Ennéades (trad. Bouillet)/II/Livre 3/Notes

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Les Ennéades de Plotin,
Traduction de M. N. Bouillet
Ennéade II, livre iii :
De l'influence des astres | Notes
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LIVRE TROISIÈME.

DE L’INFLUENCE DES ASTRES.

Ce livre est le cinquante-deuxième dans l’ordre chronologique.

Par le sujet qui s’y trouve traité, il se rattache aux livres Du Destin et de la Providence (Enn. III, liv. i, ii, iii), ainsi qu’aux livres Du Ciel et Du mouvement circulaire (Enn. II, liv. i et ii). Le motif pour lequel il a été composé est indiqué par Porphyre dans la Vie de Plotin, § 15, p. 17.

Le nombre et la variété des questions que Plotin a rattachées au sujet principal nous oblige à diviser en plusieurs paragraphes les éclaircissements assez longs que nous avons à donner.

§ I. PRINCIPES DE L’ASTROLOGIE JUDICIAIRE.

Après avoir été étudiée avec ardeur pendant une longue suite de siècles, l’astrologie judiciaire est aujourd’hui tombée dans un tel oubli qu’il nous paraît nécessaire d’en rappeler ici les principes les plus essentiels pour faciliter au lecteur l’intelligence de la discussion à laquelle se livre Plotin.

« L’astrologie, pour dresser le thème céleste et juger la figure de la nativité d’un individu, devait considérer cinq choses principales :

1° La maison du ciel (§ 4, p. 170 de ce volume),

2° Les signes du zodiaque (§ 3, p. 168-169),

3° Les planètes (§ 5, p. 171-172),

4° Les aspects et les configurations (§ 3-6, p. 168-174),

5° Les étoiles fixes et principalement celles de première grandeur (§ 1, p. 167). » 1° Maisons. Pour dresser le thème céleste, les astrologues divisaient le ciel en douze parties appelées maisons, auxquelles ils rapportaient les positions occupées au même instant par les astres dans chacune d’elles (opération désignée sous le nom d’horoscope). Il y avait pour cela plusieurs méthodes : celle de Ptolémée [dont Plotin paraît combattre principalement la doctrine sur l’influence des astres] consistait à diviser le zodiaque en douze parties égales ; elle s’appelait manière égale.

xxxPour représenter les maisons, les astrologues formaient douze
Représentation des 12 maisons du thème astral en carré
triangles placés entre deux carrés, inclus l’un dans l’autre, comme le montre la figure ci-jointe. Les triangles qui ont pour face un côté du petit carré étaient dits maisons angulaires ; les douze lignes tracées étaient celles qui commençaient ces maisons et sur lesquelles on marquait les degrés des signes ; sur les deux autres côtés, on écrivait les lieux des planètes, etc.


La première maison était appelée par les astrologues angle oriental, ou bien encore domicile ascendant de l’orient ; de cette maison on tirait un pronostic général de la vie, des membres de l’individu, de sa nourriture, de sa santé, de sa débilité, de ses habitudes, de ses mœurs, etc. La seconde maison signifiait biens, richesses, compagnie, gain, profit ; elle signifiait aussi or et argent, et s’appelait maison succédant à l’ascendant, basse-entrée. La troisième dénotait frères, sœurs, parents, etc., petits voyages, la foi, les songes, les divinations ; elle s’appelait maison venant de l’ascendant, autrement déesse, et avait regard sur les épaules, jambes et bras. On entendait par la quatrième les pères, les parrains, les héritages en général, biens des champs, trésors, enfants, métaux, prisons, biens obscurs, la fin de toutes choses, et ce qui nous vient après la mort, comme sépulture, baume, renommée, etc. ; elle portait le nom d’angle de terre et dominait sur la poitrine et le poumon. La cinquième signifiait enfants, filles, neveux, étrennes, donations, plaisirs, ornements, bravoure, danses, banquets, ambassades, l’or et l’argent, richesse paternelle, héritages, possessions ; elle s’appelait maison succédant à la quatrième, autrement bonne fortune, et regardait le cœur et l’estomac. La sixième dénotait les serviteurs, les maladies et les bêtes habiles à transporter l’homme ; elle se nommait maison venant de la quatrième, autrement mauvaise fortune, et regardait le ventre et les boyaux. La septième, noces, mariages, femmes, procès, querelles, ardentes inimitiés, gens qui participent à des gains, et signifiait aussi vieillesse et lieux étranges ; elle se nommait angle d’occident et dominait sur les reins. La huitième, ennuis, songes, tourments, genre de mort, douaires des femmes, héritages provenant d’étrangers, biens qui ont fait longtemps l’objet de vos rêves. Cette maison s’appelait maison succédant à l’angle occidental, autrement entrée d’en-haut. La neuvième, songes, voyages sur terre et sur mer, foi, religion, science, sagesse, divinations, songes, prodiges, nouveaux intellects, vertu, paradoxes, signes du ciel, punitions divines ; elle se nommait maison venant de l’angle occidental, autrement maison de Dieu. La dixième, honneurs, dignités, offices, administrations, gouvernements, bonne renommée ; elle s'appelait milieu du ciel, cœur du ciel, point méridional, angle méridional, et regardait les genoux. La onzième, amis, espoir, confiance, faveur, aide, louange, renommée ; elle se nommait maison succédant à l'angle méridional, autrement louange, et regardait les jambes. La douzième, haine cachée, prison, servitude, tristesse, tourments, plaintes, regrets, trahisons, chevaux et autres grands animaux servant principalement à l’équitation ; elle s'appelait maison tenant de l’angle méridional, autrement malin esprit, et regardait les pieds.

» 2° Signes du zodiaque. Les douze signes du zodiaque exerçaient aussi chacun une influence particulière. Selon Manilius, le Bélier gouvernait la tête de l'homme ; le Taureau, le col ; les bras étaient attribués aux Gémeaux, la poitrine au Cancer, les épaules au Lion, le ventre à la Vierge, l'âme au Scorpion ; le Sagittaire dominait sur le foie ; le Capricorne gouvernait les genoux, le Verseau les jambes et les Poissons les pieds. » (M. De Pontécoulant, art. Astrologie dans Encyclopédie du ixe siècle, t. IV, p. 110.)

L’influence que les astrologues attribuaient ainsi aux signes du zodiaque modifiait, selon eux, celle des planètes elles-mêmes : c’est cette opinion que Plotin combat quand il dit (§ 3, p. 168) : « Qu'éprouve de différent une planète selon qu'elle est dans telle ou telle partie du zodiaque ? Qu'éprouve le zodiaque lui-même ? En effet les planètes ne sont pas dans le zodiaque même, elles sont au-dessous et très-loin de lui. » Les astrologues disaient en effet qu’une planète était dans un signe du zodiaque lorsqu’elle se trouvait au-dessous de ce signe, comme l’explique fort bien Macrobe dans le passage suivant, qui peut servir de commentaire à cette phrase de Plotin : « Quærendum est, quum zodiacus unus sit, et is constet cœlo sideribus infixis, quemadmodum inferiorum sphærarum stellæ in signis zodiaci meare dicantur. Nec longum est invenire rationem ; quæ in ipso vestibulo excubat quæstionis : verum est enim neque solem lunamve, neque de vagis ullam ita in signis zodiaci ferri, ut corum sideribus misceantur ; sed in illo signo esse unaquæque perhibetur quod habuerit supra verticem, in ea quæ illi signo subjecta est circuit sui regione discurrens : quia singularum sphærarum circulos in duodecim partes æque ut zodiacum ratio divisit, et, quæ in eam partem circuli sui venerit quæ sub parte zodiaci est Arieti deputata, in ipsum Arietem venisse conceditur : similisque observatio in singulas partes migrantibus stellis tenetur. » (Commentaire sur le Songe de Scipion, I, 21.)

