plus d’importance. » Item zophorus supra epistylium, quarta parte minus quam epistylium. Sin autem sigilla designari oportuerit, quarta parte altior quam epistylium, uti auctoritatem habeant sculpturœ.

Cette observation de Vitruve, qui paroît d’ailleurs fondée sur une très-bonne raison, peut trouver des exemples qui la justifient, dans un des principaux monumens de l’antiquité. On peut en effet se convaincre, sur les dessins que Stuart a donnés du temple de Minerve à Athènes, que le zophorus, ou la frise dorique de ce temple, dont les métopes sont ornées de sculptures représentant les combats des Centaures et des Lapithes, a très-réellement un quart de plus en hauteur que l’architrave.

ZOTHECA . Ce mot latin est évidemment grec et composé dans cette langue, du mot θηχη, repositorium, et ζαω, vivo, ou, ξωον, terme générique qui signifie être vivant.

Nous trouvons dans l’interprétation du mot latin, qu’il put comporter deux significations.

Selon Forcellini (au mot zotheca), il signifia petite chambre, alcove, cabinet, c’est-à-dire, dans une chambre à coucher, un petit réduit contigu, où l’on se retire pour étudier ou pour se reposer ; et l’interprète cite à l’appui de cette explication le passage suivant de Pline le jeune, liv. II, lettre 17 : Contra parietem medium zotheca perquam eleganter recedit, quoe specularibus et velis, obductis reductisve, modo adjicitur cubiculo, modo aufertur. « Vers le milieu du mur est pratiqué, avec beaucoup d’élégance, un enfoncement, qui par le moyen d’une cloison vitrée, et de rideaux qu’on ouvre ou qu’on ferme, tantôt s’ajoute à la chambre et tantôt s’en sépare. »

D’après ce passage, qui est extrêmement clair, zotheca est un petit cabinet, un petit lieu de repos pour une personne seule, car Pline ajoute qu’il n’y tenoit qu’un lit et deux chaises.

La composition du mot, comme on l’a dit, prête encore à une signification qui pourroit paroître plus précise. En effet, en faisant signifier ici au mot ξωον ce qu’il exprime dans les mots zodiaque et zophorus, figure d’êtres vivans ou d’animaux, il a semblé qu’il devoit y avoir eu un mot qui désignât jadis ces renfoncemens, qui furent si fréquens dans les édifices, et où l’on place des statues ; renfoncemens que les Modernes désignent par le mot Niche. Voyez ce mot.

Cependant, comme nous l’avons déjà fait remarquer, on ne trouve dans tout Vitruve aucune mention de ce que nous appelons niche, et dès lors les critiques n’avoient eu jusqu’ici aucune manière de traduire ce mot en latin, qui fût autorisée par quelque passage péremptoire. Les mots loculus, loculi, susceptibles de beaucoup de significations, qui expriment généra’ement l’idée d’un endroit à placer séparément divers objets, l’idée de caisse, d’étui, etc., avoient paru les plus propres à rendre l’idée de niche.

Au mot Niche nous avons annoncé, sans en rapporter les preuves, que Visconti avoit commenté, dans ses Monumenti Gabini, une inscription très-authentique trouvée dans les ruines de Gabies (voyez ce mot), où le mot zotheca signifioit indubitablement ce que nous appelons niche, en tant que réceptacle d’une statue, dans les ouvrages d’architecture. Nous allons ici faire connoître cette inscription, et rapporter sur ce mot le commentaire du célèbre antiquaire.

A. PLAVTIVS. &c..... TEMPLVM CVM
SIGNO AEREO EFFIGIE VENERIS ITEM
SIGNIS AEREIS N. IIII. DEPOSITIS IN
ZOTHECIS ET BALBIS AEREIS ET
ARAM AEREAM.

Le mot zotheca, qu’on lit dans cette inscription au datif pluriel, n’a été expliqué et traduit jusqu’à présent, que comme une sorte de synonyme des mots français petit réduit, cabinet, alcove, c’est-à-dire comme le réceptacle qui peut renfermer un être vivant, d’après l’interprétation ci-dessus donnée du mot grec ξωον, zoon, ou encore en donnant au mot ξωον la simple signification d’animal, comme une cage à contenir des animaux, et même un garde-manger.

Toutefois, comme nous l’avons déjà dit plus haut, et comme Visconti le confirme surabon-damment dans le commentaire de notre inscription, par plusieurs passages des écrivains grecs, le mot ξωον, dans un assez grand nombre de ses composés, exprima l’idée, non-seulement d’un être vivnt, mais de l’image, soit peinte, soit sculptée, soit gravée, de l’homme.

