Encyclopédie méthodique/Logique et métaphysique/Tome I/L

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LANGAGE, s. m. Du langage i’a0ion. Les "gestes, lès mouvemens du visage 8c lies accens inarticulés,, voilà lés premiers moyens que les hommes ont eus pour se communiquer leurs pensées. Le langage qUj se forme avec ces signes se nomme langage d’action. Par le ? gestes, j’entends les mouvemens du bras, de la tête , du corps entier, qui s’éloigne ou s’approche d’un objet, «Sctoutes les attitudes que nous prenonsj’suivant les impressions qui passent jusqu’à Faîne. Le defir, le refus, le dégoût, Faversion, Sec. font exprimés parles mouvemens du bras, de la - têteôc par ceux de tout le corps ; mouvemens plus ou moins vifs, suivant Ia vivacité avec laquelle nous nous portons vers un objet, ou nous nous en éloignons

Tofs les sentimens de l’ame peuvent être exprimés par les attitudes-du corps. Elles peignent d’une manière sensible Tindifférence, Tincertitude , I’irrésolution , Tattention , la crainte ôc le désir confondus ensemble, le combat des passions tour-à-tour supérieures les unes aux autres, la confiance , la jouissance tranqui’.leôc la jouissance inquiette . le plaisir ôc la douleur , le chagrin ôc la joie , l’espérance Ôc le désespoir, la haine , Famour, la :olère, &c. Mais Télégance de ce langage est dans les mouvemens du visage, «Scprincipalement dans ceux des yeux Ces mouvemens finissent un tablesu que les attitudes n’ont fait que dégrossir ; ôc ils expriment les passions avec toutes les modifications dont elles sont susceptibles. Ce langage ne parle qu’aux yeux. II seroit donc souvent inutile ; si , par des cris, on n’appclloit pas les regards de ceux à qui Ton veut fiire connoîtrefa pensée. Ces cris sont les accens de la nature : ils varient suivant les sentimens dont nous sommes affectés ; «Sc on les nomme inarticulés , parce qu’ils se forment dans la bouche , fans être frappés ni avec la langue ni avec les lèpres. Quoique capables’de faire une vive impression sur ceux qtii les entendent , ils n’ex’ riment ceperdant nos sentimens que d’une marière impa«fyitc ; car ils n’en font connoître ni la csuse, ni ! objet, ni les modifications ; mais il* invitent à remarquer lés gestes &les.mouvemens du visage ; ôc le concours 3é ces signes achève d’expliquer ce qui n’étoit «qu’indiqué par ces accens inarticulés -Si vous réfléchissez fur les signes dont se forme le langage d’aclun ., vous rec’onnpitrez q’i'i ! ’est uneTuitéde la conformation des OTganes ; 8c vous conclurez qùeplusil y a de différence xteris la conformation des animaux, plusilyenadans leur langage d’action ; 8c que-par conséquent ils ont auffiplus de peine à s’entendre. Ceux dont la conformation est tout-à -fait différente, sont dans í’impuissance de se communiquer leurs sentimens. Le plus grand commerce d’idées est entre ceux qui étant d’une même espèce, sont conformés de Ia même manière.

