Encyclopédie méthodique/Physique/ALGÈBRE

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ALGÈBRE ; c’eſt la ſcience du calcul des grandeurs conſidérées généralement. Pour cet effet, on repréſente les différentes quantités qu’on veut ſoumettre au calcul par des ſignes très-univerſels : comme ces ſignes ſont néceſſairement arbitraires, on a choiſi les lettres de l’alphabet & quelques caractères, leſquels n’ayant aucune valeur, ou ſignification déterminée, peuvent déſigner toute eſpèce de quantité, une grandeur quelconque. Dans l’arithmétique les caractères numériques, 1, 2, 3, 4, &c. ont une valeur & une ſignification déterminée, 3, par exemple, déſigne 3 unités ; mais les caractères algébriques, a, b, c, d, e, &c. n’expriment que des grandeurs en général, dont la valeur n’eſt point déterminée : C ne ſignifie pas plus 3 que 4 & 5, que 1 000, ou 100 000, ou mille millions, &c. ce qui est très-avantageux.

Cette grande généralité des caractères algébriques ne doit pas être conçue avec plus de difficulté, que l’efpèce de généralité moins étendue des caractères numériques ; car, ſi ces derniers ſont déterminés, quant au nombre, ils ne le ſont aucunement par rapport à la nature des objets, aux eſpèces de grandeurs qu’ils repréſentent. Ainsi, 1, 2, 3, peuvent déſigner 1, 2 ou 3 ſols, livres, louis, centaines de livres, &c. deux ou trois maiſons, arbres, moutons, chevaux, &c. Si l’arithméticien n’examine point, lorſqu’il opère ſur les nombres, quelle eſt la nature des objets repréſentés ; de même l’algébriſte, en calculant les quantités générales ou les ſymboles, dont ils ſont les expreſſions, ne recherche aucunement quelle eſt la valeur déterminée des caractères a, b, c, d, &c. qu’il emploie. En ajoutant a & b, il a pu ajouter auſſi-bien 1, & 2, que 4 & 7, que 30 & 157, &c. & les réſultats des calculs ſeront toujours bons pour tous les cas imaginables.

Nous nous ſommes un peu étendus ſur cette exposition, parce que les personnes qui ne connoiſſent pas l’algèbre, ont ordinairement un préjugé contre elle, la regardant comme une ſcience difficile : & que cette première difficulté qu’ils éprouvent à en concevoir la nature, les décourage quelquefois. L’algèbre n’eſt qu’une arithmétique univerſelle, ainſi que l’a dit Newton. On opère ſur les lettres de l’alphabet comme ſur les nombres ; on fait de part & d’autre des additions, des ſouſtractions, des multiplications, des diviſions, des extractions de racines quarrées, cubiques, &c. &c. Mais la principale partie de cette ſcience s’occupe de la ſolution des problèmes. C’eſt dans les traités de mathématique qu’on trouve par-tout, qu’il faut chercher les règles qui enſeignent à faire les différentes opérations algébriques ; les expoſer ici, ce ſeroit s’occuper d’un objet étranger : d’ailleurs, on les trouvera dans le dictionnaire de mathématique, faiſant partie de l’Encyclopédie par ordre des matières.

C’eſt à Diophante, auteur grec, qu’on attribue ordinairement l’invention de l’algèbre ; il ne reſte que ſix des treize livres qu’il compoſa ſur cette ſcience. Ils fûrent publiés en 1575 par Xilander, & enſuite commentés par Bachet & Fermat. Quelques-uns croient que c’eſt des Indiens, des Perſes & des Arabes que nous tenons l’algèbre. Luc Paciolo, Stifelius, Ferrei, Tartaglia, Cardan & Bombelli, cultivèrent ſucceſſivement cette ſcience ; Viete vint enſuite, & on peut dire, avec M. l’abbé de Gua de Malves, que ce grand géomètre fit lui seul autant d’honneur à la France, que tous les auteurs dont on vient de faire mention, en avoient fait ensemble à l’Italie. « Il n’eſt preſque aucune ſcience qui n’ait dû au grand Deſcartes quelque degré de perfection, mais l’algèbre & l’analyſe lui ſont encore plus redevables que toutes les autres. » Si on deſire de plus grands détails ſur ce ſujet, on peut conſulter un excellent mémoire de M. l’abbé de Gua, imprimé parmi ceux de l’académie des ſciences de Paris, année 1741.