Faits curieux de l’histoire de Montréal/4

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LES INCENDIES À MONTRÉAL SOUS LE RÉGIME FRANÇAIS


Pendant les cent dix-huit années d’existence de Montréal sous le régime français, nul doute que le feu a ravagé la ville maintes fois, mais qu’en savons-nous ?

Hors les annales des communautés religieuses qui ne parlent du fléau que lorsqu’il s’abat sur les institutions dont elles retracent l’histoire, ou les archives judiciaires dans lesquelles ne figurent que les incendies qui donnèrent lieu à des procès, nous n’avons presque pas de sources de renseignements.

Ce qui est certain, c’est que les règlements ne manquaient pas qui enseignaient aux gens les précautions à prendre pour empêcher les incendies ou les moyens à adopter pour les combattre et nous en ferons l’objet d’un article, un jour ou l’autre.

Pour le moment, nous nous bornerons à dresser la liste des incendies dont nous avons pu trouver mention.

1651 — Le 10 mai, à 2 heures après minuit, 40 Iroquois attaquèrent la brasserie voisine du fort et s’efforcèrent de la livrer aux flammes. Ils l’auraient réduite en cendres si quatre Français qui y passaient la nuit ne les eussent repoussés avec vigueur et obligés de prendre la fuite. Mais dans le même temps que ces Iroquois attaquaient la brasserie, d’autres brûlèrent la maison d’Urbain Tessier dit Lavigne et celle de Michel Chauvin, appelée vulgairement Sainte-Suzanne, du nom de son pays (c’est-à-dire de sa paroisse d’origine, en France).

Faillon, Histoire de la Colonie, II, 123.


1674 — Nicolas Millet est brûlé dans sa maison accidentellement. Sépulture le 9 mars 1674.

Tanguay, Dictionnaire généalogique, I, 433.


1679, 29 janvier sépulture de trois enfants de Jacques Dubois, qui ont péri dans un incendie.

Registre de N.-D. et Tanguay, I, 204.


1683 — Dans la nuit du 6 au 7 décembre, les flammes détruisirent la maison des sœurs de la Congrégation de Notre-Dame, sise sur le côté sud de la rue Saint-Paul, en face de l’enclos de l’Hôtel-Dieu. La sœur Geneviève Durosoy, assistante, et la sœur Marguerite Soumillard, nièce de sœur Bourgeoys, périrent dans cet incendie.

Annuaire de Ville-Marie, I, 149.


1695 — Le 24 février, vers une heure du matin, incendie de tous les bâtiments de l’Hôtel-Dieu, y compris la chapelle. Les religieuses au nombre de 29, durent se réfugier chez les sœurs de la Congrégation. À la perte des édifices, il faut ajouter celle du portrait de la bienfaitrice inconnue, Madame de Bullion, qui fut consumé ainsi que le cœur de Jeanne Mance que l’on conservait dans un vase d’étain, déposé sous la lampe de la chapelle.

Annuaire de Ville-Marie, I, 60 et 350.


1697 — Au mois d’août, Jacques Chevalier avait transporté, de La Chesnaye à Montréal, 530 bottes de foin dans un bateau et un grand canot. Ses embarcations furent amarrées vis-à-vis la chapelle de Bon-Secours, tout près de l’endroit où il demeurait. Durant la nuit des mauvais plaisants mirent le feu au foin et tout fut consumé, fourrage et bateaux.

Documents judiciaires.


1703 — Dans la nuit du 23 au 24 février, incendie d’un des bâtiments de l’Hôpital général des Frères Charon, causé par un nommé David, chaudronnier employé par la communauté. Le sieur Charon de la Barre, supérieur, « lui ayant fait quelques charitables corrections et réprimandes avec menace de le mettre dehors s’il continuait ses débauches et ses ivrogneries, le dit David se plaignit qu’on le traitait injustement et déclara à plusieurs personnes que le sieur Charon s’en repentirait et qu’il le brûlerait ». Et le misérable alcoolique exécuta son projet de vengeance.

Documents judiciaires, 5 mars 1703.


1717, 8 janvier — Un nommé Boudrias réclame, devant le tribunal, deux minots de blé qui lui ont été donnés par charité, après son incendie.

Reg. des audiences.


1721, 19 juin — Pendant la procession du saint Sacrement un arquebusier tira, par mégarde, vers la couverture de la chapelle de l’Hôtel-Dieu et y mit le feu. Tous les bâtiments de cette institution qui occupaient 350 pieds en longueur, et 126 à 138 maisons des environs furent détruits.

Canadian Antiquarian, 1915, Massicotte, l’Incendie du vieux Montréal en 1721, p. 51.

1734, 10 avril — Quelques minutes avant sept heures du soir, Marie-Angélique, esclave négresse de Mme François Poulin, sieur de Francheville, marchand, mit le feu à la maison de sa maîtresse par vengeance. L’incendie se propagea et rasa 46 maisons ainsi que le couvent et l’hôpital de l’Hôtel-Dieu. Ces édifices étaient alors en pierre, à 3 étages et avaient environ 1000 pieds de tour. Après avoir passé deux nuits dans leur jardin, les religieuses et leurs malades allèrent loger dans la chapelle Bon-Secours et dans la maison de M. de Montigny, à côté de la chapelle. Pour son crime, la négresse fut étranglée puis brûlée.

Annuaire de Ville-Marie, I, 61, et II, 16. — Manuel du pèlerin de N.-D. de B.-S., p. 20, et Archives judiciaires, juin 1734.


1740, 9 février — « Un nommé Jacques Ourson, âgé de 45 ans, boulanger, natif du diocèse de Tours, périt misérablement dans l’incendie de la boulangerie des MM. du séminaire. »

Reg. de Montréal et Tanguay, À travers les registres, p. 138.


1745, 31 janvier — À une heure après minuit, incendie de la maison où Madame Youville avait établi son commencement de communauté. Une idiote rentrée furtivement dans la maison pour aller chercher ses sabots ne put s’échapper et trouva la mort. Il s’agit, ici, d’un édifice différent de celui de l’Hôpital général des Frères Charon dont madame Youville ne prendra la direction qu’en 1747.

Annuaire de Ville-Marie, I, 69, et l’Hôpital général de Montréal, 1916, I, 123.


— Le 22 décembre, procès de Jean Eynard, écrivain, âgé de 19 à 20 ans, natif de Paris, accusé avec l’huissier Guyart d’avoir fait brûler les documents d’un procès et même d’avoir eu l’idée de brûler la maison du juge.

Archives judiciaires, 1745 et 1746. — Registre des copies des édits et ordonnances, 1743-56, p. 48.


1754 — Un furieux incendie détruisit une partie considérable de la ville et la chapelle de Notre-Dame de Bon-Secours ne fut pas épargnée. Les flammes atteignirent l’oratoire avec les maisons environnantes et bientôt ce ne fut plus qu’un amas de ruines fumantes.

Leleu, Histoire de N.-D. de B.-S., p. 31.

1756, 14 janvier — Une ordonnance de M. de Monrepos enjoint aux particuliers qui ont des effets endommagés pendant l’incendie du 13 janvier, la veille, de les rapporter sous vingt-quatre heures au tribunal.

Reg. des édits et ordonnances.


1759 — Du 2 au 26 janvier — Incendie à Montréal qui a failli être général ; nul ordre sur cet article, quoique les accidents soient fréquents.

Journal de M. de Montcalm, p. 493.


Du 9 au 12 février — Il y a eu deux maisons incendiées à Montréal et toujours aussi peu de précautions et aussi peu d’ordre.

Ibid., p. 495.