Enlevé ! (traduction Savine)/04

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Traduction par Albert Savine.
P.-V. Stock (p. 27-39).


CHAPITRE IV

JE COURS UN GRAND DANGER DANS LA MAISON DES
SHAWS


Ce jour se passa fort bien pour un jour qui avait aussi mal commencé.

Nous eûmes à midi la bouillie froide, le soir de la bouillie chaude.

La bouillie et la petite bière constituaient la nourriture de mon oncle.

Il ne parlait guère, et toujours comme la première fois, en me lançant soudain une question après un long silence ; et lorsque je cherchais à l’interroger sur mon avenir, il me glissait de nouveau entre les mains.

Dans la chambre qui suivait la cuisine, et où il m’avait laissé entrer, je trouvai un grand nombre de livres, les uns en latin, les autres en anglais, qui me firent passer agréablement toute l’après-midi.

Et vraiment le temps s’écoula si rapidement en cette bonne compagnie, que je commençais à m’accorder tout à fait de mon séjour dans la maison des Shaws. Rien ne venait d’ailleurs s’ajouter à ma méfiance première, si ce n’est la vue de mon oncle et de ses yeux qui jouaient à cache-cache avec les miens.

Je fis cependant une découverte, qui me remit dans le doute.

C’était une note écrite à la main sur la page de garde d’un livre à bon marché, un ouvrage de Patrick Walker, note qui était évidemment de l’écriture de mon père et qui était ainsi conçue :

« À mon frère Ebenezer, pour son cinquième anniversaire. »

Ce qui m’intriguait alors, c’était que mon père étant le cadet, il fallait qu’il eût commis une étrange erreur, ou qu’il ait écrit cette note d’une écriture excellente, claire, virile, avant l’âge de cinq ans.

J’essayai de ne plus songer à cela, mais j’eus beau recourir à bien des auteurs intéressants, anciens ou modernes, aux historiens, aux poètes, aux conteurs, cette inscription de l’écriture de mon père m’obsédait toujours, et quand je retournai à la cuisine et que je fus assis, comme à l’ordinaire, devant la soupe et la petite bière, les premiers mots que j’adressai à l’oncle Ebenezer furent pour lui demander si mon père n’avait pas été de bonne heure en état de se servir d’un livre.

— Alexandre ? Pas lui ! répondit-il, j’ai appris bien plus vite, j’étais fort déluré dans ma jeunesse et j’ai su lire aussi vite que lui.

Cela m’intrigua encore davantage.

Il me vint une idée à l’esprit et je lui demandai si mon père et lui étaient jumeaux.

Il sursauta sur sa chaise ; la cuiller de corne lui échappa des mains et tomba à terre.

— Pourquoi diable me demandez-vous cela ? me dit-il en m’empoignant par le devant de mon gilet, et me regardant cette fois bien dans les yeux.

Les siens, qui étaient petits et mobiles, brillants comme ceux d’un oiseau, clignotaient et papillotaient étrangement.

— Que voulez-vous faire ? demandai-je d’un ton très calme, car j’étais beaucoup plus fort que lui, et il n’était pas facile de m’effrayer. Lâchez mon gilet. Ce ne sont pas des façons convenables.

Mon oncle parut faire un grand effort sur lui-même :

— Voyez-vous, David, mon garçon, me dit-il, vous ne devriez jamais me parler de votre père. Sur ce point vous avez fait erreur.

Il resta assis un moment en silence, frissonnant et regardant d’un œil clignotant dans son assiette, puis il dit :

— Je n’ai pas eu d’autre frère que lui.

Mais il n’y avait rien d’affectueux dans sa voix.

Alors il reprit sa cuiller et se remit à manger, toujours agité d’un tremblement.

Cette dernière circonstance, d’avoir porté la main sur ma personne et d’avoir montré soudain son amitié pour mon père mort, était si éloignée de ma compréhension que j’éprouvai à la fois de la crainte et de l’espoir.

