Ennéades (trad. Bouillet)/IV/Livre 6

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Les Ennéades de Plotin,
Traduction de M. N. Bouillet
Ennéade IV, livre vi :
Des Sens et de la Mémoire | Notes


LIVRE SIXIÈME.
DES SENS ET DE LA MÉMOIRE[1].

I. Si nous admettons que les sensations ne sont pas des images imprimées à l’âme et semblables à l’empreinte d’un cachet (τυπώσεις, ἐνσφαγίσεις)[2], nous dirons aussi, pour être conséquents avec nous-mêmes, que les souvenirs ne sont pas des notions ni des sensations conservées dans l’âme par la permanence de l’empreinte, puisque, selon nous, l’âme n’a point reçu d’empreinte dans l’origine. Ainsi, les deux questions n’en font qu’une : où il faut admettre que la sensation consiste dans une image imprimée à l’âme, et le souvenir dans sa conservation ; ou, si l’on rejette l’une de ces deux assertions, il faut également rejeter l’autre. Puisque nous les regardons toutes deux comme fausses, nous avons à chercher comment s’opèrent les deux faits : car nous affirmons que la sensation n’est pas l’impression d’une image, ni le souvenir la permanence de cette image.

Si nous examinons d’abord le sens le plus pénétrant[3], en transportant par induction les mêmes lois aux autres sens, nous trouverons la solution de la question.

1. De la Sensation.

En général, quand nous sentons par la vue, nous apercevons l’objet visible et nous l’atteignons par la vue dans l’endroit où il est placé devant nos yeux, comme si la perception s’opérait dans cet endroit même et que l’âme vît hors d’elle[4]. Ce fait a lieu, je pense, sans qu’aucune image se soit produite ni se produise hors de l’âme, sans que celle-ci reçoive aucune empreinte semblable à celle qu’un cachet donne à la cire. En effet, l’âme n’aurait pas besoin de regarder hors d’elle si elle possédait déjà en elle-même l’image de l’objet visible, si elle voyait par cela seul qu’elle possède l’image (τύπος). On calcule à quel intervalle est placé l’objet, à quelle distance il est aperçu : c’est que l’âme n’a pas en elle-même l’image de l’objet ; sinon, comme cet objet ne serait pas éloigné d’elle, l’âme ne le verrait pas placé à une grande distance. De plus, elle ne pourrait par l’image qu’elle recevrait juger de la grandeur de l’objet. déterminer même s’il a une grandeur : que cet objet soit le ciel, par exemple ; évidemment. l’image que l’âme en aurait ne saurait être aussi grande[5]. Enfin, et c’est la plus forte objection qu’on puisse faire à cette doctrine, si nous percevions seulement les images des objets que nous voyons, au lieu de voir ces objets mêmes. nous ne verrions que leurs traces et leurs ombres (ἰνδάλματα, σϰιαί). Alors, les réalités seraient autres que les choses que nous voyons. Enfin. Si l’on dit avec raison que nous ne pouvons discerner un objet placé sur notre pupille, tandis que nous le voyons s’il est éloigné, cette assertion s’applique à l’âme avec plus de vérité encore. Si nous plaçons en elle l’image de l’objet visible, elle ne verra pas l’objet qui lui donne cette image. Il faut en effet qu’il y ait deux choses, l’objet qui est vu et le sujet qui voit : par conséquent, le sujet qui voit l’objet visible doit en être distinct et le voir placé ailleurs qu’en lui-même[6]. Ainsi, l’acte de la vision a pour condition, non que l’image de l’objet soit placée dans l’âme, mais plutôt qu’elle n’y soit pas placée.

II. Si la sensation ne s’opère pas ainsi, comment a-t-elle lieu ? L’âme peut-elle juger les choses qu’elle ne possède pas ? — Sans doute : c’est le propre de la puissance, non d’éprouver, de pâtir, mais de déployer sa force, de remplir la fonction à laquelle elle est destinée. Pour que l’âme discerne l’objet visible ou l’objet sonore, il faut qu’ils ne soient point des images ni des passions, mais des actes relatifs aux objets qui sont naturellement de leur domaine[7]. Cependant, en ne voulant pas croire que chaque faculté puisse connaître son objet sans en recevoir une impulsion (πληγή), nous la ferions pâtir, nous ne lui ferions pas connaître l’objet placé devant elle : car c’est elle qui doit dominer l’objet au lieu d’être dominée par lui.