Planètes. Les planètes avaient chacune leur influence propre. On attribuait à Saturne les maladies, les peines, le travail à l’excès, ainsi que les malheurs de la vie et les tempêtes sur mer ; on donnait à Jupiter les choses saintes et pieuses ; Mars présidait à la guerre ; Mercure gouvernait les arts et l’esprit, etc. Cicéron fait allusion à ces idées des astrologues lorsqu’il dit dans le Songe de Scipion, § 10 :

« Novem tibi orbibus vel potius globis connexa sunt omnia. Quorum unus est cœlestis extimus, qui reliquos omnes complectitur, summus ipse deus, arcens et continens ceteros, in quo infixi sunt illi qui volvuntur stellarum cursus sempiterni. Huic subjecti sunt septem, qui versantur retro contrario motu atque cœlum. E quibus unum globum possidet illa quam in terris Saturniam nominant ; deinde est hominum generi prosperus et salutaris ille fulgor qui dicitur Jovis ; tum rutilus horribilisque terris, quem Martium dicitis ; deinde subter mediam fere regionem Sol obtinet, dux, et princeps, et moderator luminum reliquorum, mens mundi et temperatio, tanta magnitudine ut cuncta sua luce lustret et compleat ; hunc ut comites consequuntur Veneris alter, alter Mercurii cursus ; infimoque orbe Luna, radiis solis accensa, convertitur. Infra autem eam nihil est nisi mortale et caducum, præter animos hominum generi munere deorum datos : supra Lunam sunt æterna omnia. Jam ea quæ est media et nona, Tellus, neque movetur et infima est, et in eam feruntur omnia nutu suo pondera. »

Ce passage, dont le contenu est conforme à ce que Plotin dit lui-même p. 171-172, sert de texte à Macrobe pour développer longuement les opinions philosophiques et astrologiques de son époque. Voici les passages les plus remarquables de son Commentaire (I, 17, 19) :

« Totius mundi a summo in imum diligens in hunc locum collecta descriptio est ; et integrum quoddam universitatis corpus effingitur, quod quidam τὸ πᾶν, id est omne dixerunt ; unde et hic dicit : « Connexa sunt omnia. » Virgilius vero magnum corpus vocavit :

Et magno se corpore miscet.

(Æneis, VI, 727.)

» Hoc autem loco Cicero, rerum quærendarum jactis seminibus, multa nobis excolenda legavit....

» Quod vero fulgorem Jovis humano generi prosperum et salutarem, contra Martis rutilum et terribilem terris vocavit, alterum tractum est ex stellarum colore (nam fulget Jovis, rutilat Martis), alteram ex tractatu eorum qui de his stellis ad hominam vitam manare volunt adversa vel prospera : nam plerumque de Martis stella terribilia, de Jovis salutaria evenire definiunt.

Causam si quis forte altius quærat, unde divinis malevolentia, ut Stella malefica esse dicatur (sicut de Martis et Saturni stellis existimatur), aut cur notabilior benignitas Jovis et Veneris inter genethliacos habeatur, quum sit divinorum una natura, in medium proferam rationem apud unum omnino, quod sciam, lectam : nam Ptolemæus, in libris tribus quos De harmonia composuit, patefecit causam quam breviter explicabo.

» Certi sunt numeri per quos inter omnia, quæ sibi conveniunt junguntur et aptantur, fit jugabilis competentia ; nec quidquam potest alteri nisi per hos numeros convenire : sunt autem epitritus hemiolius, epogdous, duplaris, triplaris, quadruplus. Quæ hoc loco interim quasi nomina numerorum accipias volo ; in sequentibus vero, dum de harmonia cœli loquemur, quid sint hi numeri, quidve possint, opportunius aperiemus ; modo hoc nosse sufficiat, quia sine his numeris nulla colligatio, nulla potest esse concordia.

» Vitam vero nostram præsipue Sol et Luna moderantur : nam, quum sint caducorum corporum hæc duo propria, sentire vel crescere : αἰσθετιϰὸν, id est sentiendi natura, de Sole ; φυτιϰὸν autem, id est crescendi natura, de lunari ad nos globositate perveniunt ; sic utriusque luminis beneficio hæc nobis constat vita qua fruimur. Conversatio tamen nostra et proventus actuum tam ad ipsa duo lumina quam ad quinque vagas stellas refertur. Sed harum stellarum alias interventus numerorum, quorum supra fecimus mentionem, cum luminibus bene Jungit ac sociat ; alias nullus applicat numeri nexus ad lumina. Ergo Veneria et Jovialis Stella per hos numeros lumini utrique sociantur : sed Jovialis Soli per omnes, Lunæ vero per plures, et Veneria Lunæ per omnes, Soli per plures numeros aggregatur. Hinc, licet utraque benefica credatur, Jovis tamen Stella cum Sole accommodatior est, et Veneris cum Luna : atque ideo vitæ nostræ magis commodant, quasi luminibus vitæ nostræ auctoribus numerorum ratione concordes. Saturni autem Martisque stellæ ita non habent cum luminibus competentiam, ut tamen aliqua vel extrema numerorum linea Saturnus ad Solem, Mars aspiciat ad Lunam. Ideo minus commodi vitæ humanæ existimantur, quasi cum vitæ auctoribus apta numerorum ratione non juncti. Cur tamen et ipsi nonnunquam opes vel claritatem hominibus præstare credantur, ad alterum debet pertinere tractatum : quia hic sufficit aperuisse rationem, cur alia terribilis, alia salutaris existimetur.

Et Plotinus quidem, in libro qui inscribitur Si faciunt astra, pronuntiat nihil vi potestate eorum hominibus evenire ; sed ea quæ decreti necessitas in singulos sancit, ita per horum septem transitum statione recessuve monstrari, ut aves seu prætervolando, seu stando, futara pennis vel voce significant nescientes. Sic quoque tamen jure vocabitur hic salutaris, ille terribilis, quam per hunc prospera, per illum significentur incommoda. »

Aspects. Nous avons expliqué p. 167, note 3, ce que les astrologues entendaient par aspect. Ce que Plotin dit à ce sujet (§ 1-6, p. 166-174) est assez clair pour n’avoir pas besoin d’un nouveau commentaire.

Étoiles fixes. Les étoiles fixes concouraient à cette influence mêlée que tous les astres exerçaient ensemble, selon les astrologues, comme le dit Plotin, § 1, p. 167 ; § 12, p. 182. (Voy. aussi le passage de Sénèque cité dans la note 2 de cette page.)

