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Encyclopédie méthodique/Economie politique/AFRIQUE

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Panckoucke (1p. 68-71).
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AFRIQUE, l’une des quatre parties du monde. Le Dictionnaire de Géographie offre plusieurs détails auxquels nous renvoyons les lecteurs.

Comme l’Afrique joue un très-petit rôle dans le monde politique, cet article ne sera pas long. Nous aimons mieux renvoyer aux articles Barbaresques, Alger, Maroc, Fez, Tunis, ce qui regarde les peuples qui l’habitent au nord. Nous parlerons de quelques-unes des nations qui habitent le côté occidental dans des articles particuliers, & à l’art. Esclave, Nègres, du commerce des Négres & de la quantité qu’on en tire de l’Afrique.

Les modernes divisent l’Afrique en deux parties générales, qui sont le pays des Blancs & le pays des Noirs.

Le pays des Blancs comprend l’Égypte, la Barbarie, divisée en six parties, qui sont la province de Barca, les royaumes de Tunis où Tripoli est compris, & de Tremesen où est Alger, celui de Fez, de Maroc & de Dara. On met encore dans le pays des Blancs le Biledulgerid, le Zaara ou le désert.

Les provinces du pays des Noirs, situées au bord de la mer sont les suivantes ; la Nigritie, la Guinée, le Congo, la Cafrerie, la côte de Sofala, celle d’Abex, d’Ajan, de Zanguebar. Les pays au-dedans des terres sont la Nubie, l’Éthiopie ou Abyssinie, le Monoémugi, le Monomotapa. Nous parlerons de la plupart de ces pays dans des articles séparés. Voyez ci-devant, Abyssinie.

On compte parmi les îles de l’Afrique dans la Méditerranée, Pantalarée, Lampadosa, Linosa & Zerbe.

Dans la mer Atlantique il y a les Açores ou Terceres, que quelques géographes comptent parmi les îles de l’Amérique, les Canaries, les îles du Cap-Verd, les îles de la Guinée, qui sont l’île de Ferdinand-Pô, l’île du Prince, l’île de Saint-Thomas, l’île de l’Ascension & l’île de Sainte-Hélène. Vis-à-vis la côte orientale d’Afrique on trouve l’île de Madagascar, l’île de Bourbon ou Mascaregne, l’île Maurice, Zocotera. Voyez Açores, &c.

L’Afrique coupée par l’équateur en deux parties inégales, forme un triangle irrégulier, dont un des côtés regarde l’orient, l’autre le nord & le troisième l’occident.

Le côté oriental, qui s’étend depuis Suez jusqu’au Cap de Bonne-Espérance, est baigné par la mer Rouge & par l’Océan. L’intérieur du pays est peu connu ; & ce qu’on en sait ne peut intéresser ni l’avidité du négociant, ni la curiosité du voyageur, ni l’humanité du philosophe. Les missionnaires même qui avoient fait quelques progrès dans ces contrées, sur-tout dans l’Abyssinie, rebutés par les traitemens qu’ils éprouvoient, ont abandonné la conversion de ces peuples. Les côtes ne sont le plus souvent que des rochers affreux, ou des sables brûlans & arides. Celles qui sont susceptibles de quelque culture, sont partagées entre les naturels du pays, les Arabes, les Portugais & les Hollandois. Leur commerce borné à un peu d’ivoire ou d’or & à quelques esclaves, est lié avec celui des Indes Orientales.

Le côté septentrional, va depuis l’Isthme de Suez jusqu’au détroit de Gibraltar. Il a neuf cent lieues de côtes, occupées par l’Égypte & par le pays connu depuis plusieurs siècles sous le nom de Barbarie.

L’Égypte qui fut le berceau des arts, des sciences, du commerce, des gouvernemens, n’a rien conservé qui rappelle à l’esprit des savans le souvenir de sa grandeur passée. Soumise au joug despotique que l’ignorance & la superstition des Turcs lui ont imposé, elle ne paroît avoir quelque communication avec les nations étrangères par les ports de Damiete & d’Alexandrie, que pour les rendre témoins de sa décadence entière.

