Fragmens bouddhiques

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Texte établi par Nouveau Journal asiatique,  (p. 3-50).

FRAGMENS BOUDDHIQUES.

I. chronologie bouddhique, traduite du mongol.

Pendant mon séjour à Irkoutsk, en 1806, M. le conseiller d’état Krans a eu la bonté de me communiquer plusieurs documens écrits en allemand sur l’état de la Mongolie et sur les mœurs, les usages et la croyance de ses habitans. La courte chronologie bouddhique dont on va lire la traduction en faisait partie. Une autre version moins exacte de ce morceau s’est trouvée entre les mains de Pallas, qui l’a insérée dans le Second volume de ses Mémoires sur les Peuples Mongols (vol. II, pag. 11 et suiv.). Dans cette dernière, l’année de la rédaction de l’original n’est pas indiquée, et c’est pourtant cette année qui fait la base de toute la chronologie. On sait que les Mongols se servent du cycle sexagénaire qui est en usage chez les Chinois et chez la plupart des peuples de l’Asie orientale Ce cycle se compose de la combinaison des dix signes appelés kan ou troncs, et des douze tchi ou branches. Les Mongols remplacent les premiers par les noms des cinq élémens répétés deux fois[1] et combinés avec les douze tchi, et ceux-ci par les noms des douze animaux cycliques.

LES DIX KAN. LES DOUZE TCHI.
CHINOIS. MONGOL. CHINOIS. MONGOL.
Kia. Modon, bois.   Tsu. Khoulou-ghana, souris.
Y. Modon, bois.   Tcheou. Uker, bœuf.
Ping. Gal, feu.   In. Bars, tigre.
Ting. Gal, feu.   Mao. Toolaï, lièvre.
Ou. Chiroï, terre.   Tchin. Lou, dragon.
Ki. Chiroï, terre.   Ki. Moghaï, serpent.
Kong. Temur, fer.   Ou. Morin, cheval.
Sin. Temur, fer.   Wei. Khoïn, bélier.
Jin. Oussoun, eau.   Chin. Betchin, singe.
Kouei. Oussoun, eau.   Yeou. Takia, poule.
  Su. Nokhai, chien.
  Hai. Gakhai, porc.

Voici à présent comment ces mêmes signes se combinent pour constituer le cycle de soixante :

11. 子甲 Modon khouloughana.  20. 未癸 Oussoun khoïn.
12. 丑乙 Modon uker.  21. 申甲 Modon betchin.
13. 寅丙 Gal bare.  22. 酉乙 Modon takia.
14. 卯丁 Gal toodai.  23. 戌丙 Gal nokhaï.
15. 辰戌 Chiroï lou.  24. 亥丁 Gal ghakhaï.
16. 巳己 Chiroï moghaï.  25. 子戊 Chiroï khouloughana.
17. 午庚 Temur morin.  26. 丑己 Chiroï uker.
18. 未辛 Temur khoïn.  27. 寅庚 Temur bars.
19. 申壬 Oussoun betchin.  28. 卯辛 Temur todai.
10. 酉癸 Oussoun takia.  29. 辰壬 Oussoun lou.
11. 戌甲 Modon nokhaï.  30. 巳癸 Oussoun moghai.
12. 亥乙 Modon ghakhai.  31. 午甲 Modon morin.
13. 子丙 Kal khouloughana.  32. 未乙 Modon khoïn.
14. 丑丁 Gal uker.  33. 申丙 Gal betchin.
15. 寅戌 Chiroï bars.  34. 酉丁 Gal takia.
16. 卯巳 Chiroï toolaï.  35. 戌戊 Chiroï nokhaï.
17. 辰庚 Temur lou.  36. 亥己 Chiroï ghakhaï.
18. 巳庚 Temur moghar.  37. 子庚 Tumor khouloughana.
19. 午壬 Oussun morin.  38. 丑辛 Temur uker.
39. 寅 壬 Oussoun bars.  50. 丑 癸 Oussoun uker.
40. 卯 癸 Oussoun toolaï.  51. 寅 甲 Modon bars.
41. 辰甲 Modon lou.  52. 卯乙 Modon toolaï.
42. 巳乙 Modon moghaï.  53. 辰丙 Gal lou.
43. 午丙 Gal morin.  54. 巳丁 Gal moghaï.
44. 未丁 Gal khoïn.  55. 午戊 Chiroi morin.
45. 申戊 Chiroï betchin.  56. 未己 Chiroï khoïn.
46. 丙己 Chiroï takia.  57. 申庚 Temur betchin.
47. 戌庚 Temur nokhaï.  58. 酉辛 Temur takia.
48. 亥辛 Temur ghakhaï.  59. 戌壬 Oussoun nokhaï.
49. 子壬 Oussoun khoulou-ghana.  60. 亥癸 Oussoun ghakhaï.[2]

Dans le texte de la Chronologie suivante, les noms des années cycliques ne sont indiqués qu’en mongol ; j’ai cru devoir les traduire et y ajouter les signes cycliques chinois ainsi que les années de notre ère, auxquelles ces signes correspondent. J’ai également corrigé l’orthographe de la plupart des noms mongols et tubétains, et j’ai ajouté plusieurs notes à la fin.


À la révolution éternelle du temps soit gloire
et adoration !

Voici la Chronologie de la sainte loi exactement décrite.

  ANNÉE du cycle mongol. ANNÉE du cycle chinois. avant j. c.
Depuis le temps de la conception du Bourkhan S’âkya mouni (1), qui eut lieu le 15e jour du dernier mois d’été, on compte 2640 ans. 
bois-bélier.
未 己
962.
Depuis le temps de sa naissance, il y a 2639 ans. 
fer-singe.
申 庚
961.
Depuis sa consécration comme prêtre, il y a 2611 ans. 
terre-souris.
子 戌
933.
Depuis qu’il a commencé à prêcher, il y a 2605 ans. 
bois-cheval.
午 申
927.
Depuis qu’il a terminé sa vie et son incarnation terrestre, il y a 2559 ans. 
fer-dragon.
辰 庚
881.
Depuis ce temps il ne descend plus sur la terre sous la forme d’un khoubilkhan ou incarné, comme d’autres Bourkhans (2) ; cet être divin restera invisible jusqu’à la fin de l’époque mondaine placée sous sa direction, quoiqu’il ne cesse de favoriser, par son mérite immense, le salut de toutes les créatures, tant sur la terre que dans les différentes régions célestes. 