Les idées que nous venons d’exposer et que Plotin combat dans ce livre paraissent avoir pris naissance chez les Chaldéens. Une des fonctions de leurs prêtres était d’observer les signes du zodiaque et tous les corps célestes, afin de leur arracher le secret de l’avenir. À cet effet, on avait assigné à chaque astre ses attributions, son influence bonne ou mauvaise, et une part déterminée dans le gouvernement des choses de la terre. Ainsi Jupiter et Vénus, autrement appelés Bélus et Mylitta, passaient pour bienfaisants ; Saturne et Mars pour malfaisants ; Mercure, que l’on suppose être le même que Nébo, était tantôt l’un, tantôt l’autre, selon la position qu’il occupait dans le ciel. Parmi les signes du zodiaque, les uns représentaient les sexes, les autres le mouvement et le repos, ceux-ci les différentes parties du corps, ceux-là les différents accidents de la vie, et, se divisant pour se subdiviser encore à l’infini, ils formaient comme une langue[1] mystérieuse, mais complète, dans laquelle le ciel nous annonce nos destinées. Outre les douze signes du zodiaque, les Chaldéens reconnaissaient encore des étoiles très-influentes au nombre de vingt-quatre, dont douze occupaient la partie supérieure, et douze la partie inférieure du monde, en considérant la terre comme le milieu. Les premières étaient préposées aux destinées des vivants, les autres étaient chargées de juger les morts. Les cinq planètes avaient aussi sous leur direction trente astres secondaires qui, voyageant alternativement d’un hémisphère à l’autre, leur annonçaient ce qui se passait dans toute l’étendue de l’univers et portaient le titre de dieux conseillers. Enfin, au-dessus des planètes, désignées sous le nom de dieux interprètes, étaient le soleil et la lune : le soleil, représentant la principe mâle ou actif, et la lune, le principe femelle ou passif. Tels sont les détails que donnent sur ces croyances astrologiques Diodore de Sicile (liv. II) et Sextus Empiricus (Contre les Mathématiciens) liv. V, p. 111, édit. de Genève). Voy. M. Frank, Dictionnaire des Sciences philosophiques, tome I, Sagesse des Chaldéens.

M. Ravaisson (Essai sur la Métaphysique d’Aristote, t. II, p. 319) pense que l’influence du Stoïcisme contribua au crédit dont l’Astrologie judiciaire jouissait au temps de Plotin : « Dans la philosophie Stoïcienne et dans la croyance des temps où elle s’était développée, Dieu ne faisait qu’un avec la nature. Considérée d’abord par Zénon comme la force qui pénètre et vivifie le monde, la cause première avait dû de plus en plus, par un progrès nécessaire, se confondre avec les phénomènes mêmes dont le monde est composé. Dieu s’était enfin réduit au ciel, aux astres, au soleil, et le gouvernement divin au cours fatal des corps célestes. Aussi, sous la double influence du Stoïcisme et des Chaldéens, auxquels les rapports établis par la conquête d’Alexandre entre Babylone et la Grèce avaient ouvert l’Occident, la foi dans l’astrologie judiciaire avait fait des progrès immenses, malgré la résistance des Péripatéticiens et des Épicuriens ; Il semblait qu’elle dût devenir enfin la religion universelle. »

Ces considérations expliquent pourquoi Plotin, dans la seconde partie de ce livre, discute les idées professées par les Stoïciens sur la Providence et la Fatalité, comme nous l’avons démontré par les citations placées au bas des pages 172, 173, 174, 176, 182, 183, 188, 189.

Pour terminer ce paragraphe, nous indiquerons les principaux auteurs qu’on peut consulter sur le sujet que nous venons de traiter.

Parmi les auteurs anciens qui ont écrit sur l’astrologie judiciaire et que Plotin s’est proposé de réfuter, le plus important est Ptolémée, auteur du Tétrabiblon, ouvrage auquel Porphyre a fait une Introduction.

Les philosophes les plus célèbres qui ont combattu l’astrologie judiciaire, sont,

Avant Plotin :

Cicéron : De Divinatione, liv. II, 42-47 ; De Fato, 4 ;

Favorinus, Discours contre les Astrologues (cité par Aulu-Gelle, Nuits attiques, liv. XIV, 10) ;

Sextus Empiricus, Contre les Mathématiciens, liv. V, p. 337-355 ;
Lucien, De l’Astrologie, § 27 ;
Bardesane de Syrie (Eusèbe, Prépar. Évang., liv. VI, 10) ;
Origène, que nous avons cité p. 166 ;
Et après Plotin,
Saint Augustin, De Civitate Dei, liv. V, 1.
M. De Pontécoulant, que nous avons déjà cité (p. 457-459), a, dans l’Encyclopédie du dix-neuvième siècle (t. IV, p. 108-117), exposé et réfuté les idées fondamentales de l’astrologie.


§ II. DOCTRINE DE PLOTIN SUR L’INFLUENCE DES ASTRES ET L’ORDRE GÉNÉRAL DE L’UNIVERS.

Après avoir réfuté le système des astrologues dans la première partie de ce livre, Plotin, dans la seconde partie, formule et démontre sa propre doctrine sur l’ordre général de l’univers :

1° Les astres indiquent les événements futurs ;

2° Ils n’exercent qu’une influence physique par leur corps et sympathique par leur âme irraisonnable.

Les considérations sur lesquelles se fonde cette doctrine sont longuement développées dans le livre iv de l’Ennéade IV, qui avait été composé avant ce livre. C’est pourquoi Plotin se borne à les indiquer ici très-brièvement. Pour les faire bien saisir, nous allons les résumer, en les dégageant de la discussion avec laquelle elles se trouvent confondues.


1. Les astres indiquent les événements futurs en vertu de l’ordre général de l’univers.

Le monde est un être organisé et vivant, un animal, comme l’un des êtres particuliers qu’il renferme (§ 5, p. 173), et plein d’une grande Âme où toutes les âmes particulières sont contenues[2]. Rien ne peut donc arriver à une de ses parties dont les autres parties ne se ressentent plus ou moins, et le monde forme ainsi un tout sympathique à lui-même[3] (§ 5, 7, p. 173, 175). Par la même raison chaque phénomène est le signe d’un autre phénomène, et, en vertu de cette coordination universelle, les astres indiquent les événements futurs (§ 7, 8, p. 174-178).

Plotin parait s’être inspiré ici de Platon et des Stoïciens.

L’Idée que le monde est un être animé se trouve dans Platon :

« Voilà comment a été produit ce monde qui comprend tous les animaux mortels et immortels, et qui en est rempli ; cet animal visible, dans lequel tous les animaux visibles sont renfermés ; ce Dieu sensible, image de l’intelligible. ce Dieu très-grand, très-bon, très-beau et très-parfait, ce ciel un et unique[4]. » (Timée, p. 92 ; p. 244 de la trad. de M. H. Martin.)

Dans un autre passage du même écrit, Platon exprime aussi cette idée que les astres indiquent les événements futurs :

« Les chœurs de danse de ces astres mêmes[5], leurs rapprochements, la marche et le retour de leurs cercles sur eux-mêmes et dans les conjonctions, les caractères auxquels on reconnaît ceux de ces Dieux qui se trouvent près les uns des autres et ceux qui se trouvent à l’opposite, la manière dont, en se poursuivant les uns peuvent passer derrière les autres et être ainsi, à certaines époques, cachés à nos yeux, puis reparaître, et comment de là résultent des motifs de crainte et des présages de l’avenir pour d’habiles calculateurs, voilà ce qu’on ne peut exposer, si les auditeurs n’ont sous les yeux quelque représentation du système céleste. » (Timée, p. 40 ; p. 109 de la trad.)

Ces idées de Platon ont été ensuite adoptées par les Stoïciens qui leur ont donné des développements importants dans leur système. Dans les notes des pages 173, 176, 183, nous avons indiqué les rapprochements qu’on peut faire à ce sujet entre la doctrine de ces philosophes et celle de Plotin.

