Encyclopédie méthodique/Physique/AUTOMATE

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AUTOMATE. On doit entendre, par ce mot, une machine repréſentant une figure humaine ou celle de quelqu’animal, qui renferme en elle-même le principe de ſes mouvemens ; de telle ſorte qu’après avoir été montée, elle n’ait beſoin, pour agir, d’aucun secours étranger. Il y en a qui ont défini l’automate une machine qui eſt miſe en jeu par des reſſorts, des poids ou autre puiſſance, & qui a en elle-même le principe de ſon mouvement, en ce ſens, les montres, les horloges, les ſphères mouvantes, les tableaux mouvans & toutes les machines qui ſont mues par des reſſorts, &c., ſeroient des automates ; mais l’uſage nous paroît avoir reſtreint la ſignification d’automate, aux machines qui, ayant la forme de l’homme ou des animaux, & contenant un moteur intérieur & mécanique, exécute des mouvemens & des opérations qui ſont propres à l’homme ou aux animaux. Les montres & les horloges doivent être rangées parmi les machines compoſées.

Les anciens, s’il faut en croire l’hiſtoire, ont imaginé & exécuté des automates ; Architas, philosophe grec, fit un pigeon automate qui imitoit le vol des oiseaux, ſoutenoit ſon vol aſſez long-temps & s’abattoit enſuite avec facilité, & ces effets étoient produits par l’emploi d’un reſſort diſpoſé avec art dans l’intérieur du corps. Albert-le-Grand conſtruiſit un automate de figure d’homme, qui parloit & qui alloit ouvrir la porte lorſqu’on frappoit.

Les modernes ont rendu probable, par leurs ouvrages, ce qu’on avoit dit des automates anciens ; & ils les ont de beaucoup ſurpaſſé. M. de Vaucanſon, ſur-tout, & ceux qui ſont venus après lui ne laiſſent aucun doute ſur cet objet. Nous parlerons des uns & des autres.

M. de Vaucanſon, en 1733, fit voir à Paris ſon flûteur automate, qui jouoit avec une préciſion ſurprenante, une ſuite d’airs différens, par le moyen du mouvement des lèvres & par celui des doigts. En 1741, il montra son joueur de tambourin qui, en faiſant uſage de ſa bouche & d’une de ſes mains, jouoit du flageolet, & de l’autre du tambourin. Le canard automate, parut en même temps : il prenoit du grain avec le bec, l’avaloit, le trituroit intérieurement, & le rendoit enſuite ſous forme d’excrémens chauds & fumans. Une grande partie de l’Europe fut témoin, pendant les années ſuivantes, des effets étonnans de ces trois automates ; par-tout on courut en foule pour voir ces prodiges de l’art, & on admira le genre créateur de ce célèbre méchanicien.

1o. Le flûteur automate, qui étonna même les plus habiles méchaniciens, produiſoit un grand nombre de mouvemens très-variés, & jouoit une ſuite d’airs de flûte ; cependant, comme on le penſe bien, tous ces mouvemens étoient déterminés & arrivoient dans des périodes de temps réglées ; ils étoient exécutés avec une précision ſingulière & une imitation ſi parfaite des mouvemens du plus habile joueur de cet inſtrument (M. Blavet), qu’on ſera charmé d’en trouver ici la deſcription qui mérite d’être conſervée.

La figure de cet automate étoit de cinq pieds & demi de hauteur environ, aſſiſe ſur un bout de roche, placé ſur un piédeſtal carré, de quatre pieds & demi de haut, ſur trois pieds & demi de large.

À la face antérieure du piédeſtal (le panneau étant ouvert), on voit à la droire un mouvement qui, à la faveur de pluſieurs roues, fait tourner en-deſſous un axe d’acier de deux pieds ſix pouces de long, coudé en ſix endroits dans ſa longueur, par égale diſtance, mais en ſens différens. À chaque coude ſont attachés des cordons qui aboutiſſent à l’extrémité des panneaux ſupérieurs de ſix ſoufflets de deux pieds & demi de long, ſur ſix pouces de large, rangés dans le fond du piédeſtal, où leur panneau inférieur eſt attaché à demeure ; de ſorte que l’axe tournant, les ſix ſoufflets ſe hauſſent & s’abaiſſent ſucceſſivement les uns après les autres.

À la face poſtérieure, au-deſſus de chaque ſoufflet, eſt une double poulie, dont les diamètres ſont inégaux ; ſavoir, l’un de trois pouces & l’autre d’un pouce & demi ; & cela pour donner plus de levée aux ſoufflets, parce que les cordons qui y ſont attachés, vont ſe rouler ſur le plus grand diamètre de la poulie, & ceux qui ſont attachés à l’axe qui les tire, ſe roulent ſur le petit.

Sur le grand diamètre de trois de ces poulies du côté droit, ſe roulent auſſi trois cordons qui, par le moyen de pluſieurs petites poulies, aboutiſſent aux panneaux ſupérieurs de trois ſoufflets, placés ſur le haut du bâti, à la place antérieure & ſupérieure.

La tenſion qui ſe fait à chaque cordon, lorſqu’il commence à tirer le panneau du ſoufflet où il eſt attaché, fait mouvoir un levier placé au-deſſus entre l’axe & les doubles poulies, dans la région moyenne & inférieure du bâti. Ce levier, par différens renvois, aboutit à la ſoupape qui ſe trouve au-deſſous du panneau inférieur de chaque ſoufflet, & la ſoutient levée, afin que l’air y entre ſans aucune réſiſtance, tandis que le panneau ſupérieur, en s’élevant, en augmente la capacité. Par ce moyen, outre la force que l’on gagne, on évite le bruit que fait ordinairement cette ſoupape, cauſé par le tremblement que l’air occaſionne en entrant dans le ſoufflet : ainſi, les neuf ſoufflets ſoient mus ſans ſecouſſe, ſans bruit, & avec peu de forces.

Ces neuf ſoufflets communiquent leur vent dans trois tuyaux différens & ſéparés ; chaque tuyau reçoit celui de trois ſoufflets ; les trois qui ſont dans le bas du bâti à droite, par la face antérieure, communiquent leur vent à un tuyau qui règne en devant ſur le montant du bâti du même côté, & ces trois là ſont chargés d’un poids de quatre livres. Les trois qui ſont à gauche dans le même rang, donnent leur vent dans un ſemblable tuyau qui règne pareillement ſur le montant du bâti du même côté, & ne ſont chargés chacun que d’un poids de deux livres ; les trois qui ſont ſur la partie ſupérieure du bâti, du même côté, & ne ſont chargés chacun que d’un poids de deux livres ; les trois qui ſont ſur la partie ſupérieure du bâti, donnent auſſi leur vent à un tuyau qui règne horiſontalement ſous eux & en devant ; ceux-ci ne ſont chargés que du poids de leur ſimple panneau.

Ces tuyaux, par différens coudes, aboutiſſent à trois petits réſervoirs placés dans la poitrine de la figure. Là, par leur réunion, ils en forment un ſeul qui, montant par le goſier, vient, par ſon élargiſſement, former dans la bouche une cavité, terminée par deux eſpèces de petites lèvres qui poſent ſur le trou de la flûte ; ces lèvres donnent plus ou moins d’ouverture & ont un mouvement particulier pour s’avancer & ſe reculer. En dedans de cette cavité eſt une petite languette mobile qui, par son jeu, peut ouvrir & fermer le paſſage au vent que lui laiſſent les lèvres de la figure.