Il en est pour l’ouïe de même que pour la vue. L’empreinte est dans l’air : les sons consistent dans une suite de vibrations distinctes, semblables à des lettres tracées par celui qui parle. L’âme, en vertu de sa puissance et de son essence, lit les caractères figurés dans l’air quand ils se présentent à la faculté qui doit les percevoir[8].

Enfin, pour le goût et l’odorat, il faut également distinguer la passion et la connaissance de la passion, connaissance qui est la sensation, le jugement de la passion, et qui en diffère complètement[9].

Quant à la connaissance des choses intelligibles, elle admet encore moins une passion, une empreinte[10] : car c’est en elle-même que l’âme trouve les choses intelligibles, c’est hors d’elle-même qu’elle contemple les choses sensibles. Aussi les notions des premières sont-elles des actes d’une nature supérieure aux autres : ce sont les actes mêmes de l’âme, les actes produits par elle[11].

Quant à savoir si l’âme se voit elle-même comme double, se contemplant comme un autre objet en quelque sorte, tandis qu’elle voit l’intelligence comme une de telle sorte que les deux choses ne fassent qu’une, c’est une question que nous traiterons ailleurs[12].

2. De la Mémoire.

III. Il nous reste maintenant à parler de la mémoire. Commençons par dire que nous attribuons à l’âme une puissance qui n’est pas étonnante, ou qui est étonnante si l’on veut, mais qui n’est pas incroyable : elle consiste en ce que l’âme, sans rien recevoir, perçoit cependant les choses qu’elle n’a pas[13]. C’est que l’âme est par sa nature la raison de toutes choses (λόγος πάντων), la raison dernière des choses intelligibles, la raison première des choses sensibles[14]. Aussi a-t-elle des relations avec toutes les deux ; elle est améliorée et vivifiée par les choses intelligibles ; mais elle est trompée par la ressemblance qu’ont les choses sensibles avec les choses intelligibles, et elle descend ici-bas comme entraînée par le charme qui la séduit[15]. Elle connaît donc également les choses intelligibles et les choses sensibles Parce qu’elle occupe une position intermédiaire entre elles. On dit qu’elle pense les choses intelligibles quand elle se les rappelle en s’y appliquant[16]. Elle les connaît parce qu’elle est ces choses d’une certaine manière ; elle les connaît, non parce qu’elle les place en elle-même, mais parce qu’elle les possède en quelque sorte, qu’elle en a l’intuition ; parce que, étant ces choses d’une manière obscure, elle se réveille, passe de l’obscurité à la clarté, de la puissance à l’acte. Elle se comporte de la même façon pour les choses sensibles : en les rapprochant de ce qu’elle a en elle-même, elle les rend lumineuses, elle en a l’intuition[17], parce qu’elle possède une puissance prête [à les percevoir et] à les enfanter pour ainsi dire[18]. Quand l’âme a appliqué toute la force de son attention à un des objets qui s’offrent à elle, elle en reste longtemps affectée comme si cet objet était présent, et plus elle l’a considéré avec attention, plus longtemps elle le voit[19]. C’est pour cela que les enfants ont plus de mémoire : ils n’abandonnent pas vite un objet, ils y attachent longtemps leurs regards : au lieu de se laisser distraire par une foule d’objets, ils accordent leur attention uniquement à quelques-uns d’entre eux. Ceux au contraire dont la pensée et les facultés s’occupent de beaucoup de choses les parcourent en quelque sorte et ne s’y arrêtent pas.

