Fausta

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Fausta
Œuvres poétiques de Victor de LapradeAlphonse Lemerre, éditeur (p. 143-168).

À mon ami Joseph Autran.


 
I

Dans l’écho des ravins, ton nom, par intervalles,
Liberté ! vient répondre au sifflement des balles ;
C’est le cri des vaincus qui vont mourir pour toi,
Et leur dernier soupir atteste encor leur foi.

Vas-tu, dans leur tombeau, dormir ensevelie,
Seule beauté que Dieu refuse à l’Italie,
Muse qui pourrait seule, en un digne réveil,
Achever sur son front l’œuvre de son soleil,
Liberté ? Le Teuton, dans sa morne insolence,
Sur la terre des arts plante à nos yeux sa lance ;
Et nous, ici, tout près d’absoudre le destin,
Ne sentons pas frémir notre vieux sang latin.
Italie, oh ! pardon ; le poète est sans arme,
Mais il t’aima d’enfance et t’offre cette larm

e,
Il se doit aux vaincus ; à tes nobles revers
Laisse-moi consacrer l’obole de mes vers.

Près de ce lac heureux d’où l’œil charmé regarde
Fuir jusqu’à l’Apennin la campagne lombarde,
Ils tombent vaillamment tous ces fiers insurgés ;
Leur dernière cartouche, au moins, les a vengés.
Maintenant, viens, ô Mort ! et sois leur prompt refuge ;
Viens ! des mains du soldat moins cruel que le juge ;
Viens ! épargne au vaincu les lenteurs du bourreau
Ou l’infernale nuit du « carcere duro ».

Vers les flots, à travers le taillis qui surplombe,
Sanglant, Marco se traîne ; il veut cacher sa tombe.
Moins fier, pour mourir libre et tromper le chasseur,
Le loup, blessé, des bois sait gagner l’épaisseur ;
Les chiens flairent en vain l’herbe que son sang mouille,
L’homme avide et cruel n’aura pas sa dépouille.

Mais ton corps s’affaissant tombe, et bien loin du bord.
Est-ce enfin, ô proscrit, le repos de la mort ?
Ah ! son sein brûle encor du feu de la pensée,
Plus rongeur que la balle en sa chair enfoncée.
Il souffre tous les maux si longuement soufferts ;
Il voit sa mère en deuil et sa patrie aux fers.
Le délire lui rend toute une sombre histoire,
Tous ses efforts trompés, tous ses travaux sans gloire,
Et ressuscite au cœur du soldat, de ramant,
Les douleurs qu’on avoue... et le secret tourment
Car à tous les amours, sous ce ciel, à cet âge,
L’âme, sans s’appauvrir, se donne et se partage ;
Et parfois un sourire, y réveillant l’honneur,
Jette à la liberté son plus fier défenseur.


Mais tandis que la mort, qu’il espère et qu’il presse,
Dans les flancs du proscrit lutte avec la jeunesse,
La nuit descend, la nuit d’un beau jour de l’été ;
Elle éclaire le lac d’un reflet argenté,
Près des flots étoiles, dans la forêt plus sombre,
Elle étend sur Marco le voile de son ombre,
Et verse avec l’air pur, soufflant des monts Alpins,
Dans le sang du blessé la saine odeur des pins.


II

En son fort, dont le lac a verdi la muraille,
Herman, le pâle chef, vainqueur dans la bataille,
Rentre, et dans la grand'salle aux ténébreux arceaux,
À la hâte il suspend son épée aux faisceaux.

Son épouse, au métier assise à sa fenêtre,
N’a pas jeté sa laine en le voyant paraître ;
Son bras au cou d’Herman ne s’est pas attaché ;
A peine sur son front qu’elle garde penché,
Laisse-t-elle poser sans émoi, sans attente,
Le baiser qu’elle glace à la lèvre hésitante.
Debout devant Fausta, le chef aux cheveux blonds
Sur ce marbre sans voix fixe des yeux profonds ;
Et, retenant l’essor d’un amour qui le tue,
Contemple avec douleur l’orgueilleuse statue,
Ce front dont le dédain soumis cruellement
S’offre en docile esclave à sa lèvre d’ama

nt.

Pour arracher un père à sa prison germaine,
D’un hymen sans amour Fausta subit la chaîne ;
Sauvant le cher captif qu’elle n’a pu venger,
Elle accepta le nom de ce chef étranger.
Mais dès que cette main voulut serrer la tienne,
Le remords souleva ton âme italienne ;
L’époux est à tes pieds amoureux et craintif,
L’Allemand n’a rien fait que changer de captif !
Ses soins n’ont pu fléchir la fille ardente et forte
Dont le cœur s’est livré comme une rançon morte ;
Bientôt le noir soupçon, vainement repoussé,
Fait au maître un tourment des ombres du passé.