Voilà par quel moyen le vent a été conduit juſqu’à la flûte. Voici ceux qui ont ſervi à le modifier.

À la face antérieure du bâti à gauche, eſt un autre mouvement qui, à la faveur de ſon rouage, fait tourner un cylindre de deux pieds & demi de long ſur ſoixante-quatre pouces de circonférence. Ce cylindre eſt diviſé en quinze parties égales, d’un pouce & demi de diſtance. À la face poſtérieure & ſupérieure du bâti, eſt un clavier traînant ſur ce cylindre, compoſé de quinze leviers très-mobiles, dont les extrémités du côté de dedans ſont armées d’un petit bec d’acier qui répond à chaque diviſion du cylindre ; à l’autre extrémité de ces leviers ſont attachés des fils & chaînes d’acier qui répondent aux différens réſervoirs de vents, aux doigts, aux lèvres & à la langue de la figure. Ceux qui répondent aux différens réſervoirs de vent, ſont au nombre de trois ; & leurs chaînes montent perpendiculairement derrière le dos de la figure juſques dans la poitrine où ils ſont placés, & aboutiſſent à une ſoupape particulière à chaque réſervoir ; cette ſoupape étant ouverte, laiſſe paſſer le vent dans le tuyau de communication qui monte, comme on l’a déja dit, par le goſier dans la bouche. Les leviers qui répondent aux doigts ſont au nombre de ſept, & leur chaîne montent auſſi perpendiculairement juſqu’aux épaules, & là ſe coudent pour s’inſérer dans l’avant-bras juſqu’au coude, où elles ſe plient encore pour aller le long du bras juſqu’au poignet ; elles y ſont terminées chacune par une charnière, qui ſe joint à un tenon que forme le bout du levier contenu dans la main, imitant l’os que les anatomiſtes appellent l’os du métacarpe, & qui, comme lui, forme une charnière avec l’os de la première phalange, de façon que la chaîne étant tirée, le doigt puiſſe ſe lever. Quatre de ces chaînes s’inſèrent dans le bras droit, pour faire mouvoir les quatre doigts de cette main, & trois dans le bras gauche pour trois doigts ; n’y ayant que trois trous qui répondent à cette main : chaque bout de doigt eſt garni de peau, pour imiter la molleſſe du doigt naturel, afin de boucher le trou exactement. Les léviers du clavier qui répondent au mouvement de la bouche, ſont au nombre de quatre ; les fils d’acier qui y ſont attachés, forment des renvois pour parvenir dans le milieu du rocher, en dedans, & là ils tiennent à des chapes qui montent perpendiculairement & parallèlement à l’épine du dos dans le corps de la figure, & qui paſſent par le col, viennent dans la bouche s’attacher aux parties, qui font faire quatre différens mouvemens aux lèvres inférieures ; l’un fait ouvrir les lèvres pour donner une plus grande iſſue au vent, l’autre la diminue en les rapprochant, le troiſième les fait retirer en arrière, & le quatrième les fait avancer ſur le bord du trou.

Il ne reſte plus ſur le clavier qu’un lévier, où eſt pareillement attachée une chaîne qui monte ainſi que les autres, & vient aboutir à la languette qui ſe trouve dans la cavité de la bouche, derrière les lèvres, pour emboucher le trou, comme on l’a dit ci-deſſus.

Ces quinze léviers répondent aux quinze diviſions du cylindre par les bouts où ſont attachés les becs d’aciers, & à un pouce & demi de diſtance les uns des autres. Le cylindre venant à tourner, les lames de cuivre, placées ſur ſes lignes diviſées, rencontrent les becs d’acier & les ſoutiennent levés plus ou moins long temps, ſuivant que les lames ſont plus ou moins longues ; & comme l’extrémité de tous ces becs forme entre eux une ligne droite, parallèle à l’axe du cylindre, coupant à angle droit toutes les lignes de diviſions, toutes les fois qu’on placera à chaque ligne une lame, & que toutes leurs extrémités formeront entre elles une ligne également droite & parallèle à celle que forment les becs des léviers, chaque extrémité de lame (le cylindre retournant) touchera & ſoulèvera dans le même inſtant chaque bout de lévier ; & l’autre extrémité des lames formant également une ligne droite, chacune laiſſera échapper ſon lévier dans le même temps. On conçoit aiſément par-là comment tous les leviers peuvent agir & concourir tous-à-la-fois à une même opération, s’il eſt néceſſaire. Quand il n’eſt besoin de faire agir que quelques léviers, on ne place des lames qu’aux diviſions où répondent ceux qu’on veut faire mouvoir ; on en détermine même le temps, en les plaçant plus ou moins éloignées de la ligne que forment les becs ; on fait ceſſer auſſi leur action plus tôt ou plus tard, en les mettant plus ou moins longues.

L’extrémité de l’axe du cylindre du côté droit eſt terminée par une vis ſans fin à simples filets, diſtans entre eux d’une ligne & demie, & au nombre de douze ; ce qui comprend en tout l’eſpace d’un pouce & demi de longueur, égal à celui des diviſions du cylindre.

Au-deſſus de cette vis eſt une pièce de cuivre immobile ſolidement attachée au bâti, à laquelle tient un pivot d’acier, d’une ligne environ de diamètre, qui tombe dans une cannelure de la vis & lui ſert d’écrou, de façon que le cylindre eſt obligé, en tournant, de ſuivre la même direction que les filets de la vis contenus par le pivot d’acier qui eſt fixe ; ainſi, chaque point du cylindre décrira continuellement, en tournant, une ligne ſpirale, & fera par conſéquent un mouvement progreſſif de droite à gauche.

C’est par ce moyen que chaque diviſion du cylindre, déterminée d’abord ſous chaque bout de lévier, changera de point à chaque tour qu’il fera, puiſqu’il s’en éloignera d’une ligne & demie, qui eſt la diſtance qu’ont les filets de la vis entre eux.

Les bouts des léviers attachées aux claviers, reſtant donc immobiles, & les points du cylindre auxquels ils répondent d’abord, s’éloignant à chaque inſtant de la perpendiculaire, en formant une ligne ſpirale qui, par le mouvement progreſſif du cylindre, eſt toujours dirigée au même point, c’eſt-à-dire, à chaque bout de lévier ; il s’enſuit que chaque bout de lévier trouve à chaque inſtant des points nouveaux ſur les lames du cylindre qui ne ſe répètent jamais, puiſqu’elles forment entre elles des lignes ſpirales, qui forment douze tours ſur le cylindre avant que le premier point de diviſion vienne ſous un autre lévier que celui ſous lequel il a été déterminé en premier lieu.

C’eſt dans cet eſpace d’un pouce & demi qu’on place toutes les lames qui forment elles-mêmes les lignes ſpirales, pour faire agir le lévier ſous qui elles doivent toujours paſſer pendant les douze tours que fait le cylindre. À meſure qu’une ligne change pour ſon lévier, toutes les autres changent pour le leur ; ainſi, chaque lévier à douze lignes de lames de ſoixante-quatre pouces de diamètre qui paſſent ſous lui, & qui font entre elles une ligne de ſept cent ſoixante-huit pouces de long ; c’eſt ſur cette ligne que ſont placées toutes les lames ſuffiſantes pour l’action du lévier durant tout le jeu.