Nous ferons remarquer en outre que la doctrine professée par Plotin était d’ailleurs très-répandue dans l’Orient. M. Franck, dans son ouvrage sur la Kabbale (p. 219, 231), nous la montre enseignée par les docteurs hébreux à peu près dans les mêmes termes que par Plotin. Voici comment il s’exprime à ce sujet :

« De la croyance que le monde inférieur est l’image du monde supérieur[6], les Kabbalistes ont tiré une conséquence qui les ramène entièrement au mysticisme : ils ont imaginé que tout ce qui frappe nos sens a une signification symbolique ; que les phénomènes et les formes les plus matérielles peuvent nous apprendre ce qui se passe ou dans la pensée divine ou dans l’intelligence humaine. Tout ce qui vient de l’esprit doit, selon eux, se manifester au dehors et devenir visible. De là la croyance à un alphabet céleste et à la physiognomonique :

« Dans toute l’étendue du ciel, dont la circonférence entoure le monde, il y a des figures, des signes[7], au moyen desquels nous pourrions découvrir les secrets et les mystères les plus profonds. Ces figures sont formées par les constellations et les étoiles, qui sont pour le sage un sujet de contemplation et une source de mystérieuses jouissances... Celui qui est obligé de se mettre en voyage dès le matin n’a qu’à se lever au point du jour et à regarder attentivement du côté de l’orient ; il verra comme des lettres[8] gravées dans le ciel et placées les unes au-dessus des autres. Ces formes brillantes sont celles des lettres avec lesquelles Dieu a créé le ciel et la terre ; elles forment son nom mystérieux et saint... De même que dans le firmament, qui enveloppe tout l’univers, nous voyons diverses figures formées par les étoiles et les planètes, pour nous annoncer des choses cachées et de profonds mystères ; ainsi, sur la peau qui entoure notre corps il y a des formes et des traits qui sont comme les planètes ou les étoiles de notre corps. Toutes ces formes ont un sens caché et sont un objet d’attention pour les sages qui savent lire dans le visage de l’homme[9]. »


2. Les astres n’exercent qu’une influence physique par leur corps ou sympathique par leur âme irraisonnable.

Chaque astre est un être vivant, composé d’un corps et d’une âme. Son corps ne peut exercer qu’une influence physique, par exemple, répandre la chaleur (§ 2, 4 ; p. 167, 172). Quant à son âme, elle comprend deux parties, comme l’Âme universelle : la partie supérieure, l’âme raisonnable, contemple tranquillement l’Intelligence divine et trouve dans cette contemplation une source perpétuelle de bonheur (§ 3, 9; p. 169, 180) ; la partie inférieure, l’âme irraisonnable ou puissance naturelle, exerce, en vertu de la sympathie qui unit tous les êtres de l’univers, une action qui est la conséquence de son essence, qui ne comporte, par conséquent, ni délibération ni liberté, qui ressemble à une irradiation, et qui concourt à l’action exercée par l’Âme universelle (§ 13, p. 184). Elle ne saurait donc être nuisible puisqu’elle a pour principe une nature excellente (§ 2, 13 ; p. 168, 184).

Voici comment ces idées sont développées par Plotin dans le livre iv de l’Ennéade IV ;

« Cet univers est un animal un, ζῶον ἕν, qui renferme en lui-même tous les animaux. Il y a en lui une âme une, ψυχὴ μία, qui se répand dans toutes ses parties, c’est-à-dire dans tous les êtres qui sont des parties de l’univers. Or, tout être qui se trouve contenu dans le monde sensible est une partie de l’univers : d’abord il en est une partie par son corps, sans aucune restriction ; ensuite il en est encore une partie par son âme, mais seulement en tant qu’il participe [à la Puissance naturelle et génératrice] de l’Âme universelle. Les êtres qui ne participent qu’à [la Puissance naturelle et génératrice] de l’Âme universelle sont complètement des parties de l’univers[10]. Ceux qui participent à une autre Âme [à la puissance supérieure de l’Âme universelle] ne sont pas complètement des parties de l’univers ; [ils sont indépendants par leur âme raisonnable], mais ils éprouvent des passions par l’action des autres êtres, en tant qu’ils ont quelque chose de l’univers, [que, par leur âme irraisonnable, ils participent à la Puissance naturelle et génératrice de l’univers] et que les autres êtres ont aussi quelque chose de l’univers. Ainsi cet univers est un animal un et sympathique à lui-même. »

Il résulte de là que rien ne peut arriver à une des parties de l’univers dont les autres parties ne se ressentent plus ou moins, et que, selon l’expression dont se sert Plotin (§ 5, p. 173) « toutes choses ont de la sympathie les unes pour les autres par leur vie irrationnelle. »

En vertu de ce principe, les astres exercent sur nous une action sympathique par les diverses figures qu’ils forment en vertu de l’inégalité de leur vitesse :

« Le cours des astres agit en disposant de différentes manières d’abord les astres et les choses que le ciel contient, puis les êtres terrestres dont il modifie, non-seulement les corps, mais encore les âmes[11]. » (Enn. IV, liv. iv, § 31.)

Il y a harmonie dans l’univers, malgré la diversité et la multiplicité des êtres qu’il contient, parce que tous aspirent à un seul but[12] et dépendent d’un seul principe. C’est en aspirant au même but que tous les autres êtres, c’est en concourant à réaliser l’harmonie universelle, que les astres exercent leur action, soit physique, soit sympathique :

« Si le Soleil, par exemple, agit sur les choses d’ici-bas, c’est qu’il contemple le monde intelligible ; pendant ce temps, non-seulement il échauffe les êtres terrestres, mais encore il les fait participer à son âme, autant que cela est possible, parce qu’il possède une grande puissance naturelle. De même, les autres astres, sans aucun choix et par une espèce d’irradiation, transmettent aux choses inférieures quelque chose de la puissance naturelle qu’ils possèdent. » (Enn. IV liv. iv, § 35.)

Les développements qui précèdent peuvent se résumer dans cette phrase (§ 10, p. 181) :

« Les astres ne produisent que les choses qui sont des passions de l’univers, et cela par leur partie inférieure [leur corps et leur âme irraisonnable]. »

Les astres ne peuvent donc agir que sur la nature animale de l’homme, c’est-à-dire sur son corps et sur son âme irraisonnable (§ 9, 11, p. 180-182). Ils ne produisent pas, comme le prétendent les astrologues (§ 1, p. 165), la pauvreté et la richesse (§ 8, 14 ; p. 178, 185), la santé et la maladie (§ 12, p. 182), la beauté et la laideur (ibid.), les vices et les vertus (§ 8, 13, 15 ; p. 178, 184, 187). On ne doit donc pas non plus leur attribuer les maux ; il faut expliquer ces maux par les principes suivants :

« 1° Les choses que les dieux produisent ne résultent pas d’un libre choix, mais d’une nécessité naturelle, parce que les dieux agissent, comme parties de l’univers, sur les autres parties de l’univers, et concourent à la vie de l’animal universel[13]. 2° Les êtres d’ici-bas ajoutent par eux-mêmes beaucoup aux choses qui proviennent des astres[14]. 3° Les choses que les astres nous donnent ne sont pas mauvaises, mais s’altèrent par le mélange[15]. 4° La vie de l’univers n’est pas réglée en vue de l’individu, mais en vue du tout[16]. 5° La matière n’éprouve pas des modifications complètement conformes aux impressions qu’elle reçoit, et ne peut pas entièrement se soumettre à la forme qui lui est donnée[17]. » (Enn. IV liv. iv, § 39.)