Faust a, dans cet exil qui cache leurs blessures,
Emportant sa froideur, suit l’époux sans murmures.
Docile avec orgueil, elle a bientôt quitté
Milan et les splendeurs de la belle cité.
Qu’importe à ce cœur fier un plaisir qui s’envole ?...
Mais peut-être qu'il garde une secrète idole ?

Dès lors en ces vieux murs, durant les longues nuits,
La sombre voix du lac a bercé leurs ennuis.

Or, depuis que le chef a tiré son épée,
Qu’au sang italien cette main s’est trempée,
Attestant de deux cœurs le morne désespoir,
Un plus mortel silence a glacé le manoir.
Car, plus haut que l’amour et tes rêves de femmes,
Fausta, ton cher pays règne sur ta grande âme.
Résignée aux douleurs de ce fatal hymen,
Quand tu vois dans l’époux l’usurpateur germain,

Tes yeux lancent la flamme, ô noble enfant du Dante,
Et ton indifférence éclate en haine ardente.


III

Une barque apparaît sur le lac rougissant ;
On croirait voir glisser, aux feux du jour naissant,
La conque où se balance une vierge marine
Sur l’écume des flots moins blancs que sa poitrine ;
La rame dans son vol trahit un bras nerveux ;
Des aiguilles d’argent parmi de noirs cheveux,
Le tissu transparent du voile noir qui flotte,
Annoncent qu’une femme en est l’adroit pilote.

C’est Fausta : sur les flots, au fond des bois amis,
Des rêves non troublés lui sont du moins permis.
L’époux, loyal et fier, respecte ces retraites ;
Elle y va s’enivrer de ses peines secrètes,
Ou sur d’âpres sentiers cherche, en sa sombre ardeur,
A fatiguer son corps pour endormir son cœur.
Elle choisit le bord des périlleux abîmes ;
A l’ombre des sapins, sur la neige des cimes,
Souffle un air froid et pur qu’elle aime à respirer ;
Sa lèvre y puise en vain sans s’y désaltérer,
Car, ô vents, ô forêts, ô musique profonde,
O parfums du désert, ô frais soupirs de l’onde
Nature où l’infini flotte de toute part,
Vous ne sauriez remplir l’âme autant qu’un rega

rd !

La barque au tronc d’un saule est, là-bas, attachée.
Dans les taillis, Fausta monte à demi cachée ;
Sans choisir un sentier entre les chênes verts,
Elle marche au hasard ; tout à coup, à travers
Les branches dont ses mains écartent la barrière,
Un homme est aperçu, sanglant, sur la bruyère.
Des cheveux noirs, un simple et sombre vêtement.»
C’est un frère tombé sous le fer allemand !
Son souffle gémissant atteste encor la vie ;
Dieu ! sauvez ce soldat, ce fils de l’Italie !
Sur lui Fausta s’incline à genoux ; mais pourquoi,
Pâle, écarter ainsi les mains avec effroi ?
On dirait, à la voir s’appuyant à cet arbre,
Sur le gazon des morts une vierge de marbre.
Un soupir de Marco la réveille et lui rend,
Dans un rayon d’espoir son courage expirant ;
Elle se lève et court. Là-bas, sous ces vieux aunes,
La maison du pêcheur a connu ses aumônes ;
Elle y vole ; elle a su, chez ces hommes obscurs,
Se créer des amis au bras forts, aux cœurs sûrs.
Sa voix a fait bondir des serviteurs alertes ;
Ils montent, et bientôt un lit de branches vertes
A franchi l’humble seuil, et la flamme, au foyer,
Pour l’hôte aux pieds de glace, est prompte à flamboyer ;
Il a repris ses sens après un court délire,
Et le réveil de l’âme en ses yeux peut se lire.



IV

D’où vient cette pâleur cachant un vague effroi,
Ce regard concentré, jeune femme, et pourquoi
Saisir la rame, ainsi, d’une main convulsive,
Quand tu pars les matins, providence attentive,
Portant la guérison au proscrit ? L’on dirait
Que ton pieux devoir n’est rempli qu’à regret,
Et que l’humble cabane où la pitié t’amène
Te garde un hôte, objet de terreur ou de haine.
Et cependant, Fausta, c’est un éclair joyeux
Qui colore ta joue et fait briller tes yeux,
Dès qu’au loin la maison du pêcheur, sous les branches,
Montre son toit de chaume et ses murailles blanches.

Et Marco, quand tu viens, ne te semble-t-il pas
Contre un péril tout proche invoquer le trépas ?
Il boit, comme un poison qu’on redoute et qu’on aime,
Les sucs réparateurs préparés par toi-même ;
Il tremble à ton aspect, à ton nom il pâlit ;
Pourtant, si tu parais au chevet de son lit,
Parlant, à ton insu, de ta voix la plus douce,
Ce fier désir de mort en son esprit s’émousse.