Ce langage est naturel à tous les individus d’une même espèce ; cependant tous ont besoin de Tapprendre. II leur est naturel, parce que si un homme qui n’a pas l’ufage de la paro’e , montre d’un geste l’objet dont il a besoin, «Scexprime par d’autres mouvemens le désir que cet objet fait naître en lui , c’est , comme nous venons de le remarquer, en conséquence de la conformation. Mais si cet homme n’avoit pas observé ce. que son corps fait en pareil cas, il n’auroit pas appris à reconnoître le désir dans les mouvemens d’un autre. Il ne comprendroit donc pas le sens des mouvemens qu’on seroit devant lui : il ne seroit donc pas capable d’en fuire à dessein de semblables , pour se faire entendre lui même. Ce langage n’est donc pas si naturel qu’on se s.chc sms Ta voir appris. L’erreut où vous pouviez-tomber àce sujet, vient de ce qu’on est poité à croire qu’on n’a appris que ce dont on se souvient d’avoir fait une étude. IVL .is a«’oir appris n’est autre chose que savoir dans un temps ce qu’on ne íavoit pas auparavant. En effet, qu’en conséquence de votre confotmation , les circonstance, seules vous aient instruit de ce que vous ne saviez pas , ou que vous vous soyez instruit vous même , parce que vous avez étudié à dessein , c’est toujours apprendre. Puisque le Lngage d’action est une suite de îa conformation de nos organes, nous n’en avons pas choisi ses premiers signes. C’est la nature qui nous les a donnés : mais en nous ses donnant, elle nous a mis fur la voie pour en imaginer nous - mêmes. Nous pourrions par conséquent rendre toutes nos pensées avec des gestes , comme nous-les rendons avec des mots ; ôc ce langage seroit formé de signes naturels ôc de lignes artificiels. " Remarquez bien que je dis des signes artisir ciels , & que je ne dis pas des signes arbirraires ; rar il ne scudroit pas confondre ces deux choses. En effet-, qu’est-ce q’ie des signes arbitraires ? Des signes choies fans raison ôt par caprice. Ils ne seroient donc pas entendus.- Au contraire,des signes artificiels sont des signes dont le choix efê fondé en raison : ils doivent être imaginés avec Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/625 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/626 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/627 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/628 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/629 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/630 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/631 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/632 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/633 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/634 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/635 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/636 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/637 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/638 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/639 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/640 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/641 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/642 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/643 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/644 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/645 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/646 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/647 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/648 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/649 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/650 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/651 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/652 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/653 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/654 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/655 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/656 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/657 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/658 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/659 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/660 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/661 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/662 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/663 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/664 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/665 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/666 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/667 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/668 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/669 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/670 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/671 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/672 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/673 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/674 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/675 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/676 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/677 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/678 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/679 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/680 semblent être décousus 8c détachés les uns des autres : ils se suivent à la vérité, mais fans que nous remarquions la moindre liaison entr’eux : nous les voyons, pour ainsi dire, en conjonction, mais jamais en connexité. Enfin, comme nous ne pouvons nous former aucune idée de choses qui n’ont jamais affecté ni nos sens internes ni notre sentiment intérieur, il paroît inévitable de conclure que nous manquons absolument de foute idée de connexion ou de pouvoir, 8c que ces termes ne signifient rien, soit qu’on les emploie dans les spéculations philosophiques, soit qu’on en fasse usage dans la vie commune. _ Cependant il nous reste un moyen d’éviter cette conclusion ; 8c ce moyen découle d’une source que nous n’avons pas encore examiné. Un objet ou un événement naturel étant donné , l’esprit du monde le plus pénétrant ne sauroit découvrir ni conjecturer même ce qui en résultera ; il ne peut, en un mot, porter sa vue audelà de ce qui est présent à ses sens ou à fa mémoire- Supposé même que, dans un seul cas, Texpérience nous ait montré un événement à la fuite d’un autre événement, cela ne nous donnerait aucun droit de former une règle générale pour prédire çe qui doit arriver dans d’autres cas semblables. On taxerait avec raison de témérité 8c de précipitation impardonnable celui qui prétendrait juger du cours entier de la nature d’après un simple échantillon, quelqu’exact 8c quelque súr qu’il pût être. Mais dès que des événemens d’une certaine espèce ont été toujours & dans tous les cas apperçus ensemble, nous ne faisons plus le moindre scrupule de présager l’un à la vue de l’autre ; 8c nous donnons pleine carrière à ce raisonnement, qui peut seul nous certifier les choses de fait ou d’existence. Alors nommant l’un de ces objets cause, 8c l’autre effet, nous les supposons dans un état de connexion ; nous donnons au premier un pouvoir par lequel le second est infailliblement produit, une force qui opçre avec la certitude la plus grande 8c avec la nécessité la plus inévitable. On voit donc qu’un grand nombre de cas siV milaires, dans lesquels les événemens sont constamment en conjonction , fait ici ce qu’un seul de ces cas ne pourroit faire, fous quelque jour ou dans qHelqueposition qu’on Tenvúageât, c’est de nous donner Tidée d’une liaison nécessaire. Mais tous ees cas étant supposés parfaitement semblables, en quoi diffère leur pluralité de chacun d’eux pris en particulierl Toute la différence consiste en ce que la répétition fréquente des cas similaires fait naître Thabitude de concevoir les événemens dans leur ordre habituel, 8c, dès que l’un existe, persuade que l’autre existera. Cette liaison que nous sentons, cette transition habituelle qui fait passer Timagination de Tobjet qui précède à celui qui a coutume de suivre, est <dí)nc le seul sentiment, la seule impression d’après laquelle nous formons Tidée de pouvoir ótì • de liaison nécessaire. C’est-là tout le mystère. Contemplez ce sujet par toutes ses faces, je vous défie de trouver une autre origine que celle-ci. II n’y a que ce caractère pour distinguer un seul cas particulier 8c détaché, qui ne peut jamais suggérer Tidée d’une connexion , d’une collection de cas similaires qui nous la procure. La première foisque Ton voit le mouvement communiqué par Timpulsion , par exemple, dans le choc de deux billes fur le billard, on peut dire que ces deux évé¬nemens sont conjoints", mais on n’oserait pro* noncer qu’ils soient connexes : cette dernière asV scrtion ne sauroit avoir lieu qu’après avoir observé plusieurs exemples de même nature. Or quel changement est-il arrivé qui ait pu susciter cette nouvelle idée, je dis Tidée de connexion ?, Tout se réduit à ce que Ton sent actuellement ces événemens liés dans Timagination, 8c que Ton peut prédire le second à Tapparition du premier. Autant de fois que nous parlons d’une liaison d’objets, nous n’entendons que cette liaison mentale , d’où naissent les inductions, 8c par laquelle ses objets se prêtent des preuves réci-ï proques de leur existence ; conclusion un peu extraordinaire, je Tavoue, mais qui paroît très-évidente : 8c son évidence a ceci de particulier qu’elle subsisterait dans toute fa force, dût même la défiance universelle 8c le soupçon sceptique se répandre sur toutes les autres conclusions qui sont neuves 8c singulières ; car rien ne peut être plus agréable au scepticisme que de découvrir la toi— bleiie 8c les bornes étroites de la raison 8c de la, capacité humaine. Y a-t -il en effet un exemple plus frappant de. Tignorance 8c de la surprenante foibleísede Tentendement humain ì Assurément, s’il y a entre les objets un rapport dont il nous importe d’être^ instruits , c’est celui de cause 8c d’effet : c’est fur lui que sont fondés tous-nos raisonnemens quant aux choses de fait 8c d’existence ; c’est par lui que nous nous assurons uniquement des objets qui font hors de Tempire des sens 8c de la mémoire : Tufage immédiat que nous retirons de toutes nos connoissances, c’est d’apprendre à diriger les événemens futurs conformément à leurs causes. Nos pensées & nos recherches rou-r lent donc à chaque moment fur ce rapport ^cependant telle est Tiiriperfection des idées que nous en avons, qu’il est impossible de bien dé» finir ce que c’est que cause, sans emprunter cette définition de quelque chose d’étranger au sujet. Les objets similaires sont toujours joints à des objets similaires ; première, expérience qui nous sert à découvrir la cause : un objet tellement suivi d’un autre objet que tous les objets semblables au pre*. mier soient suivis â’objets semblables au second. La vue d’une cause conduit Tame , par son passage’ habituel, à l’idée de Teffet} seconde expérience qui Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/682 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/683 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/684 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/685 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/686 pensée. Cetordte est le seul qui puisse leur donner toute la clarté 8c toute la précision dont elles sont susceptibles ; 8c comme nous in’avons pas d’autre moyen pour nous instruire nous-mêmes, nous n’en avons pas d’autre pour communiquer nos connoissances. Je Tai déjà prouvé, mais j’y

reviens,.

8c j’y

reviendrai encore ; car cette vérité n’est pas assez connue ; elle est même combattue , quoique simple, évidente 8c fondamentale.

En effet, que je veuille connoître une machine, je la décomposerai, pour en.étudier séparément chaque partie. Quand j’aurai de chacune une idée exacte, 8c que je pourrai les remettre dans le même ordre où elles étoient, alors je

concevrai parfaitement cette machine, parce que je Taurai. décomposée 8c recomposée. Qu’est-ce donc que concevoir cette machine ? C’est avoir une pensée qui est composée d’autant d’idées qu’il y a de parties dans cette machine même, d’idées qui les représentent chacune exactement, 8c qui sont disposées dans 1« même ordre.

Lorsque je Tai étudiée avec cette méthode, qui est la seule, alors ma pensée ne m’offreque f des idées distinctes ; 8c elle s’analyse d’elle-même, soit que je veuille m’en rendre compte, soit que je veuille en rendre compte aux autres. Chacun peut se convaincre de cette vérité par fa propre expérience ; il n’y a pas même jusqu’au plus petites couturières qui n’en soient convaincues ;

car si, leur donnant pour modèle une robe d’une forme singulière, vous leur proposez d’en faire une semblable, eljes imgineront naturellement de défaire 8c de refaire ce modèle, pour apprendre à faire la robe que vous demandez. Elles savent donc l’analyse aussi bien que les philosophes, 8c elles en connoissent Tuti-Uté beaucoup mieux que ceux qui s’obstinent à soutenir qu’il y a une autre .méthode pour s’instruire.

Croyons avec elles qu’aucune autre méthode ne peut suppléer à l’analyse. Aucune autre ne peut répandre la même lumière : nous en aurons la preuve toutes les fois que nous voudrons étudier un objet un peu composé. Cette méthode, nous ne lavons pas imaginée , nous ne Tavons que trouvée, 8c nous ne devons pas craindre qu’elle nous égare. Nous aurions pu, avec les philosophes,

en inventer d’autres, 8c mettre un ordre quelconque entre nos idées ; mais cet ordre , qui n’auròit pas été celui de l’analyse ; auroit mis dans nos pensées la même confusion qu’il a mise dans leurs écrits ; car il semble que plus ils affichent Tordre, plus ils s’embarrassent,

  1. c moins on les entend, Ils ne savent pas que

l :analyse peut seule nous instruire ; vérité pratique connue des artisans les plus grossiers. II y a des esprits justes qui paraissent n’avoir pkri étudié, parce qu’ils ne paraissent pas avoir médité pòur s’instruire : cependant ils ont fait* des études, 8c ils les ont bien faites. Comme ils les faisoient sans dessein prémédité, ils ne songeoient pas à prendre des leçons d’aucun maî< tre-,

8c ils ont eu le meilleur de tous, la nature. C’est elle qui leur a fait faire l’analyse des choses qu’ils étudioient ; 8c le peu qu’ils savent, ils^ le

savent bien. L’instinct , qui est un guide fi sûr ; le goût qui juge si bien, 8c qui cependant juge au moment même qu’il sent ; les talens, qui ne sont eux-mêmes que le goût, lorsqu’il produit ce dont il est le juge ; toutes ces facultés sont TOUT vrage de la nature , qui, en nens-faifant ana*,

lyser à notre insu, semble vouloir nous cacher tout ce que nous lui devons. C’est elle qui inspire Thomme de génie ; elle est la muse qu’il invoque,

lorsqu’il ne sait pas d’oii lui viennent ses pensées.