D’une part, je commençais à croire que mon oncle était peut-être fou et pouvait être dangereux ; d’autre part, il se présentait à mon esprit une pensée que je n’appelais pas, que je cherchais même à écarter, le souvenir d’une certaine ballade que j’avais jadis entendu chanter, dans laquelle il était question d’un pauvre garçon qui était héritier légitime, et d’un parent malhonnête qui avait voulu le frustrer de ce qui lui revenait.

Et en effet pourquoi mon oncle jouerait-il un rôle avec un parent qui venait, absolument dépourvu de ressources, frapper à sa porte, à moins qu’au fond du cœur il n’eût quelque raison de le craindre.

Plein de cette idée, que je ne voulais pas accueillir, mais qui néanmoins s’enracinait fortement dans mon esprit, je me mis à imiter ses coups d’œil furtifs, si bien que nous étions à table comme un chat et un rat, chacun de nous observant l’autre à la dérobée.

Il ne trouva rien de plus à me dire. Il était tout occupé à tourner et retourner une pensée secrète dans son esprit.

À mesure que le temps passait, et plus je le regardais, plus j’étais convaincu que ce secret-là n’avait rien que de défavorable pour moi.

Quand il eut nettoyé son assiette, il prit la quantité de tabac qu’il fallait pour une seule pipe, comme il avait fait le matin, et plaçant une chaise au coin de l’âtre, il se mit à fumer en me tournant le dos.

— David, me dit-il enfin. J’ai pensé à une chose.

Puis il garda le silence quelques instants, et enfin reprit.

— C’est une petite somme que je m’étais presque promis de mettre de côté pour vous. Avant votre naissance, je l’avais promis à votre père. Oh ! ce n’était pas un engagement légal, vous entendez bien : un simple propos entre deux gentlemen qui boivent. Bon, j’ai gardé ce peu d’argent de côté… C’était un grand sacrifice, mais ce qui est promis est promis et cela a fini par faire une somme, qui maintenant s’élève juste à…

Sur ce mot, il bégaya et s’arrêta, puis il reprit :

— Cela fait juste, exactement, quarante livres.

Ces dernières paroles, il les prononça péniblement en jetant un regard par-dessus son épaule, puis le moment d’après il ajouta comme un cri :

— D’Écosse.

La livre d’Écosse équivalant tout juste à un shelling d’Angleterre, la différence qui résultait de ce second mouvement était considérable ; je voyais en outre fort bien que toute cette histoire était un mensonge, improvisé dans un but qui m’intriguait.

Je ne fis aucun effort pour dissimuler le ton railleur de ma voix en lui disant :

— Songez donc, monsieur, des livres sterling, je crois.

— C’est ce que je disais, répondit mon oncle, livres sterling. Et si vous voulez bien sortir dehors une minute, rien que le temps de voir s’il fait bien noir, je vais les chercher, et je vous dirai de rentrer.

Je fis ce qu’il me demandait, souriant avec mépris à l’idée qu’il croirait m’avoir si facilement trompé.

Il faisait une nuit noire. Quelques étoiles à peine brillaient très bas à l’horizon, et pendant que je me tenais au dehors à côté de la porte, j’entendis comme un gémissement sourd, le souffle lointain du vent sur les collines.

Je me dis à part moi qu’il y avait quelques présages annonçant le tonnerre et un changement de temps, et je ne me doutais guère de l’importance que ce détail allait prendre pour moi avant que la soirée fût passée.

Quand mon oncle m’eut fait rentrer, il compta dans ma main trente-sept pièces d’or d’une guinée, le reste était dans sa main, en petite monnaie d’or et d’argent ; mais alors le cœur lui manqua, et il fourra cette monnaie dans sa poche.

— Voilà, voyez-vous, dit-il, je suis un drôle d’homme, et étrange pour les étrangers, mais ma parole est un engagement et en voilà la preuve.

Maintenant mon oncle me paraissait si foncièrement avare que je fus confondu de cette subite générosité, et ne pus trouver un mot pour le remercier.

