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Encyclopédie méthodique/Economie politique/AGENT

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Panckoucke (1p. 71).

AGENT. On donne le nom d’agent à celui qui fait les affaires d’une compagnie, d’un souverain, en un mot de celui qui le commet à cet effet.

On ne connoissoit, il y a deux cents ans, d’autre ministre public, après l’ambassadeur, que l’agent. Ce furent les Italiens qui inventèrent ce titre, comme Henri Etienne nous l’apprend. Les grands potentats donnèrent cette qualité aux ministres envoyés dans des cours qu’ils ne jugeoient pas dignes d’un ambassadeur. Cette qualité d’agent ne laissa pas d’être d’abord considèrable ; mais elle dégénéra à mesure que celle de résident & celle d’envoyé s’établirent.

Les puissances qui tiennent quelque rang dans l’Europe, n’ont à présent des agens nulle part, à moins que ce ne soit dans quelque ville de commerce & pour des affaires particulières.

Les électeurs & les princes de l’empire ont des agens à la cour de l’empereur, pour veiller aux procès qu’ils ont au conseil aulique ; ils prennent ordinairement ces agens parmi les procureurs de ce tribunal.

Si d’autres princes ont des agens pour faire leurs commissions particulières, comme je viens de le dire, ce ne sont que des facteurs.

Un agent n’est donc pas aujourd’hui un ministre public ; ce n’est plus qu’une espèce de procureur privé, qu’un faiseur d’affaires particulières, comme dit Wicquefort, employé de la part des princes dont les ministres ne sont pas reconnus, ou de la part des ministres publics eux-mêmes.

Piquet, conseiller de la cour des aides de Paris, qui fut agent en Suède, après le départ de Chanut, pria la reine de lui permettre de faire venir un prêtre, afin qu’on put dire la messe dans sa maison ; il représenta que depuis qu’il n’y avoit plus d’ambassadeur de France ni de Portugal à Stockholm, ni ses domestiques, ni les françois & les italiens qui étoient au service de la reine, n’avoient pu remplir les devoirs de leur religion. La reine répondit que Piquet n’avoit pas le titre nécessaire ; mais que si le roi de France vouloit lui écrire un mot, elle y consentiroit. Le baron de Rorté & Chanut n’étant que résidens en Suède, avoient fait dire la messe, sans la permission de la reine : le gouvernement porta ses plaintes ; ils ne craignirent pas de répondre que leur maison étant la maison du roi, ils y pouvoient exercer toutes les cérémonies de leur religion. Piquet n’avoit point la qualité d’agent en vertu d’une lettre de créance. Chanut en prenant son audience de congé, avoit seulement averti Christine que Piquet feroit les affaires en attendant l’arrivée d’un ministre. Quelque temps après, Piquet ayant présenté des lettres par lesquelles le roi lui donnoit la qualité de résident, la reine déclara qu’elle étoit bien aise de voir que le roi vouloit entretenir un ministre auprés d’elle.

L’agent n’est donc pas sous la protection du droit des gens, à moins qu’il n’ait des lettres de créance aussi étendues que celles des ministres du second ou du troisième ordre, auquel cas il doit jouir dés mêmes privilèges.

C’est dans ce sens seulement qu’il faut entendre la déclaration des États de Hollande, qui met les agens au nombre de ceux qui doivent jouir de la protection du droit des gens.

Un prince doit néanmoins avoir de la considération pour ces agens, pourvu que leur manière de vivre, basse & abjecte ne fasse pas honte à leurs maîtres. Cette observation n’est point inutile ; car le même Wicquefort que je viens de citer, dit avoir vu à Paris & à la Haye des agens qui tenoient auberge, & louoient des chambres garnies. Traité du droit des gens, par M. de Réal. L’ambassadeur & ses fonctions, par Wicquefort.