  ANNÉE du cycle mongol. ANNÉE du cycle chinois. avant j. c.
Depuis l’incarnation de Padma sambhava (3), on compte 2510 ans. 
fer-singe. 申 庚 841.
Depuis l’incarnation de Nagan djouna, il y a 2159 ans. 
terre-souris. 子 戊 453.
ap. j. c.
Depuis l’incarnation de Turbèl ugei (4), il y a 1659 ans. 
terre-lièvre. 卯 己 19.
Depuis l’incarnation du khoubilkhan Bèrkè chidourgho tœlgèn khan (5), il y a 1063 ans. 
feu-bœuf 丑 丁 617.
Depuis qu’on a porté au Tubet la grande et très-sainte image de Djoo S’akya mouni (6), il y a 1039 ans. 
fer-souris 子 庚 640.
Depuis la naissance du khoubilkhan Berké Chidourgho chirètou khan (7), il y a 902 ans. 
terre-cheval. 午 戊 778.
Depuis celle du roi Oussoun debeskertou khan (8), il y 814 ans. 
feu-chien. 戌 丙 866.
Depuis la naissance du roi Oukèr doriskhatou khan (9), il y a 779 ans. 
fer-poule 酉 辛 901.
Depuis qu’au Tubet, l’image appelée Djoo a été illustrée par un nouveau miracle, il y a 692 ans. 
eau-cheval. 午 壬 982.
Depuis l’apparition du khoubilkhan Brom bakchi (10), il y a 675 ans. 
bois-dragon 辰 甲 1004.
Depuis celle du khoubilkhan Marboh Keklemurtchi il y a 667 ans. 
bois-souris. 子 壬 1012.
Depuis celle du khoubilkhan Gètèlgaktchimita, il y a 639 ans. 
fer-dragon. 辰 庚 1040.
Depuis le temps qu’il s’est manifesté de chef un grand miracle à l’image du Djoo, il y a 637 ans. 
eau-cheval. 午 壬 1042.
Depuis la construction du couvent Reidjeng (11), au Tubet, 622 ans. 
feu-poule. 酉 丁 1057
Depuis l’incarnation du khoubilkhan Longdhan charab (12), il y a 620 ans. 
terre-porc. 亥 己 1059.
Depuis la fondation du couvent de Szâgdjak (13), il y a 606 ans. 
eau-bœuf. 丑 癸 1073.


  ANNÉE du cycle mongol. ANNÉE du cycle chinois. avant j. c.
Depuis la naissance du khoubilkhan Saloo sarnâ, il y a 600 ans. 
terre-bélier. 未 己 1079.
Depuis la naissance du khoubilkhan Iirtou bayaskholontou, il y a 587 ans. 
eau-singe. 申 壬 1092.
Depuis celle du Khoubilkhan Nom-oun arsalang (ou le lion de la loi), il y a 570 ans. 
terre-bœuf. 丑 己 1109.
Depuis la naissance du khoubilkhan Phaghmo djoubbha, qui est le grand patriarche Garma (14), du Tubet, il y a 569 ans. 
fer-tigre. 寅 庚 1110.
Depuis la naissance du khoubilkhan Lama chang, 559 ans. 
eau-lièvre. 卯 癸 1123.
Depuis celle du khoubilkhan Brighoungba (15), il y a 536 ans. 
eau-porc. 亥 癸 1143.
Depuis les incarnations du koubhilkhan Arighon dèdè yabodèltou, et du monarque et khoubilkhan Tchinghiz khan (16), il y a 517 ans. 
fer-serpent. 巳 辛 1161.
Depuis la naissance du khoubilkhan S’âgdja bandida (17), il y a 497 ans. 
eau-tigre. 寅 壬 1162.
Depuis que P’haghsba lama fut élevé par Tsètsèn khan (18), il y a 446 ans. 
bois-bélier. 未 乙 1235.
Depuis la naissance du patriarche et khoubilkhan Kœbœn backhi, il y a 391 ans. 
fer-tigre. 寅 壬 1289.
Depuis la naissance du khoubilkhan Rabjoung dhordze, 333 ans. 
Fer-lièvre. 卯 辛 1351.
Depuis la naissance du khoubilkhan et roi de la loi Zzongk’haba  (19), il y a 323 ans. 
feu-poule. 酉 丁 1357.
Depuis la naissance du khoubilkhan Dharma rintsi, 316 ans. 
bois-dragon. 辰 甲 1364.
Depuis celle du khoubilkhan Doulbi bariktchi ou Arakba tchaltsen, il y a 306 ans. 
bois-tigre. 寅 甲 1375.
Depuis celle du khoubilkhan Dziamdjang tsordji, 301 ans. 
terre-bélier. 未 己 1379.


  ANNÉE du cycle mongol. ANNÉE du cycle chinois. avant j. c.
Depuis celles des khoubilkhans Adlitkhalngei et Nom-oun èdzen, il y a 297 ans. 
eau-porc. 亥 癸 1383.
Depuis l’apparition du khoubilkhan Kamra tamtchit tchanba, 295 ans. 
bois-bœuf. 丑 乙 1385.
Depuis le sacrifice solennel offert dans le temple du Djoo par le bourkhan Zzong k’haba, il y a 271 ans. 
terre-bœuf. 丑 己 1409.

À cette époque il publia aussi ses livres sur la doctrine et la foi, et le couvent tubétain de Gkâldhan.

Depuis que Dziamdjang tsordji (20) a bâti le couvent de Bhrœboung, il y a 264 ans. 
feu-singe. 申 丙 1416.
Depuis que Dziamdjang tsordji a bâti le couvent de Séra, et depuis que le Bourkhan Zzongk’haba a quitté la terre pour retourner dans le royaume céleste Tœgrus bayaskholongtou (21), il y a 261 ans. 
terre-porc. 亥 己 1419.
Depuis la fondation du couvent de Notsa tarni-ïn kiit, il y a 259 ans. 
fer-bœuf. 丑 辛 1421.
Depuis la fondation du couvent de Dziamdjou par Dziamdjang tsordji, on compte 234 ans. 
feu-serpent. 巳 丁 1437.
Depuis que Ghedhoun djoûbbha (22) a fait bâtir le couvent de Djachi h’loumbo, il y a 233 ans. 
feu-lièvre. 卯 丁 1447.
Depuis l’apparition du patriarche du monde Ghedoun ghiamtso  (23), il y a 204 ans. 
feu-singe. 申 丙 1476.
Depuis la naissance khoubilkhanique du roi Altan khan (24), il y a 173 ans. 
feu-lièvre. 卯 丁 1507.
Depuis la fondation du couvent dans la plaine appelée Tsiktsik tala (25) on compte 171 ans. 
terre-serpent. 巳 己 1509.
Depuis l’incarnation du khoubilkhan Sotnam ghiantso (26), il y a 137 ans. 
eau-lièvre. 卯 癸 1543.


  ANNÉE du cycle mongol. ANNÉE du cycle chinois. avant j. c.
Depuis l’incarnation du khoubilkhan et Dalaï-lama Yandan ghiamtso (27), jusqu’au temps où ce traité a été écrit, on compte 81 ans. 
terre-porc. 亥 己 1599.
À présent comptez en arrière depuis l’année la première année indiquée dans ce traité, et vous avez le nombre de 63 cycles de soixante ans (28).
feu-serpent. 巳 丁 1677.


NOTES DE M. KLAPROTH.

(1) On sait qu’il règne chez les bouddhistes mêmes une grande incertitude sur l’époque de l’incarnation du Bouddha S’âkya mouni ou Chakdja mouni, comme les Kalmuks et les Mongols prononcent ordinairement ce nom. On trouve d’amples détails sur ce point dans le Journal asiatique (tome X, pag. 141 et 142). L’opinion la plus répandue chez les Tubétains et les Mongols est que S’âkya mouni naquit en 1022 avant J. C., et cette dernière date est aussi celle que la plupart des historiens chinois assignent à cet événement. Comme l’année 1099 tombe exactement soixante ans avant l’an 969 avant notre ère, indiquée par la chronologie présente, je présume qu’il y a, en effet, une erreur d’un cycle entier de soixante, et que cette erreur s’étend au moins jusqu’à l’an 841, époque de la naissance de Padma sambhava, qui vint au monde quarante ans après la mort de S’âkya mouni. Dans cette supposition, les noms de l’année cyclique indiqués dans le texte mongol seront exacts, mais il faudrait ajouter soixante ans aux nombres des six premières dates qu’il donne, et lire pour 962-1022, pour 961-1021, pour 933-993, pour 927-987, pour 881-941, et pour 841-901. Ceci n’est pourtant qu’une conjecture ; cependant je dois observer que l’an 962 avant J.-C. comme date de l’incarnation du dernier Bouddha, n’est indiqué dans aucun autre texte original connu en Europe. On trouvera après ces notes un petit traité sur la naissance et la vie de S’âkya mouni, traduit du mongol.