Si la mémoire consistait à conserver des images[20], leur nombre ne faiblirait pas ; si elle les gardait renfermées en elle-même, elle n’aurait pas besoin de réfléchir pour se les rappeler, elle ne pourrait non plus se les rappeler tout à coup après les avoir oubliées[21]. L’exercice ne fait autre chose qu’accroître l’énergie et la force de la mémoire[22], comme l’exercice que nous donnons à nos pieds ou à nos mains n’a d’autre but que de nous mettre en état de faire plus facilement certaines choses qui ne sont ni dans nos pieds ni dans nos mains, mais auxquelles ces membres deviennent plus aptes par l’habitude. Pourquoi d’ailleurs ne se souvient-on pas d’une chose quand on ne l’a entendue qu’une ou deux fois ? Pourquoi, lorsqu’on l’a souvent entendue, se la rappelle-t-on longtemps, bien qu’on ne l’ait pas d’abord retenue ? Ce n’est pas parce qu’on n’aurait d’abord retenu que quelques parties de l’image : car alors on se rappellerait ces parties. Au contraire, le souvenir se produit tout d’un coup à la suite de la dernière audition ou de la dernière réflexion. Ce fait montre assez qu’on ne fait qu’éveiller dans l’âme la faculté de la mémoire, que lui donner une nouvelle énergie, soit pour toutes choses en général, soit pour une en particulier[23]. La mémoire d’ailleurs ne nous rend pas seulement les choses auxquelles nous avons réfléchi ; elle nous suggère encore une foule d’autres souvenirs par l’habitude qu’elle a de se servir de certains indices dont il suffit de retrouver un seul pour se rappeler le reste facilement[24] : comment peut-on expliquer ce fait autrement qu’en admettant que la faculté de la mémoire s’est fortifiée ? La conservation d’images dans l’âme indiquerait plutôt de la faiblesse que de la force : car, pour recevoir plusieurs empreintes, il faut se prêter facilement à toute forme. Toute empreinte étant une passion, il s’ensuivrait que la mémoire serait proportionnée à la passivité. Or, c’est évidemment le contraire qui a lieu. Jamais un exercice, quel qu’il soit, ne rend l’être qui s’y livre plus propre à pâtir. D’ailleurs, dans les sensations, ce n’est pas l’organe débile et impuissant par lui-même qui perçoit ; ce n’est pas l’œil qui voit, par exemple, c’est la puissance active de l’âme. C’est pour cela que les vieillards ont à la fois des sensations et des souvenirs plus faibles. La sensation et la mémoire impliquent donc quelque énergie.

Puisque la sensation n’est pas l’impression d’une image dans l’âme, comment la mémoire pourrait-elle être le dépôt de choses qu’elle n’a pas reçues ? — Mais, si elle est une faculté (δύναμις), une disposition (παρασϰευή[25]), pourquoi ne nous rappelons-nous pas sur-le-champ ce que nous avons appris et nous faut-il quelque temps pour nous en souvenir ? — C’est que nous avons besoin de nous rendre maître de notre faculté et de l’appliquer à son objet. Il en est de même pour nos autres facultés : il faut que nous les préparions à remplir leurs fonctions ; tantôt elles agissent sur-le-champ, tantôt elles ont besoin de recueillir leurs forces. Souvent les mêmes hommes n’ont pas à la fois de la mémoire et de la pénétration, parce que ce n’est pas la même faculté qui est en jeu dans ces deux cas. Ainsi, l’athlète n’est pas le même que le coureur. Des dispositions différentes dominent dans chacun. D’ailleurs rien n’empêche que l’homme qui a l’âme forte et tenace ne relise en quelque sorte ce que retient sa mémoire, et que celui qui laisse échapper beaucoup de choses ne soit disposé par sa faiblesse à éprouver et à conserver des affections passives. D’ailleurs, la propriété qu’a l’âme de n’être pas étendue prouve qu’elle est une puissance.

En général, tous les faits qui se passent dans l’âme s’y produisent d’une manière fort différente de celle qu’imaginent les hommes qui ne les ont jamais examinés, et fort différente aussi de celle dont s’opèrent les phénomènes sensibles qui induisent en erreur par leur analogie[26]. De là vient que les hommes dont nous parlons croient que les sensations et les souvenirs ressemblent à des caractères inscrits sur des tablettes ou des feuilles de papier. Or, qu’ils regardent l’âme comme matérielle ou immatérielle, ils ignorent certainement les conséquences absurdes qui ressortent d’une telle opinion.