Plotin, dans le § 9 du livre iii, essaie de rattacher sa doctrine à celle que Platon expose dans le Timée sur le même sujet. Nous donnons dans toute son étendue le morceau de Platon sur lequel roule l’argumentation de notre auteur pour en simplifier l’explication :

« Dieu dit aux autres dieux qu’il a créés : « Appliquez-vous suivant votre nature à la formation des animaux, imitait l’action par laquelle ma puissance vous a fait naître. Comme il doit y avoir en eux une partie qui porte le même nom que les immortels, qui soit appelée divine, et qui ait le commandement dans ceux d’entre eux qui voudront toujours suivre la justice, je vous en donnerai la semence et l’ébauche, et vous, ensuite, à la partie immortelle alliez une partie mortelle, formez-en des animaux, produisez-les, donnez-leur la nourriture et l’accroissement, et, quand ils périront, qu’ils retournent à vous. » Il dit, et dans le même vase où il avait, par un premier mélange, composé l’Âme de l’univers, il versa le reste des mêmes éléments, et en fit un mélange à peu près de la même manière, si ce n’est qu’il n’y entra plus d’essence invariable comme la première fois, mais deux et trois fois moins parfaite. Ayant réuni le tout, il le divisa en un nombre d’âmes égal à celui des astres, et en donnant une à chaque astre, afin qu’elle fût portée par lui comme dans un char, il fit ainsi connaître à ces âmes la nature de l’univers et leur dit ses décrets immuables sur leurs destinées : que la naissance première serait uniformément la même pour tous les animaux, afin qu’aucun n’eût à se plaindre de lui ; que semées chacune dans celui des astres, instruments du temps, qui lui était attribué, elles devraient produire celui des animaux qui est le plus capable d’honorer la divinité ; et que, le genre humain étant divisé en deux sexes, l’un serait plus parfait, savoir celui qui plus tard serait appelé viril ; que lorsqu’elles auraient été unies invinciblement à des corps, qui recevraient des parties nouvelles et en perdraient d’autres, il en résulterait nécessairement, dans ces animaux, premièrement une sensation commune à tous, naturelle, excitée par les impressions violentes, et secondement l’amour mêlé de plaisir et de peine, et de plus la crainte et la colère et les autres affections qui viennent à la suite de celles-là, ou qui leur sont contraires : qu’en triompher, ce serait vivre avec justice ; y succomber, ce serait vivre d’une manière injuste ; que celui qui passerait dans la vertu le temps qui lui serait donné pour vivre, retournerait habiter avec l’astre à la société duquel il était destiné, et partagerait son bonheur ; que celui qui succomberait deviendrait femme dans une seconde naissance ; et que, si alors il persistait encore dans sa méchanceté, suivant le genre de vice auquel il se serait livré, il serait changé toujours en un animal d’une nature analogue aux mœurs qu’il se serait formées[18], et qu’il ne verrait le terme de ses transformations et de son supplice que lorsqu’il se laisserait conduire par la révolution du même et de l’invariable en lui[19], et que, triomphant ainsi par la raison de cette multitude de parties déraisonnables et désordonnées de feu, d’eau, d’air et de terre, venues plus tard s’ajouter à lui, il reviendrait à l’excellence et à la dignité de son premier état. Leur ayant donc promulgué toutes ces lois, pour n’avoir point à répondre de la méchanceté future de chacun de ces animaux, il semait les uns dans la terre, les autres dans la lune, d’autres dans tous les instruments du temps. Après cette distribution, il chargea les jeunes dieux de façonner les corps mortels, d’achever ce qui pouvait encore manquer à l’âme humaine et tout ce dont elle pouvait avoir besoin, et puis de commander à cet animal mortel et de le diriger le mieux qu’ils pourraient, à moins qu’il ne devînt lui-même la cause de ses propres malheurs... Dieu est l’ouvrier qui forma les animaux divins ; quant aux animaux mortels, il confia à ses propres enfants le soin de travailler à leur formation. Ces dieux, imitant leur père et ayant reçu de lui le principe immortel de l’âme, lui façonnèrent ensuite ce corps mortel, et lui donnèrent pour char le corps entier, dont ils firent encore la demeure d’une autre espèce d’âme, de celle qui est mortelle, et qui a en elle-même des affections violentes et fatales, d’abord le plaisir, ce grand appât du mal, ensuite les douleurs, cause de la fuite du bien, de plus l’audace et la crainte, conseillers imprudents, la passion sourde aux avis, l’espérance qui se laisse facilement séduire par la sensation irraisonnable et livrée en proie à l’amour de tous les objets. Mêlant toutes ces choses d’après la nécessité, ils composèrent ainsi l’espèce mortelle[20]. » (Timée, p. 42, 69 ; p. 114, 187 de la trad. de M. H. Martin.)

Voici comment Plotin, dans le livre qui nous occupe (§ 9, p. 178), résume ce morceau du Timée que nous venons de citer :

« Dans le Timée, le Dieu qui a créé l’univers [l’Intelligence] donne le principe immortel de l’âme [l’âme raisonnable], et les dieux qui exécutent leurs révolutions dans le ciel ajoutent [au principe immortel de l’âme] les passions violentes qui nous soumettent à la nécessité, la colère, les désirs, les peines et les plaisirs ; en un mot, ils nous donnent cette autre espèce d’âme [l’âme irraisonnable] de laquelle dérivent ces passions. Par ces paroles, Platon semble dire que nous sommes asservis aux astres, que nous en recevons nos âmes, qu’ils nous soumettent à l’empire de la nécessité quand nous venons ici-bas, que c’est d’eux que nous tenons nos mœurs, et, par nos mœurs, les actions et les passions qui dérivent de la partie passive (ἔξις παθητιϰή) de l’âme. Que sommes-nous donc nous-mêmes ? Nous sommes ce qui est essentiellement nous, nous sommes le principe auquel la nature a donné le pouvoir de triompher des passions. Car si, à cause du corps, nous sommes entourés de maux, Dieu nous a cependant donné la vertu qui n’a pas de maître. »

Plotin n’admet nullement, comme on pourrait le croire d’abord en lisant ce passage, que nous recevons nos âmes des astres[21] : car il affirme expressément le contraire dans le § 16, p. 187, et s’il s’exprime ici moins nettement, c’est par condescendance pour Platon. Il veut seulement montrer qu’il est d’accord avec Platon sur l’origine des vertus et des vices, sur le domaine de la liberté et de la nécessité ou fatalité dont l’influence des astres forme un des éléments. C’est dans ce but qu’il rapproche le Timée du Phèdre (§ 8, 13 ; p. 177, 183) et du livre X de la République (§ 9, 15 ; p. 178, 186).

En résumant les considérations éparses dans plusieurs paragraphes du livre iii, on peut formuler ainsi la doctrine de Plotin :

1° Les vertus dérivent du fonds primitif de l’âme ; les vices naissent du commerce de l’âme avec les choses extérieures (§ 8, 13, 16 ; p. 178, 184, 187).

2° L’homme est libre quand il exerce la faculté de l’âme raisonnable (§ 9, 13, 15 ; p. 179, 183, 187), quand il s’élève de l’ordre physique qui règne dans l’univers aux choses intelligibles qui ne dépendent de rien (§ 8, 9 ; p. 177, 179). Il est soumis à la nécessité et il devient une partie de l’univers quand il exerce les facultés de l’âme irraisonnable et du corps.

La nécessité ou fatalité est l’ensemble des circonstances extérieures qui exercent une action sur l’âme irraisonnable, savoir : la disposition générale de l’univers, l’influence des astres, la nature de notre corps, de nos parents, de notre patrie, etc. (§ 8, 9, 10, 14, 15 ; p. 177, 179, 181, 185-7).

3° Si l’homme est vertueux, il en est récompensé par le bonheur dont il jouit en menant une vie conforme à celle de la divinité. S’il est vicieux, il en est puni par son égarement même, qui le rend esclave de l’ordre physique, et par un sort moins heureux dans la génération suivante, où son âme est unie à un corps d’une espèce conforme aux inclinations qu’elle a précédemment développées (§ 8, 9, 10 ; p. 178, 179, 181).

Ces principes sont conformes à ceux que Platon expose dans le morceau du Timée que nous avons cité plus haut ; ils ont aussi beaucoup d’analogie avec les idées que Leibnitz expose dans sa Monadologie sur le règne physique de la nature dont dépendent les âmes sensitives et le règne moral de la grâce auquel s’élèvent les esprits :

§ 79. « Les âmes agissent selon les lois des causes finales par appétitions, fins et moyens. Les corps agissent selon les lois des causes efficientes et des mouvements. Et les deux règnes, celui des causes efficientes et celui des causes finales, sont harmoniques entre eux.

