Encyclopédie méthodique/Physique/ALKALI

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ALKALI. On donne le nom d’alkali à toute ſubſtance en qui on remarque une ſaveur âcre ou cauſtique & brûlante, une odeur urineuſe, qui verdit le ſirop de violette, qui rend les huiles miſcibles à l’eau, fait efferveſcence avec les acides, & forme avec eux des ſels neutres de différentes eſpèces ; il ſe fond encore à une chaleur modérée ; & mêlée alors avec le quartz & les ſubſtances quartzeuſes, il forme du verre. Un ſeul de ces caractères ne ſuffit pas, leur concours n’eſt pas néceſſaire pour reconnoître un alkali, mais il faut la réunion de pluſieurs pour être aſſuré qu’une ſubſtance dont on veut connoître la nature eſt un vrai Alkali. Voyez Acide.

Il y a deux ſortes d’Alkali, l’alkali fixe & l’alkali volatil : le premier eſt ainſi nommé parce qu’étant en fuſion ſur le feu, il y conſerve ſa fixité, bien loin de ſe volatiliſer, même au foyer d’un verre ardent, d’une loupe ou d’un miroir concave ; il n’y exhale pas non plus une odeur caractériſée. Au contraire le ſecond ſe réduit facilement en vapeurs & donne une odeur très-piquante, qui l’a fait appeler par pluſieurs ſel urineux.

L’alkali fixe eſt regardé par une partie des chimiſtes comme compoſé d’acide, de terre & de phlogiſtique ; mais les pneumatiſtes rejetant le phlogiſtique comme un être chimérique, ſont bien éloignés de croire que telle ſoit la compoſition de cet alkali. Voyez les chimiſtes modernes.

On diviſe l’alkali fixe en deux eſpèces, l’alkali minéral ou ſoude & l’alkali végétal ou potaſſe.

L’alkali minéral eſt ainſi nommé parce qu’il conſtitue la baſe du ſel marin qu’on claſſe dans le règne minéral. On le trouve naturellement en pluſieurs endroits, en Égypte, en Syrie, dans la Babilonie, &c. &c. dans la terre ou ſur des pierres, & on lui donne alors le nom de natron ou alkali terreux ; on l’emploie pour faire du ſavon & du verre. Celui qu’on retire de quelques eaux thermales ou minérales, eſt appellé alkali de fontaine. L’alkali fixe des murs ou mural ſe forme ſur les murs des maiſons.

On retire encore l’alkali minéral ou ſoude des plantes marines par la combuſtion. Sur les côtes de Languedoc & de Provence principalement croît en abondance & ſpontanément une plante nommée ſalicor qu’on laiſſe ſécher après l’avoir coupée, qu’on réunit en divers monceaux qu’on laisse brûler pendant pluſieurs jours, & qui donne enſuite, par ce ſimple procédé, une maſſe de ſel alkali, qu’on nomme pierre de ſoude, à cauſe de ſa peſanteur & de ſa dureté ; en cet état, elle entre enſuite dans le commerce. La ſoude d’Alicante eſt d’une qualité ſupérieure, & ſe retire de la même manière d’une plante de ce genre, nommée barille en Eſpagne. Lorſque l’alkali minéral eſt dans un état de pureté il criſtalliſe en octaèdres rhomboïdaux ; mais ceux qu’on obtient par les procédés qu’on vient de décrire, ne ſont pas purs ; ils approchent plutôt de l’état des ſels neutres à cauſe du gaz acide carbonique avec lequel ils ſont combinés. Pour les débarraſſer de ce gaz, on diſſout l’alkali dans l’eau, on y fait éteindre de la chaux vive qui s’empare de ce gaz acide carbonique contenu dans l’alkali, & lui donne en échange ſon calorique. Voyez Calorique. Cet alkali ainſi dépouillé de ſon acide carbonique, ne fait plus efferveſcence avec les acides, il eſt alors plus cauſtique, & ſe nomme alkali cauſtique. Cet alkali deſſéché forme la pierre à cautère dont la vertu corroſive dépend de l’avidité avec laquelle elle s’empare de l’humidité.

L’alkali végétal eſt retiré par la combuſtion des ſubſtances végétales. On nomme ſel de tartre celui qu’on obtient du tartre de vin ; on appelle cendres gravelées celui qu’on retire de la lie du vin qu’on a d’abord deſſéchée, enſuite brûlée & leſſivée ; ſa couleur eſt ordinairement verdâtre : l’alkali que l’on extrait de la leſſive de bois de différentes eſpèces, porte aſſez ordinairement le nom de ſalin ; calciné & ſéparé des ſubſtances hétérogènes qui lui donnent une couleur griſâtre ou un peu noirâtre, il eſt appelé potaſſe : il nous en vient beaucoup d’Allemagne. La propriété qu’a l’alkali de ſe combiner avec les ſubſtances graiſſeuſes & de les rendre ainſi ſolubles dans l’eau, eſt cauſe qu’on emploie les cendres de nos cheminées pour nettoyer le linge. Il eſt encore en uſage dans les verreries & les ſavonneries.