La destinée de l’ancienne Lybie, habitée aujourd’hui par les Barbaresques n’est pas moins étrange. Rien n’est plus obscur que les premiers âges de cette immense contrée. Le cahos commence à se débrouiller à l’arrivée des Carthaginois. Des négocians d’origine Phénicienne, bâtissent, cent trente sept ans avant la fondation de Rome, une ville dont le territoire, d’abord très-borné, embrasse peu-à-peu tout le pays connu de nos jours sous le nom de royaume de Tunis, & ensuite d’Espagne &, la plupart des îles de la Méditerranée tombent sous sa domination. Beaucoup d’autres états devoient encore grossir la masse de cette puissance énorme, lorsqu’elle fut arrêtée par les Romains. À l’époque de ce terrible choc, il s’établit entre les deux nations une guerre si acharnée & si furieuse, qu’il fut aisé de voir qu’elle ne finiroit que par la destruction de l’une ou de l’autre. Celle qui étoit dans la force de ses mœurs républicaines & patriotiques, prit, après les combats les plus savans & les plus opiniâtres, une supériorité décidée sur celle qui étoit corrompue par ses richesses. Le peuple commerçant devint esclave du peuple guerrier.

Le vainqueur resta en possession de sa conquête jusques vers le milieu du cinquième siècle. Les vandales, poussés par leur première impétuosité au-delà de l’Espagne dont ils s’étoient emparés, passèrent les colonnes d’Hercule, & se répandirent dans la Lybie comme un torrent. Ces barbares s’y seroient maintenus, s’ils eussent conservé l’esprit militaire que leur roi Genséric leur avoit donné. Après la mort de ce prince qui avoit du génie, la discipline se relâcha, & le gouvernement qui ne portoit que sur cette base s’écroula. Belisaire surprit ces peuples, les extermina, & rétablit l’empire dans ses anciens droits ; mais ce ne fut que pour un moment. Les grands hommes qui peuvent former une nation naissante, ne sauroient rendre la vigueur à une nation qui a la foiblesse de la décrépitude.

Dans le septième siècle, les sarrasins, redoutables par leurs institutions & par leurs succès, armés du glaive & de l’Alcoran, obligèrent les romains à repasser les mers, & ajoutèrent l’Afrique septentrionale aux vastes états que Mahomet venoit de fonder. Les lieutenans du calife envahirent dans la suite ces riches dépouilles ; ils érigèrent en états indépendans les provinces commises à leurs soins.

Cet ordre de choses subsistoit au commencement du seizième siècle, lorsque les mahométans d’Alger, qui craignoient de tomber sous le joug de l’Espagne, appellèrent les turcs à leur secours. La Porte leur envoya Barberousse qui, après avoir commencé par les défendre, finit par les asservir. Les bachas qui lui succédèrent, ceux qui gouvernoient Tunis & Tripoli, villes également subjuguées & opprimées, exercèrent la tyrannie la plus odieuse ; les habitans d’Alger, de Tunis & de Tripoli s’en délivrèrent ; &, ce qui est assez singulier, le même gouvernement fut adopté par les trois états. Le chef qui, sous le nom de dey, conduit la république, est choisi par la milice qui est toujours turque, & qui compose seule la noblesse du pays. Ces élections ne se font guères sans effusion de sang, & il est ordinaire qu’un homme élu au milieu du carnage, soit massacré ensuite par des gens inquiets qui veulent s’emparer de sa place ou la vendre pour s’enrichir[1]. L’empire de Maroc, qui a englouti successivement les royaumes de Fez, de Tafilet & de Sus, est héréditaire & soumis à une famille nationale ; mais il n’en est pas moins sujet aux mêmes révolutions. Le caractère atroce des souverains & du peuple est la source de cette instabilité. Voyez l’art. Maroc.

L’intérieur de la Barbarie est rempli d’Arabes qui ont les mœurs des premiers âges ; ils sont pasteurs, errants & sans domicile. Des usages choquans pour notre délicatesse, leur paroissent nobles & simples, comme la nature qui les dicte. Lorsque les plus qualifiés de ces arabes veulent recevoir un étranger avec distinction, ils vont chercher eux-mêmes le meilleur agneau de leur bergerie ; ils l’égorgent de leurs propres mains ; &, comme les patriarches de Moïse ou les héros d’Homere, ils le coupent par morceaux, tandis que leurs femmes s’occupent des autres préparatifs du repas. Tous, les enfans des deux sexes, ceux même des Scheiks & des émirs, gardent les troupeaux.