Bientôt sur le rivage, aidé par le pêcheur,
Il put venir des flots respirer la fraîcheur,
Et voir à l’horizon ; où la vague étincelle,
Poindre en un sillon d’or la rapide nacell

e ;
Puis, dans l’ombreux sentier, et chaque jour plus loin,
Il marche avec Fausta sans guide et sans témoin.

Mais, comme s’ils portaient quelque chaîne secrète,
Sur le bord des aveux chacun tremble et s’arrête.
Souvent l’un d’eux hésite en parlant du passé,
Et refoule en son cœur, subitement glacé,
Cette étrange terreur dès l’abord ressentie ;
Ils se taisent ; Fausta sans retour est partie ;
Elle se l'est juré, c’est leur adieu ! Pourtant,
Le lendemain l’amène à Marco, qui l’attend.
 « Si faible encor ! Sa vie est à peine sauvée ;
Fuir ainsi lâchement cette œuvre inachevée.
Non ! C’est moi qui, veillant aux abords du chemin,
Dois remettre à Marco son glaive dans la main. »

Et d’un pas moins timide, enfin, les causeries
Entraînent le blessé jusqu’au bout des prairies ;
Chaque jour l’attirant pour un plus long repos,
Un arbre plus lointain entend plus doux propos.

« Vous sembliez, disait-il, l’ange de la patrie
Posant un bras sauveur sur ma tête flétrie.
Vous m’apportiez la vie et je n’en voulais pas ;
Mais je la garderai pour de meilleurs combats.
Je le sais, la pitié que votre cœur s’impose
N’a vu dans le blessé que notre sainte cause ;
Bien heureux qui tiendrait de la douce amitié
Cette vie et ces soins dus à votre pitié ! »

Et Fausta : « Dans ce temps fait pour des cœurs austères,
Occupés sans faiblir d’héroïques mystères,

Nous n’avons qu’un devoir, venger le sol natal.
Étouffons dans nos cœurs tout sentiment rival.
Non ! je ne voudrais pas amollir sous mes larmes
La main italienne à qui j’offre des armes. »

Ainsi vont leurs discours ; et l’ombre des forêts
Les couvre au bord du lac de ses voiles discrets ;
Ainsi fuit, goutte à goutte et d’une âme oppressée,
Leur parole disant bien peu de leur pensée.

Et la rame tardive, aux murs du vieux château,
Plus lente chaque jour ramène le bateau.
Debout, Herman l’attend. Le sombre capitaine
Rapporte son ennui de la chasse lointaine.
Le repas est distrait, bref et silencieux.
L’époux timide et fier, sans rayon dans les yeux,
Porte en un cœur profond cet amour qui le ronge ;
Il souffre sans se plaindre et paraît vivre en songe.
In peu d’ardent soleil manque à ce noble sang
Pour le faire éclater en un cri tout-puissant ;
Peut-être il eût parlé sous un regard plus tendre,
Et la céleste voix s’y serait fait entendre ;
Mais ce regard sur lui jamais ne s’arrêta.
Qu’importent les secrets de cette âme à Fausta !
Qu’importe au prisonnier le trésor que recèle
Le mur sombre où se rive une chaîne éternelle !


V

Oh ! l’instant des aveux ! ce cri, ce mot furtif
Qu’éternise un écho dans le ciel attentif !
Mot qui tout bas murmure en tremblant sur la lèvre,
Ou gronde avec l’éclair et jaillit dans la fièvre ;
Triomphe de l’amour par un mot attesté ;
Pouvoir d’une syllabe où tient l’immensité !

Le lac d’azur et d’or, quand le vent se repose,
Reflète au loin des monts chargés de neige rose.
Fausta, Marco sont là, dans cette paix du soir ;
Baignés dans la nature, ils parlent sans la voir.

Et quel vague récit des songes de leur vie,
Quel rayon d’une flamme à ce beau ciel ravie
Emporta leur secret après tant de combats ;
Quel espoir les enivre ? Ils ne le savaient pas.
Leur âme a laissé fuir quelque rapide image,
Un accent plus ému vibre dans leur langage ;
Enfin l’aveu sacré part, et la chaîne d’or
A lié ces grands cœurs qui résistaient encor ;
Et jamais ni le temps, ni l’homme, ni Dieu même,
N'en briseront l’anneau fait d’un seul mot : Je t’aime.
Ainsi ce joug d’amour, qu’on méprisait hier,
S’impose, au gré du sort, à l’esprit le plus fier !
Si le dieu vous choisit, ou funeste ou propice,
Il faut que son mystère entre vous s’accompliss

e.
Armez-vous de rudesse et bravez le péril,
Demandez vos vertus au plus lointain exil...
Le sort au but fixé tous les deux vous ramène.
Partis de la tendresse, et souvent de la haine,
On se trouve au chemin par où l’on crut se fuir,
Pour aimer quelquefois, mais toujours pour souffrir !