Il ne reſte plus qu’à faire voir comment tous ces différens mouvemens ont ſervi à produire l’effet qu’on s’eſt propoſé dans cet automate, en les comparant avec celui d’une perſonne vivante.

Eſt-il queſtion de lui faire tirer du ſon de ſa flûte & de former le premier ton, qui eſt le re d’en bas ? on commence d’abord à diſpoſer l’embouchure ; pour cet effet, on place ſur le cylindre une lame deſſous le lévier qui répond aux parties de la bouche, ſervant à augmenter l’ouverture que font les lèvres. Secondement, on place une lame ſous le lévier qui ſert à faire reculer ces mêmes lèvres. Troiſièmement on place une lame ſous le lévier qui ouvre la ſoupape du réſervoir du vent qui vient des petits ſoufflets qui ne ſont point chargés ; on place en dernier lieu une lame ſous le lévier qui fait mouvoir la languette pour donner le coup de langue ; de façon que ces lames venant à toucher dans le même temps, les quatre léviers qui ſervent à produire les ſuſdites opérations, la flûte ſonnera le re d’en bas.

Par l’action du lévier qui ſert à augmenter l’ouverture des lèvres, on imite l’action de l’homme vivant, qui eſt obligé de l’augmenter dans les tons bas. Par le lévier qui ſert à faire reculer les lèvres, on imite l’action de l’homme, qui les éloigne du trou de la flûte, en les tournant en dehors. Par le lévier qui donne le vent provenant des ſoufflets qui ne ſont chargés que de leur ſimple panneau, on imite le vent foible que l’homme donne alors, vent qui n’eſt pareillement pouſſé hors de ſon réſervoir que par une légère compreſſion des muſcles de la poitrine ; par le lévier qui ſert à faire mouvoir la languette, en débouchant le trou que forment les lèvres pour laiſſer paſſer le vent, on imite le mouvement que fait auſſi la langue de l’homme, en ſe retirant du trou pour donner paſſage au vent, & par ce moyen lui faire articuler une telle note. Il réſultera donc de ces quatre opérations différentes, qu’en donnant un vent foible & le faiſant paſſer par une iſſue large, dans toute la grandeur du trou de la flûte, ſon retour produira des vibrations lentes, qui ſeront obligées de se continuer dans toutes les particules du corps de la flûte, puiſque tous les trous ſe trouveront bouchés ; & par conſéquent la flûte donnera un ton bas ; c’eſt ce qui ſe trouve confirmé par l’expérience.

Veut-ont lui faire donner le ton au-deſſus, ſavoir, le mi : aux quatre premières opérations pour le re, on en ajoute une cinquième : on place une lame ſous le lévier, qui fait lever le troiſième doigt de la main droite pour déboucher le ſixième trou de la flûte, & on fait approcher tant ſoit peu les lèvres du trou de la flûte en baiſſant un peu la lame du cylindre qui tenoit le lévier élevé pour la note ; ſavoir, le re : ainſi donnant plutôt aux vibrations une iſſue, en débouchant le premier trou du bout, la flûte doit ſonner un ton au-deſſus ; ce qui eſt auſſi confirmé par l’expérience.

Toutes ces opérations se continuent à-peu-près les mêmes, dans les tons de la première octave, où le même vent ſuffit pour les former tous ; c’eſt la différente ouverture des trous, par la levée des doigts, qui les caractériſe. On eſt ſeulement obligé de placer ſur le cylindre des lames ſur les léviers, qui doivent lever les doigts pour former tel ou tel ton.

Pour avoir les tons de la ſeconde octave, il faut changer l’embouchure de la ſituation, c’eſt-à-dire, placer une lame deſſous le lévier, qui contribue à faire avancer les lèvres au-delà du diamètre du trou de la flûte, & imiter, par-là, l’action de l’homme vivant qui, en pareil cas, tourne la flûte un peu en dedans. Secondement, il faut placer une lame ſous le lévier qui, en faiſant rapprocher les deux lèvres, diminue leur ouverture ; opération que fait pareillement l’homme quand il ſerre les lèvres pour donner une moindre iſſue au vent. Troiſièmement, il faut placer une lame ſous le lévier qui fait ouvrir la ſoupape du réſervoir qui contient le vent provenant des ſoufflets chargés du poids de deux livres, vent qui ſe trouve pouſſé avec plus de force, & ſemblable à celui que l’homme vivant pouſſe par une plus forte compreſſion des muſcles pectoraux. De plus, on place des lames ſous les léviers néceſſaires pour faire lever les doigts qu’il faut. Il s’en ſuivra de toutes ces différentes opérations, qu’un vent envoyé avec plus de force, & paſſant par une iſſue plus petite, redoublera de vîteſſe, & produira par conſéquent les vibrations doubles, & ce ſera l’octave.

À meſure qu’on monte dans les tons ſupérieurs de cette ſeconde octave, il faut de plus en plus ſerrer les lèvres, pour que le vent, dans un même temps, augmente de vîteſſe.

Dans les tons de la troiſième octave, les mêmes léviers qui vont à la bouche agiſſent comme dans ceux de la ſeconde, avec cette différence que les lames ſont un peu plus élevées, ce qui fait que les lèvres vont tout-à-fait ſur le bord du trou de la flûte, & que le trou qu’elles ferment devient extrêmement petit ; on ajoute ſeulement une lame ſous le lévier qui fait ouvrir la ſoupape, pour donner le vent qui vient des ſoufflets les plus chargés ; ſavoir, du poids de quatre livres ; par conſéquent, le vent pouſſé avec une plus forte compreſſion, & trouvant une iſſue encore plus petite, augmentera de vîteſſe en raiſon triple : on aura donc la triple octave.

Il ſe trouve des tons dans toutes ces différentes octaves, plus difficiles à rendre les uns que les autres ; on est pour lors obligé de les ajuſter, en plaçant les lèvres ſur une plus grande ou une plus petite corde du trou de la flûte, en donnant un vent plus oui moins fort ; ce que fait l’homme dans les mêmes tons où il est obligé de ménager ſon vent, & de tourner la flûte plus ou moins en dedans ou en dehors.

On conçoit facilement que toutes les lames placées ſur le cylindre ſont plus ou moins longues, ſuivant le temps que doit avoir chaque note, & ſuivant la différente ſituation où doivent ſe trouver les doigts pour les former ; ce qu’on ne détaillera point ici pour ne point donner à cet article trop d’étendue. On fera remarquer que dans les enflemens de ſon, il a fallu, pendant le temps de la même note, ſubstituer imperceptiblement un vent foible à un vent fort, & à un plus fort un plus foible, & varier conjointement ſes mouvemens des lèvres, c’est-à-dire, les mettre dans leur ſituation propre pour chaque vent.

Lorſqu’il a fallu faire le doux, c’est-à-dire, imiter un écho, on a été obligé de faire avancer les lèvres ſur le bord du trou de la flûte, & envoyer un vent ſuffiſant pour former un tel ton ; mais dont le retour, par une iſſue auſſi petite, qui eſt celle de ſon entrée dans la flûte, ne peut frapper qu’une petite quantité d’air extérieur ; ce qui produit, comme on l’a dit ci-deſſus, ce qu’on appelle écho.