Le livre BodhimœrNom garkhoï todorkhoï toli, cité par Pallas (Sammlungen über die Mongolischen Voelkerschaften, tom. II, Pag. 9) dit : « Plus de mille ans après l’accomplissement de la course terrestre de S’âkya mouni, vivait le premier roi du Tubet, appelé Kusun saltou. Vingt-six générations après lui, naquit le roi Totori Nianchal, et après cinq autres générations, Srong bdzan gambo. À cette époque, le roi de la Chine, Nogon Dara-iïn aboun (ou le père de la Dara Eke verte), reconnut la divinité de S’âkya mouni. Le roi du pays de Bhalbo (ou Népal), Tsagan dara iïn aboun (ou le père de la Dara Eke blanche), avait reconnu l’image de Djoo Aktchiba, et lui avait, comme le roi de la Chine, élevé un temple. Le roi de Tubet envoya deux ambassadeurs, Ananda et Tônmi Sambhôd’a, dans l’Enetkeh (l’Inde), pour y faire chercher le livre divin Soudour Nogooda. C’est alors qu’une splendeur éclatante se répandit sur le Tubet ; car c’est par Tônmi Sambhod’a et Ananda que la sainte loi y fut apportée, et que tout le genre humain fut éclairé de cette lumière. Cinq générations après le dernier roi mentionné, naquit Tisrong lTe bDzan. Sous son règne, la loi fut répandue par les traductions en diverses langues faites par les mers de sainteté, Padma Sambhava et Gamla Chila, et les sanctuaires furent illustrés. Cinq générations plus tard, naquit Oussoun sandalitou khan (en tubétain Thi Ralpa yan) qui fit porter de l’Enetkek au Tubet les livres traduits et corrigés par Djinamitra, et illustra, de cette manière, encore plus la gloire divine. Par ces rois et jusqu’à nos jours, la loi divine (en mongol Bourkhan-nom) est devenue toujours plus resplendissante et plus florissante. »

(2) D’après la doctrine des bouddhistes, aucun Bouddha accompli ne renaît sur la terre ; ainsi M. J. J. Schmidt à S.-Pétersbourg paraît avoir raison quand il se déclare contre ceux qui ont cru que le Dalaï lama était une incarnation de l’âme de S’âkya mouni. Il a démontré que, d’après la croyance des Tubétains et des Mongols, ce chef de la hiérarchie bouddhique est réputé être une incarnation (Avalokita esvara, appelé en tubétain Djian rai zigh vang tchoug, en mongol Khomchim bodhisatwâ, et en chinois Kouan chi in. Nous ne nions pas ce fait ; cependant nous avons été étonné de trouver le contraire dans le texte même de l’histoire mongole de Sanang Setsen khoug taïdji, publiée par M. Schmidt, On y lit à la page 233 : « À présent, depuis ce jour, où la rotation de la roue des temps nous montre dans sa splendeur S’akya mouni, dans la personne du Bogda lama (le Dalaï lama Sotnam Ghiamtso), et le monarque de la terre, Khormousda, dans la personne du très-puissant Khakhan (Altan khan des Mongols) ; depuis ce jour de bonheur, &c. » Dans ce passage il est évident que le Dalaï lama est censé d’être une incarnation de S’akya mouni, et M. Schmidt qui, par d’excellentes notes, a si bien levé d’autres difficultés de son texte, aurait bien dû nous expliquer cette contradiction apparente.

(3) Padma sambhava, en tubétain Oudja rimbotché, est un des plus célèbres saints des bouddhistes. Selon leurs traditions, il naquit quarante ans après la mort de S’akya mouni, dans le royaume d’Oudayana, situé dans le nord-ouest de l’Inde et sur la rive droite de l’Indus supérieur. L’histoire de Sanang Setsen koung taïdji parle d’un autre Padma Sambhava, natif du même royaume d’Oudayana, qui vint au Tubet, en 810 après notre ère, sur l’invitation du roi Thi lden tchong bas dan. Ce qui fait une différence de 1651 ans avec l’année de la naissance du grand maître du même nom, dont il est question dans notre texte.

(4) Nagan djouna ou Nagardjouna, et Turbèl ugeï sont deux des anciens maîtres bouddhistes les plus renommés. L’un et l’autre se sont occupés à recueillir et à rédiger les doctrines de S’akya mouni. Le premier est nommé dans les livres mongols « le fils aîné de tous les Bouddhas des trois époques du monde et le cœur de la lumière de la foi. »

Turbèl ugei bodhisatwa est appelé par les Tubétains Chantchou samba topo mè bo.

(5) Berké chidourgho tœlgèn khan est le nom mongol du célèbre roi du Tubet Srong bdzan gambo qui fit fleurir le bouddhisme dans son pays et donna à ses sujets une écriture formée sur le modèle de celle de l’Inde. L’histoire mongole publiée par M. Schmidt met aussi sa naissance en l’an 617 de notre ère.

(6) Voyez le Nouveau Journal asiatique, tom. IV, pag. 287.

Voici l’histoire de l’image du Djoo telle qu’elle est rapportée dans les livres mongols.

S’akya mouni étant âgé de 80 ans, ses adorateurs le priaient, puisqu’il se préparait à quitter ce monde, de leur laisser son image ; il y consentit, et les artistes les plus habiles furent chargés de faire une statue composée des choses les plus précieuses, qui le représenterait tel qu’il était à l’âge de 12 ans (Voyez le Nouveau Journal asiatique, tom. IV, pag. 287 et 288). Il était figuré vêtu de son habit ecclésiastique et assis les jambes croisées sur une fleur de Padma ou lotus. S’âkya mouni donna à cette image sa bénédiction en prédisant, que mille ans après sa mort, elle contribuerait puissamment à la conversion d’une grande partie du genre humain. En effet, il arriva à cette époque une ambassade chinoise dans l’Inde pour demander cette image, appelée Djoo. On la refusa à plusieurs reprises jusqu’à ce que la statue elle-même, qui auparavant avait eu le visage tourné vers le sud, se retourna et regarda l’orient, ou le côté de la Chine. Ce miracle décida la remise de l’image, l’ambassade l’emporta avec elle et un grand nombre de prêtres l’accompagnèrent pour répandre la loi de Bouddha dans ce pays. La statue divine fut pendant long-temps honorée en Chine et sa présence contribua puissamment à convertir les habitans de cet empire. Quand le bouddhisme commença à se répandre dans le Tubet, Srong bdzan gambo, roi de ce pays, envoya en Chine demander en mariage une princesse de la dynastie des Thang, et avec elle l’image du Djoo S’âkya mouni. La cour chinoise refusa ce dernier point avec opiniâtreté, jusqu’à ce qu’enfin l’ambassadeur tubétain l’obtint par une gageure, dont l’objet était un habit sans couture. L’image fut donc portée au Tubet et placée au mont Botala ou elle se trouve encore.