II y a des esprits faux qui ont fait de grandes études. Ils se piquent de beaucoup de méthode,’ 8c ils n’en raisonnent que plus mal : c’est que, lorsqu’une méthode n’est pas bonne, plus on la fuit, plus on s’égare. On prend pour principes des notions vagues, des mots vuides de sens, on se fait un jargon scientifique -, dans lequel on croit voir Tévidence ; 8c cependant on ne fait dans le vrai ni ce qu’on voit, ni ce qu’on pense, ni cé qu’on dit. On ne sera capable d’analyser ses pensées qu’autant qu’elles seront elles-mêmes l’ouvrage de l’analyse.

C’est donc, encore une fois, par l’analyse, 8c par l’analyse seule, que nous devons nous instruire. C’est la voie la plus simple, parce qu’elle est la plus naturelle , 8c nous verrons qu’elle est encore la plus courte. C’est elle qui a fait toutes les découvertes ; c’est par elle que nous retrouverons tout ce qui a été trouvé ; tk ce qu’on nomme méthode d’invention, n’est autre chose que l’analyse.

Comment la nature nous fait observer les óbjet-ssensibles , pour nous donner des idées de différentes, espèces.

Nous ne pouvons aller que du connu à Tin» connu, est un principe bien trivial dans lathéoi rie , 8c. presqu’ignoré dans la pratique. Il semble qu’il ne soit senti que par les hommes qui n’ont point étudié. Quand ils veulent vous faire comprendre une chose que vous ne connoiffeg pas, ils prennent une comparaison dans une au-* tre que vous connoissez ; 8c s’ils ne font pas toujours heureux dans le choix des comparaisons, ils font voir au moins qu’ils sentent ce qu’il faut faire pour être entendu.

II n’en est pas de même des savans. Quoiqu’ils veuillent instruite,

ils oublient volontiers

d’aller du connu àl’inconnu.

Cependant si vous

voulez me faire concevoir des idées que je n’ai pas, il fa.ut me preridre aux idées que j’ai, Ç’eft Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/688 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/689 les espèces peuvent se multiplier ? Je réponds i | f ou plutôt la nature répond elle-même, jusqu’à c - ce que nous ayons assez de classes pour nous régler dans l’usage des choses relatives à nos bec soins : & la justesse de cette réponse est sensible , c puisque ce^ sont nos besoins seuls qui nous dé- ì terminent à distinguer des classes, puisque nous f n’imaginons pas de donner des noms à des choses c dont nous ne voulons rien faire. Au moins est-ce I ainsi que les hommes se conduisent natutellement. > II est vrai que lorsqu’ils s’écartent de la natute pour < devenir de mauvais philosophes, ils croient qu’à < force de distinctions auffi subtiles qu’inutiles, ils expliqueront tout, & ils brouillent tout. 1 Tout est distinct ; dans la nature ; mais notre ’ esprit est trop borné pour la voir en détail d’une ’ manière distincte. En vain nous analysons ; ìl reste ’ toujours des choses que nous ne pouvons ana- 1 lyscr, & que , par. cette raison, nous ne voyons que confusément. L’art de classer, si nécessaire ’ pour se faire des idées exactes, n’éclaire que les ’ points principaux

les intervalles restent dans

’ r.obscurité, & dans ces intervalles, les classes mitoyennes se confondent. Un arbre , par exemple , & un arbrisseau sont deux espèces bien distinctes. Mais un arbre peut être plus petit, un arbrisseau peut être plus grand ; & Ton arrive à une plante qui n’est ni arbre ni arbrisseau , Ou qui est tout-à-la-fois l’un & l’autre ; c’est-à-dire , qu’on ne fait plus à quelle espèce la rapporter. Ce n’est pas là un inconvénient : car demander si cette plante est un arbre ou un arbrisseau, ce n’est pas, dans le vrai, demander ce qu’elle est 5 c’est seulement demander si nous devons lui donner le nom d’arbre , ou celui d’arbrisseau. Or il importe peu qu’on lui donne l’un plutôt que l’autre : si elle est utile, nous nous en servirons & nous la nommerons plante. On n’agiterait jamais de pareilles questions, si Ton ne fupposoìt pas qu’il y a dans la nature comme dans notre esprit, des genres 8c des espèces. Voilà Tabus qu’on fait des classes : il le falloit connoître. II nous reste à obserrer jusqu’où s’étendent nos connoissances , lorsque nous classons les choses que nous étudions. Dès que nos sensations sont les seules idées que nous ayons des objets sensibles, nous ne voyons en eux que ce qu’elles représentent

au-

delà nous n’appercevons rien, & par conséquent nous ne pouvons rien connoître. II n’y a donc point de réponse à faire à ceux qui demandent, quel est le sujet des qualités du corps ? quelle est fa nature ? quelle est son essence ? Nous ne voyons pas ces sujets , ces natures, ces essences : en vain même on voudroit nous les montrer, ce seroit entreprendre de faire voir | des couleurs à des aveugles. Ce sont-Ià des mots dont nous n’avons point d’idées ; ils signifient Encyclopédie. Logique & métaphysique. Tant. I feulement qu’il y a sous les qualités quelque chose que nous ne connoissons pas. L’analyse ne nous donne des idées exactes, qu’autant qu’elle ne nous fait, voir dans les choses que ce qu’on y voit ; tk il faut nous accoutumer à ne voir que ce que nous voyons. Cela n’est pas facile au commun des hommes, ni même au commun des philosophes. Plus on est ignorant, plus on est impatíent’de juger : on croit tout savoir avant d’avoir rien observé ; tk Ton dirait que la connoissance de la nature est une espèce de divination qui se fait avec des mots. Les idées exactes que Ton acquiert par l’analyse , ne sont pas toujours des idées complettes : elles ne peuvent même jamais Têtre , lorsque nous, nous occupons des objets sensibles. Alors nous ne découvrons que quelques qualités , 8c nous ne pouvons connoître qu’en partie. Nous feroirc Tétude de chaque objet de la même manière que nous faisions celle de cette campagne qu’on voyoit des fenêtres de notre château : car il y a dans chaque objet, comme dans cette campagne, des choses principales auxquelles toutes les autres doivent se rapporter. C’est dans cet ordre qu’il les faut saisir , si Ton veut se faire des idées distinctes & bien Ordonnées. Par exemple, tous les phénomènes de li nature supposent Tétendue 8c le mouvement t toutes les fois donc que nous voudrons en étudier quelques - uns, nous regarderons Tétendue. & le mouvement comme les principales qualités des corps. Nous avons vu comment l’analyse nous fait connoître les objets sensibles, & comment les idées qu’elle nous en donne sont distinctes 8 : conformes à Tordre des choses. II faut se souvenir que cette méthode est Tunique, & qu’elle doit être absolument la même dans toutes nos études : car étudier des sciences différentes, ce n’est pas changer de méthode, c’est seulement appliquer la même méthode à des objets différens, c’est refaire ce qu’on a déjà fait ; & le grand point est de le bien faire une fois, pour le savoir faire toujours. Voilà, dans le vrai, où nous en étions, lorsque nous avons commencé. Dès notre enfance, nous avons tous acquis des connoissances : nous avons donc suivi à notre insu une bonne méthode. II ne nous restoit qu’à le remarquer, c’est ce que nous ayons fait ; & nous pouvons désormais appliquer cette méthode à de nouveaux ’ objets. Des idées des choses qui ne tombent pas fous . les sens. En observant les objets sensibles, nous noirs élevons naturellement à des objets qui ne tombent pas fous les sens, parce que, d’après les effets qu’on voit, on juge des causes qu’on aç voit pas. „ l yPPP. Le mouvement d’un corps est un effet î il a donc une cause. Il est hors de doute que cette cause existe, quoiqu’aucun de mes sens ne me la fasse appercevoir,

