Encyclopédie méthodique/Beaux-Arts/Estampe

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Panckoucke (1p. 269-270).


ESTAMPE (subst. fém.). Ce mot désigne, comme le mot Epreuve, le produit d’une planche gravée, & cependant ces deux mots ne sont pas synonymes. L’Epreuve est relative à la planche d’où elle tirée ou à d’autres Epreuves auxquelles on la compare : on dit, j’ai une belle Epreuve de telle planche ; cette Epreuve-ci est plus belle que celle-là. Le mot estampe est ordinairement pris dans un sens absolu ; voilà une belle estampe : ou il est relatif au tableau d’après lequel l’estampe a été faite ; il y a une belle estampe de la Magdelaine pénitente de le Brun.

On dit, j’ai de belles estampes ; on ne dira pas, j’ai de belles épreuves, à moins qu’on n’ajoute de quelle planche.

Le mot estampe appartient également aux produits de la gravure à l’eau-forte, au burin, à la manière noire, à la manière du crayon, du lavis, &c.

L’art de graver en estampes est, après celui de l’imprimerie, le plus utile au progrès du goût, des sciences & des arts. L’Encyclopédie, par exemple, ne s’exprimeroit qu’obscurément sur les procédés des arts dont elle donne la description, si elle n’éclairoissoit pas ces descriptions par le secours des estampes dont elle est accompagnée.

On peut nous décrire les traits, les vêtemens, l’industrie des différens peuples du monde : mais les voyageurs qui ont parcouru les diverses parties du globe ne se feroient entendre que bien imparfaitement, si des estampes ne servoient pas d’interprêtes à leurs récits.

C’est par le secours des estampes qu’un tableau, une statue qui ne peut être que dans une seule ville, se trouve, en quelque sorte, répandue dans toute l’Europe. Le tableau de la transfiguration de Raphaël, la statue de Moyse de Michel-Ange, sont à Rome ; mais, par le moyen des.estampes, l’Europe entière en connoît la composition, l’expression, & même en partie le dessin. Les originaux des antiques découvertes à Herculanum sont conservés à Naples ; mais des estampes en ont rendu la connoissance familière à tous les curieux. On voit, sans sortir d’un cabinet de Paris ou de Londres, tous les tableaux de l’Italie, de la Flandre, de la France, ceux même qui ne sont plus, toutes les ruines de la Grèce & de Rome, tous les édifices remarquables de l’Europe entière, les monumens de la Chine & de l’Inde, les villes de l’Europe & de l’Asie, les cabanes des Lapons, des Tongouses, les tentes des Kalmouks, les huttes des sauvages de l’Amérique. Toutes les plantes, tous les animaux de la terre, passent sous les yeux d’un homme qui n’a jamais quitté sa ville natale. La terre elle-même, les mers & les cieux sont fidèlement représentés par desestampes ; enfin tout ce que la vue peut saisir dans l’univers peut être, par le moyen des estampes, rassemblé dans des porte-feuilles.

Des tableaux sont détruits, des statues sont brisées, des palais, des temples sont renversés ; ils se conservent dans des estampes. La nature en convulsion a changé la Calabre ; des estampes peuvent nous montrer encore ce qu’elle fut.

Les détails des opérations qui produisent les différentes sortes d’estampes, seront consignés dans les articles qui concernent la gravure. (Article de M. Levesque.)