On donne le nom d’alkali extemporané à celui qu’on obtient en faiſant fuſer le ſalpêtre ſur les charbons ; dans cette opération l’acide ſubit une décompoſition & ſe diſſipe enſuite par la volatiſation.

Une différence remarquable qu’on obſerve entre les alkalis fixes minéraux & les alkalis fixes végétaux, c’eſt que ceux-ci ſont déliqueſcens, ſe fondent à l’humidité de l’air, ce qu’on nomme proprement tomber en défaillance ; ceux-là au contraire réſiſtent à l’humidité de l’air, y effleuriſſent, s’y deſſèchent & y perdent leur eau de criſtalliſation. L’alkali minéral de plus criſtalliſe en octaèdres rhomboïdaux, comme on l’a dit, & eſt encore plus propre à la vitrification.

Le procédé qu’on emploie pour retirer des plantes l’alkali, eſt ſimple. Après avoir fait brûler les plantes en plein air & les avoir réduites en cendres ; on leſſive celles-ci juſqu’à ce que l’eau qui en ſort ſoit inſipide ; enſuite on fait évaporer cette eau juſqu’à ſiccité ſur un bain de ſable, & ce qui reſte au fond de la capſule ou du vaiſſeau eſt l’alkali qu’on purifie après par les procédés connus.

L’alkali volatil ou ammoniac de la nouvelle nomenclature, eſt un ſel qui n’eſt point fixe au feu, mais qui s’y volatiliſe ainſi que son nom l’indique ; il a une odeur très-violente ; il eſt âcre, cauſtique & brûlant, il fait efferveſcence avec tous les acides, il change en verd toutes les couleurs bleues & violettes des végétaux, & donne une belle couleur bleue à la ſolution du cuivre. Quoique pluſieurs de ces propriétés conviennent à l’alkali fixe, il en eſt une ſur-tout qui le caractériſe, c’eſt ſa volatilité. On trouve, à la vérité, l’alkali volatil dans les trois règnes, dans les règnes minéral, végétal & animal ; mais il eſt à préſent très-probable que les pierres & les terres dont on le retire, ne le doivent qu’à des décompoſitions végétales & animales, ainſi les pétrifications, les tufs, les concrétions tofacées, les ardoiſes ſur leſquelles on voit des empreintes de fougères ou de poiſſons ; les pierres qui ſont compoſées des détrimens des coquilles & de madrépores, &c. Les terres qui ſont les produits de la pulvérulence de différentes pierres, & qui contiennent beaucoup de ſubſtances végétales décompoſées, &c. ces ſubſtances minérales fourniſſent par la diſtillation de l’alkali volatil.

On trouve encore l’alkali volatil dans pluſieurs genres de plantes, principalement dans la famille des plantes crucifères, & en très-grande quantité dans le cochléaria & dans le creſſon de fontaine ; c’eſt ce qui leur a fait donner le nom impropre de plantes animales.

Mais c’esſ ſur-tout le règne animal qu’on doit regarder comme la ſource de l’alkali volatil On en retire une très-grande quantité de toutes les parties des animaux par le moyen de la diſtillation : les cornes en donnent abondamment ; la putréfaction des matières animales en fourniſſent beaucoup. Cet alkali volatil ne ſe trouve pas toujours formé dans les ſubſtances d’où on les retire, ſouvent il eſt le réſultat de la combinaiſon des principes qui le conſtituent, combinaiſon qui eſt opérée dans la diſtillation & putréfaction.

L’alkali volatil dont on ſe ſert ordinairement, eſt un produit de la décompoſition du ſel ammoniac. On l’obtient en mêlant parties égales de chaux vive en poudre & de ſel ammoniac dans une cornue à laquelle on adapte l’appareil de Woulfe ; l’alkali, à meſure qu’il ſe dégage ſous forme de gaz, ſe combine avec l’eau des flacons où il eſt forcé de paſſer par des ſyphons de verre bien luttés à l’orifice de ces vaiſſeaux. On obtient le gaz alkalin qui ſe dégage par la décompoſition de ſel ammoniac par la chaux vive, en recevant le produit dans l’appareil au mercure, voyez Gaz alkalin, Gaz alkali volatil & Appareil au mercure.

L’alkali volatil fluor, ou combiné avec l’eau, eſt très-efficace dans les aſphixies ; il agit alors plutôt comme irritant que comme ſpécifique. Voyez Gaz acide carbonique.