& je la nomme force. Ce

nom ne me la fait pas mieux connoître : je ne fais que ce que je savois auparavant, c’est que

le mouvement a une cause que je ne connois pas ; mais j’en puis parler : je la juge plus grande ou plus foible, suivant que le mouvement est plus grand ou plus foible lui-même ; & je la mesure en quelque sorte, en mesurant le mouvement. Le mouvement se fait dans Tesoace & dans le temps. J’apperçois Tespaee , en voyant les objets sensibles qui Toccupent ; tk j’apperçois la durée dans la succession de mes idées ou de mes sensations ; mais je ne vois rien d’absolu ni dans l’espace ni dans !.- temps. Les sens ne sauraient me dévoiler ce que les choses sont en elles-mêmes ; ils ne me montrent que quelques-uns des rapports qu’elles ont entre elles, & quelques-uns de ceux qu’elles ont à moi. Si je mesure Tespaee , le temps, le mouvement & la force qui le produit,

c’est que* le résultat de mes mesures se sont que des rapports : car chercher des rapports, ou mesurer, c’est la même chose. Parce que nous donnons des noms à des choses dont nous avons une idée , on suppose que nous avons une idée de toutes celles auxquelles nous donnons des noms. Voilà une erreur dont il faut Ce garantir. Il se .peut qu’un nom ne soit donné à une chose que parce que nous sommes assurés de son existence : le mot force en est la preuve. Le mouvement que j’ai considéré comme un effet, devient une cause à mes yeux, aussi-tôt que j’observe qu’il est par-tout, & qu’il produit ou,concourt à produire tous les phénomènes de la nature. Alors, je puis, en observant les loix du mouvement, étudier I’univers, comme d’une fenêtre j’étudie une campagne : la méthode est la même.

Mais quoique dans I’univers tout soit sensible, nous ne voyons pas tout ; & quoique Tart vienne au secours des sens , ils sont toujours trop foibles. Cependant, si nous observons bien , nous découvrons des phénomènes ; nous les voyons comme une fuite de causes & d’effets, former différens systèmes ; & nous nous faisons des idées exactes de quelques parties du grand tout. C’est ainíî que les philosophes modernes ont fait des découvertes qu’on n’auròit pas jugé possibles quelques siècles auparavant, & qui font présumer qu’on en peut faire d’autres.

Mais comme nous avons jugé que le mouvement a une cause , parce qu’il est un effet, nous jugerons que I’univers a également une cause, parce qu’il est un effet lui-même ; & cette cause, nous la nommerons Dieu.

II n’en est pas de ce mot comme de celui de force , dont nous n’avons point d’idée. Dieu3 il vrai t ne tombe point sous les sens ; mais il a imprimé son caractère dans les choses sensibles Î nous l’y voyons,

8c les sens nous élèvent jus-

qu’à lui.

-

t

"

En effet, lorsque je remarque que les phénomènes naissent les uns des autres, comme.une fuite d’effets & de causes, je vois nécessairement une première cause ; & c’est à Tidée de cause première que commence Tidée que je me fais de Dieu.

Dès que cette cause est première , elle est indépendante , nécessaire ; elle est toujours, &

elle embrasse dans son immensité & dans son éternité tout ce qui existe.

Je vois de Tordre dans Tunivers : j’obscrye fur-tout cet ordre dans les parties que je connois le mieux. Si j’ai de Tintelligence moi-même, je ne Tai acquise qu’autant que les idées dans mon esprit sont conformes à Tordre des choses hors de moi ; & mon intelligence n’est qu’une

copie , & une copie bien foible de Tintelligence avec laquelle ont été ordonnées les choses que je conçois, & celles que je ne conçois pasi La première cause est donc intelligente : elle a toutordonné , par-tout tk de tout temps ; tk son intelligence , comme son immensité tk son éternité , embrasse tous les temps & tous les lieux. . Puisque la première cause est indépendante ,, elle peut ce qu’elle veut ; & puisqu’elle est intelligente,

elle veut avec connoissance,

tk par

conséquent avec choix : elle est libre. Comme intelligente , elle apprécie tout ; comme libre , elle agit en conséquence. Ainsi , d’après les idées que nous nous sommes faites de son intelligence &c de fa liberté , nous nous formons une idée de fa bonté, de fa justice, de fa miséricorde , de sa providence,

en un mot. Voilà

une idée parfaite de la divinité. Elle ne vient & ne peut vénir que des sens : mais elle se développera d’autant plus que nous approfondirons mieux Tordre que Dieu a mis dans ses ouvrages. Continuation du même sujet.

Le mouvement -, considéré comme cause de quelque effet, sc nomme action. Un corps qui se meut, agit sur Tair qu’il divise & sur les corps qu’il choque : mais ce n’elt-là que Taction d’un corps inanimé.

L’action d’un corps animé est également dans le mouvement. Capables de différens mouvemens,, suivant la différence des organes dont il a été doué ,il a différentes manières d’agir ; & chaque espèce a , dans son action , comme dans son organisation , quelque chose qui lui est propre. Toutes ces actions tombent sous les sens, &c il suffit de les observer pour s’en faire une idée. II n’est pas plus difficile de remarquer comment le corps prend ou perd les habitudes : car chacun fait, par fa propre expérience, que ce qu’on a souvent répété 3 on le sait, sans avoir besoin d’y penser ; & qu’au contraire’on ne faît avec la plus même facilité ce qu’on a cessé de faire pendant quelque temps. Pour contracter une habitude, il suffit donc de faire & de refaire à plusieurs reprises ; & pour la perdre, il suffit de ne plus faire.