VI

« Tu partiras, Marco, je t’ai donné mon âme,
Mais ta vie est ailleurs qu’aux genoux d’une femme.
Je cède à mon pays ton cœur qui m’appartient
Honte, en ces jours de guerre, à celle qui retient
Sur les coussins oisifs le fer de bonne trempe,
Et souffre qu’à ses pieds le lion dorme ou rampe !
Tu partiras sans moi ; soyons forts, effaçons
De notre fier sentier l’ombre des vils soupçons.
Entre de pures mains une cause est plus belle ;
Fils de la liberté, gardons-nous dignes d’elle.
Pars ! mon cœur te suivra ; rien n’a pu l’enchaîner,
Il reste, en sa prison, libre de se donner.
Mais pars ! Fais au devoir une sublime offrande ;
Du sacrifice obscur notre âme sort plus grande.
L’amour choisit nos cœurs dans ses nobles desseins,
Non pour les rendre heureux, mais pour les rendre saints.
Pars ! Du joug étranger qu’une femme tolère,
Laisse-moi la douleur, gardes-en la colère.
Pars ! Une autre maîtresse, en tes heures d’ennu

is,
Seule a droit d’approcher de tes austères nuits,
De vivre aux yeux de tous, avec toi, sous la tente,
De briller à ton flanc comme une arme éclatante :
C’est la haine, ô Marco, la dernière vertu
Qu’il faille au moins sauver chez ce peuple abattu ;
La haine qu’on délaisse en ce temps misérable,
La haine, de l’amour compagne inséparable,
La haine qu’à ses fils, de son sein chaste et fier,
Doit verser l’Italie en aiguisant le fer !
J’accepte dans ton cœur ma place à côté d’elle ;
Que notre double voix à ton œuvre t’appelle.
Pars ! Mais cette blessure, hélas ! qui saigne encor ;
L’aigle voudrait en vain reprendre son essor.
Eh bien, pour quelques jours qu’il ferme encor les ailes ;
Qu’il dorme sous l’abri de ces rameaux fidèles.
Reste au bord de ce lac qui doit garder toujours
Le reflet triste et pur de nos saintes amours.
Tu me verras encor ; je veux encor répandre
Dans ton sein douloureux mon souci le plus tendre,
Et goûter à tes pieds, ô mon noble vaincu,
Ces courts instants, les seuls où mon âme ait vécu.
Je suis sûre de nous ; j’aime, et je me confie
Aux forces de l’amour, ce feu qui purifie ;
Non, tu ne voudras pas me ravir la splendeur
Que l’image adorée emprunte à la pudeur.
Tu ne veux pas me rendre à moi-même avilie ;
Moi qui suis pour ton cœur comme une autre Italie ! »



VII

Un rocher qui surplombe, à quelques pas des eaux,
Et penche un front touffu couronné d’arbrisseaux,
Répand la clématite et la vigne sauvage,
En un large rideau traînant jusqu’au rivage.

Des soupirs, des sanglots, sous cet abri charmant,
Aux douces voix du lac répondent par moment ;
Sous l’ombrage entr’ouvert que les zéphyrs balancent,
Des syllabes de feu se croisent et s’élancent ;
L’un à l’autre jetés et se faisant écho,
Volent, dans l’air ému, deux noms : Fausta ! Marco !

Perfides vents d’été ! parfum des fleurs qui brûle,
Où le poison d’amour en poudres d’or circule ,
Lit de mousse enivrant sous l’ombrage attiédi,
Plainte du flot plus tendre à l’heure de midi,
Murmures de la feuille et de l’aile affaissées
Qui réveillant les sens endormez les pensées,
Doux climat, si fatal aux desseins des grands cœurs,
Pourquoi répandez-vous ces divines langueurs ?

Hier encor, cette voix, qui s’éteint dans les larmes,
Vibrait d’un accent fier comme le bruit des armes ;
Tous les deux s’excitant aux plus mâles vertus,
D’un invincible acier se croyaient revêtus ;
Et voilà que tous deux, sous le trait qui les blesse,
Ont trop bien reconnu leur humaine faibles

se ;
Et, s’avouant vaincus dès le premier effort,
Maudissent le devoir plus cruel que la mort
C’est vous, qui du martyre aviez rêvé naguère,
Et vous iriez tomber d’une chute vulgaire ;
C’est vous, nobles enfants ! mais sur cet abandon,
Votre âge et le soleil jetteraient le pardon,

Ah l si la passion, toujours froide et sensée,
N’exaltait pas chez vous le sang et la pensée,
Quel autre enthousiasme, en des cœurs de vingt ans,
Feraient ce que n’ont pu l’amour et le printemps ?
Et quel autre soleil, ouvrant des âmes closes,
Eût fait germer en vous l’ardeur des grandes choses ?
Mais puisqu’un noble essor vous fit apercevoir
Les hautes régions où plane le devoir,
Votre amour y montant par un élan suprême,
Trouvera la vertu de se dompter lui-même.