§ 82. Quant aux esprits ou âmes raisonnables, quoique je trouve qu’il y a dans le fond la même chose dans tous les vivants et animaux, comme nous venons de dire (savoir, que l’animal et l’âme ne commencent qu’avec le monde et ne finissent pas, non plus que le monde), il y a pourtant cela de particulier dans les animaux raisonnables, que leurs petits animaux spermatiques, tant qu’ils ne sont que cela, ont seulement des âmes ordinaires ou sensitives, mais dès que ceux qui sont élus, pour ainsi dire, parviennent par une actuelle conception à la nature humaine, leurs âmes sensitives sont élevées au degré de la raison et à la prérogative des esprits.

§ 83. Entre autres différences qu’il y a entre les âmes ordinaires et les esprits, dont j’ai déjà marqué une partie, il y a encore celle-ci, que les âmes en général sont des miroirs vivants ou images de l’univers des créatures, mais que les esprits sont encore images de la divinité même ou de l’auteur même de la nature, capables de connaître le système de l’univers et d’en imiter quelque chose par des échantillons architectoniques, chaque esprit étant comme une petite divinité dans son département.

§ 84. C’est ce qui fait que les esprits sont capables d’entrer dans une manière de société avec Dieu, et qu’il est à leur égard, non-seulement ce qu’un inventeur est à sa machine (comme Dieu l’est par rapport aux autres créatures), mais encore ce qu’un prince est à ses sujets et même un père à ses enfants.

§ 85. D’où il est aisé de conclure que l’assemblage de tous les esprits doit composer la cité de Dieu, c’est-à-dire le plus parfait état qui soit possible sous le plus parfait des monarques.

§ 86. Cette cité de Dieu, cette monarchie véritablement universelle est un monde moral dans le monde naturel, et ce qu’il y a de plus élevé et de plus divin dans les ouvrages de Dieu, et c’est en lui que consiste véritablement la gloire de Dieu, puisqu’il n’y en aurait point si sa grandeur et si sa bonté n’étaient pas connues et admirées par les esprits ; c’est aussi par rapport à cette cité divine qu’il a proprement de la bonté, puisque sa sagesse et sa puissance se montrent partout.

§ 87. Comme nous avons établi ci-dessus une harmonie parfaite entre deux règnes naturels, l’un des causes efficientes, l’autre des causes finales, nous devons remarquer encore ici une autre harmonie entre le règne physique de la nature et le règne moral de la grâce, c’est-à-dire entre Dieu considéré comme architecte de la machine de l’univers et Dieu considéré comme monarque de la cité divine des esprits.

§ 88. Cette harmonie fait que les choses conduisent à la grâce par la voie même de la nature, et que ce globe, par exemple, doit être détruit et réparé par les voies naturelles dans les moments que le demande le gouvernement des esprits pour le châtiment des uns et la récompense des autres.

§ 89. On peut dire encore que Dieu comme architecte contente en tout Dieu comme législateur, et qu’ainsi les péchés doivent porter leur peine avec eux par l’ordre de la nature, et en vertu même de la structure mécanique des choses, et que de même les belles actions s’attireront leurs récompenses par des voies machinales par rapport aux corps, quoique cela ne puisse et ne doive pas arriver toujours sur-le-champ. »


§ III. DOCTRINE DE PLOTIN SUR L’ACTION PROVIDENTIELLE DE l’ÂME UNIVERSELLE ET SUR SES RAPPORTS AVEC L’ÂME HUMAINE.

Les considérations précédentes sur l’ordre général de l’univers nous conduisent naturellement à examiner les idées de Plotin sur l’action providentielle qu’il attribue à l’Âme universelle et sur ses rapports avec l’âme humaine.

On peut ramener la doctrine de notre auteur aux principes suivants :

1° L’Âme universelle est le principe qui par sa présence dans le monde en fait l’animal un et universel (§ 7, p. 176).

2° L’Âme universelle fait régner l’ordre et la justice.

L’ordre règne dans l’univers parce que toutes choses procèdent d’un principe unique et conspirent à un but unique ; tout en remplissant chacune leur rôle particulier, elles se prêtent un mutuel concours ; les actions qu’elles produisent et les passions qu’elles subissent sont toutes coordonnées dans l’harmonie générale de l’univers où l’Âme donne à chaque être des fonctions conformes à sa nature (§ 5-7, p. 173-176).

La justice règne dans l’univers parce que les âmes sont punies ou récompensées par les conséquences naturelles de leurs actions, comme nous l’avons déjà dit (p. 472).

3° L’Âme universelle gouverne l’univers par la Raison, comme le corps de chaque être vivant est gouverné par la raison séminale qui forme ses organes (§ 13, 16 ; p. 182, 188).

Voici comment la chose a lieu :

L’Âme universelle comprend deux parties analogues aux deux parties de l’Âme humaine : ce sont la Puissance principale de l’Âme et la Puissance naturelle et génératrice.

La Puissance principale de l’Âme contemple l’Intelligence divine et conçoit ainsi les idées ou formes pures dont l’ensemble constitue le monde intelligible.

La Puissance naturelle et génératrice reçoit de la Puissance principale de l’Âme les idées sous la forme des raisons séminales dont l’ensemble constitue la Raison totale de l’univers. Comme la raison séminale de chaque individu comprend tous les modes de l’existence du corps qu’elle anime, et que la Raison totale de l’univers comprend les raisons séminales de tous les individus, il en résulte que gouverner l’univers par la Raison, c’est, pour l’Âme universelle, faire arriver à l’existence et développer successivement dans le monde sensible toutes les raisons séminales contenues et coordonnées dans la Raison totale de l’univers. Pour cela, elle n’a pas besoin de penser ni de raisonner. Il lui suffit d’un acte d’imagination par lequel, tout en demeurant en elle-même, elle produit à la fois la matière et les raisons séminales qui, en façonnant la matière, constituent tous les êtres vivants (§ 13, 16-18 ; p. 182-184, 188-193).

4° L’âme humaine procède de l’Âme universelle tout en lui restant unie, comme un rayon de lumière reste toujours uni par une de ses extrémités au foyer dont il émane. Tant qu’elle exerce les facultés de l’âme raisonnable, elle reste unie à la Puissance principale de l’Âme universelle et gouverne le monde avec elle (§ 8, p. 177). Quand, cédant au désir de développer les facultés de l’âme irraisonnable, elle descend ici-bas, elle entre dans un corps qui a déjà été organisé par la Puissance naturelle et génératrice de l’Âme universelle et dont l’espèce est conforme à ses inclinations (§ 8, 9, 10 ; p. 177-179, 181).

Ce dernier point a besoin d’explication.

Trois choses concourent, selon Plotin, à la génération de l’homme : les parents, l’influence des astres et des circonstances extérieures, et l’action de l’Âme universelle.

Le rôle des astres et des parents est indiqué dans le § 12 du livre III (p. 182) :

« Les influences qui proviennent des astres se confondent ; ce mélange modifie chacune des choses qui sont engendrées, détermine leur nature et leurs qualités. Ce n’est pas l’influence céleste qui produit un cheval ; elle se borne à exercer une action sur lui : car le cheval est engendré par un cheval, et l’homme par un homme ; le soleil contribue seulement à leur formation. L’homme naît de la raison séminale de l’homme ; mais les circonstances lui sont favorables ou nuisibles. En effet, le fils ressemble au père ; seulement il peut être mieux fait, ou moins bien fait ; jamais cependant il ne s’affranchit de la matière. Quelquefois la matière prévaut sur la nature, de telle sorte que l’être n’est point parfait parce que la forme ne domine pas. »

Ici Plotin reproduit en partie la doctrine d*Aristote qui dit sur le même sujet :

« C’est l’homme qui engendre l’homme, c’est l’individu qui engendre l’individu... L’homme a pour cause les éléments, à savoir le feu et la terre, qui sont la matière, puis sa forme propre, puis une autre cause, une cause externe, son père, par exemple, et outre ces causes, le soleil et le cercle oblique[22], lesquels ne sont ni matière, ni forme, ni privation, ni des êtres du même genre que lui, mais des moteurs. (Métaphysique, XII, 3, 5.)