    intelligibilis veritatis portionem percipere. Nihil accomodatius dici poterat ad reminiscentiam refellendam, et tamen vel hic Plotinus eamdem putide ingerit. » (Dogmata theologica, t. I, p. 146.) Ici le P. Thomassin, reproche avec raison à Plotin de conserver, sans doute par complaisance pour Platon, la doctrine de la réminiscence, qui est complètement inutile dans son propre système. Ce reproche, qu’il lui adresse encore ailleurs (Voy. ci-dessus p. 289, note 2), est d’autant plus fondé que Plotin lui-même a démontré ci-dessus (p. 337) que la mémoire ne s’applique qu’aux choses qui passent, et qu’il suffit à l’âme de réfléchir aux intelligibles pour les concevoir.

  1. Pour les Remarques générales, Voy. les Éclaircissements sur ce livre à la fin du volume.
  2. Cette argumentation est principalement dirigée contre les Stoïciens. Voy. ci-dessus, p. 122, note 2, et p. 317, note 4.
  3. Cette idée paraît empruntée à Aristote : « Comme la vue est le principal de nos sens, l’imagination a reçu son nom de l’image que la lumière nous révèle, parce qu’il n’est pas possible de voir sans lumière. » (De l’Âme, III, 3.) On trouve dans saint Augustin une pensée qui se rapproche plus de celle de Plotin : « Potissimum testimonio utamur oculorum. Is enim sensus corporis maxime excellit, et est visioni mentis pro sui generis diversitate vicinior. » (De Trinitate, XI, 1.)
  4. Voy. le passage de saint Augustin cité ci-dessus, p. 416. note 1.
  5. Voy. le passage de saint Augustin cité ci-après, p. 447, note 3.
  6. « Quum igitur aliquod corpus videmus, hæc tria, quod facillimum est, consideranda sunt et dignoscenda : primo, ipsa res quam videmus, sive lapidem, sive aliquam flammam, sive quid aliud quod videri oculis potest, quod utique jam esse poterat et antequum videretur ; deinde visio, quæ non erat priusquam rem illam objectam sensui sentiremus ; tertio, quod in ea re quæ videtur, quamdiu videtur, sensum detinet oculorum, id est animi intentio. In his igitur tribus, non solum est manifesta distinctio, sed etiam discreta natura, etc. » (S. Augustin, De Trinitate, XI, 2.)
  7. Voy. ci-dessus, p. 129 et p. 319.
  8. Plotin semble faire ici allusion au passage suivant d’Aristote : « Le phénomène [des sensations] existe de la façon qu’existe le son qui, après que le coup a été frappé, n’est pas encore parvenu à l’ouïe. D’un autre côté, les altérations qu’éprouve l’articulation des lettres dans le langage le montrent bien aussi ; on dirait qu’elles ont à traverser un milieu : car les assistants semblent n’avoir pas bien entendu ce qui a été dit, parce que l’air, dans le mouvement qu’il a reçu, a eu le temps de se déformer. » (De la Sensation, 6 ; p. 79 de la trad. de M. Barthélemy-Saint-Hilaire.)
  9. Voy. ci-dessus, p. 123, 316.
  10. Voy. ci-dessus, p. 124.
  11. « Nemini dubium est sicut interiorem hominem intelligentsia, sic exteriorem sensu corporis præditum… Et illo ipso ordine conditions nostræ quo mortales atque carnales effecti sumus, facilius et quasi familiarius visibilia quam intelligibilia retractamus : quum ista sint exterius, illa interius, et ista sensu corporis sentiamus, illa mente intelligamus, nosque ipsi animi non sensibiles simus, id est, corpora, sed intelligibiles, quoniam vita sumus ; tamen tanta facta est in corporibus consuetudo, et ita in hæc miro modo relabens foras se nostra projecit intentio, ut quum ab incerto corporum ablata fuerit ut in spiritum multo certiore ac stabiliore cognitione figatur, refugiat ad ista, etc. » (S. Augustin. De Trinitate, XI, 1.)
  12. Voy. Enn. V, liv. III.
  13. Voy. ci-dessus, p. 324, note 2.
  14. Voy. Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § XXIV, t. I, p. LXVI.