Les différens airs de lenteur & de mouvement ont été meſurés ſur le cylindre, par le moyen d’un lévier, dont une extrémité, armée d’une pointe, pouvoit, lorſqu’on frappoit deſſus, marquer ce même cylindre ; à l’autre bras du lévier étoit un reſſort, qui faiſoit promptement relever la pointe : on lachoît le mouvement qui faiſoit tourner le cylindre avec une vîteſſe déterminée pour tous les airs ; dans le même temps une perſonne jouoit ſur la flûte l’air qu’on vouloit meſurer ; un autre battoit la meſure ſur le bout du lévier qui pointoit le cylindre, & la diſtance qui ſe trouvoit entre les points étoit la vraie meſure des airs qu’on vouloit noter ; on ſubdiviſoit enſuite les intervalles en autant de parties que la meſure avoit de temps.

Combien de fineſſe dans tout ce détail, diſoit M. Diderot ! que de délicateſſes dans toutes les parties de ce méchaniſme ! ſi cet article, au lieu d’être l’exposition d’une machine exécutée, étoit le projet d’une machine à faire, combien de gens ne le traiteroient-ils pas de chimère ? quant à moi, il me ſemble qu’il faut avoir bien de la pénétration & un grand fond de méchanique pour concevoir la poſſibilité du mouvement des lèvres de l’automate, de la ponctuation du cylindre & d’une infinité d’autres particularités, de cette deſcription. Si quelqu’un nous propoſe donc jamais une machine moins compliquée, telle que ſeroit celle d’un harmonomètre ou d’un cylindre diviſé par des lignes droites & des cercles dont les intervalles marqueroient les meſures, & percé ſur ces intervalles de petits trous, dans leſquels on pourroit inſérer des pointes mobiles qui, s’appliquant à diſcrétion ſur telles touches d’un clavier que l’on voudroit, exécuteroient telle pièce de muſique qu’on déſireroit, à une ou pluſieurs parties, alors gardons-nous bien d’accuſer cette machine d’être impoſſible, & celui qui la propoſe d’ignorer la muſique, nous riſquerions de nous tromper lourdement ſur l’un & l’autre cas.

Par cette deſcription, on voit combien peu étoit fondé le ſoupçon que pluſieurs personnes eurent les premiers jours où l’automate, joueur de flûte, fut montré au public. Elles s’étoient imaginé que ce n’étoit qu’une ſerinette ou une orgue d’Allemagne, enfermée dans le corps de la figure, dont les ſons ſortoient par la bouche de l’automate ; mais les plus incrédules furent bientôt convaincus que l’automate faiſoit réellement uſage de ſes lèvres pour l’embouchure de ſa flûte, que le vent, au ſortir de ſes lèvres, la faiſoit raiſonner, & que le mouvement des doigts étoit néceſſaire pour former les différens tons. La machine fut ſoumiſe à l’examen le plus scrupuleux & aux épreuves les plus décisives ; il fut permis à tous les ſpectateurs de voir les reſſorts les plus cachés & d’en ſuivre le jeu. On interpoſa pluſieurs fois des feuilles de papier entre quelques doigts de l’automate, & les trous correſpondans de la flûte, & on s’aperçut que des tons n’avoient pas lieu, on eut recours à tous les moyens qu’on pût imaginer pour mettre la machine en défaut, & toujours elle ſortit victorieuſe de toutes les épreuves.

2o. Le ſecond automate eſt le joueur de tambourin, planté tout droit ſur ſon piédeſtal, habillé en berger danseur, qui joue une vingtaine d’airs, menuets, rigodons, ou contredanſes.

On croiroit d’abord que les difficultés ont été moindres qu’au flûteur automate : mais, ſans vouloir élever l’un pour rabaiſſer l’autre, il faut faire attention qu’il s’agit de l’inſtrument le plus ingrat & le plus faux par lui-même, qu’il a fallu faire articuler une flûte à trois trous, où tous les tons dépendent du plus ou moins de force du vent, & de trous, bouchés à moitié, qu’il a fallu donner tous les vents diftérens, avec une vîtesse que l’oreille a de la peine à ſuivre, donner des coups de langue à chaque note, juſques dans les doubles croches, parce que cet inſtrument n’eſt point agréable autrement. L’automate ſurpaſſe en cela tous nos joueurs de tambourin, qui ne peuvent remuer la langue avec aſſez de légèreté, pour faire une meſure entière de doubles croches, toutes articulées, ils en coulent la moitié, & ce tambourin automate joue un air entier avec des coups de langue à chaque note.

Quelle combinaiſon de vent n’a-t-il pas fallu trouver pour cet effet ? l’auteur a fait auſſi des découvertes dont on ne ſe seroit jamais douté ; auroit-on cru que cette petite flûte eſt un des inſtrumens à vent qui fatigue le plus la poitrine des joueurs ? les muſcles de leur poitrine font un effort équivalent à un poids de cinquante-ſix livres, puiſqu’il faut cette même force de vent, c’eſt-à-dire, un vent pouſſé par cette force ou cette peſanteur, pour former le ſi d’en-haut qui eſt la dernière note où cet inſtrument puiſſe s’étendre : une once seule fait parler la première note qui eſt le mi : que l’on juge quelle diviſion de vent il a fallu faire peur parcourir toute l’étendue du flageolet provençal.

Ayant ſi peu de poſitions de doigts différentes, on croiroit peut-être qu’il n’a fallu de différens vents, qu’autant qu’il y a de différentes notes ; point du tout, le vent qui fait parler, par exemple, le re à la ſuite de l’ut, le manque abſolument quand le même re est à la ſuite du mi au-deſſus & ainſi des autres notes.

Qu’on calcule, on verra qu’il a fallu le double de différens vents, ſans compter les dièſes pour lesquels il faut toujours un vent particulier. L’auteur a été lui-même étonné de voir cet inſtrument avoir beſoin d’une combinaiſon ſi variée, & il a été plus d’une fois prêt à déſeſpérer de la réuſſite ; mais le courage & la patience l’ont enfin emporté.

Ce n’est pas tout : ce flageolet n’occupe qu’une main, l’automate tient de l’autre une baguette, avec laquelle il bat du tambour de Marſeille ; il donne des coups ſimples & doubles, fait des roulemens variés à tous les airs qu’il joue avec ſon flageolet de l’autre main. Ce mouvement n’eſt pas un des plus aiſés de la machine ; il eſt queſtion de frapper tantôt plus-fort, tantôt plus vîte, & de donner toujours un coup ſec pour tirer du ſon du tambour. Cette mécanique conſiſte dans une combinaiſon infinie de léviers & de reſſorts différens, tous mus avec aſſez de juſteſſe pour ſuivre l’air ; ce qui ſeroit trop long à détailler. Enfin, cette machine a quelque reſſemblance avec celle du flûteur, mais elle a été construite par des moyens différens.

3o. Le troiſième automate eſt le canard : cet automate admirable prenoit du grain avec le bec, l’avaloit, le trituroit, & le rendoit enſuite par les voies ordinaires, dans l’état apparent d’un grain digéré.