(7) Berké chidourgho chirèlou khan est le nom mongol du roi du Tubet Tisrong lTe bDzan, qui, d’après Sanang Setsen khoung taïdji, naquit en 787 ; car il le fait mourir en 845 de J. C. âgé de 56 ans.

(8) Oussoun debeskertou khan est le roi tubétain Thi bTsong lTe. L’histoire mongole le fait aussi naître en 866.

(9) Ouker doriskhatou khan est la traduction mongole du nom du roi de Tubet gLang dharma. Ouker ainsi que gLang signifient bœuf. L’histoire de Sanang Setsen diffère de notre chronologie, en ce qu’elle fait naître ce prince en 863, et monter sur le trône en 902, tandis que notre texte met sa naissance en l’an 901. Ouker doriskhatou était un monarque cruel, qui abolit la religion de Bouddha dans ses états et en persécuta les sectateurs.

(10) Brom bakchi est regardé comme une émanation de la divinité Avalokitesvara ou Khomchim bodhisatwa.

(11) Le nom de ce couvent s’écrit Resreng et se prononce Reidjeng ; il n’est pas situé dans le Tubet oriental, comme M. J. J. Schmidt le dit dans sa Mongolische Geschichte, pag. 472, mais au nord-est de H’lassa et sur la droite du Moutik zzangbo, au-dessus de l’embouchure du Djîoum tsiou.

(12) Loungdhan charab [texte mongol], a été l’instituteur et l’interprète de la foi de S’âkya mouni chez les Irgouk. Voyez J. J. Schmidt, Mongolische Geschichte, pag. 231.

(13) Ce couvent est situé dans la province de Zzang, au sud de la ville de Djiang lodze, à l’est de celui de Ghaldhan omi ling, et à l’ouest de la montagne Giama lamoun ri (Voyez, sur ce temple, le Nouveau Journal asiatique, tom. IV, pag. 294). Le P. Georgi (Alphab. tibet. pag. 315) dit que le couvent de Sâzghia (Sechià) a été bâti par le roi Ghon tsioh ghial bo, fils de Tzhoul thrim ghial bo, et que le premier grand lama de Sâzghia a été Kang ka gnin bo, fils de Ghon tsioh ghial bo, dans le corps duquel la divinité Dziam djang (Mandjous’ri) s’était incarnée, comme elle l’est encore dans tous ses successeurs. Ce grand lama reçut une ambassade de l’empereur de la Chine, qui lui conféra un diplôme royal et un sceau d’or.

(14) Garma est le nom d’une incarnation divine dans le Tubet sur laquelle je ne peux donner aucun autre détail, sinon, qu’en 1405, l’ecclésiastique Garma respecté de tous les grands pour la sainteté de sa vie fut gratifié par l’empereur de la Chine du titre de Yen kiao jou laï ta paofa wang. Cependant le khoubilkhan (incarné), dont il s’agit ici, paraît avoir été une femme, car Phagh mo en tubétain signifie truie, et il y a encore aujourd’hui une incarnation divine appelé la Sainte Truie, qui réside dans un couvent situé sur une île du lac Yarborok yonmdzo. Voyez le Nouveau Journal asiatique, tom. IV, pag. 295 et suiv. Peut-être faut-il lire dans le texte : « Depuis la naissance du khoubilkhan P’haghma djoubbha, et celle du grand patriarche Garma au Tubet, etc. »

(15) Brighoung ba est vraisemblablement le grand lama du temple de Bricun, dont le P. Georgi raconte, qu’il fut adopté par un autre grand lama nommé Kang ka gnin bo, auquel il fit plus tard la guerre, le vainquit et soumit tout le Tubet. Voyez Alphabetum tibetanum, pag. 316. Le couvent de Brighoung ou Brighoungdze est situé au nord-est de H’lassa sur la gauche du Zzang tsiou, au-dessous de la réunion du Moutik zzangbo et du Dham zzangbo qui forment cette rivière.

(16) Les Mongols regardent Tchinghiz khan comme une incarnation divine. Notre chronologie convient pour l’année de sa naissance, 1161, avec les auteurs chinois.

(17) L’histoire mongole publiée par M. Schmidt met aussi la naissance de S’âkya pandita, ou, comme les Mongols prononcent ce nom, Sâgdja bandida, en 1182 de J. C. Le mot Sâgdja désigne les lamas de la secte des bonnets rouges, dont l’autorité a considérablement diminué par la fondation de la secte des bonnets jaunes par Zzongk’habha. La différence de ces deux sectes est moins dans la doctrine qu’elles professent, que dans leurs coutumes et leur hiérarchie. Les classes inférieures des bonnets rouges, par exemple, ne sont pas obligées à garder le célibat. Sâgdja bandida contribua beaucoup à répandre le bouddhisme parmi les Mongols ; et arrangea pour l’usage des Mongols, l’alphabet ouigour, dérivé de l’ancien syriaque et sabéen. Mais Sâgdja bandida ne termina pas ce travail, et après lui Paghsba lama voulut introduire parmi ce peuple l’écriture tubétaine carrée, connue sous le nom de Hor yik ; on s’en servit en effet pendant quelque temps, mais comme elle était extrêmement incommode, le lama Tsordji oser compléta le travail de Sâgdja bandida, sous l’empereur mongol Khaïsan kuluk, appelé dans les livres chinois Wou tsoung, qui régna de 1307 à 1311.

(18) Ou Khubilaï tsètsen khan que nous appelons ordinairement Koublaï khan.

(19) Zzongk’haba, en sanskrit Soumati-kriti, est regardé comme une incarnation du dieu Amida ou Amitâbha ; il est le fondateur de la secte des lamas à bonnets jaunes, et célèbre par la nouvelle rédaction de la doctrine de S’âkya mouni. Il était originaire de la contrée Zzongk’haba pe che youl, située dans la province Amdoo, dans le sud-est du K’ham ou Tubet oriental. Son père était Lonbo m’oke, et sa mère Chingtsa atsio. Le plus célèbre de ses ouvrages est intitulé Lâm rim tsien bo, c’est-à-dire le chemin divin qui conduit par degré à la perfection.

Zzong k’habha reçut en 1426, de l’empereur de la Chine le titre de Ta pao fa wang. En mourant il prédit que son âme serait incarnée successivement dans sept khoubilkhans qui, en effet, ont paru en Mongolie sous le nom tubétain de Dze bzzoun dhamba (souverain auguste) ; en mongol Bokda gegen khoutouktou. Leur résidence actuelle est au mont Khan oola, sur les bords du Tola, près de l’Ourga ou camp principal des Kalka. Quoique Zzong k’habha ne se soit annoncé que sept successeurs, ce nombre est déjà dépassé. Cependant, le Bokda gegen khoutouktou prétend encore aujourd’hui que son ame est une incarnation de la sienne.

Les Mongols assurent, qu’après la mort de Zzong k’habha, un arbre de sandal s’éleva sur la place où il avait vu le jour, et qu’on voit l’image de ce dieu sur chaque feuille de cet arbre. On a bâti dans le voisinage de cet arbre, un vaste couvent aussi étendu qu’une ville, et sur l’arbre même un temple magnifique. Ce couvent (kiit) porte le nom tubétain de འབུམ་སྐུ Boum kou, ou les 100,000 images. L’empereur Khang hi (en mongol Amogoolongtou khan) l’a mis pour toujours sous l’inspection spéciale du Dalaï lama ; il a fait couvrir l’arbre d’un toit d’argent. Les Mongols appellent ce couvent-ville Zzong k’habha-iïn kiit.

