Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Devant

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Panckoucke (1p. 193).
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DEVANT de tableau ; on nomme ainsi la partie antérieure du tableau, celle qu’il présente d’abord aux yeux pour les fixer & les attacher. Les arbres, par exemple, qui sont tout à la fois la partie la plus difficile du paysage, comme ils en sont le plus sensible ornement, doivent être rendus plus distincts sur le devant du tableau, & plus confus à mesure qu’on les présente dans l’éloignement. Peut-être que les paysages d’un des plus grands maîtres de l’école françoise, du peintre des batailles d’Alexandre (Lebrun), ne sont pas l’effet qu’ils devroient faire, parce que ce célèbre artiste a employé les bruns sur le devant de ces sortes de tableaux, & qu’il a toujours placé les clairs sur le derrière. Il est donc de la bonne ordonnance de ne jamais négliger, dans les parties d’un tableau, les règles du clair-obscur & de la perspective aërienne. Ajoutons en général que le peintre ne sauroit trop étudier les objets qui sont sur les premières lignes de son tableau, parce qu’ils attirent les yeux du spectateur, qu’ils impriment le premier caractère de vérité, & qu’ils contribuent extrêmement à faire jouer l’artifice du tableau, & à prévenir l’estime en faveur de tout l’ouvrage : en un mot, il faut toujours se faire une loi de déterminer les devans d’un tableau, par un travail exact, & bien entendu. (Article de M. le Chevalier de Jaucourt dans l’ancienne Encyclopédie).

Il faut observer sur cet article que ce n’est point un défaut dans un paysage de placer les bruns sur le devant du tableau, comme l’a insinué M. de Jaucourt. On voit de très beaux soleils couchant de Claude le Lorrain & d’autres paysagistes où cette distribution est loin de nuire au tableau. Mais ce seroit en effet un défaut, en plaçant la lumière sur les fonds de ses paysages, de trop forcer les bruns sur les de-


vans, de ne les pas refletter, & de ne pas observer sur les objets qui ne sont pas frappés de la lumière, l’effet que produisent les parties lumineuses dont toute la masse de l’air est imprégnée. (L.)