Ce sont les actions de l’ame qui déterminent celles du corps ; & d’après celles-ci qu’on voit, on juge de celles-là qu’on ne voit pas. Il suffit d’avoir remarqué ce qu’on fait, lorsqu’on désire ou qu’on craint, pour appercevoir dans les mouvemens des autres leurs désirs ou leurs craintes. C’est ainsi que les actions du corps représentent les actions de l’ame, & dévoilent quelquefois jusqu’aux plus scerettes pensées. Ce langage est celui de la nature : il est le premier, le plus expressif, le plus vrai ; & nous verrons que c’est d’après ce modèle que nous avons appris à faire des langues.

Les idées morales paraissent échapper aux sens : elles échappent du moins à ceux de ces philosophes qui nient que nos connoissances viennent des sensations. Ils demanderaient volontiers de quelle couleur est la vertu, de quelle couleur est le vice. Je réponds que la vertu consiste dans l’habitude des bonnes actions, comme le vice consiste dans l’habitude des mauvaises. Or ces habitudes & ces actions sont visibles.

Mais la moralité des actions est-elle une chose qui tombe sous les sens ? Pourquoi donc n’y tomberoit-elle pas ? Cette moralité consiste uniquement dans la conformité de nos actions avec les loix : or, ces actions sont visibles, & les loix le sont également, puisqu’elles sont des conventions que les hommes ont faites.

Si les loix, dira-t-on, sont des conventions, elles sont donc arbitraires. Il peut y en avoir d’arbitraires ; il n’y en a même que trop : mais celles qui déterminent si nos actions sont bonnes ou mauvaises, ne le font pas, & ne peuvent pas l’être. Elles sont notre ouvrage, parce que ce sont des conventions que nous avons faites : cependant nous ne les avons pas faites seuls ; la nature les faisoit avec nous, elle nous les dictoit, & il n’étoit pas en notre pouvoir d’en faire d’autres. Les besoins & les facultés de l’homme étant donnés, les loix sont données elles-mêmes ; & quoique nous les fassions, Dieu, qui nous a créés ; avec tels besoins & telles facultés, est, dans le vrai, notre seul législateur. En suivant ces loix conformes à sa volonté & à notre nature, c’est donc à lui que nous obéissons ; & voilà ce qui achevé la moralité des actions.

Si, de ce que l’homme est libre, on juge qu’il y a souvent de l’arbitraire dans ce qu’il fait, la conséquence sera juste ; mais si l’on juge qu’il n’y a jamais que de l’arbitraire, on se trompera. Comme il ne dépend pas de nous de ne pas avoir les besoins qui sont une suite de notre conformation, il ne dépend pas de nous de n’être


pas portés à faire ce à quoi nous sommes déterminés par ces besoins ; & si nous ne le faisons pas, nous en sommes punis.


Analyse des facultés de l’ame.


Nous avons vu comment la nature nous apprend à faire l’analyse des objets sensibles, & nous donne, par cette voie, des idées de toutes espèces. Nous ne pouvons donc pas douter que toutes nos connoissances ne viennent des sens.

Mais il s’agit d’étendre la sphère de nos connoissances. Or, si pour l’étendre, nous avons besoin de savoir conduire notre esprit, on conçoit que, pour apprendre à le conduire, il le faut connoître parfaitement. Il s’agit donc dé démêler tomes les facultés qui sont enveloppées dans la faculté de penser. Pour remplir cet objet & d’autres encore, quels qu’ils puissent être, nous n’aurons pas à chercher, comme on a fait jusqu’à présent, une nouvelle méthode à chaque étude nouvelle : l’analyse doit suffire à toutes, si nous savons l’employer.

C’est l’ame seule qui connoît, parce que c’est l’ame seule qui sent ; & il n’appartient qu’à elle de faire l’analyse de tout ce qui lui est connu par sensation. Cependant comment apprendra-t-elle à se conduire, si elle ne se connoît pas elle-même, si elle ignore ses facultés ? Il faut donc comme nous venons de le remarquer, qu’elle s’étudie, il faut que nous découvrions toutes les facultés dont elle est capable. Mais où les découvrirons-nous, sinon dans la faculté de sentir ? Certainement cette faculté enveloppe toutes celles qui peuvent venir à notre connoissance. Si ce n’est que parce que l’ame sent, que nous connoissons les objets qui sont hors d’elle, connoîtrons-nous ce qui se passe en elle, autrement que parce qu’elle sent ? Tout nous invite donc à faire l’analyse de la faculté de sentir : essayons.

Une réflexion rendra cette analyse bien facile ; c’est que, pour décomposer la faculté de sentir, il suffit d’observer successivement tout ce qui s’y passe, lorsque nous acquérons une connoissance quelconque. Je dis une connoissance quelconque, parce que ce qui s’y passe pour en acquérir plusieurs, ne peut être qu’une répétition de ce qui s’est passé pour en acquérir une seule.

Lorsqu’une campagne s’offre à ma vue, je vois tout d’un premier coup-d’œil, si je ne discerne rien encore. Pour démêler différens objets & me faire une idée distincte de leur forme & de leur situation, il faut que j’arrête mes regards sur chacun d’eux : c’est ce que nous avons déjà observé. Mais quand j’en regarde un, les autres, quoique je les voie encore, sont cependant, par rapport à moi, comme si je ne les voyois plus ; & parmi tant de sensations qui se font à-la-fois, il semble que je n’en éprouve qu’une, celle de l’objet sur lequel je fixe mes regards.

666 L O G L O G

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Ce regard est une action par laquelle mon œil tend à l’objet sur lequel il se dirige : par cette raison je lui donne le nom d’attention ; & il m’est évident que cette direction de l’organe est toute la part que le corps peut avoir à l’attention. Quelle est donc la part de l’ame ? Une sensation que nous éprouvons comme si elle étoit seule, parce que toutes les autres sont comme si nous ne les éprouvions pas.

L’attention que nous donnons à un objet, n’est donc, de la part de l’ame, que la sensation que cet objet fait sur nous ; sensation qui devient en quelque sorte exclusive ; & cette faculté est la première que nous remarquons dans la faculté de sentir.

Comme nous donnons notre attention à un objet, nous pouvons la donner à deux à-la-fois. Alors, au lieu d’une seule sensation exclusive, nous en éprouvons deux ; & nous disons que nous les comparons, parce que nous ne les éprouvons exclusivement que pour les observer l’une à côté de l’autre, sans être distraits par d’autres sensations : or, c’est proprement ce que signifie le mot comparer.

La comparaison n’est donc qu’une double attention : elle consiste dans deux sensations qu’on éprouve comme si on les éprouvoit seules, & qui excluent toutes les autres.

Un objet est présent ou absent. S’il est pré sent, l’attention est la sensation qu’il fait actuellement fur nous ; s’il est absent, l’attention est le souvenir de la sensation qu’il a faite. C’est à ce souvenir que nous devons le pouvoir d’exercer la faculté de comparer des objets absens comme des objets présens. Nous traiterons bientôt de la mémoire.

Nous ne pouvons comparer deux objets, ou éprouver, comme l’une à côté de l’autre, les deux sensations qu’ils font exclusivement sur nous, qu’aussitôt nous n’appercevions qu’ils se ressemblent ou qu’ils diffèrent. Or, appercevoir des ressemblances ou des différences, c’est juger : le jugement n’est donc encore que sensation.