Dès lors, le mot zotheca, pris dans le sens propre et spécial du mot theca, composé avec ξωον, a dû exprimer l’idée d’un réceptacle à figures, d’un local propre à recevoir, non pas un homme vivant, mais son image ou sa statue. On peut croire que l’idée que donne le mot armoire, par lequel on a souvent traduit theca, a pu et dû même conduire à donner le même nom, à ce que nous désignons aujourd’hui par le mot niche. Effectivement, un très-grand nombre d’armoires, destinées à la conservation d’une multitude d’objets, s’offrent encore maintenant à nous, dans tous les bâtimens, comme des renfoncemens, pratiqués dans les murs, et c’est à l’instar de cette pratique très-usuelle, qu’on dut en faire de mobiles et de portatives. Toute armoire, de quelque genre qu’elle


soit, emporte avec elle l’idée de clôture au moyen des battans qu’on ferme.

Mais pourquoi n’en auroit-il pas été de même dans les plus anciens temples, aux époques surtout où les simulacres divins étoient ordinairement faits en bois, et habillés d’étoffes naturelles ou réelles? Pourquoi ces figures, et quelques autres de matières précieuses, n’auroient-elles pas été renfermées dans de véritables niches, ou adhérentes aux murs, ou mobiles, et soustraites à la vue journalière par des portes ou des battans d’armoires, ainsi qu’on le voit encore pratiqué en quelques pays, à l’égard de certaines images de dévotion?

Si très-probablement cette pratique, qui tient à l’instinct religieux, qui, chez les Modernes, avoit lieu surtout dans ce qu’on appeloit ici jadis, et qu’on appelle encore ailleurs, les trésors ; si, dis-je, cette pratique fut usuelle, il est constant que le mot theca, lieu de conservation, fut très-naturellement donné à ces réceptacles d’images révérées et de statues précieuses. Dès-lors, le même mot dut s’appliquer, ou en même temps, ou postérieurement, à tout local en renfoncement des murs, où on plaça les statues de tout genre, non plus closes, mais à découvert, comme nous le voyons et le pratiquons dans ce que nous appelons des niches.

On voit dès-lors comment la première acception du mot zotheca, dans le sens où Pline le jeune l’a employé, pour désigner le petit réduit en façon d’alcove vitrée, qui étoit un annexe du cubiculum dont il parle, correspond, par une analogie fort naturelle, à la seconde signification.

Par première acception, nous entendons simplement parler de l’ordre des deux notions dans cet article. Maintenant, lequel des deux emplois du mot, soit dans les pratiques usuelles ou domestiques de la vie, soit dans les usages religieux ou relatifs aux statues, aura précédé l’autre ? C’est ce qui nous semble aussi difficile qu’inutile à constater. Suffit qu’il y ait entre les deux acceptions des rapports communs, pour qu’on puisse en justifier l’emploi dans un sens comme dans l’autre. Si l’architecture antique n’avoit pas employé des niches dans ses bâtimens de tout genre, si même cette pratique n’étoit pas constatée par une si grande quantité d’exemples, qu’il est inutile d’en faire mention, on pourroit, ou nier ou révoquer en doute l’existence d’un mot, pour exprimer un objet qui ne nous seroit pas connu.

Mais nous avons fait voir au mot NICHE que les Anciens mirent en œuvre toutes les formes de niches connues. Ils durent donc avoir, pour désigner un objet si commun, un mot usual.

Comment maintenant se refuseroit-on à voir, dans l’inscription que nous avons rapportée, la véritable dénomination de cet objet par le mot zotheca ? Ce mot n’y est pas employé isolément ; au contraire, il est en rapport avec l’emploi de recevoir des statues de bronze. Les quatre statues de bronze étoient posées in zothecis. Signis aureis quatuor depositis in zothecis.

Ainsi la composition du mot, le sens propre des deux mots dont il est formé, l’analogie évidente entre l’acception usuelle de ces deux mots appliqués à l’un et à l’autre usage, la nécessité que l’idée et l’usage de niche, dans l’architecture antique, aient eu un mot propre et consacré, enfin l’autorité de l’inscription de Gabies, et l’opinion du savant antiquaire Visconti, tout cela nous paroît devoir mettre hors de doute que les Grecs probablement, mais particulièrement les Romains, donnèrent à la niche le nom de zotheca.