Dans ſon canard, M. de Vaucanſon repréſente le mécaniſme des viſcères deſtinés aux fonctions du boire, du manger & de la digeſtion ; le jeu de toutes les parties néceſſaires à ces actions y eſt exactement imité : il allonge ſon cou pour aller prendre du grain dans la main, il l’avale, le digère, & le rend par les voies ordinaires tout digéré ; tous les geſtes d’un canard qui avale avec précipitation, & qui redouble de vîteſſe, dans le mouvement de ſon goſier, pour faire paſſer ſon manger juſque dans l’eſtomac, y ſont copiés d’après nature ! l’aliment y eſt digéré comme dans les vrais animaux ; par diſſolution, & non par trituration ; la matière digérée dans l’eſtomac eſt conduite par des tuyaux, comme dans l’animal, par ſes boyaux, juſqu’à l’anus, où il y a un ſphincter qui en permet la ſortie.

L’auteur ne donne pas cette digeſtion pour une digeſtion parfaite, capable de faire du ſang & des ſucs nourriciers pour l’entretien de l’animal ; on auroit mauvaiſe grace de lui faire ce reproche ; il ne prétend qu’imiter la mécanique de cette action en trois choſes, qui ſont : 1o. d’avaler le grain ; 2o. de le macérer, cuire ou diſſoudre ; 3o. de le faire ſortir dans un changement ſenſible.

Il a fallu cependant des moyens pour les trois actions, & ces actions mériteront peut-être quelqu’attention de la part de ceux qui demanderoient davantage. Il a fallu employer différens expédiens pour faire prendre le grain au canard artificiel, le lui faire aſpirer juſque dans ſon eſtomac, & de-là, dans un petit eſpace, conſtruire un laboratoire chymique, pour en décompoſer les principales parties intégrantes, & le faire ſortir à volonté par des circonvolutions de tuyaux, à une extrémité de ſon corps toute oppoſée.

On ne croit pas que les anatomiſtes aient rien à déſirer ſur la conſtruction de ſes ailes : on a imité os par os, toutes les éminences qu’ils appellent apophyſes ; elles y ſont ſi régulièrement obſervées, comme les différentes charnières, les cavités, les courbes ; les trois os qui compoſent l’aile y ſont très-diſtinctes : le premier, qui eſt l’humerus, a ſon mouvement de rotation en tous sens, avec l’os qui fait l’office d’omoplate ; le ſecond, qui eſt le cubitus de l’aile, a ſon mouvement avec l’humerus, par une charnière, que les anatomiſtes appellent par ginglyme ; le troiſième, qui eſt le radius, tourne dans une cavité de l’humerus, & eſt attaché par ſes autres bouts aux petits os du bout de l’aile, de même que dans l’animal.

Pour faire connoître que les mouvemens de ces ailes ne reſſemblent point à ceux que l’on voit dans les grands chef-d’œuvres du coq de l’horloge de Lyon & de Strasbourg, toute la mécanique du canard artificiel a été vue à découvert ; le deſſein de l’auteur ayant été plutôt de démontrer que de montrer simplement une machine.

Les perſonnes attentives ſentiront la difficulté qu’il y a eu de faire faire à cet automate tant de mouvemens différens ; comme lorſqu’il s’élève ſur ſes pattes & qu’il porte ſon cou à droite & à gauche ; elles connoîtront tous les changemens des différens points d’appui ; elles verront même que ce qui ſervoit de point d’appui à une partie mobile devient à ſon tour, mobile ſur cette partie, qui devient fixe à ſon tour ; enfin, elles découvriront une infinité de combinaiſons mécaniques. Toute cette machine joue ſans qu’on y touche, quand on l’a montée une fois. On oublioit de dire que l’animal boit, barbotte dans l’eau, croaſſe comme le canard naturel ; enfin, l’auteur a tâché de lui faire produire tous les geſtes d’après ceux de l’animal vivant, qu’il a conſidéré avec attention.

Après que ces automates eurent fait en France l’admiration de la capitale & de pluſieurs provinces, on les tranſporta en Angleterre & enſuite en Allemagne. Depuis long-temps on ignoroit ce qu’ils étoient devenus, & ce n’est qu’en 1787 environ qu’on a été inſtruit de leur ſort. On en a l’obligation à M. Nicolaï ; cet auteur s’exprime ainſi dans son voyage allemand de Berlin en Allemagne & en Suiſſe : « Où croyez-vous qu’il faille chercher le flûteur automate, le canard artificiel & le provençal, de feu M. Vaucanſon ? à Nuremberg, dans le comptoir de la maiſon Pfluger, & dans des caiſſes qui n’ont point été ouvertes depuis long-temps. La deſtinée de ces trois chefs d’œuvres eſt trop ſingulière pour ne pas chercher à ſatiſfaire la curioſité des lecteurs.

Vaucanſon fit voir ces automates à Paris, vers Pâques, en 1738, après avoir été admirés dans le reste de la France & en Angleterre, je ne ſais par quel haſard, ils tombèrent entre les mains d’un certain Dumoulin, orfèvre de profeſſion, mais mécanicien par goût, il paſſa avec ces figures en Allemagne, où il les montra pour de l’argent. En 1752 ou 1753, il étoit à Nuremberg ; il cherchoit à s’en défaire, & les offrit en 1754, au margrave de Bareilli ; mais le marché ne fut pas conclu. Dumoulin, qui s’étoit endetté, alla en 1755 à Pétersbourg, comptant pouvoir y vendre avantageusement ses automates, qu’il avoit laiſſés, en attendant, bien empaquetés, à Nuremberg, pour ſervir de caution à ſes créanciers ; il ne les vendit point, il fut nommé maître des machines à Moſcou où il eſt mort en 1765. Depuis ce temps, les figures ſont reſtées chez le banquier, dans l’état où il les avoit laiſſées. On en a fait aucun uſage ; & on vouloit les livrer au premier qui auroit rembourſé à ce comptoir trois mille florins, ſomme à laquelle ſe montoient les avances faites pour Dumoulin

4o. M. de Vaucanſon avoit encore imaginé un automate fabricant, propre à faire des pièces d’étoffes de ſoie, en ſatin ou en taffetas de la meilleure qualité & de la plus grande perfection. Tout le mécaniſme y étoit à découvert ; on voyoit le jeu des liſtes qui ouvroient la chaîne, le mouvement alternatif de la navette qui couchoit la trame, celui du peigne qui frappoit l’étoffe, le mouvement du rouleau ſur lequel ſe plioit l’étoffe, à meſure qu’elle ſe fabriquoit ; enfin, tous les léviers, toutes les courbes, toutes les cordes qui produiſoient les mouvemens étoient mis en jeu par un moteur. Il n’y avoit qu’une femme pour rénouer les fils qui ſe caſſoient par fois, & après les avoir raccommodés, elle retiroit le bouton, & le métier reprenoit ſon jeu. Le moteur que M. de Vaucanſon avoit employé dans cette occaſion, étoit un âne qui, attelé à un cabeſtan, tournoit, en ſe ſervant de poids et de reſſorts, l’effet eût été le même.

L’année ſuivante, M. de Vaucanſon parvint à faire fabriquer, par ſon automate ou par ſa machine, des étoffes façonnés. Le moyen qu’il employa alors pour faire exécuter des fleurs ſur ſon étoffe étoit très-ingénieux. Le métier, alloit, en quelque ſorte, ſans ſecours étranger. L’âne, en marchant ſeulement, donnoit le mouvement à la machine. Tout le monde pu voir les reſſorts de la machine, examiner la combinaiſon des différentes pièces, et en considérer le jeu depuis le premier juſqu’aux derniers mobile. Voyez la notice hiſtorique de M. Vaucanson, on y lira que cet ingénieux mécanicien avoit encore imaginé de conſtruire un automate, dans lequel devoit s’opérer tout le mécaniſme de la circulation du ſang.