Si, par un premier jugement, je connois un rapport, pour en connoître un autre, j’ai besoin d’un second jugement. Que je veuille, par exemple, savoir en quoi deux arbres différent, j’en observerai successivement la forme, la tige, les branches, les feuilles, les fruits, &c. je comparerai successivement toutes ces choses ; je ferai une suite de jugemens ; & parce qu’alors mon attention réfléchit en quelque forte, d’un objet sur un objet, je dirai que je réfléchis. La réflexion n’est donc qu’une suite de jugemens qui se font par une suite de comparaisons ; & puisque, dans les comparaisons & dans les jugemens, il n’y a que des sensations, il n’y a donc aussi que des sensations dans la réflexion.

Lorsque, par la réflexion, on a remarqué les qualités par où les objets diffèrent, on peut,


par la même réflexion, rassembler dans an seul les qualités qui sont séparées dans plusieurs. C’est ainsi qu’un poëte se fait, par exemple, l’idée d’un héros qui n’a jamais existé. Alors les idées qu’on se fait sont des images qui n’ont de réalité que dans l’esprit ; & la réflexion qui fait ces images prend le nom d’imagination.

Un Jugement que je prononce peut en renfermer implicitement un autre que je ne prononce pas. Si je dis qu’un corps est pesant, je dis implicitement que si on ne le soutient pas, il tombera. Or, lorsqu’un second jugement est ainsi renfermé dans un autre, on le peut prononcer comme une suite du premier, & par cette raison on dit qu’il en est la conséquence. On dira, par exemple : Cette voûte est bien pesante, donc si elle n’est pas assez soutenue, elle tombera. Voilà ce qu’on entend par faire un raisonnement ; ce n’est autre chose que prononcer deux jugemens de cette espèce. Il n’y a donc que des sensations dans nos raisonnemens comme dans nos jugemens.

Le second jugement du raisonnement que nous venons de faire, est sensiblement renfermé dans le premier, & c’est une conséquence qu’on n’a pas besoin de chercher. Il faudroit au contraire chercher si le second jugement ne se montroit pas dans le premier d’une manière aussi sensible ; c’est-à-dire, qu’il faudroit, en allant du connu à l’inconnu, passer par une suite de jugemens intermédiaires, du premier jusqu’au dernier, & les voir tous successivement renfermés les uns dans les autres. Ce jugement, par exemple : Le mercure se soutient à une certaine hauteur dans le tube d’un baromètre, est renfermé implicitement, dans celui ci, l’air est pesant. Mais parce qu’on ne le voit pas tout-à-coup, il faut, en allant du connu à l’inconnu, découvrir, par une suite de jugemens intermédiaires, que le premier est une conséquence du second. Nous avons déjà fait de pareils raisonnemens ; nous en ferons encore ; & quand nous aurons contracté l’habitude d’en faire, il ne nous sera pas difficile d’en démêler tout l’artifice. On explique toujours les choses qu’on fait faire : commençons donc par raisonner.

Vous voyez que toutes les facultés que nous venons d’observer, sont renfermées dans la faculté de sentir. L’ame acquiert par elle toutes ses connoissances : par elle elle entend les choses qu’elle étudie, en quelque forte, comme par l’oreille elle entend les sons : c’est pourquoi la réunion de toutes ces facultés se nomme entendement : l’entendement comprend donc l’attention, la comparaison, le jugement, la réflexion, l’imagination & le raisonnement. On ne sauroit s’en faire une idée plus exacte.


Continuation du même sujet.


En considérant nos sensations comme Jentatives, nous en avons vu naître tontes nos idées 8c-toutes les opérations de Tentendement : si nòus les considérons comme agréables ou désagréables 3 nous en verrons naître toutes les opérations qu’on rapporte à la volonté. . Quoique, par souffrir, on entende proprement éprouver une sensation désagréable, il est certain que la privation d’une sensation agréable est une souffrance plus ou moins grande. Mais il faut remarquer qu’être privé & manquer ne signifient pas la même chose. On peut n’avoir jamais joui •des choses dont on manque ; on peut même ne les pas connoître. II en est tout autrement dés choses dont nous sommes privés : non-feulement nous les connoissons, mais encore nous sommes dans Thabitude d’en jouir, ou du moins d’ima- .ginèt le plaisir que la jouissance peut promettre. Or une pareille privation est une souffrance , - qu’on nomme plus particulièrement besoin. Avoir besoin d’une chose, c’est souffrir parce qu’on , en est privé. Cette souffrance , dans son plus foible degré, est moins urie douleur qu’un état où nous ne nous trouvons pas bien, où nous ne sommes pas . à notre aise : je nomme cet état mal-aise. Le mal - aise nous porte à nous donner des mouvemens pour nous procurer la chose dont nous avons besoin. Nous ne pouvons donc pas • rester dans un parfait repos ; tk, par cette raison , le mal-aise prend- le nom d’inquiétude. Plus . nous trouvons d’obstacles à jouir , plus notre inquiétude croît ; & cet état peut devenir un- • tourment. Le besoin ne trouble notre repos ou ne produit Tinquiétude, que parce qu’il détermine les facultés du corps 8c de Tame fur les objets dont la privation nous fait souffrir. Nous nous retraçons le plaisir qu’ils nous ont fait : la réflexion nous fait juger de celui qu’ils peuvent nous faire .encore : Timagination Texagère ; 8c pour jouir, nous nous donnons tous les mouvemens dont .nous sommes capables. Toutes nos facultés se . dirigent donc sur les objets dont nous sentons Te besoiiij tk cette direction est proprement ce que nous entendons par désir. Comme il est naturel de se faire une habitude de jouir des choses agréables , il est naturel aussi de se faire une habitude de les désirer ; tk les . désirs tournés en habitudes , se nomment paffions. De pareils désirs sont en quelque sorte perma- . liens ; ou du moins , s’ils se suspendent par intervalles, ils se renouvellent à la plus légère occasion. Plus ils sont vifs, plus les passions sont violentes. Si, lorsque nous desirons une chose , nous jugeons que nous Tob’tiendrons, alors ce juge- .ment joint au désir, produit Tespérance. Un autre jugement produira la volonté : c’est celui que nous portons , lorsque Texpérience nous a fait une habitude de juger, que nous ne devons trouver aucuft obstacle à nos désirs. Je veux signifie je désire, & rien ne peut s’opposer k mon désir ; tout y doit concourir. . Telle est au propre Tacception du mot volonté. Mais on est dans Tusage de lui donner une signification plus étendue, tk Ton entend par vo- lonté 3 une faculté qui comprend toutes les habitudes qui naissent du besoin, les dé*sirs, les passions, Tespérance, le désespoir, la crainte, la confiance , la présomption , 8c plusieurs autres dont il est facile de se faire des idées. Enfin , le mot pensée , plus général encore , comprend dans son acception toutes les facultés de Tentendement & toutes celles de la volonté. Car penser c’est sentir, donner son attention , comparer, juger, réfléchir, imaginer, raisonner, désirer, avoir des passions, espérer, craindre , tkc. NOUS avons expliqué comment les facultés de Tame naissent successivement de la sensation ; 8c on voit qu’elles ne sont que la sensation qui se transforme , pour devenir chacune d’elles. Dans la seconde partie de cet ouvrage , nous nous proposons de découvrir tout Tartifice du raisonnement. II s’agit donc de nous préparer à cette recherche ; 8c nous nous y préparerons en essayant de raisonner sur une matière qui est simple 8c facile , quoiqu’on soit porté à en juger autrement, quand on pense aux efforts qu’on a faits jusqu’à présent, pour Texpliquer toujours fort mal. Ce fera le sujet du chapitre suivant. Des causes de la sensibilité & de la mémoire. II. n’est pas possible d’expliquer en détail toutes les causes physiques de la sensibilité 8c de la mémoire. Mais au lieu de raisonner d’après de fausses hypothèses , on pourroit consulter Texpérience 8c Tanalogie. Expliquons ce qu’on peut expliquer ; 8c ne nous piquons pas de rendre raison de tout. Les uns se représentent les nerfs comme des cordes tendues, capables d’ébranlemens &de vibrations ; tk ils croient avoir deviné la cause des sensations tk de la mémoire. II’est évident que cette supposition est tout-à -fait imaginaire. D’aUtres disent que le cerveau est une substance molle, dans laquelle les. esprits animaux font des traces. Ces traces se conservent