Ombres des vieux héros qu’ils admiraient tous deux,
Descendez, ô martyrs, et veillez autour d’eux ;
À leur lèvre égarée arrachez ce calice ;
Faites parler bien haut la voix du sacrifice ;
Dans cette heure d’oubli, venez leur rappeler
Vos exemples fameux qu’ils devaient égaler.
Et toi, qu’ils adoraient dans la blancheur des cimes
Tu sais ce qu’ils ont dit à tes Alpes sublimes,
Et s’ils ont aspiré, libres du poids des sens,
Vers ce monde d’en haut, Esprit d’où tu descends !
Des lâches voluptés écarte d’eux les pièges,
Et sur leurs fronts brûlants verse tes chastes neiges.
Soyez bénis ! Fausta, dans un effort vainqueur,
A repris tout l’empire exercé sur son cœur,

Et, fuyant le péril où sa fierté chancelle,
Elle s’arrache et court vers l’agile nacelle,
Repousse d’un seul coup la grève, et déjà fuit
Dans un sillon rapide où le soleil reluit ;
Debout encore, agite une main convulsive,
Et jette avec un cri son adieu vers la rive.


VIII

Quels assauts de désirs l’un de l’autre ennemis
Dans ton grand cœur naguère au devoir si soumis !
Désormais, indocile à la tâche prescrite,
Contre un sang révolté ton âme en vain s’irrite ;
Tu frémis de sentir, Marco, tes yeux en pleurs,
Ton front rouge ou glacé de soudaines pâleurs,
Tes flancs brûlés de feux dont l’esprit n’est plus maître,
Et que ta sainte haine, hélas, n’y fait pas naître.

Toute la nuit, sans trêve, exaspérant son mal,
Il sentit dans son cœur gronder l’adieu fatal.
 
Le matin, comme un homme égaré dans ses rêves,
Il part, il court sans but, dans les bois, sur les grèves ;
Il cherche avec l’espace à dévorer le temps ;
Mais l’oubli pourrait seul abréger les instants.

Voici l’heure, à la fin, l’heure où la barque aimée
Apparaît, chaque jour, sur l’onde accoutumée ;
Il interroge en vain cet horizon connu,
Le soleil s’est éteint sans que rien soit

venu.
Et l’attente, plus longue au milieu des ténèbres,
Mêle aux cuisants désirs des images funèbres.
Pour la première fois, tout un jour sans la voir !
D’un retour, d’un pardon faut-il perdre l’espoir ?
Mais peut-être un danger la retient ! il s'élance,
Le bateau du pêcheur le conduit en silence ;
Et, pour montrer la route allumant ses fanaux,
Au loin le clair de lune a blanchi les créneaux.
Aux vitres du donjon des feux luisent dans l’ombre.
Marco s’approche, observe, arrêté sur l’eau sombre ;
Pour mieux se dérober au soldat attentif,
Immobile il se couche en son étroit esquif.
Les fenêtres, bientôt, perdant leurs vives teintes,
Attestent le sommeil et les lampes éteintes ;
Mais, veillant seule aux flancs du manoir endormi,
Une chambre s’éclaire et l’amant a frémi...
C’est elle ! pour la joindre et lui parler encore,
Pour cet adieu plus doux que ton exil implore,
Quels rêves, quels projets hélas sans horizon,
N’as-tu pas fait, Marco, sous sa morne prison !

Le jour seul, éteignant cette lampe qui veille,
Effaça l’ombre errante à la vitre vermeille ;
Et le flot, jusqu’à l’aube, avec un long soupir,
Berça ton désespoir et ne put l’assoupir ?
Tes fureurs, ô Marco, sous ces murs enchaînées,
Usèrent, cette nuit, le sang de dix années,
Mais le soleil levé rend le péril certain
Pour l’amant, le proscrit, ennemis du matin.
Marco fuit en longeant les sinueuses côtes ;
Un cap offrait l’abri de ses roches plus hautes ;

Il s’arrête, il y tient son esquif attaché ;
Et lui, sur le sommet, dans les genêts caché,
Mettant dans son regard son âme tout entière,
Du château plus lointain cherche à percer la pierre»
Quelque espoir lui revient ; car, c’est trop le punir ;
Pour un adieu suprême elle doit revenir !
Il attend ; c’est ici la moitié de la route
Jusqu’au toit du pêcheur ; il va la voir, sans doute ;
Ce ciel joyeux le dit ; ces parfums, cet air pur
Pénètrent dans son cœur comme un présage sûr.