5o. On peut rapporter aux automates le tableau mouvant du père Sébaſtien Truchet, de Lyon. Ce célèbre mécanicien avoit fait un tableau mouvant qui repréſentoit un opéra en cinq actes ; on y voyoit un très-grand nombre de figures qui repréſentoient des drames complets, des pièces pantomimes, comme on l’a vu depuis ſur nos grands théâtres, et qui exprimoient, par leurs geſtes et leurs mouvemens, toutes les actions relatives à l’objet qu’on avoit voulu mettre en ſcène. Ce qui augmentoit les difficultés de l’exécution, c’eſt que, à chaque acte, il y avoit des changemens de décoration, que les figures étoient très-petites et que la machine entière n’avoit que ſeize pouces quatre lignes de longueur sur treize pouces quatre lignes de hauteur, et un pouce trois lignes d’épaiſſeur.

6o. Le concert mécanique de M. Richard mérite d’être cité ; il fit voir à Paris, au commencement de l’année 1771, quatre figures automates de grandeur naturelle, qui exécutoient un concert. La première étoit celle d’une jeune muſicienne aſſiſe, qui touchoit du clavecin & de l’orgue enſemble & ſéparément, & s’accompagnoit auſſi de temps en temps de la voix. Elle étoit accompagnée par deux autres automates, dont l’un repréſentoit un jeune homme, debout ; qui jouoit du violon, et l’autre perſonnage jouoit de la baſſe ; mais tous les deux tiroient eux-mêmes de leurs inſtrumens des ſons par le mouvement de l’archet & des doigts. Un amour qui imitoit parfaitement la nature, étoit placé debout derrière un pupitre, battoit la meſure, et tournoit à propos les feuillets.

Enſuite, on voyoit un jeune berger automate, jouant de la flûte, il étoit accompagné du chant de deux oiſeaux ; on y voyoit encore, dans une cage, un ſerin artificiel qui ſiffloit pluſieurs airs & imitoit parfaitement les mouvemens et la voix de ces petits animaux, comme les grandes figures automates imitoient les mouvemens des mains, des doigts, de la tête, des yeux, des paupières, de la bouche et de la reſpiration, de manière à rendre l’illuſion complète.

7o. Les automates de M. Droz furent vus à Paris en 1782. La première figure automate repréſentoit une fille de dix à douze ans, qui touchoit un clavecin organiſé. Son corps, ſa tête, ſes yeux, ſes bras, & ſes doigts avoient divers mouvemens naturels, la tête et les yeux étant mobiles en tout ſens, elle portoit alternativement ſes regards ſur ſa muſique et ſur ſes doigts ; elle n’exécutoit pas ſeulement un air, mais pluſieurs, & toujours avec beaucoup de préciſion. À la fin de chaque air, elle faiſoit une révérence à la compagnie par une inclination de corps et un mouvement de tête. On voyoit de temps en temps ſa gorge s’enfler, s’abaiſſer alternativement & ſi régulièrement, qu’on auroit cru qu’elle reſpiroit.

La ſeconde pièce étoit un automate deſſinateur, ou figure d’enfant, aſſis ſur un tabouret, & deſſinant ſur un pupitre, placé devant lui différens ſujets, tels que les portraits du roi, de la reine, &c. Cet automate exécutoit proprement pluſieurs deſſeins, dont il crayonnoit d’abord les premiers traits, en obſervant les pleins & les déliés, enſuite les ombres ; il retouchoit enſuite ſon ouvrage ; & pour cet effet, il écartoit de temps en temps la main, comme pour voir plus à découvert ce qu’il avoit fait. Les divers mouvemens des yeux & de la main, imitoient exactement la nature.

La troiſième pièce offroit un oiſeau dans une cage, dont les parties principales du corps paroiſſoient animées ; les mouvemens du bec, du jabot, de la queue, des ailes & du corps entier ſembloient ſi naturels, qu’on avoient de la peine à ſe perſuader que ce n’étoit pas un oiſeau vivant. L’oiſeau ſiffloit ſon chant naturel, et imitoit encore le chant du ſerin, du chardonneret, et en quelque ſorte celui de l’alouette. À chaque ſon, on voyoit le bec ſe mouvoir, & le goſier s’enfler ; c’étoit cependant de la baſe de la cage que les ſons partoient réellement. Cet oiſeau ſe mouvoit ſur ſa perche en tous ſens, & par intervalles, il paroiſſoit s’élancer d’une perche à l’autre ſi promptement & ſi exactement que l’œil le plus ſubtil avoit peine d’apercevoir la pièce de fer en lévier ſur laquelle il étoit fixé & qui ſe mouvoit réellement.

M. de Kempelen, ayant vu, à Vienne en Autriche, un françois (M. Pelletier) qui, devant l’impératrice-reine, avoit fait quelques jeux magnétiques, qui lui donnèrent l’idée d’un automate, joueur d’échec, chercha à l’exécuter, à l’imiter, & parut avoir perfectionné ce genre de machine. Il fit voir à Paris, en 1783, cette figure, depuis le mois d’avril juſqu’au mois d’août ſuivant. Cette automate, habillé en turc, étoit aſſis devant un bureau de trois pieds & demi, qui portoit quatre roulettes. On le faiſoit mouvoir, ainſi que le bureau, devant les ſpectateurs, & on ouvroit l’un & l’autre pour montrer les rouages & le cylindre, qu’on diſoit mouvoir le bras du joueur. Ce bras ſe levoit lentement, avançoit juſque ſur la pièce du jeu d’échec qu’il devoit prendre, ouvroit les doigts pour la ſaiſir, l’enlevoit, la tranſportoit, et la poſoit ſur la caſe où il falloit la placer ; le bras ſe retiroit enſuite, & ſe reposoit ſur un couſſin.

À chaque coup de l’adverſaire qui jouoit avec l’automate, celui-ci remuoit la tête, & parcouroit des yeux tout l’échiquier ; lorſqu’il faiſoit échec, il inclinoit la tête pour avertir le joueur. Si ce dernier faiſoit une fauſſe marche, l’automate prenoit la pièce & la remettoit à ſa place, en branlant la tête. Je l’ai vu jouer contre un des meilleurs joueurs d’échecs de Paris, & le gagner.

Cet automate ne ſe bornoit pas à des parties d’échecs, il faiſoit parcourir au cavalier toutes les caſes de l’échiquier, le cavalier ayant été placé par un des ſpectateurs, ſur une caſe à ſon gré.

Je lui ai auſſi vu répondre à toutes les queſtions qu’on lui faiſoit, au moyen d’un tableau des vingt-quatre lettres de l’alphabet, placé devant lui, & ſur lequel il indiquoit ſucceſſivement avec les doigts, toutes les lettres qui formoient ſa réponſe.