— Pas un mot, me dit-il, pas de remerciements, je ne veux pas de remerciements. Je fais mon devoir. Je ne dis pas que le premier venu l’aurait fait, mais pour ma part, bien que je sois un homme rangé, après tout, c’est avec plaisir que je m’acquitte d’un devoir envers le fils de mon frère. C’est un plaisir pour moi de songer que nous nous entendrons, comme de vrais amis.

Je lui répondis dans les meilleurs termes que je pus trouver, mais tout en parlant, je me demandais ce qui allait arriver, et pourquoi il se séparait de ses chères guinées, car le motif qu’il en avait donné était tel qu’un bébé se fût refusé à y croire.

Et aussitôt il me lança un coup d’œil de côté.

— Voyons, à présent, me dit-il, service pour service.

Je lui répondis que j’étais prêt à lui prouver ma reconnaissance de toute manière raisonnable, et alors j’attendis, croyant voir surgir quelque monstrueuse demande.

Et pourtant lorsqu’enfin il eût rassemblé tout son courage pour parler, il me dit tout simplement, et je trouvai la chose fort à propos, qu’il était un peu cassé, qu’il comptait sur moi pour l’aider à tenir la maison et à cultiver le jardinet.

Je répondis que j’étais tout disposé à le servir.

— Bien, dit-il, nous allons commencer.

Il tira de sa poche une clef rouillée.

— Voici, me dit-il, la clef de la tour où est l’escalier, là-bas, à l’autre bout de la maison. Vous ne pouvez suivre cet escalier que par le dehors, car cette partie de la maison n’est pas achevée. Entrez-y, montez les marches et rapportez-moi la caisse qui se trouve en haut…

Elle contient des papiers, ajouta-t-il.

— Puis-je emporter de la lumière ?

— Non, fit-il très malicieusement, jamais de lumière dans ma maison.

— Très bien, monsieur, dis-je. L’escalier est-il bon ?

— Les marches sont très larges, me dit-il pendant que je m’éloignais. Tenez-vous du côté du mur, il n’y a pas de rampe. Mais les marches sont très larges.

Je partis en pleine nuit.

Le vent gémissait encore au loin, quoiqu’on ne perçût pas le moindre souffle autour de la maison des Shaws.

La nuit était plus noire que jamais, et je dus tâtonner le long de la muraille jusqu’à ce que je fusse arrivé à la tour où était l’escalier, au bout de l’aile qui n’avait pas été achevée.

J’avais mis la clef dans le trou de la serrure, et je venais de la tourner, quand soudain, sans qu’on entendît le moindre éclat de tonnerre, tout le ciel s’illumina d’une flamme magique, et ensuite redevint noir.

Il me fallut mettre mes mains sur mes yeux pour retrouver la sensation des ténèbres, et j’étais vraiment à moitié aveuglé quand j’entrai dans la tour.

Il y faisait si noir qu’on eût dit que nul être vivant ne pouvait y respirer, mais je tâtai des pieds et des mains, et bientôt je sentis du pied le mur, et de la main l’endroit où le premier palier se joignait au second tour.

Le mur, à ce qu’il me parut en le touchant, était de belle pierre bien taillée ; les marches aussi, quoiqu’elles fussent un peu raides et étroites, étaient d’une maçonnerie soignée, régulières et solides sous le pied.

Me rappelant ce que m’avait dit mon oncle au sujet de la rampe, je me tins près du mur, et montai en tâtonnant, le cœur battant, à travers l’obscurité absolue.

La maison des Shaws avait bien cinq étages de hauteur, sans compter les greniers.

Or, à mesure que je montais, il me semblait que l’escalier devenait plus aérien, plus léger aussi, à ce que je pensai ; je me demandais quelle pouvait être la cause de ce changement, quand un second éclair de ce tonnerre d’été brilla et s’éteignit.

Si je ne poussai pas un cri, ce fut parce que la frayeur me prit à la gorge ; et si je ne tombai pas, je le dus plutôt à la bonté du ciel qu’à ma propre force.