Mais aux pieds des remparts une barque... oh c’est elle !
Sur son blanc vêtement le soleil étincelle.
Beau lac, brise si douce et si lente à souffler,
Ah ! portez-la plus vite où son cœur veut aller !
Déjà du. promontoire elle a doublé la ligne ;
Là, parmi les rochers, bassin fait pour un cygne,
S’arrondit une baie au lit profond et pur
Dont les bords verdoyants assombrissent l’azur.
La barque détournée à ce port se dirige.
T’a-t-elle deviné, Marco ? par quel prodige,
De si loin, en ce lieu ! ton cœur bat ; mais pourquoi
Lâcher ainsi la rame encor trop loin de toi,
Au milieu de cette anse ; et, dans la barque étroite,
Tout à coup se lever et rester ainsi droite ?
Elle écoute peut-être, à l’heure du réveil,
Elle invoque le dieu dont elle prend conseil,
Le dieu des profondeurs de cette eau pure et vaste,
Cet invisible amant qui la conserve chaste.
On voit qu’elle interroge un hôte habituel ;
Nul effroi ne la trouble en son muet appel ;
L’azur du flot est clair moins que ses yeux limpides,

Moins uni que son front sans ombres et sans rides ;
Sa lèvre est de corail, et du frais orient
Le ciel n’est pas plus rose et pas plus souriant
A peine soulevé, son sein paisible exhale
Le facile courant de son haleine égale ;
Blanche, immobile, avec un marbre on la confond.
Quel repos ! en est-il un autre plus profond ?
Un seul, et c’est celui que, d’un élan sublime,
Elle va demander, ô lac, à ton abîme !

Et la nappe d’azur, oscillant jusqu’aux bords,
D’un tombeau diaphane enveloppe son corps.

Brisant des flots émus la tremblante surface,
Un rapide plongeur fend l’onde sur sa trace.
Sous les plis orageux de leur vivant linceul
Deux hôtes dormiront, ô lac, ou pas un seul !
Veux-tu, les unissant dans ta demeure avare,
Les y garder afin que rien ne les sépare ?
Pour un plus long hymen, as-tu donc convié
Sur tes algues, ce couple à nos fleurs envié ?
Non ! tu veux nous les rendre, ô lac, et tu secondes
Les forces de l’amant qui lutte sous tes ondes.

Marco la reprendra ! l’amour est aussi fort
Pour aider à mourir que pour vaincre la mort.
Plus prompt que l’alcyon, sur la vague écumante
Le plongeur reparaît rapportant son amante ;
Par les cheveux noués à son bras triomphant
Il la tient élevée hors de l’onde qu’il fend,
S’élance, et, d’un effort suprême, en deux coups d’aile
Sur le sable prochain retombe à côté d’elle.

Est-ce elle, est-ce un cadavre, ô lac, qu’il te ravit ?
L’oreille sur son cœur Marco tremble... elle vit !


IX

« Oui, Marco, cet abîme où j’ai voulu descendre,
Du bonheur d’être à toi pouvait seul me défendre.
La vie est plus facile à fuir que tes baisers.
Un Dieu veille aujourd’hui sur nos cœurs apaisés ;
Enlevée au tombeau je dois te rester sainte.
Désormais je te parle et tiens ta main sans crainte ;
Et si je faiblissais, après de tels aveux,
J’attends de toi l’effort qui nous sauve tous deux.
Oui, j’ai voulu mourir pour la vertu que j’aime ;
Mais non pour m’en parer et triompher moi-même.
Tout est à toi Marco, ma vertu, mon devoir ;
Prends-les, si tu le peux, à tes yeux, sans déchoir.
L’honneur c’est toi ! sois grand et je suis assez pure.
C’est toi qu’il faut garder sans chaîne et sans souillure.
D’un remords, d’un regret, dans la lutte où tu cours,
Je ne veux pas charger tes destins déjà lourds,
J’aime mieux de ma mort te laisser la souffrance,
Car elle peut au moins se tourner en vengeance «
Et servir l’Italie et tes complots sacrés.
Il faut un chef austère à nos fiers conjurés.
Je te connais, Marco ; ta pensée est trop haute
Pour qu’un furtif amour soit bien longtemps son hôte.
Je t’aime ainsi ! pour toi, pour ta mâle grandeur,
Et veux servir ta gloire au prix de mon bonhe

ur.
Tu m’aimes, je le sais ; tes larmes sont loyales ;
Mais tu m’aimes en homme, et j’ai bien des rivales.
L’honneur et la patrie et cette ardeur d’exploits,
Tu les portes plus haut que l’amour... tu le dois !
Mais moi, qui garde aussi la haine héréditaire ;
Moi qui sais que l’amour aujourd’hui doit se taire,
Moi fille d’un soldat martyr de l’étranger,
Moi qui place avant tout l’Italie à venger,
Moi qui t’ai dit : Va, meurs, la liberté t’appelle !
Je ne puis partager ton cœur même avec elle !
Pour ma vie et mon sang dépensés à t’aimer,
Il me faudrait tes jours, ton âme à consumer.
Ne crains rien ; cette ivresse où s’éteindrait ta gloire,
Aux lèvres de Fausta n’espère plus la boire,
Je vivrai loin de toi ; cependant je vivrai,
Ton repos le commande et je te l’ai juré.
Pars donc ! sans redouter qu’un tombeau volontaire
Enchaîne ta pensée avec moi sous la terre.
Tu ne laisses, ici, ni spectre, ni remords ;
Mais un cœur désormais au-dessus de la mort,
Qui vivra de ta vie, et, dans sa foi plus ferme,
Des douleurs, sans les fuir, veut attendre le terme ;
Qui te suit dans la lutte où vous allez rentrer,
Et qui, demeuré pur, a le droit d’espérer. »