(20) Ce saint personnage naquit comme prince royal dans le Tubet et porte aussi le titre honorifique de Brongaba tsioïdji.

(21) C’est le quatrième des six cieux du désir ; son nom mongol signifie ciel de la joie ravissante, en sanscrit Touchitâ, que les Chinois transcrivent par Teou szu tho, en tubétain Ghaldhan. Voyez le Nouveau Journal asiatique, tome V,pag. 195.

(22) C’est le premier Dalaï lama, ou, comme disent les bouddhistes, le Dalaï lama de la première génération.

(23) C’est le second Dalaï lama.

(24) Altan khan ou Alton khakhan, prince des Mongols. Tumed était de la dynastie des Djinong ou des descendans du troisième fils de Dayan khan. Son père, Barsa bolod Sain Alak, mourut en 1512, quand Atan khan n’avait que cinq ans. Celui-ci fit des guerres heureuses aux Chinois et mourut en 1583 âgé de 71 ans.

(25) Tsitsik tala, en mongol la plaine aux fleurs, est située dans la province tubétaine d’Oui, sur la droite de la rivière Niang tsiou, qui se jette dans le grand fleuve Zzangbo tsiou par la gauche. Sur les cartes mandchoues du Tubet, le couvent situé dans cette plaine est nommé Ghiamidou tang.

(26) C’est le Dalaï lama de la troisième génération. Il se rendit en Mongolie, sur l’invitation d’Altan khan, et c’est à cette époque que les Mongols traduisirent pour la première fois dans leur langue par Dalaï lama, le titre de tubétain Ghiamtso qui signifie mer, parce que l’incarnation divine qui le porte est censée être une mer de sagesse. Voyez aussi le Nouveau Journal asiatique, tom. IV, pag. 96.

(27) C’est le Dalaï lama de quatrième génération ; il était originaire de la tribu mongole de Karutsin.

(28) Ce traité a donc été écrit en 1678, puisque l’auteur veut qu’on compte en arrière depuis 1677. Toute cette chronologie ne comprend que 2640 ans ou 44 cycles (makmout) ; et, si l’on adopte la conjecture que j’ai énoncée dans la première note, 2700 ans sont 46 cycles. Le nombre de 63 pour les cycles à la fin du traité paraît donc être une erreur.


II. NAISSANCE ET VIE DE S’ÂKYA MOUNI.

Le titre mongol de ce morceau est [texte mongol]. Khamouk nom-oun durban unèn erkèghi oloksan soudour, ou Histoire de l’origine des quatre vérités de toute la loi[3]. Ce traité commence par les paroles mystiques :

Om dzosdi chidam !

Gloire et adoration soient à celui qui sait tout, au Lama des trois mondes, au Bourkhan des trois époques du monde, à celui qui a rétabli les trois occupations spirituelles, à l’instituteur du monde, lequel est devenu l'ornement précieux et la couronne parmi la multitude innombrable des génies et des hommes, au Bourkhan[4] S’âkya mouni véritablement accompli[5], qui, pendant un temps incommensurable, et dans la première période de son règne spirituel a achevé une foule immense d’œuvres salutaires. Dans la seconde période, son occupation spirituelle a été de chasser les mauvais génies ; enfin dans la troisième et dernière, qui est celle dans laquelle nous vivons, son ame est venue s’incorporer de nouveau, ayant pour père Arighon ideghetou khan[6] et pour mère la parfaitement belle et accomplie Mahâ mâya[7].

Il fut conçu le quinzième jour du mois du milieu de l’été de l’année Rabjoung qui est celle du lièvre de bois, et naquit le quinzième jour du dernier mois du printemps de l’année Namzoung[8] ou du dragon de fer, par la fosse de l’os du bras de sa mère. Un de ses premiers noms d’enfant fut Chonou dondoub. Jusqu’à l’âge de vingt-neuf ans il aida son père dans le gouvernement, puis il épousa une princesse ornée des 84000 perfections imaginables, et soutint avec ardeur la religion dans le royaume. Il ne laissa, cependant, passer aucune occasion pour approfondir la nature et la condition de l’homme. Ayant la coutume de parcourir tous les jours le palais de son père, il se rendit aux quatre portes principales, orientées d’après les quatre points cardinaux, d’où il observa les quatre parties du monde et la vanité de toutes les choses qu’il contient. Il aperçut en premier lieu le malheur de la naissance ; en second, celui de l’âge ; en troisième, le malheur des maladies, et en quatrième, celui de la mort. Il reconnut, par conséquent, la profondeur de la mer des quatre misères des êtres créés. Atterré par ce qu’il aperçut, le fils du roi demanda un jour à ceux qui l’accompagnaient, s’ils voyaient aussi tout cela. Leur réponse fut que c’était précisément le quadruple abîme de la misère, de la naissance, de la vieillesse, des maladies et de la mort. Le fils du roi demanda encore : « Cette misère s’étend-elle sur toutes les créatures, ou seulement sur les habitans de ce pays ? » On lui répondit : « Elle s’étend sur tout le monde et elle l’atteindra également. — Quels sont donc, répliqua-t-il, les moyens par lesquels on peut parvenir à se délivrer de tous ces maux ? — Le seul moyen contre eux qui existe, lui dit-on, est d’abandonner et de rejeter les plaisirs mondains. « Le fils du roi s’écria alors : « Si c’est là le véritable moyen, j’annoncerai à mon père que j’abandonne le monde et que je veux entrer dans l’état religieux. »

S’étant effectivement adressé dans ce but à son père, celui-ci lui répondit : « Ô mon fils ! n’exécute pas ce projet ; je suis déjà très-âgé : si tu te fais religieux, qui héritera du trône et de l’empire ? Si tu ne renonces pas à ce projet, je dois te croire possédé par quelque démon malfaisant, ou penser que tu as perdu l’esprit. » Et il ordonna de placer des gardes aux quatre portes du palais pour empêcher son fils d’en sortir.

Pendant cet emprisonnement, qui parut très-dur au fils du roi, il ne s’occupa que de se fortifier dans la résolution qu’il avait prise et, ne rêva qu’aux moyens de parvenir à la mettre à exécution. Un jour qu’il était absorbé dans des réflexions profondes, son génie tutélaire, Khourmousda Tègri[9], se présenta devant lui et lui offrir son aide, s’il avait en effet la ferme volonté d’entreprendre l’œuvre de délivrer les créatures des quatre abîmes de la misère. Dans ce but, Khourmousda lui promit de venir quinze jours après à la pointe du jour, sous la forme d’un cheval baillet, et de le porter à l’endroit où il désirait se rendre. Le prince répéta ses vœux et accepta l’offre du dieu. Le quinzième jour du dernier mois du printemps de l’année Dong ngan ou du singe de feu mâle, après que le fils du roi se fut préparé par le jeûne à l’entreprise importante qu’il méditait, Khourmousda Tegri, selon sa promesse, se rendit chez lui sous la forme d’un cheval baillet. Le prince le monta, se sauva de sa prison et se rendit à travers les airs aux bords du fleuve Nârandjara. Il y séjourna, et le huitième jour du premier mois de l’été, il se rasa lui-même la barbe et les cheveux avec un glaive (ildou) très-tranchant, et entra dans l’état ecclésiastique, dans lequel il fut son propre instituteur. Il y resta pendant six ans dans la plus dure solitude, sur une place pavée de briques et couverte d’herbe coupée.