les

esprits animaux passent 8c repassent ; Tanimal est doué de sentiment tk de mémoire. Ils n’ont pas fait attention que si la substance du cerveau est assez molle pour recevoir des tracés, elle n’aura pas assez de consistance pour les conserver ; 8c ils n’ont pas considéré combien il est impossible qu’une infinité de traces subsistent dans une substance où il y a une action, une circulation con- tinuelles. C’est en jugeant des nerfs par les cordes d’un instrument, qu’on a imaginé la première hypoPage:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/694 de bien des modifi cations que nous ne saurions imaginer. ) Ces sens seraient remués par des corpuscules d’une certaine forme : ils s’instruiraient, comme les autres, d’après le toucher ; 8c ils apprendraient de lui à rapporter leurs sensations íur les objets. Mais les sens que nous avons suffisent à notre conservation : ils sont même un trésor de connoissances pour ceux qui savent en faire usage ; & si les autres n’y puisent pas les mêmes richesses , ils ne se doutent pas de leur indigence. Comment imagineraient-ils qu’on" voit dans des sensations qui leur sont communes, ce qu’ils n’y voient pas eux-mêmes ? . L’action des sens fur le cerveau rend donc Tanimal sensible ; mais cela ne suffit p2S pour donner au corps tous les mouvemens dont il í est capable ; il faut encore que le cerveau agisse fur tous les muscles 8c fur tous les organes intérieurs destinés à mouvoir chacun des membres. Or Tobscrvation démontre cette action du cetveau. Par conséquent, lorsque ce principal ressort reçoit certaines déterminations de la part des sens, il en communique d’autres à quelques-unes des parties du corps , 8c Tanimal se meut. L’animal n’auròit que des mouvemens incertains ; si Taction des sens fur le cerveau, 8c du cerveau fur les membres n’eût été accompagné d’aucun sentiment. Mû fans éprouver ni peine ni plaisir, il n’eût pris aucun intérêt aux mouvemens de son corps : il ne les eût donc pas , observés, il n’eût donc pas appris à les régler lui-même. Mais dès qu’il est invité par la peine ou par le plaisir, à éviter ou à faire certains mouvemens, c’est une conséquence qu’il se fasse une étude de les éviter ou de les faire. II compare les sentimens qu’il éprouve : il remarque les mouvemens qui les précèdent, tk ceux qui les accompagnent : il tâtonne, en -un mot ; &c après bien des tâtonnemens , il contracte enfin Thabitude de se mouvoir à fa Jvolonté. C’est alors qu’il a des mouvemens réglés. Tel est le principe de toutes les habitudes du corps. Ces habitudes sont des mouvemens réglés, qui se font en nous, fans que nous paraissions les diriger nous-mêmes ; parce qu’à force de les avoir répétés , nous les faisons fans avoir besoin d’y penser. Ce font ces habitudes qu’on nomme mouvemens naturels , actions méchaniques , instinct, & qu’on suppose faussement êtte nées avec nous. On évitera ce préjugé, si Ton juge de ces habitudes par d’autres qui nous sont devenues tout aussi naturelles, quoique nous nous souvenions «le les avoir acquises. La. première fois, par exemple, que je porte les doigts fur un clavecin, ils ne peuvent avoir que des mouvemens incertains ; mais à mesure que j’apprends à jouer de cet instrument, je me fais insensiblement une habitude de mouvoir mes doigts fur le clavier. D’abord ils obéissent avec peine aux déterminations que je veux leur faire prendre : peu-à-peu ils surmontent les obstacles ; enfin ils se meuvent d’eux-mêmes à ma volonté, ils la préviennent même, tk ils exécutent un morceau de musique, pendant que ma réflexion se porte fur toute autre chose.

Ils contractent donc Thabitude de se mouvoir suivant un certain nombre de déterminations ; tk comme il n’est point de touche par où un airnepuifle commencer, il n’est point de détermination qui ne puisse être la première d’une ’certaine suite : Texercice combine tous les jours • différemment ces déterminations ; les doigts acquièrent tous les jours plus de facilité 1 ensin, ils obéissent, comme d’eux-mêmes, à une fuite de mouvemens déterminés ; tk ils y obéissent fans effort-, fans qu’il soit nécessaire que j’y fasse attention. C’est ainsi que les organes des sens, ayant contracté différentes habitudes, íé meuvent d’eux-mêmes, tk que Tame n’a plus besoin de veiller continuellement sur eux pour en régler les mouvemens. Mais le cerveau est le premier organe : c’est un centre commun où tous se réunissent, Sc d’où même tous paraissent naître. En jugeant donc du cerveau par les autres sens, nous serons en droit de conclure que toutes les habitudes du corps passent jusqu’à lui, tk que par conséquent les fibres qui le composent, propres par leur flexibilité à des mouvemens de toute espèce, acquièrent, comme les doigts, Thabitude d’obéir à différentes suites de mouvemens déterminés. Cela étant, le pouvoir qu’a mon cerveau de me rappeller un objet, ne peut être que la facilité qu’il a acquise de se mouvoir par lui-même de la même manière qu’il étoit mû, lorsque cet objet frappoit mes sens La cause physique tk occasionnelle qui conserve ou qui rappelle les idées, est donc dans les déterminations dont le cerveau ; ce principal organe du sentiment, s’est fait une habitude , Sc qui subsistent encore , ou sc reproduisent, lors même que les sens cessent d’y concourir ; car nous ne nous retracerions pas les objets que nous avons vus, entendus, touchés, si le mouvement ne psenoit pas les mêmes déterminations que lors : que nous voyons, entendons, touchons. En un mot, Taction méchanique fuit les mêmes loix , soit qu’on éprouve une sensation, soit qu’on se souvienne seulement de Tavoir éprouvée , & la mémoire n’est qu’une manière de sentir. J’ai souvent oui demander : que deviennent íes idées dont on cesse de s’occuper ? Où se conservent-elles ?