Le gouvernement & la religion ne sont pas les mêmes par-tout : il y a des chrétiens en Égypte & dans l’Abyssinie. Si le christianisme est éteint dans la Nubie, ce n’est pas depuis fort long-temps. Le mahométisme règne en plusieurs endroits ; le reste est encore plongé dans l’idolâtrie : on veut même qu’il y ait en Afrique des peuples qui n’ont aucune idée de religion.

Le gouvernement y est presque par-tout bizarre, despotique, entiérement dépendant des passions & des caprices du souverain. Ce n’est guères que sur les côtes orientales de l’Afrique que l’on trouve des formes politiques un peu moins irrégulières. Voyez Alger, Maroc, Tripoli, Tunis, &c. En général, la morale & la législation des africains sont informes, incohérentes. On ne peut fonder avec eux quelque commerce social, que sur leur foiblesse & leur cupidité.

Le sol de l’Afrique n’est pas également bon : il y a de vastes déserts ; mais on y trouve des cantons extrêmement fertiles en bleds & en fruits excellens, de plusieurs sortes. Pline assure en plus d’un endroit que dans la province de Bysacium, qui dépendoit de Carthage, un boisseau de froment, en produisoit cent cinquante.

Chacun sait que la compagnie des Indes orientales hollandoises a au Cap de Bonne-Espérance un immense jardin, dans lequel on cultive avec un extrême succès les productions de tous les climats.

Il est sûr qu’il y a en différens pays de l’Afrique, des mines d’or & d’argent. Le Monomotapa, & le Monoemugi abondent en or, si l’on doit s’en rapporter aux relations des voyageurs, qui n’en parlent cependant pas tous d’une manière également avantageuse. Il est probable que les plus véridiques sont ceux qui grossissent le moins les objets. Personne n’ignore que sur les côtes de la Guinée & des pays voisins, il se fait un grand commerce de poudre d’or. Le pays d’Ophir, où Salomon envoyoit des flottes qui enrichirent prodigieusement son royaume, est, au jugement du savant Huet, la côte de Sofala, à l’orient de l’Afrique, vis-à-vis l’île de Madagascar.

On tire du bled, des dattes & autres fruits de la Barbarie ; du vin, du sucre de Madère, des Canaries, & des îles du Cap-Verd ; de la gomme & du miel, du Sénégal ; de la poudre d’or, de l’ivoire & des épiceries, de la Guinée, du Congo, de Melinde & de l’Abyssinie. Voyez les articles Barbarie, Madère, Canaries, Cap-Verd, Sénégal, Guinée, Congo, Melinde.

Il ne se fait guères de commerce en Afrique que sur les côtes. Il y en a peu depuis les royaumes de Fez & de Maroc, jusqu’aux environs du Cap-Verd. Les établissemens sont vers le Cap & entre la rivière du Sénégal & celle de Serre-Lione dans la Guinée. Quoique d’autres nations abordent à la côte de Serre-Lione, les Anglois & les Portugais seuls y ont des établissemens. Les François font quelque commerce sur celle de Malaguette ; ils en font davantage au petit Dieppe & au grand Sestre. La côte d’Ivoire ou des Dents est fréquentée par tous les Européens. Presque tous ont aussi des comptoirs & des forts à la côte d’or. Le Cap Corse est le principal établissement des Anglois. On trafique peu à Ardre. Benin & Angola fournissent beaucoup de Négres. Si on excepte le Cap de Bonne-Espérance qui appartient aux Hollandois, on ne fait point de commerce dans la Caffrerie ; les Portugais ont des établissemens à Sofala & sur le canal de Mozambique. Les François & les Vénitiens font beaucoup d’affaires à Alexandrie ; de-là jusqu’à Gibraltar, la côte de la Méditerranée est peuplée de corsaires.

La plupart des peuples des côtes de l’Afrique sont sauvages ou barbares. « Je crois, dit Montesquieu, que cela vient beaucoup de ce que des pays presque inhabitables séparent de petits pays qui peuvent être habités. Ils sont sans industrie ; ils n’ont point d’arts ; ils ont en abondance des métaux précieux qu’ils tiennent immédiatement des mains de la nature. Tous les peuples policés sont donc en état de négocier avec eux avec avantage ; ils peuvent leur faire estimer beaucoup de choses de nulle valeur ; & en recevoir un très-grand prix ».

  1. Voyez les articles Alger, Tripoli & Tunis.