Le quinzième jour du dernier mois du printemps de l’année Brouh-ah, ou du bœuf de fer femelle, pendant le crépuscule du soir, il termina ses occupations spirituelles qui consistaient dans la soumission entière des esprits du Nisbana[10] ou de la séduction de la naissance. À minuit il obtint la Dyan[11], ou le plus haut degré de la sainteté des ermites, et au lever du soleil il avait atteint la nature d’un Bouddha véritablement accompli existant par lui-même dans la spiritualité suprême.

Le Bouddha véritablement accompli commença alors à tourner la roue de la doctrine spirituelle et à répandre partout, en déclarant qu’il avait remporté la victoire sur les abîmes de la misère innée, qu’il avait détruit toutes les imperfections qui oppriment l’ame, et qu’il était devenu le Bourkhan instituteur du monde. Plusieurs personnes parmi le peuple en furent consternées et dirent : « Le fils du roi a perdu l’esprit et déraisonné » ; d’autres prétendirent qu’il avait quitté le trône et le pays pour épouser une fille de S’âkya ; d’autres, enfin, proclamaient que le fils du roi était en effet un Bouddha véritablement accompli.

Le Bourkhan articula alors l’instruction suivante : À quoi bon offrir au peuple le nectar de la doctrine spirituelle, puisque l’instruction ne lui manque nulle part ? Il n’a pas d’oreilles pour l’entendre et il est inutile de la lui développer. » Par conséquent, il se retira de rechef dans la solitude dans le pays d’Archi, où il resta pendant quarante-neuf jours et nuits pour obtenir un Dyan. Ayant atteint ce but, Esroun tègri[12] se rendit chez lui, portant dans la main une roue d’or à mille rayons, symbole de la domination spirituelle, en disant au Bourkhan : « Tu n’es vraisemblablement pas devenu Bouddha pour ton propre bonheur, mais pour celui de toutes les créatures du monde ; daigne donc poursuivre l’œuvre de répandre la doctrine. » Mais le Bourkhan n’agréa pas cette invitation. Les Mahâ râdja tègri[13] tenant dans les mains les Naïman takil[14], vinrent alors et lui dirent : « Maître des dix pouvoirs, grand héros qui as vaincu toutes les séductions innées dans la créature, ne jugeras-tu pas à propos de te charger du salut des créatures ? » Leur demande fut également refusée. Enfin, Khourmousda Tègri lui-même, accompagné des trente-deux autres Tègri, se rendit chez le Bouddha pour l’adorer ; ils lui firent les honneurs dus à un Bourkhan, en faisant le tour du lieu où il séjournait. Khourmousda tenait dans la main le Doung-erdeni[15] et lui dit : « Ô toi créateur du nectar de la spiritualité, qui, semblable à un médicament précieux, purges et guéris la créature du malheur inné dans lequel elle sommeille, daigne faire entendre ta majestueuse voix spirituelle. » À cette invitation étaient présens cinq prêtres et disciples du Bourkhan, savoir : « Yangchi go di ni ya, Da tol, Ngang zen, Lang ba, et Zang den, qui jusqu’alors n’avaient pu parvenir à fixer leur jugement sur leur maître. S’entretenant entre eux sur la sagesse du Bourkhan, ils dirent : « Si Goodam est devenu Bouddha, il faut que nous adoptions sa doctrine spirituelle ; mais s’il n’est pas encore parvenu au degré de Bourkhan, pourquoi l’adorerions-nous ? » Dans le même moment, Yang-chi go di ni y a, prêt à reconnaître le Bourkhan, jeta tout-à-coup les yeux sur lui, et aperçut que son corps jetait un éclat d’or, et qu’il était entouré d’une auréole brillante. Entièrement convaincu par ce signe, il accomplit le premier l’adoration due au Bouddha et obtint par là le droit de lui succéder un jour dans sa dignité. Les quatre autres disciples suivirent son exemple en adorant également le Bourkhan. Ils lui dirent : « Puisque tu es devenu le véritable Bouddha du monde, daigne te rendre à Varṇachi[16], car c’est là qu’a été le trône des mille Bouddhas des temps passés ; c’est là que tu dois séjourner, et t’occuper de l’œuvre de tourner la roue de la doctrine[17]. »

Pendant qu’ils lui adressaient cette prière, ils ne quittèrent pas la position de l’adoration. Une auréole nouvelle entoura alors le Bourkhan, et tout son corps jeta des rayons d’un éclat inexprimable.

Suivant les instances pressantes de ses disciples, S’akya mouni se leva, se rendit à Varṇachi, y adora et occupa le trône des mille Bouddhas, et choisit pour son siége principal celui de des trois derniers [illisible]

Om mani padme houng en sanscrit shiddam, tibétain et mongol
Om mani padme houng en sanscrit shiddam, tibétain et mongol
pour son siége principal celui de ceux des trois dernières périodes du monde Ortchilong ebdektchi, Altan tchidaktchi et Gerel zakiktchi[18].

Dans la même année, le quatrième jour du mois du milieu de l’été, le Bourkhan agréa pour ses premiers disciples les cinq prêtres mentionnés, et leur communiqua les principes des quatre vérités spirituelles. L’existence de l’état de la misère est la première la seconde est que cette misère immense répand son empire partout ; la délivrance finale de cette misère est la troisième ; enfin la quatrième est l’existence des obstacles infinis qui s’opposent à cette délivrance. « Par conséquent, ajouta-t-il, vous qui êtes prêtres, vous serez également soumis à cette misère, puis vous la reconnaîtrez, et il faut que vous contribuiez à montrer aux autres le chemin de la délivrance ; enfin vous devez tout faire pour écarter les obstacles qui s’opposent à cette délivrance »[19].


III. EXPLICATION ET ORIGINE DE LA FORMULE
Om maṇi padmè hoûm.

Notre illustre confrère, M. le baron A. de Humboldt, a rapporté de son voyage en Russie une de ces planches de bois sur lesquelles on grave, pour l’impression, la formule de la prière la plus usitée parmi les sectateurs de Bouddha dans l’Asie centrale. M. de Humboldt a présenté cette planche à la Bibliothèque royale de Berlin, et M. le Dr Spiker a bien voulu m’en envoyer une épreuve, qu’on voit reproduite ici au moyen de la lithographie.

Cette planche contient :

Dans la première ligne, la formule Om maṇi padme hoûm, trois fois répétée et écrite en caractères de l’Inde appellés Landza. En voici la transcription en dévanagari :

आीँ मणि पद्मे हुं
Om[20] maṇi padmè hoûm

Dans la seconde ligne, la même formule en tubétain, trois fois répétée :

ཨོཾ མཎི པདམེ ཧྙཾ
Om maṇi badhamè hoûm.

On y a écrit, par erreur, པདམེ་ Badhame pour པདྨེ་ Badhme.

À la fin de la seconde ligne, on lit la même formule en caractères mongols.

Om ma ni badmé hoûm.

Dans la troisième ligne, la même formule, en mongol, est répétée quatre fois, et à la fin une cinquième abrégée ainsi

Om ni hoûm.

Dans cette ligne, la syllabe bad est la première fois écrite , puis toujours , ce qui revient au même.