  15. Voy. ci-dessus, p. 289.
  16. Le P. Thomassin cite ce passage et le commente en ces termes : « Plotinus hanc animæ stationem mediam describit inter æterna et temporalia, intelligibilia et sensibilia, illis adhærescentem, ad hæc usque se porrigentem ; ita ut intelligibilia vel in ipsis vel in se ipsa intelligere et conspicere possit ; et ipsa enim intelligibilium naturarum ultima est, seque conspiciendo potest nonnullam
  17. Voy. ci-dessus, p. 234, note 3. On trouve aussi dans saint Augustin cette distinction de l’intuition sensible et de l’intuition intellectuelle : « Visiones enim duæ sunt, una sentientis, altera cogitantis… Potius credendum est mentis intellectualis ita conditam esse naturam, ut rebus intelligibilibus, disponente Conditore, subjuncta sic ista videat in quadam luce incorporea, quemadmodum oculus carnis videt quæ in hac corporea luce circumadjacent, cujus lucis capax eique congruens est creatus. » (De Trinitate, XI, 9 ; XII, 15.)
  18. Le P. Thomassin cite ce passage et le commente en ces termes : « Ita Plotinus sine ulla novi accidentis accessione vel discessione, atque adeo sine ulla mutatione, rerum omuium cogitationem fieri in anima explanat : ex eo uno quod anima omnia quodammodo sit, superiora obscurius, inferiora lucidius ; ideoque cognoscat omnia per sui ipsius vel quasi seminum in se latentium excitationem. » (Dogmata theologica, t. I, p, 271. Voy. encore ibid., p. 322.)
  19. Il y a des gens qui, en une seule impression qui les émeut, contractant une habitude plus complète que d’autres par suite d’émotions nombreuses. Il y a aussi des choses dont nous nous souvenons beaucoup mieux, pour les avoir vues une seule fois, que nous ne nous souvenons de certaines autres pour les avoir mille fois vues. » (Aristote, De la Mémoire et de La Réminiscence, 2 ; p. 124 de la trad. de M. Barthélemy-Saint-Hilaire.) Voy. saint Augustin ; De Trinitate, XI, 4.
  20. Voy. Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § XXV, t. I, p. LXVII. Voy. encore ci-dessus, p. 317.
  21. « Detracta specie corporis quæ corporaliter sentiebatur, remunet in memorla similitude ejus, quo rursus voluntas convertit aciem, ut inde formetur intrinsecus, sicut ex corpore objecto sensibili sensus extrinsecus formabatur, etc. » (S. Augustin, De Trinitate, XI, 3.)
  22. Voy. ci-dessus, p. 325, note 1.
  23. « Memoriam a sensu voluntas avertit, quum in aliud intenta non ei sinit inhærere præsentia. Quod animadvertere facile est, quum sæpe coram loquentem nobis aliquem aliud cogitando non audisse nobis videmur. Falsum est autem : audivimus enim, sed non meminimus, subinde per aurium sensum labentibus vocibus alienato nutu voluntatis per quem solent infigi memoriæ. » (S. Augustin, De Trinitate, XI, 8.)
  24. C’est l’association des idées. Plotin résume ici la théorie d’Aristote sur ce point : « Ce qui fait que quelquefois on arrive à se souvenir au moyen des choses en apparence les plus étrangères, c’est que l’esprit passe rapidement d’une chose à une autre : par exemple, de l’idée du lait il passe à celle du blanc, du blanc à l’air, et de l’air à l’humidité ; et au moyen de cette dernière notion, il se rappelle l’automne. saison qui était précisément ce qu’on cherchait. » (De la Mémoire et de la Réminiscence, 2 ; p. 127 de la tr. fr.)
  25. Sur le sens de ce mot, Voy. Porphyre, Traité des Facultés de l’âme, dans le tome I, p. XCI.
  26. S. Augustin dit de même qu’en assimilant les faits intellectuels à des phénomènes sensibles, on est nécessairement conduit à regarder l’âme comme corporelle : « Errat autem mens, quum se istis [corporum] imaginibus tanto amore conjungit, ut etiam se esse aliquid huiusmodi existimet, etc. » (De Trinitate, X, 6.)