Encyclopédie méthodique/Physique/ÂPRE, ÂPRETÉ

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ÂPRE. ÂPRETÉ, (ſaveur) ſe diſent des fruits, qui, par le défaut de maturité ſuffiſante, ſont âcres & déſagréables au goût : on aſſure que l’âpreté diminue dans les fruits, à meſure que les arbres vieilliſſent.

Âpreté des ſurfaces. Ce terme déſigne une multitude de grandes aſpérités & d’inégalités plus ſaillantes qu’à l’ordinaire, dont la ſuperficie de quelques corps eſt couverte. En général, tous les corps ont à leurs ſurfaces de nombreuſes aſpérités ; le marbre & le métal le plus poli, la glace la plus belle, vus au microſcope, offrent aux yeux une très-grande quantité d’inégalités & d’aſpérités, qui ne ſont pas ſenſibles au tact. Les aſpérités de ces corps, avant que d’avoir reçu les derniers degrés de poli, ſont plus nombreuſes & plus ſaillantes ; elles le ſont bien davantage, lorſque les ſurfaces n’ont été que dégroſſies : alors ces aſpérités ſont de vraies rugoſités, & la ſurface eſt rude & âpre au toucher.

Comme il y a différens degrés de poli, il y a de même pluſieurs degrés de rudeſſe & d’âpreté ; & ce qui eſt fort âpre pour l’un, peut ne l’être pas autant pour un autre, dont le tact ſera plus émouſſé : ces deux cauſes combinées produiſent un grand nombre de variétés dans ce genre. Il en eſt de même des degrés de poli, & du jugement qu’en portent différentes perſonnes, dont l’organe du tact peut être plus ou moins délicat.

Boyle rapporte de Vermauſen, aveugle, devenu fameux par la délicateſſe & la fineſſe de ſon toucher, qu’il diſtinguoit par le tact, la plupart des couleurs : des personnes dignes de foi, m’ont aſſuré avoir vu des aveugles connoître par le tact les différentes cartes qu’on leur préſentoit. Des joueurs qui ſe ſeroient exercés à diſtinguer les couleurs & les figures des cartes, deviendraient bien redoutables : ces faits étant ſuppoſés, il paroît que chaque couleur a ſon degré ou ſon eſpèce particulière d’âpreté. Le noir paroît être la plus rude, de même qu’il eſt la plus obſcure des couleurs ; mais les autres ne ſont pas plus douces à proportion qu’elles ſont plus éclatantes ; c’eſt-à-dire, que la plus rude n’eſt pas toujours celle qui réfléchit le moins de lumière : car le jaune eſt plus rude que le bleu ; & le vert, qui eſt la couleur moyenne, eſt plus rude que l’une & l’autre.

Ce qu’on vient de dire, montre combien il ſeroit à ſouhaiter qu’on perfectionnât par l’habitude le tact dans les enfans : M. Hauï eſt entré dans ces vues, & a formé à Paris un établiſſement bien utile, dans l’inſtitution des aveugles nés, auquel il apprend journellement à lire dans les livres faits à leur uſage, la géographie, à imprimer, &c. Voyez l’article Tact.