Les Tubétains et les Mongols, qui ont perpétuel louent cette prière dans la bouche, l’écrivent, sans y faire de différence, de deux manières, savoir Om mani badma hoûm et Om maṇi badmé hoûm[21].

Les mots de ces deux transcriptions sont sanscrits, et donnent un sens complet dans cette langue.

आीँ ou आीम् Om est, chez les Hindous, le nom mystique de la divinité, par lequel toutes les prières commencent. On le dit composé de A, le nom de Vichnou ; Ou, celui de Siva, et M celui de Brahma. Mais cette particule mystique équivaut aussi à l’interjection Oh ! prononcée avec emphase et avec une entière conviction religieuse.

मणि Maṇi signifie précieux, chose précieuse.

पद्म Padma, le lotus ; पद्मे Padmè, est le locatif du même mot.

Enfin हूं ou हूम् Hoûm, est une particule qui équivaut à notre Amen.

Le sens de la phrase est très-clair. Lue Om maṇi padma hoûm, elle signifie Oh ! précieux lotus, Amen ; et si on lit Oṃ maṇi padmè hoûm, Oh ! le joyau (est) dans le lotus, Amen.

Malgré ce sens indubitable, les Bouddhistes du Tubet et de la Mongolie se sont évertués à chercher un sens mystique à chacune des six syllabes qui composent cette phrase. Ils ont rempli des livres entiers de ces explications imaginaires. On peut se faire une idée des absurdités qu’ils ont débitées sur ce sujet, en lisant quelques extraits donnés par Pallas (Mongolische Voelkerschaften, II, pag. 90, 401 et suiv.), et par M. J. J. Schmidt, dans ses Forschungen über Mittelasien (pag. 200 et 201). On verra par ce qui suit, que cette formule est particulière aux Bouddhistes du Tubet, d’où les tribus mongoles de l’Asie centrale l’ont reçue avec leur religion.

Selon l’histoire de ce pays, la formule Om maṇi padmè hoûm, y a été apportée de l’Inde, vers la moitié du viie siècle de notre ère, par le ministre Tônmi Sambhôdh’a, le même qui introduisit l’usage de l’écriture dans le Tubet. Mais comme l’alphabet Lañdza, qu’il avait d’abord adopté, parut au roi Srong bdzan gombo trop compliqué et trop difficile à apprendre, il l’invita à en rédiger un nouveau plus facile et mieux adapté à la langue tubétaine. Ton-mi Sambhôd’ha, inspiré par le dieu Dziamdjang (Mandjous’ri), s’enferma pendant quelque temps, et composa l’écriture tubétaine dont on se sert encore aujourd’hui, et l’employa pour rédiger une série de préceptes moraux et civils, qui renferme trente-six sentences très-courtes, dont dix ont rapport aux vertus, dix à la vie et seize aux devoirs des sujets envers leurs princes. Il instruisit aussi le roi dans les secrets de la doctrine du dieu Djan raï ziïgh (le Khomchin bodhisat’wa des Mongols), et lui transmit et expliqua la formule sacrée Om maṇi PADMÈ HOÛM ; et ce roi, qui était comme le père et la mère de son peuple, fit apprendre à ses sujets les six syllabes sacrées qui la composent.

Cette formule est particulière au dieu Djian raï ziïgh, qui est la divinité principale et le protecteur spécial du Tubet[22]. Ce dieu est appelé en sanscrit अवलोकितेश्वर​ Avalôkites’vara, ou le maître qui contemple avec amour ; ce que les Tubétains ont rendu par སྤྱན་རས་གཟིགས་ཏབང་ཕྱུག་ Djian raï ziïgh vang tchough, ou le tout-puissant qui voit avec les yeux ; ils disent aussi simplement Djian raï ziïgh, ou celui qui voit avec les yeux. Les Mongols traduisent ce nom par [texte mongol] Nidou bèr uzektchi, ou celui qui contemple avec les yeux. Le mandchou ᠵᡳᠯᠠᠨ ᡳ ᠪᡠᠯᡝᡴᡠᡧᡝᡵᡝ ᡨᠣᠣᠰᡝᠩᡤᠠ Dzilan ni boulekouchere toosengga signifie le tout-puissant qui contemple avec compassion. Les Chinois ont traduit le nom d’Avalokites’vara par 音世觀 Kouan chi yn, c’est-à-dire celui qui contemple les sons du monde[23], et comme c’est un Bodhisat’wa, ils y ajoutent le terme 薩菩 Phou sa, qui en est la transcription imparfaite. Les Mongols donnent communément au dieu Nidou bèr uzektchi le nom de [texte mongol] Khomchin Bodhisat’wa ou [texte mongol] Khongchin Bodhisat’wa[24], dans lequel le mot Khomchin n’est qu’une corruption du chinois Kouan chi yn, et non pas un terme sanscrit, comme le présume M. J. J. Schmidt (Forschungen, pag. 206).

Un autre nom d’Âvalokites’vara est पद्मपाणि Padmapâṇi, c’est-à-dire celui qui tient un lotus dans la main, en tubétain ཕྱག་ན་པང་མ་ Tchah na padma. Dans cette dernière langue, il est encore appelé ཕྱག་སྟོང་སྤྱན་སྡོང་སྤྱན་རས་ Tchiah tong djian tong djian raï ziïg, ou le tout-voyant aux mille mains et aux mille yeux : ce que les Bouddhistes chinois rendent par :

音世觀眼千手千
Thsian cheou thsian yan kouan chi yn.

On verra plus bas pourquoi. Les Tubétains désignent aussi souvent la même divinité par l’épithète ཐུགས་རྯེ་ཆེན་པོ་ Thuh rdzie tsien bo, ou le grand compatissant[25].

Avalokites’vara ou Djiān raï zíïgh, a toujours montré une affection particulière pour le Tubet, et les habitans de ce pays prétendent même que c’est lui qui l’a peuplé le premier. D’après leur récit, ce dieu, s’étant concerté avec Dziamdjang[26] sur les moyens de donner des habitans à cette région couverte de neiges éternelles, Dziamdjang exposa, que pour parvenir à ce but, il fallait qu’un deux prît la forme d’un singe mâle, et qu’on disposât, une མཁའ་འགོྲ་མ་ K’hâdroma, ou un génie magique de l’atmosphère, à se transformer en singe femelle, pour procréer des êtres semblables aux hommes. En effet, Djian raï ziïgh devint le singe བྲག་སྲིན་ཕོ་ Bhrasrinp’ho, ou le père des vers de pierre, tandis que la K’hâdroma prit la forme de བྲག་སྲིན་མོ་ Bhrasrinmo, ou la mère des vers de pierre. Ils donnèrent la vie à trois fils et à trois filles, qui peuplèrent le Tubet d’hommes et devinrent ainsi les premiers ancêtres de ses habitans actuels. Bhrasrinmo est figurée comme une femme barbue, d’un regard terrible ; sa peau est noire et rougeâtre, le nez comme celui des singes ; elle a des yeux livides et des défenses de sanglier ; ses cheveux sont jaunes et en désordre, sa coiffure est formée par cinq têtes de mort. Elle a des griffes ; sa position est libidineuse et indique l’envie de donner la mort.

C’est d’après cette tradition que les Tubétains désignent les provinces de Zzang, Oui et de Kiang sous le nom général de Royaume des Singes, tandis que la partie inférieure de leur pays, ou les provinces de Dhaghbo, de Gombo et de K’hang, est appelée Royaume de Bhrasinmo.

