Ennéades (trad. Bouillet)/Fragments et extraits de philosophes néoplatoniciens/Avertissement

La bibliothèque libre.
Les Ennéades de Plotin,
Traduction de M. N. Bouillet
Fragments et extraits de philosophes néoplatoniciens - Avertissement du traducteur

AVERTISSEMENT.

Comme dans les deux volumes précédents, nous donnons ici en Appendice la traduction de fragments et d’extraits de philosophes néoplatoniciens dont l’étude se rattache étroitement à celle des Ennéades, savoir :


Porphyre : Des trois hypostases, Invocation à Dieu (pour l’Ennéade V, livre I) ;
Doctrine de Pythagore sur les Nombres (pour l’Ennéade VI, livre VI) ;
Simplicius : Des Commentaires composés sur les Catégories d’Aristote (pour l’Ennéade VI, livre I) ;
Olympiodore : Des Vertus (pour l’Ennéade I, livre II) ;
De l’Immortalité de l’âme (pour l’Ennéade IV, livre VI).


Les notes dont nous accompagnons ces morceaux expliquent assez leurs rapports avec les Ennéades pour que nous nous dispensions d’entrer ici dans de plus grands détails.

Saint Basile. Nous avons joint à ces morceaux des extraits de saint Basile qui nous paraissent être d’un assez grand intérêt pour l’histoire de la philosophie et de la théologie chrétienne, parce qu’ils montrent combien ce Père de l’Église (et il a eu plus d’un imitateur) a cru pouvoir emprunter à Plotin, même en traitant les plus hautes questions de la théologie.

Ces morceaux sont au nombre de cinq, savoir :

Homélie sur l’Esprit saint ;
Traité de l’Esprit saint (extrait) ;
Lettre sur la vie monastique (extrait) ;
De la Beauté de la lumière (extrait de l’Hexaméron) ;
Pourquoi les objets vus de loin paraissent-ils plus petits ? (id.)

Les deux premiers de ces morceaux ont été publiés en grec, avec des rapprochements extraits de Plotin, par A. Jahn, sous ce titre : Basilius magnus plotinizans, Bernæ, MDCCCXXXVIII.

Le premier morceau (Homélie sur l’Esprit saint) reproduit presque textuellement, en y ajoutant d’ailleurs des développements, le début du livre I de l’Ennéade V (Des trois Hypostases principales). Ce début avait sans doute séduit saint Basile par la grandeur des idées et la magnificence des expressions, comme il frappa saint Augustin, ainsi qu’on en peut juger par les imitations que ce dernier en a faites[1]. Dom Garnier, éditeur de saint Basile, a, il est vrai, révoqué en doute l’authenticité de cette homélie, en se fondant sur ce qu’elle contient des termes qui ne sont pas ordinairement employés par ce Père[2] ; mais il n’y a là rien d’étonnant, puisque ce sont des termes empruntés à Plotin, et la question revient à savoir si l’on est en droit d’admettre que saint Basile ait pu ainsi appliquer à l’Esprit saint ce que le chef de l’école néoplatonicienne dit de l’Âme du monde[3]. Pour décider ce point, il n’y a évidemment qu’un moyen qui échappe à toute objection, c’est de chercher si, dans les écrits de saint Basile qui sont reconnus pour authentiques, on trouve des passages également empruntés à Plotin.

Afin d’atteindre ce but et de mettre le fait hors de doute, nous ne nous sommes pas borné à reproduire l’extrait que Jahn avait déjà donné du Traité de l’Esprit saint ; nous y avons joint trois autres morceaux que nous avons découverte dans les œuvres de saint Basile, et qui nous ont paru propres à démontrer que ce Père a bien réellement imité Plotin. L’un d’eux, extrait d’une Lettre sur la Vie monastique, reproduit textuellement, en y ajoutant de longs développements, un passage important du livre IX de l’Ennéade VI. Les deux autres morceaux, extraits de l’Hexaméron, exposent deux opinions qui appartiennent en propre à la doctrine de Plotin. Nous aurions pu, en poussant plus loin nos recherches, grossir le nombre de ces rapprochements ; mais nous avons cru que ceux que nous donnons ici suffiraient pour faire voir qu’en lisant les écrits des Pères de l’Église on rencontre souvent des pensées empruntées au chef de l’école néoplatonicienne.

Eug. LÉVÊQUE.

  1. Voy. ci-dessus p. 579.
  2. Voici comment Jahn formule son opinion sur cette question : « Basilii quidem hanc lucubratiunculam esse mihi longe est persuasissimum. Sive enim duo postremos Contra Eunomium libros e Basllio Magno abjudicas, sive eos a Basilio profectos existimas cum viris doctis apud Fabricium laudatis : tota hæc quæstio ad nostrum libellum nil refert, qui tam parum cum extremo libro V Contra Eunomium conjunctus sit, ut aut librarii illum propter externam quamdam similitudinem libris Contra Eunomium adjecisse, aut Basilius ipse opusculum separatim conscriptum operi duobus postremis libris perpoliendo subjunxisse censendus sit. Ut autem Bastlium hunc libellum non ipsum eo loco, ubi hodie in codicibus plerisque comparet, collocasse censeamus, fortasse illud argumento fuerit quod in codice, unde Basileensis editio græca posterior expressa est, homiliam separatam efficit, descriptam p. 241. » Voy. ci-après la note de Garnier, p. 644.
  3. Plusieurs auteurs chrétiens ont, comme S. Basile, assimilé à l’Esprit saint l’hypostase que les Néoplatoniciens appellent l’Âme du monde. Voy., dans le tome I, les témoignages de Théodoret (p. 357), de saint Augustin (p. 333), et ci-après celui de saint Cyrille (p. 625). On peut consulter sur ce sujet Cudworth, Systema intellectuale, t. I, p. 685.