Nous ne penſons point que le joueur d’échec fût un véritable automate, & il eſt impoſſible qu’aucun reſſort intérieur ait jamais pu produire les effets qu’on remarquoit en lui ; car il eſt de principe, & le ſimple bon ſens le démontre, que toute machine ne peut produire que des mouvemens déterminés & relatifs aux reſſorts qu’on emploie, & non des mouvemens correſpondans à une ſuite de volontés qui n’a pu être prévue par le mécanicien. Celui-ci ignorant donc quelle ſeroit la marche des pièces que joueroit l’adverſaire, n’a donc pu arranger en conſéquence les reſſorts de la machine. Ce raiſonnement eſt ſi évident que nous croyons ſuperflu d’en ajouter d’autres ou même de le développer.

L’automate ne joue point réellement par un principe intérieur de mouvement placé dans lui ; la ſérie des mouvemens qu’il paroît produire, dépend uniquement de l’influence du mécanicien ſur l’automate, pendant qu’il joue ; & le ſeul art de cette machine conſiſte dans l’adreſſe avec laquelle M. Kempelen cachoit la manière dont il influoit ſur ſon automate, ce qu’on n’a encore pu deviner. Quelqu’un a ſoupçonné qu’un aimant, caché dans la poche des deux personnes qui, de temps en temps, s’approchoient de l’automate, faiſoit lever ou fermer une détente, & que le cylindre qui étoient dans le bureau avec une eſpèce de pantograghe, faiſoit tout le reſte. Mais un aimant ordinaire, comme celui qui auroit pu être dans la poche, ne nous paroît pas avoir aſſez de force pour agir ſur une détente, à la distance où ſe tenoit preſque toujours M. Kempelen ; d’ailleurs, ſouvent l’automate jouoit pluſieurs coups, ſans que le mécanicien, ni ſon ſecond, changeaſſent de place.

Quelqu’étonnante que paroiſſe la faculté de répondre à diverſes queſtions que ſembloit avoir l’automate, je le regarde comme le même phénomène efſentiellement que celui du jeu d’échec ; il n’y a pas plus de difficultés à faire mouvoir le doigt de l’automate pour indiquer des lettres qui ſont dans les diviſions d’un tableau qui reſſembloit à un échiquier, qu’il n’y en a pour placer ſur les caſes de l’échiquier une pièce du jeu ; au contraire, les difficultés ſont plus nombreuſes dans ce dernier cas, parce qu’il falloit que l’automate prît la pièce, & la portât ſur une autre caſe.

L’adreſſe avec laquelle l’automate faiſoit parcourir au cavalier toutes les caſes de l’échiquier, ne ſuppoſe que de l’habileté dans le mécanicien, qui s’étoit fait une méthode générale de cette eſpèce de jeu. Mais dans tous ces cas, l’automate ne jouoit pas réellement, le mécanicien ſeul influoit à chaque coup ; auſſi le voyoit-on toujours très-attentif lorſqu’il jouoit aux échecs contre un adverſaire, à prévoir, par les mouvemens extérieurs, ce que celui-ci ſeroit, & à conſulter ſon ſecond, dans les coups difficiles. Tout l’art de M. Kempelen, nous le répétons, conſiſte à cacher adroitement l’influence actuelle qu’il avoit à chaque inſtant ſur la machine qui, ſous ce rapport, n’étoit point un automate proprement dit.

Il ne me paroit point sûr que le grand nombre de rouages contenus dans le corps de l’automate & dans celui du bureau, qu’on montroit au public en ouvrant de petites portes, fût néceſſaire ; ils n’étoient mis là que pour faire illuſion, & c’étoit encore par cette raiſon qu’on démontoit pluſieurs fois, pendant une ſéance, les reſſorts qui faiſoient mouvoir les rouages & le grand cylindre renfermé dans la table ou bureau.

Je penſerois plus volontiers que, quoique le bureau auquel tenoit la chaiſe ſur laquelle étoit aſſis l’automate fût mobile, on la replaçoit toujours deſſus un repaire ou marque qu’on avoit faite ; qu’à cet endroit le plafond étoit percé, & qu’on en ôtoit le petit carré qui le bouchoit, lorſque le bureau étoit remis en place ; que le pied correſpondant du bureau étoit percé, comme il l’eſt dans les tables avec leſquelles on fait pluſieurs jeux mécanico-magnétiques ; qu’une perſonne cachée derrière la cloiſon, & voyant par un trou dans la ſalle, pouſſe à propos l’extrémité d’un pantographe, dont l’autre bout répond au bras de l’automate ; & que, pour faciliter les opérations, la perſonne cachée a un ſemblable jeu d’échec qui répond à une extrémité du pantographe ou d’un ſimple lévier du premier genre à bras inégaux. Dans cette hypothèſe, certainement poſſible, les deux perſonnes qui étoient autour de l’automate n’avoient aucune influence ſur lui, mais ſeulement une troiſième perſonne qui étoit cachée.

Cette explication générale me paroît être la ſeule qu’il y ait à donner, & toute autre expoſition générale qui lui ſeroit oppoſée ne pourroit être admiſe, car il eſt démontré à tout phyſicien & mathématicien, ou plutôt à toute perſonne qui raiſonne, que l’automate ne pouvoit avoir en lui-même le principe de ſes mouvemens.

Les moyens particuliers peuvent être différens ; pluſieurs ſont propres à conduire au même but ; dans le bras & la main, peut-être y avoit-il une mécanique ſemblable à celle des poignets artificiels qu’on a fait quelquefois pour des perſonnes qui avoient perdu la main ; peut-être auſſi les mouvemens de la main de l’automate étoient-ils produits par des cordons paſſans dans l’intérieur de la table ſur des poulies de renvoi. Comme M. Kempelen a fait un ſecret de ſes moyens, & que tous les machiniſtes des boulevards emploient ce qu’on appelle un compère, pour faire les jeux qui paroiſſent les plus ſurprenans, & qu’il n’eſt perſonne qui, après un tâtonnement de quelque temps, ne puiſſe enfin faire l’équivalent de M. Kempelen ; nous ſommes autoriſés à croire que ſes moyens n’étoient pas entièrement mécaniques. En effet, en employant un levier à bras inégaux, dont la plus grande partie ſoit cachée derrière une cloiſon. On peut former un petit deſſein dans une ſalle, tandis que derrière la cloiſon une perſonne cachée fera paſſer l’extrémité du grand bras de lévier ſur une figure en grand. Ceux qui connoiſſent la manière de deſſiner avec un pantographe, n’en ſeront pas ſurpris ; on pourra donc faire indiquer au petit bras de lévier toutes les lettres propres à former la réponſe à une queſtion propoſée, lorſqu’on fera mouvoir le grand bras du lévier ſur un grand tableau caché derrière la cloiſon, & diviſé comme le petit tableau qui eſt devant les ſpectateurs : de cette manière tout s’explique facilement. Il étoit néceſſaire d’inſiſter un peu ſur cet objet, afin que le grand nombre de ceux qui cherchent des lumières dans un dictionnaire de phyſique apprenne à ne pas trouver du merveilleux dans des opérations qui dépendent en grande partie du charlataniſme ; & c’eſt être inſtruit, que de ſavoir ſe prémunir contre les erreurs & les illuſions.