Voici maintenant le rôle que Plotin attribue à la Puissance naturelle et génératrice de l’Âme universelle :

« Qui empêche que la Puissance [naturelle et génératrice] de l’Âme universelle n’ébauche les contours du corps (προῦπογράφειν), avant que les Puissances animiques [les âmes individuelles] ne descendent d’elle dans la matière, et que cette ébauche ne soit une espèce d’illumination préalable de la matière (οἶον προδρόμους ἐλλαμψεις ἐις τὴν ὕδην) ? Qui empêche que l’âme individuelle n’achève [de former le corps ébauché par l’Âme universelle] en suivant les lignes déjà tracées, n’organise les membres dessinés par elles, et ne devienne ce dont elle s’est approchée en se donnant à elle-même telle ou telle figure, comme le danseur se conforme au rôle qu’il a reçu ? » (Ennéade VI, liv. vii, § 7.)

Les idées de Plotin sur la génération de l’homme ont beaucoup d’analogie avec celles que Dante développe sur ce sujet en modifiant la doctrine d’Aristote d’après saint Thomas[23]. En voici le résumé d’après M. Ozanam :

« Trois pouvoirs concourent à l’œuvre de la génération. D’abord les astres exercent la puissance de leur rayonnement sur la matière et dégagent des éléments combinés en des conditions favorables les principes vitaux qui animent les plantes et les bêtes. Ensuite il y a dans l’homme une puissance d’assimilation qui se communique aux éléments digérés, se distribue avec le sang dans tous les membres, et va répandre la fécondité au dehors. Enfin la femme porte en elle une puissance de complexion qui dispose la matière destinée à recevoir le bienfait de la naissance... À l’heure où s’accomplit le mystère conjugal, le sang du père va féconder, actif et organisateur, le sang passif et docile recelé dans le sein de la mère. Là se façonnent les éléments du corps futur, jusqu’à ce qu’une préparation suffisante les fasse se prêter à l’influence céleste qui produit en eux la vie. Cette vie, végétale d’abord, mais progressive, se développe par son propre exercice ; elle fait passer l’organisme de l’état de plante à celui de zoophyte pour parvenir ensuite à la complète animalité. Là se borne l’action des pouvoirs de la nature : la mère qui donne la matière, le père qui donne la forme[24], les astres d’où provient le principe vital. Pour faire franchir à la créature l’intervalle qui sépare l’animalité de l’humanité, il faut recourir à Celui qui est le premier moteur. Aussitôt donc que l’organisation du cerveau est arrivée à son terme. Dieu jette un regard plein d’amour sur le grand ouvrage qui vient de s’achever, et souffle sur lui un souffle puissant. Le souffle divin attire à soi le principe d’activité qu’il rencontre dans le corps de l’enfant : des deux il se fait une seule substance, une seule âme, qui vit, qui sent et qui se réfléchit elle-même. » (Dante et la Philosophie catholique au treizième siècle, 2e partie, chap. 3.)

Les considérations précédentes nous conduisent à expliquer un passage, obscur à force de concision, qui se trouve dans le livre i de l’Ennéade II (§ 5, p. 150) :

« Pour nous, ayant nos organes formés par l’âme végétative que nous donnent les dieux célestes [les astres] et le ciel même, nous sommes unis au corps par cette âme. En effet, l’autre âme [l’âme raisonnable] qui constitue notre personne, notre moi, n’est pas la cause de notre être [comme l’âme végétative qui fait de nous seulement des animaux], mais de notre bien-être [qui consiste dans la vie intellectuelle]. Elle vient se joindre au corps quand il est déjà formé [par l’âme végétative] et elle ne contribue à notre être que pour une part, en nous donnant la raison [en faisant de nous des animaux raisonnables, des hommes][25]. »

Voici l’explication que Ficin donne de ce passage dans son commentaire (Éd. Creuzer, t. I, p. 171) :

« Declarat (Plotinus) in fœtu hominum, in matrice jam figurato, infundi vitam ab animabus sphærarum Animaque totius, ad idem scilicet ipsa matris anima simul cum virtute paterna interim conferente, per quam vitam velut escam rationalis anima trahatur ad corpus, ipsamque ad se vitam quodammodo contrahat, sub actuque conservet ducatque suo, si quando desinat iterum genitura. Ibi esse simpliciter animal per modum formæ dat inferior anima ; esse rationale animal superior anima ipsa largitur, parum admodum modo formæ ad esse conducens. Et id quidem ex rationali potentia sive actu, quoniam non ad ipsum simpliciter esse ratione formæ, sed ad esse tale conferre videtur : atque eatenus ad esse tale quatenus ad esse simpliciter altera confert. Dici vero fortasse potest per modum efficientis ad esse conferre. »

L’explication de Ficin est au fond conforme à la théorie de Dante sur la génération.

Quant à la pensée de Plotin, elle peut s’interpréter ainsi en résumant les considérations qui précèdent :

L’âme humaine descend dans le corps quand l’organisation en est déjà ébauchée par la triple action des parents, des astres ainsi que des autres circonstances extérieures, enfin de l’Âme universelle. Elle ne contribue donc que pour peu de chose à la formation des membres du développement desquels dépend l’exercice de la vie végétative.

Les astres nous donnent l’âme végétative en ce sens seulement qu’ils concourent à notre génération et qu’ils contribuent à déterminer la nature et les qualités de notre corps. Par là ils nous amènent d’abord à exercer notre puissance végétative, puis ils exercent une certaine influence sur les mœurs, sur les actions et les passions de l’âme végétative, en tant que ces mœurs, ces actions et ces passions dépendent de la complexion de notre corps.

§ IV. MENTIONS ET CITATIONS QUI ONT ÉTÉ FAITES DE CE LIVRE.

Parmi les auteurs anciens celui qui a fait le plus d’emprunts à Plotin est Macrobe, que nous avons déjà cité à ce sujet p. 459-462. Il a reproduit les idées de Plotin sur le gouvernement du monde par l’Âme universelle dans le passage suivant de son Commentaire sur le Songe de Scipion (1, 14) :

« Anima ergo creans condensque corpora (nam ideo ab anima natura incipit, quam sapientes de Deo et mente νοῦν nominant), ex illo mero ac purissimo fonte mentis, quem nascendo de originis suæ hauserat copia, corpora illa divina vel supera, cœli dico et siderum, quæ prima condebat, animavit ; divinæque mentes omnibus corporibus, quæ in formam teretem, id est in sphæræ modum, formabantur, infusæ sunt[26] ; et hoc est quod, quum de stellis loqueretur, ait : « Quæ divinis animatas mentibus. » In inferiora vero ac terrena degenerans fragilitatem corporum caducorum deprehendit meram divinitatem mentis sustinere non posse ; imo partem ejus vix solis humanis corporibus convenire, quia et sola videntur erecta, tanquam ad supera ab imis recedant, et sola cœlum facile tanquam semper erecta suspiciunt ; solisque inest vel in capite sphæræ similitudo, quam formam diximus solam mentis capacem. Soli ergo homini rationem, id est vim mentis, infudit cui sedes ia capite est ; sed et geminam illam sentiendi crescendique naturam, quia caducum est corpus, inseruit. Et hinc est, quod homo et rationis compos est et sentit et crescit, solaque ratione meruit præstare ceteris animalibus : quæ quia semper prona sunt et ex ipsa quoque suspiciendi difficultate a superis recesserunt, nec ullam divinorum corporum similitudinem aliqua sui parte meruerunt, nihil ex mente sortita sunt, et ideo ratione caruerunt. Duo quoque tantum adepta sunt, sentire vel crescere[27]. Nam si quid in illis similitudinem rationis imitatur, non ratio, sed memoria est ; et memoria non illa ratione mixta, sed quæ hebetudinem sensuum quinque comitatur ; de qua plura nunc dicere, quoniam ad præsens opus non attinet, omittemus. Terrenorum corporum tertius ordo in arboribus et herbis est, quæ carent tam ratione quam sensu, et quia crescendi tantummodo usus in his viget, hac sola vivere parte dicuntur.