Et si je crus escalader un échafaudage ouvert de tous les côtés, ce ne fut pas seulement parce que la lumière de l’éclair avait pénétré de tous côtés dans l’intérieur par toutes les brèches du mur, mais aussi parce que la même lumière instantanée me montra que les marches étaient de longueur inégale ; j’avais un pied à une distance au moins de deux pouces de l’abîme.

— Le voilà donc, le grand escalier ! me dis-je.

Mais avec cette pensée, il me monta au cœur une bouffée de colère et de courage.

Mon oncle m’avait, sans nul doute, envoyé là pour que je courusse un grand risque, peut-être pour que j’y trouvasse la mort.

Je voulus savoir à quoi m’en tenir sur ce « peut-être », dussé-je m’y rompre le cou. Je me mis à quatre pattes, et avec la lenteur d’un escargot, en tâtant pouce par pouce, en éprouvant la solidité de chaque marche, je continuai à monter.

Le contraste de la lumière avec les ténèbres semblait avoir rendu celles-ci plus épaisses ; ce n’était pas tout : mon ouïe se troublait maintenant, mon attention était distraite par les volettements désordonnés d’un grand nombre de chauves-souris que contenait le haut de la tour, et ces horribles bêtes, en descendant, frôlaient de leurs ailes ma figure et mon corps.

La tour, j’ai omis de le dire, était carrée, dans chaque angle, la marche d’escalier était formée d’une large pierre d’une coupe différente, pour servir de joint entre deux escaliers.

Or, comme j’étais arrivé à un de ces tournants et que je tâtais devant moi, comme je l’avais déjà fait, ma main glissa par-dessus l’arête et ne trouva que le vide.

L’escalier n’avait pas été monté plus haut.

Envoyer un étranger pour en faire l’ascension dans l’obscurité, c’était l’envoyer tout droit à la mort.

Bien que la lueur de l’éclair et mes propres précautions m’eussent mis dans une sûreté relative, la seule idée du péril que j’avais couru, et l’effrayante hauteur d’où je serais tombé, fit perler la sueur sur tout mon corps et fléchir mes membres.

Mais je savais désormais à quoi m’en tenir. Je me retournai et redescendis toujours à tâtons, le cœur plein d’une grande colère.

Quand je fus à mi-chemin, le vent souffla soudain, secoua la tour et tomba aussitôt ; il fut suivi de pluie et bientôt elle tomba à torrents.

J’avançai la tête à travers l’orage, et je jetai un coup d’œil du côté de la cuisine.

La porte, que j’avais refermée derrière moi en sortant, était maintenant grande ouverte et encadrait une faible lumière

Il me sembla discerner le contour d’un homme debout, sous la pluie, immobile, dans l’attitude de quelqu’un qui écoute.

Alors survint un éclair éblouissant, grâce auquel j’aperçus distinctement mon oncle, à l’endroit même où mon imagination me l’avait montré, et l’éclair fut suivi sans le moindre intervalle d’un long roulement de tonnerre.

Mon oncle prit-il ce bruit-là pour celui de ma chute, ou y entendit-il la voix de Dieu qui dénonçait un assassinat, c’est ce que je vous laisse à deviner.

Il est du moins certain qu’il fut saisi d’une forte terreur et qu’il courut dans la maison en laissant la porte ouverte derrière lui.

Je le suivis en faisant le moins de bruit possible.

J’entrai dans la cuisine, m’arrêtai et le contemplai.

Il avait trouvé le temps d’ouvrir le meuble d’encognure et d’en tirer une grande bouteille entourée de paille, contenant de l’eau-de-vie, et il était appuyé contre la table, me tournant le dos.

Il éprouvait toujours par intervalles de nouvelles crises pendant lesquelles il gémissait et tremblait de tous ses membres, et alors portant la bouteille à sa bouche, il avalait à grandes gorgées l’âpre liquide.