D’où reviennent-elles, 

lorsqu’elles sc représentent à nous ?Est-ce dans Tame qu’elles existent pendant ces longs intervalles où nous n’v pensons point ? Est-ce dans le corps ? Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/696 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/697 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/698 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/699 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/700 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/701 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/702 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/703 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/704 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/705 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/706 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/707 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/708 Page:Encyclopédie méthodique - Logique, T1.djvu/709 vous connoîtrez cette quantité, lorsque vous connoîtrez la valeur du second membre de Tune ou l’autre équation. Mais le second membre de la première est égal au second membre de la seconde , puisqu’ils sont égaux l’un Sc l’autre à la même quantité exprimée par la droite. Vous pouvez par conséquent faire cette troisième équation : La gauche plus deux, égale à deux gauches moins trois. Alors il ne vous reste qu’une inconnue, la gauche ; Sc vous en connoîtrez la valeur, lorsque vous Taurez dégagée , c’est-à -dire, lorsque vous aurez fait passer toutes les connues dumème côté. Vous direz donc : Deux plus trois, égal à deux gauches moins une gauche. Deux plus trois, égal à une gauche. Cinq égal à une gauche. Le problème est résolu. Vous avez découvert que le nombre de jetons que j’ai dans la main gauche, est cinq. Dans les équations. La droite égale à la gauche plus deux, La droite égale à deux gauches moins trois, vous trouverez que sept est le nombre que j’ai dans la main droite. Or ces deux nombres, cinq tk sept, satisfont aux conditions du problême. Vous voyez sensiblement dans cet exemple comment la simplicité des expressions facilite le raisonnement ; tk vous comprenez que si Tanalyse " a besoin d’un pareil langage , lorsqu’un problême est aussi facile que celui que nous venons de résoudre , elle en a plus besoin encore, lorsque les problèmes se compliquent. Aussi Tavantage de Tanalyse en mathématiques vient-il uniquement de ce qu’elle y parle la langue la plus simple. Une légère idée de TAlgèbre suffira p’our le faire comprendre. Dans çette langue on n’a pas besoin de mots. On exprime plus par -j - , moins par— , égal par =, 8c on désigne les quantités par des lettres tk par des chiffres, x ,_par exemple, fera le nombre de jetons que j’ai dans la main droite, 8c y celui que j’ai dans la main gauche. Ainsi a—i=y -f i , signifie que le nombre de jetons que j’ai dans la main droite, diminué d’une unité, est égal à celui que j’ai dans la main gauche augmenté d’une unité ; &*-} - i —zy — z, signifie que le nombre de ma main droite augmenté d’une unité, est égal à deux fois celui de ma main gauche diminué d’une unité. Les deux données de notre problême sont donc renfermées dans ces deux équations : fí—i=y -fi, «•+-1 —iy —2, qui deviennent, en dégageant Tinconnue du premier membre,

  • =

y+2-,

  1. = 2y—3.

Des deux derniers membres de ces deux équa rions nous faisons y z=tj>>— -3 , qui deviennent successivement z^zy — y—3, 2- + 3=ZJ—ys =*y- -’ Enfin de x=y -{- z , nous tirons x «= f -t-1 =7 ; 8cde x= : zy — 3 , nous tirons également x= io’— 3 =7. Ce langage algébrique fait appercevoir d’une manière sensible comment les jugeméns sont liés les uns aux autres dans un raisonnenieíit. On vois que Je dernier n’est renfermé dans le pénultième , le pénultième dans celui qui le précède , 8c ainsi de fuite en remontant, que parce que le dernier est identique avec le pénultième, le pénultième avec celui qui le précède, 8cc. tk Ton reconnoît que cette identité fait toute l’évidence du raisonnements Lorsqu’un raisonnement se développe avec des mots, l’évidence consiste également dans Tidentité qui est sensible d’un jugement à l’autre. Eh effet, la suite| des jugeméns est la même , 8c il n’y a que Texpreffion qui change. II faut feulement remarquer que Tidentité s’apperçoit plus facilement, lorsqu’on s’énonce avec des signes algébriques. Mais que Tidentité s’apperçoive plus ou moins facilement j il suffit qu’elle se montre, pour être assuré qu’un raisonnement est une démonstration rigoureuse ; tk il ne faut pas s’imaginer que les sciences ne sont exactes, & qu’on n’y démontre à la rigueur , que lorsqu’on y parle avec des * , des a tk des b. Si quelques-unes ne paraissent pas susceptibles de démonstration, c’est qu’on est dans l’usage de les parler avant d’en avoir fait la langue, tk fans sc douter même qu’il íoit nécessaire de la faire : car toutes auroíent la même exactitude , si on les parloit toutes avec des langues bien faites. C’est ainsi que nous avons traité la métaphysique, dans la première partie de cet ouvrage. Nous n’avons , par exemple, expliqué la génération des facultés de Tame que parce que nous avons vu qu’elles sont toutes identiques avec la faculté de sentir ; 8c nos raisonnemens faits avec des mots, sont aussi rigoureusement démontrés que pourroient Têtre des raisonnemens faits avec des lettres. S’il y a donc des sciences peu exactes", ce n’est pas parce qu’on n’y parle pas algèbre , c’est parce que les langues en sont mal faites, qu’on ne s’en apperçoit pas, ou que, si Ton s’en doute, on les refait plus mal encore. Faut-il s’étonner qu’on ne sache pas raisonner, quand la langue des sciences n’est qu’un jargon composé de beaucoup trop de mots , dont les uns sont des mots vulgaires qui n’ont point de sens déterminé, Sc les autres des mots étrangers ou barbares qu’on entend mal ? 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Si la plupart dèsliommes connòissent bien-le prix de la liberté corporelle, 8c ne souffrent pas volontiers qu’on les enchaîne, Tesclavage de l’esprit est beaucoup plus rude, 8c ils ne doivent rien oublier pour s’en garantir. Les efforts continuels peuvent en venir à bout ; 8c fi , dès que l’esprit s’attache à quelque vétille ,nous l’en détournons au plus vîte, 8c que nous lui présentions quelque nouvel objet plus solide, il n’y a qu’à tenir ferme, 8c retourner plusieurs fois à la charge, on réussira tôt ou tard. D’ailleurs, quand on a fâit quelque progrès dans cet exercice , 8c qu’on peut écarter de son esprit toutes les pensées vagues qui Toccupent , il ne sera pas inutile de passer outre, 8c de méditer fur des sujets plus ímportaris, jusqu’à ce qu’on obtienne un plein pouVoir sur son esprit, & qu’on puisse transférer scs pensées d’un sujet à un autre, avec la même facilité qu’on’quitte une chosc qu’on tenoit à la main , pour en prendre une toute différente. Cette liberté de l’esprit est d’un usage merveilleux pour Texpédition des affaires 8c des études, 8c celui qui la possède ne manque presque jamais de réussir dans tout ce qu’il entreprend. Pour ce qui est de la troisième êc dernière causc, je veux dire du bruit Sc du tumulte qu’une sentence ou un proverbe fait dans la tête, cela n’arrive guères , à moins que l’esprit ne soit lâche Sc paresseux, tk qu’il ne s’occupe d’aucun objet fixe ; de sorte que, pour le délivrer de ces répétitions incommodes Sc inutiles, il n’y a qu’à mettre en usage le remède dont je viens de parler ; il faut redoubler son attention Sc lui fournir au plutôt un nouvel objet, capable de Tentretenir agréablement & d’une manière avantageuse. Encyclopédie. Logique O1 métaphysique, Tom. I. XT77