Hunc rerum ordinem et Virgilius expressit, nam et mundo Animam dedit, et, ut puritati attestaretur, Mentem vocavit : « Cœlum enim, sit, et terras, et maria, et sidera Spiritus intus alit, » id est Anima, sicut alibi pro spiramento animam dicit :

Quantum ignes animæque valent ;

(Æn., lib. VIII, v. 466.)


et, ut illius mundanæ Animæ assereret dignitatem, Mentem esse testatur :

Mens agitat molem ;

(Æn., lib. VI, v. 727.)


nec non, ut ostenderet ex ipsa Anima constare et animari universa quæ vivunt, addidit :

Inde hominum pecudumque genus,

(Æn., lib. VI, v. 726.)


et cætera ; utque assereret eumdem semper in anima esse vigorem, sed usum ejus hebescere in animalibus corporis densitate, adjecit :

. . . . . . . . Quantum non noxia corpora tardant,

(Æn., lib. VI, v. 781.)


et reliqua.

Secundum hæc ergo, quum ex summo Deo Mens, ex Mente Anima sit, Anima vero et condat et vita compleat omnia quæ sequuntur, cunctaque hic unus fulgor illuminet, et in universis appareat, ut in multis speculis per ordinem positis vultus unus[28] ; quamque omnia continuis successionibus se sequantur, degenerantia per ordinem ad imum meandi[29] ; invenietur pressius intuenti a summo Deo usque ad ultimam rerum fæcem una mutuis se vinculis religans et nusquam interrupta connexio ; et hæc est Homeri catena aurea, quam pendere de cœlo in terras Deum jussisse commemorat. His ergo dictis, solum hominem constat ex terrenis omnibus mentis, id est animi, societatem cum cœlo et sideribus habere communem ; et hoc est quod ait : « Hisque animus datas est ex illis sempiternis ignibus, quæ sidera et stellas vocatis. » Nec tamen ex ipsis cœlestibus et sempiternis ignibus nos dicit animatos : ignis enim ille licet divinus, tamen corpus est ; nec ex corpore quamvis divino possemus animari ; sed unde ipsa illa corpora quæ divina et sunt et videntur animata sunt, id est ex ea mundanæ animæ parte quam diximus de pura mente constare. Et ideo postquam dixit : « Hisque animas datus est ex illis sempiternis ignibus, quæ sidera et stellas vocatis ; » mox adjecit : « quæ divinis animatæ mentibus ; » ut per sempiternos ignes, corpus stellarum ; per divinas vero mentes, earum animas manifesta discretione significet, et ex illis in nostras venire animas vim mentis ostendat. »

Les autres auteurs qui se sont inspirés des idées de Plotin sont Némésius d’Émèse (περὶ τῆς διὰ τῶν ἄστρων εἱμαρμένης, XXXVI), Salluste (Des Dieux et du monde, IX), et Jean de Salisbury (Policraticus, II, 19) ; quoique ce dernier cite Plotin, il ne le connaissait probablement que par Macrobe.

Sur ce livre de Plotin, on peut consulter M. Vacherot, Histoire de l’École d’Alexandrie, t. I, p. 515-523.



  1. Voy. Enn. II, liv. iii, § 7, p. 174-175.
  2. Voy. Enn. IV, liv. ix.
  3. Enn. IV, liv. iv, § 32-42.
  4. Enn. IV liv. iv, § 32.
  5. Voy. ibidem, § 33-35.
  6. Ce passage du Zohar est cité p. 193 de ce volume, note 2.
  7. Voy. Enn. II, liv. iii, § 7, p. 175, et la note 1.
  8. Voy. ibid., § 7, p. 174. La même croyance était professée par les Chaldéens. Voy. plus haut, p. 462.
  9. Voy. Enn. II, liv. iii, § 7, p. 175.
  10. Voy. Enn. II, liv. iii, § 7, 9, 10, 13, 15, p. 175, 179, 180, 183, 187.
  11. Voy. ibid., § 10, p. 181.
  12. Voy. ibid., § 7, p. 176.
  13. Voy. ibid., § 5, 7, 8, p. 172. 176-178.
  14. Voy. ibid., § 11, p. 181.
  15. Voy. ibid., § 12, p, 182.
  16. Voy. ibid., § 7, 13, p. 176, 183.
  17. Voy. ibid., § 16, p. 190.
  18. Voy. p. 431.
  19. Voy. p. 453.
  20. De ces passages et d’autres passages analogues, il résulte que, suivant Platon, les dieux placèrent dans la tête une âme immortelle, douée de trois facultés, savoir : l’intelligence, νοῦς, la meilleure des trois, qui perçoit les idées ; la science, ἐπιστήμη, qui perçoit les choses mathématiques ; et l’opinion, δόξα, la moins bonne des trois, qui conjecture la nature des choses produites et périssables. Ils placèrent ensuite dans le reste du corps une âme mortelle, composée de deux parties distinctes, dont l’une, l’Énergie, θυμός, réside dans le cœur ; l’autre, l’Appétit, ἐπιθυμία, dans le foie. Les passions de l’Énergie représentent la volonté et une sorte de sensibilité morale ; celles de l’Appétit, la sensibilité physique, l’imagination irréfléchie et les appétits sensuels. (Voy. M. H. Martin, Études sur le Timée, t. II, p. 148-152, 295-300.) Plotin divise en intelligence et âme raisonnable l’âme immortelle de Platon ; quant à son âme mortelle, il l’appelle âme irraisonnable.
  21. On a vu plus haut (p. 454) que l’âme ne reçoit des astres que le pneuma, c’est-à-dire le corps aérien ou igné qu’elle revêt avant de descendre dans le monde sensible.
  22. Le zodiaque est une cause de l’homme, dans le système d’Aristote, parce que le soleil parcourt les signes du zodiaque, et que ce mouvement, qui est le mouvement des saisons, est la cause de la production et de la destruction des êtres dans le monde terrestre. » (Note de MM. Pierron et Zévort, t. II, p. 214 de la traduction de la Métaphysique.)
  23. Voy. Aristote, De Generatione animalium, III, 3 ; saint Thomas, Summa, pars 1a, q. 119, art. 2 ; Dante, Purgatoire, XXV, 13.
  24. Voy. Enn. II, liv. iv, § 16, p. 322.
  25. Ce passage doit être rapproché d’un passage analogue qui se trouve dans le livre iii, § 9, p. 178-179.
  26. Voy. Enn. II, liv. iii, § 9, p. 180.
  27. Voy. Enn. II, liv. iii, § 13, p. 183-184.
  28. Voy. Enn. I, liv, i, § 8, p. 45.
  29. Voy. Enn. I, liv. viii, § 7, p. 129.