Tels furent leurs adieux, ou plutôt leurs paroles,
Celles qu’on peut traduire avec des sons frivoles !
Quels mots reproduiraient l’éloquence des yeux,
Et sauraient de l’amour peindre les vrais adieux ?

Il partit ; ce qu’en lui de vertu mieux trempée,
De vaillance à porter sa haine et son épée,

D’ardeur plus invincible à servir son pays
Mettra l’orgueil sacré des devoirs obéis...
Tu le sais, et toi seule, ô mère de la force,
Toi qui des voluptés foules aux pieds l’amorce,
Et, gardant un sang pur aux générations,
Fais croître et fais fleurir les grandes nations ;
Toi par qui la jeunesse est longue au cœur de l’homme,
Toi, Pudeur, qui veillais aux grands siècles de Rome !
Que des lits nuptiaux, sous tes yeux restés saints,
De ses héros de bronze as tiré les essaims ;
Toi qui des bras guerriers durcis les nobles fibres,
Toi qui seule maintiens ou fais les peuples libres,
Vertu des vieux Latins dans leurs jours triomphants,
Tu le sais ; viens l’apprendre à leurs derniers enfants !


X

L’ombre d’un bois, tombant du coteau sur la grève,
Abrita des adieux l’heure cruelle et brève.
Après qu’ils sont partis et l’amante et l’amant,
Un homme du taillis s’éloigne lentement,
Sous ses longs cheveux blonds pâle ; un orage interne
Trouble l’azur vitreux de son œil fixe et terne ;
Il semble ne pas voir et marcher dans la nuit ;
A son morne flambeau quel rêve le conduit ?

C’est Herman. Dans cette ombre, à midi rare et douce,
Le chasseur s’endormait affaissé sur la mousse,
Mais une voix connue a fait fuir le sommei

l.
Quelle affreuse lumière a glacé son réveil,
Quand le fatal secret, qu’il ne veut pas entendre,
Dans la paix de son doute est venu le surprendre ?
Lui qui rêvait encor de la fléchir un jour !
Pure, mais à jamais brûlant d’un autre amour !
Plus d’espoir ! c’est bien là sa fierté surhumaine
Fidèle à sa pudeur, mais fidèle à sa haine !

Quel penser de pardon, de vengeance ou d’oubli,
Demeure au cœur d’Herman sourdement établi ?
Nul n’entendra le son de cette âme incomplète
Qui tient comme l’amour la colère muette.
A peine une pâleur sur son front, dans ses yeux,
Trahit des passions le choc silencieux ;
Et, quand la foudre au fond peut-être le ravage,
Jamais l’éclair n’a lui pour révéler l’orage.


XI

Le sang de tes enfants encore infructueux
Va tremper de nouveau la terre des aïeux ;
Ceins ton front de lauriers pour cette auguste fête,
Et rends gloire, Italie, à leur noble défaite !
Sur ton vieux Capitole avant de remonter,
Par plus d’un jour pareil il faut le mériter,
Et ne pas te lasser, patiente nourrice,
D’enfanter des martyrs aux honneurs du supplice.
Oui, vous mourrez vaincus, dans l’exil, dans les fers ;
Le gibet vous attend, frères, soyez-en fiers !
Votre sang généreux que l’étranger prodig

ue,
Doit couler sous ses mains jusqu’à rompre la digue.
Donnez, donnez toujours de ce sang pur et fort !
La liberté naîtra de quelque illustre mort.

Dans le pays, lombard, près de ces eaux si belles,
Où l’on rêve de paix, de fêtes éternelles,
Où l’âge d’or naîtrait avec la liberté,
Près de ce lac riant par l’amour habité,
D’un sacrifice humain se prépare l’offrande.
Des glorieux vaincus voici la noble bande ;
Calmes et le front haut, tels qu’on aime à les voir
Les stoïques martyrs du droit et du devoir.
Autour d’eux les soldats, stupide multitude,
Marchent à rangs pressés et font la solitude.
Pour contenir les flots d’un grand peuple insoumis,
Un rempart s’est dressé d’escadrons ennemis :
Herman en est le chef ; toujours pensif et triste,
Il semble absent de l’œuvre à laquelle il assiste,
Et son regard, errant ou vaguement fixé,
Sur ceux qui vont mourir s’est à peine abaissé.
Son corps abandonné se balance et se ploie
Aux pas lents du cheval, et son panache ondoie
Sur son cou fléchissant. Le long convoi de mort,
Dirigé vers le lac, s’arrête près du bord
Où s’étend une plaine à la pente adoucie.
Là, sur un fin limon, meurt la vague amincie ;
Et, quelques pas plus loin, sort du milieu des eaux
Une épaisse forêt de grands joncs, de roseaux.