Je m’avançai, je vins me placer juste derrière lui, et soudain, abattant mes deux mains sur ses épaules, je criai :

— Ah !

Mon oncle poussa une sorte de cri chevrotant comme le bêlement d’un mouton, battit l’air de ses bras et tomba sur le sol comme un cadavre.

J’en fus quelque peu fâché, mais il me fallait songer à moi tout d’abord, et je ne me fis aucun scrupule de le laisser tel qu’il était.

Les clefs étaient suspendues dans le placard, et je comptais me tenir armé avant que mon oncle retrouvât, avec sa pleine connaissance, la possibilité d’inventer quelque nouvelle méchanceté.

Le placard contenait diverses bouteilles, des potions médicinales, à ce qu’il me semblait, une grande quantité de billets et d’autres papiers, où j’aurais eu plaisir à fourrager, si j’en avais eu le temps, plus quelques objets usuels qui ne pouvaient me servir à rien.

Je jetai ensuite un coup d’œil aux caisses.

La première était pleine de provisions ; la seconde contenait des sacs d’argent et des papiers réunis en paquets ; dans la troisième, parmi quantité d’objets, et surtout d’habits, je découvris un vieux poignard de highlander, tout rouillé et sali, sans fourreau, je le cachai sous mon gilet et m’occupai alors de mon oncle.

Il était resté dans la position où il était tombé, tout recroquevillé, un genou levé, un bras allongé ; une singulière teinte bleue était répandue sur sa figure ; on eût dit qu’il ne respirait plus.

Il me vint une crainte qu’il ne fût mort. Alors j’allai chercher de l’eau, dont je jetai quelques gouttes à sa figure ; cela parut le faire revenir quelque peu à lui-même, car ses paupières battirent et il eut une torsion de la bouche.

Enfin il regarda en haut et me vit ; alors j’aperçus dans son regard une épouvante qui n’avait rien de terrestre.

— Allons, allons, relevez-vous, asseyez-vous.

— Vous êtes vivant, sanglota-t-il, est-ce que vous êtes vivant ?

— Je le suis, répondis-je, et je n’ai pas à vous en remercier.

Il faisait des efforts pour recouvrer la respiration, en poussant de profonds soupirs.

— La fiole bleue ! dit-il, dans l’armoire, la fiole bleue.

Sa respiration se ralentit encore.

Je courus au placard, et j’y trouvai en effet une fiole bleue de pharmacie, avec la dose indiquée sur une étiquette, et je lui fis prendre cette dose le plus promptement possible.

— C’est la maladie, dit-il en revenant un peu à lui ; j’ai une maladie, David, c’est au cœur.

Je l’assis sur une chaise et le considérai.

J’avoue que j’éprouvais quelque pitié pour un homme qui paraissait si malade, mais je n’en étais pas moins plein d’une colère bien justifiée.

Je lui détaillai point par point les sujets sur lesquels il me fallait une explication :

Pourquoi il ne m’avait pas dit un mot qui ne fût un mensonge.

Pourquoi il craignait que je le quittasse ; pourquoi il n’aimait pas que l’on supposât devant lui que mon père et lui fussent jumeaux.

— Était-ce parce que c’était la vérité ? demandai-je.

Pourquoi il m’avait donné de l’argent auquel je n’avais aucun droit, ainsi que j’en étais convaincu, et pour terminer pourquoi il avait tenté de me faire périr.

Il entendit tout cela sans mot dire ; puis d’une voix brisée, il me demanda de le laisser aller se coucher.

— Je vous dirai tout demain matin, fit-il. Aussi vrai que je mourrai, je vous le dirai.

Il était si faible que je ne pus faire autrement que d’y consentir.

Néanmoins je l’enfermai à clef dans sa chambre, et je gardai la clef dans ma poche, puis revenant à la cuisine, j’y fis flamber un brasier comme il n’en avait pas brûlé depuis bien des années, je m’enveloppai de mon plaid, et, m’allongeant sur les caisses, je m’endormis.