Ce que nous venons de dire au ſujet du lévier ou du pantographe, nous ſervira à expliquer en partie, la cauſe qui faiſoit agir l’automate deſſinateur de M. Droz, dont on a fait mention ci-deſſus au haut de cet article. Mais j’y ajouterai qu’ayant bien examiné cette machine, je me ſuis aſſuré que c’étoit un automate propremens dit, qu’il contenoit en lui-même le principe de ſes mouvemens ; & que la machine étant montée, le mécanicien l’abandonnoit entièrement ; auſſi cet automate ne faiſoit-il qu’un ou deux deſſeins, & toujours les mêmes & de la même manière. Je lui ai vu faire, avec la plus grande préciſion & reſſemblance, le portrait du roi & de la reine ; j’en conſerve quelques-uns qui font encore l’étonnement de ceux qui les examinent. M. Droz a dû ajouter au pantographe compoſé, un cylindre analogue à ceux des ſerinettes ; & ce cylindre a été gradué d’après les mouvemens obſervés néceſſaires pour que le bras de l’automate formât un deſſein d’une eſpèce ou d’une autre. Cet automate tranſporté à une autre place n’exécutoit pas moins ſes portraits & deſſeins. C’eſt à-peu-près de la même manière générale qu’on doit concevoir la cauſe des mouvemens des automates joueurs de clavecin & de violon, de MM. Richard & Droz. Il auroit été à ſouhaiter que les deux derniers mécaniciens dont nous venons de parler euſſent dévoilé le mécaniſme de leurs automates, non-ſeulement en ouvrant les piédeſtaux remplis de tuyaux, de léviers & de roues ; mais en montrant, comme M. de Vaucanſon, l’origine & la ſuite des mouvemens de leurs figures dans des deſcriptions détaillées. On auroit été alors plus certains que ces machines étoient complétement de vrais automates, & on auroit pu juger de la ſimplicité & de l’élégance de leurs moyens.

M. Payen, en 1772, & M. Droz, en 1775, montrèrent à Paris une figure qui écrivoit des mots quelconques, & même des phraſes au choix des ſpectateurs. Cette figure agiſſoit ſûrement comme l’automate joueur d’échec de M. Kempelen, & n’eſt pas plus digne de l’attention du phyſicien.

9o. MM. Launoi & Bienvenu imaginèrent & exécutèrent, en 1784, une machine avec laquelle un corps s’élevoit d’une vîteſſe qui égaloit le vol de l’oiſeau : elle conſiſtoit en quatre ailes inclinées, miſes en mouvement par un reſſort très-mince, en forme d’arc. Auſſitôt que l’arc étoit tendu, les ailes tournoient & frappoient l’air obliquement, mais de haut en bas ; enſuite, elles recevoient une réaction de bas en haut ſuffisante pour enlever juſqu’au plancher toute la machine qui, à la vérité, étoit très-légère.

10o. M. l’abbé Mical a fait voir à Paris, en 1785, une tête qui parloit & qui prononçoit même quelques phraſes. Nous avons vu plus haut qu’Albert-le-Grand avoit auſſi exécuté une tête d’airain ayant la faculté de prononcer pluſieurs ſons articulés. J’ai vu, en 1783, chez M. Kempelen une eſpèce d’automate qui parloit & prononçoit quelques mots, & articuloit diſtinctement pluſieurs phraſes ; telles que : me ama ; aimez-moi, madame, venez avec moi à Paris, &c, & autres de ce genre qui étoient courts & où il y avoit beaucoup de voyelles ; mais ces mots n’étoient pas fort variés.

Qu’on ne penſe pas que ces automates parlans reſſembloient à cette figure de Bacchus aſſis ſur un tonneau, qu’on vit, il y a quelques années, à Verſailles, & qui prononçoit, à haute & intelligible voix, tous les jours de la ſemaine & ſouhaitoit le bon jour à la compagnie. Beaucoup de gens y furent trompés, parce que le maître de la machine laiſſoit voir l’intérieur de la figure & du tonneau, où l’on n’apercevoit que des tuyaux d’orgue, des ſoufflets, des ſommiers, des roues, des cylindres, &c. mais l’illuſion ne dura pas long-temps : quelqu’un plus clairvoyant découvrit un faux ſommier, dans lequel étoit renfermé un petit nain qui articuloit les mots, dont le ſon ſeul parvenoit, à l’aide d’un tuyau, juſqu’à la bouche de la figure, d’où ils paroiſſoient ſortir. Qu’on ne penſe pas cela, dis-je, le petit volume de la tête de l’abbé Mical, & de tout ce qui y avoit rapport, ne permettoit pas cette supercherie. Quant à l’automate parlant de M. Kempelen, ſa principale pièce conſiſtoit en un ſoufflet, une trachée-arterre, & une eſpèce de bouche que M. Kempelen dilatoit plus ou moins avec la main. Le reſte de la conſtruction de la machine ne pouvoit être deviné, parce que le tout, excepté le ſoufflet, étoit caché dans une petite boîte portative, peu peſante, & que je fis, à deſſein, tranſporter d’une place à l’autre.

On ne ſera pas ſurpris qu’on puiſſe, par le moyen de la mécanique, faire des automates parlans, ſi on ſe rappelle que M. Kratzeinſtein, dans ſon mémoire couronné, avoit décrit une machine qui l’accompagnoit & qui imitoit la prononciation des voyelles ; il ne reſtoit plus qu’à imiter la voix humaine dans l’articulation des conſonnes, & c’eſt ce qu’a fait avec ſuccès M. l’abbé Mical, en exécutant une machine qui prononçoit quelques phraſes ; il la préſenta à l’académie des ſciences, & lui en développa le mécaniſme, ce que n’a point fait M. Kempelen ; le ſecret qu’a gardé ce dernier laiſſera toujours des doutes ſur la réalité de ſon automate parlant.

Deſcartes & ſes ſectateurs, frappés des grandes preuves d’induſtrie que l’homme a donné dans divers genres & des prodiges de mécanique qu’il a faits dans différens ſiècles, ont penſé que les bêtes n’étoient que de purs automates que l’auteur de la nature avoit conſtruits avec un art infini, que ces machines étoient montées pour toute la ſuite des opérations de leur vie, lesquelles cependant étoient déterminées par l’action des objets extérieurs, par l’influence des émanations & des corpuſcules qui émanent des différens individus placés dans les circonſtances où ils doivent agir. Il y a peu de queſtions qui aient été plus long-temps examinée & diſcuté que celle de l’ame des bêtes, pour ſavoir ſi c’étoit un principe ſpirituel ou matériel, ſi les bêtes avoient une ame, ou ſi elles n’étoient que de purs automates. Un grand nombre d’ouvrages ont été publiés ſur cette matière. En général cette queſtion a beaucoup de rapport avec la métaphyſique, & c’eſt dans le dictionnaire de ce nom qu’on la trouvera traité, & nous y renvoyons abſolument ; il nous a ſuffi de montrer le rapport que pluſieurs philoſophes ont cru trouver entre les automates & les bêtes. Les principaux ouvrages ſur cet objet ſont l’anti-Lucrèce du cardinal de Polignac ; où le ſyſtème de Deſcartes eſt expoſé ; un petit ouvrage intitulé, de l’Ame des bêtes ; on peut voir auſſi ce qu’ont écrit Regis & Rohault. L’Amuſement philoſophique du P. Bougeant eſt très-ingénieux ; il prétend que ce ſont des démons qui animent les bêtes. L’ouvrage qui a pour titre, les Bêtes mieux connues, par l’abbé Joannet, en 2 volumes, in-12, contient un précis de ce qui a été écrit ſur ce ſujet, on peut conſulter ces ouvrages.