Le groupe des martyrs, soldats au fier visage,
Docile et méprisant s’est rangé sur la plage.
Ils sont jeunes et beaux, hélas, ceux qui mourront ;

Au milieu d’eux, Marco les dépasse du front.
La plaine exhale au loin des odeurs printanières ;
Son doux pays lui fait ses caresses dernières ;
Avec l’ardent regard du ciel italien,
Son œil plein de rayons semble échanger le sien.

Salut, Marco ! Les chefs ont éloigné la foule ;
Ils étouffent ta voix sous le tambour qui roule
Mais, parlant par tes yeux en cet instant sacré,
Ton cœur sur ton visage en éclairs s’est montré.
Pour rallumer l’honneur aux âmes languissantes,
Un rayon suffirait de tes flammes puissantes.
N’est-ce pas, de ce monde il est doux de partir,
Sûr qu’on est aimé d’elle et fier d’être martyr ;
A tous les dieux du cœur gardant sa foi certaine,
Et doublement vivant par l’amour et la haine !
Heureux qui, plein d’espoir, fort et jeune lutteur,
Apporte une âme intacte au fer libérateur ;
Et meurt, même vaincu, même en butte à l’insulte,
Mais sans avoir douté des objets de son culte !
Son sang, quoique ignoré, ne sera pas perdu ;
Il ne voit pas, avant le triomphe attendu,
Des générations dans la fange accroupies
Renier ou salir ses saintes utopies ;
Et, dans son propre cœur, avant la fin du jour,
Il ne sent pas tarir la pensée et l’amour.
Son temps d’épreuve est court : quand la balle le frappe,
Prompte ainsi qu’elle, au but l’âme en un vol s’échappe.
Là-haut sur son pays, il voit, dès ce moment,
Briller le jour lointain de l’affranchissement,
Et sourire en ses bras, fraîche comme une aurore,
Sa fiancée en deuil, qui, chez nous, pleure encore.

Voilà ce que la mort a d’extase à donner
Au martyr dont le front commence à rayonner,.
Mais si tu crois qu’au seuil d’une tombe héroïque,
Une larme en coulant ternisse un nom stoïque,
Si tu veux, ô Marco, retenir par orgueil
Cette perle du ciel qui tremble dans ton œil...
Il fallait de ta mère écarter la pensée,
Oublier ton amante à sa prison laissée,
Et, près de ton cercueil, ne pas les voir du cœur
S’éteindre et longuement mourir de leur douleur.

Le fer a retenti des armes qu’on apprête,
Et, distrait de son rêve, Herman lève la tête ;
L’indifférent regard que son œil promenait,
Sur le front de Marco tombe ; il le reconnaît...
De quel pli de son cœur sort cet éclair rapide,
Le premier dont rougit ce front terne et livide,
Ce sursaut que le mors imprime à son cheval,
O chef, est-ce d’un lâche ou d’un noble rival ?
Est-ce un bouillonnement du sang ou de la boue ?
Le fusil des soldats touche déjà leur joue ;
Toi, tu couves Marco sous le même regard ;
Ta lèvre étrangement se plisse... le feu part !
Et, pour s’offrir à lui soudainement dressée,
Dans les touffes de joncs où sa barque est glissée,
Comme un oiseau plongeur qui lève enfin le cou,
Grande et blanche, Fausta se montra tout à coup,
Et, sur son large sein qu’un noble orgueil enivre,
Elle a reçu sa part du plomb qui les délivre.

Elle est encor debout dans sa robe de lis,
Tandis qu’un flot de pourpre en inonde les plis,

Avec son premier sang et sa suprême flamme,
Marco ! ce nom jaillit et précède son âme ;
Tombant sur les genoux et les bras étendus,
Elle a vécu pour voir ses adieux entendus,
Et son amant couché sur la fatale grève,
Et cette chère main, qui vers elle se lève,
Semble chercher la sienne, et, sur l’étroit canal,
Se balance et s’affaisse en un dernier signal.

Mais entre ces deux cœurs tout obstacle s’efface,
Car la mort vient entre eux d’anéantir l’espace ;
Et, loin d’un monde esclave, unis selon leur vœu,
Ils s’aiment librement dans les jardins de Dieu.
Quelle terre a gardé leur cendre et leur mémoire ?
Qu’importe, ô jeunes gens oublieux de la gloire !
Laissez leurs noms, leur cendre au vent se disperser,
Si vous n’avez pour eux que des pleurs à verser.