La légende suivante, traduite du mongol par M. J. J. Schmidt, contient des détails sur la conversion du Tubet par Djian rai ziïgh ou Nidou bèr uzêktchi, et sur l’origine des six syllabes sacrées Om mani padme hoûm, qui font l’objet de ce mémoire.

« Autrefois, quand le glorieux-accompli séjournait dans la forêt d’Odma, il advint un jour, qu’étant entouré de ses nombreux disciples, un rayon de lumière de cinq couleurs sortit tout-à-coup entre ses deux sourcils, forma un arc-en-ciel et se dirigea du côte de l’Empire septentrional de neige[27]. Les regards (du Bouddha) suivaient ce rayon, et sa figure montra un sourire de joie inexprimable. Le Bodhisatwa Touidker teïn arilghaktchi lui demanda de lui en expliquer la raison, et sur sa prière, le glorieux-accompli enseigna le soudour Tsaghan Padmatou (ou du Lotus blanc). Il dit : « Fils d’illustre origine ! dans le pays qu’aucun Bouddha des trois âges n’a pu convertir, et qui est rempli d’une foule de Manggous[28] et d’autres êtres malfaisans, la loi se lèvera comme le soleil et s’y répandra dans les temps futurs. Les créatures vivantes qui habitent ce pays se trouveront conduites sur la route du Bôdhi salutaire[29]. L’apôtre de cet empire de neige âpre et sauvage sera le Khoutouktou Nidoubèr uzektchi, car, quand autrefois, le Khoutouktou Nidoubèr uzèktchi commença sa vie de Bodhisatwa, il fit, devant les yeux des mille Bouddhas, le vœu suivant : Puissé-je devenir l’apôtre de cet empire de neige âpre et sauvage, où le pied d’aucun Bouddha des trois âges n’a encore pénétré ; que je sois en état de conduire sur la route du Bôdhi salutaire les habitans de cet empire, si difficiles à convertir ! Puissé-je servir de père et de mère aux Manggous, aux démons malfaisans et à tous les autres êtres qui y séjournent ! Puissé-je devenir leur conducteur au salut ! Que je sois le flambeau destiné à éclaircir leur obscurité épaisse ! Que les doctrines de tous les véritablement venus (Tathâgata) des trois âges se répandent dans cet empire de neige âpre et sauvage, et y restent pour toujours indigènes. Que ses habitans, en entendant le nom des trois précieux[30], et en marchant dans leur foi, obtiennent le bonheur des naissances divines, pour pouvoir participer à la jouissance des propriétés augustes. Ainsi que moi, qui, par tous les moyens possibles, convertis, perfectionne et sauve tous les êtres du monde de même cet empire de neige âpre et sauvage, puisse-t-il ressembler à un pays rempli de choses précieuses ! » Oh ! que tout ceci s’accomplisse. »

Tel fut le vœu qu’il prononça, et c’est par la vertu de ce vœu que cet empire, qu’aucun des Bouddhas des trois âges n’avait converti, est devenu la région de la conversion prédestinée au Khoutouktou Nidoubèr uzèktchi.

Après que Śakyamouni eut prononcé ces paroles, un rayon de lumière, éclatant comme un lotus blanc[31], sortit de son cœur et illumina toutes les régions du monde, jusqu’à ce qu’il arriva dans l’empire Soukhâwati[32], situé dans l’occident (du plus élevé des cieux), où il se plongea dans le cœur du Bouddha infiniment resplendissant[33]. Alors un autre éclat de lumière sortit de Bouddha resplendissant et se plongea dans la mer des fleurs de Padma (lotus), et y transmit cette pensée (du Bouddha) qu’il s’en élèverait et qu’il en naîtrait un Khoubilkhan[34] divin, destiné à la conversion de l’empire de neige.

Le roi Dehdou saïn Nomihn khan qui était parvenu à participer à la béatitude de l’empire de Śoukhâwati, voulant un jour offrir au Bouddha un sacrifice de fleurs, dépêcha quelques-uns des siens aux bords de la Mer des Padma, pour y cueillir de ces fleurs. Ses envoyés aperçurent dans la mer une très-grande tige de Padma, au milieu de laquelle il y avait un bouton colossal entouré d’une foule de grandes feuilles, et jetant des rayons de lumière de différentes couleurs. Les envoyés en firent leur rapport au roi, qui, rempli d’étonnement, se rendit avec sa cour et des offrandes sur un grand radeau à la place de la mer où se trouvait cette tige merveilleuse. Y étant arrivé, il présenta ses offrandes et prononça la bénédiction ; le bouton s’ouvrit alors des quatre côtés, et au milieu apparut l’apôtre de l’empire de neige, né comme Khoubilkhan. Il y était assis, les jambes croisées, avait un visage et quatre mains ; les deux mains antérieures étaient jointes devant le cœur, dans la position de la prière, la troisième de droite tenait un rosaire de cristal, et la quatrième à gauche une fleur de Padma blanche, qui penchait vers l’oreille. Sa tête et ses oreilles étaient ornées de pierres précieuses, et l’écharpe qui tombait de son épaule gauche sur sa poitrine brillait de la couleur d’une montagne de neige éclairée par le soleil. Sur sa figure, dont l’éclat se répandait vers les dix régions du monde, se montrait un sourire qui pénétra dans tous les cœurs.

Le roi et sa suite portèrent le Khoubilkhan au palais, en poussant des cris de joie et entonnant des hymnes. Le roi se rendit devant le Bouddha éternel (Amitâbha) et lui demanda la permission d’adopter pour fils, le Khoubilkhan né dans la mer de lotus. Mais sa demande ne fut pas agréée, et il apprit la véritable origine de ce Khoubilkhan. Le Bouddha infiniment resplendissant posa alors sa main sur la tête de celui-ci et dit : « Fils d’illustre origine ! Les êtres qui habitent l’âpre empire de la neige, qu’aucun Bouddha des temps passés n’a pu convertir, qu’aucun des temps futurs ne convertira, et qu’aucun du temps présent n’a converti, le seront par la force et la bénédiction de ton vœu. C’est excellent ; c’est excellent ! Khoutoukhtou[35] ! Aussitôt que les habitans de l’âpre empire de neige te verront et qu’ils entendront le son des SIX SYLLABES (Om mani pad mè hoûm), ils seront délivrés des trois naissances de mauvaise nature, et trouveront la béatitude par la renaissance comme êtres d’une nature supérieure. Les esprits malfaisans de l’âpre empire de neige, ses démons, les influences nuisibles et les obstacles, ainsi que tous les êtres donnant des maladies ou la mort, aussitôt, Khoutoukhtou, qu’ils te verront et qu’ils entendront le son des SIX SYLLABES, ils quitteront la fureur et la méchanceté qui les anime et deviendront compatissans. Les tigres, les panthères, les loups, les ours et autres animaux féroces, aussitôt, ô Khoutoukhtou ! qu’ils te verront et entendront le son des SIX SYLLABES, ils adouciront leurs hurlemens, et leur fureur sanguinaire se changera en douceur bienveillante. Khoutoukhtou ! ta figure et le son des SIX SYLLABES rassasieront les affamés et calmeront la soif des altérés ; il tombera comme une pluie d’eau bénite, et elle remplira tous leurs désirs. Les malades en obtiendront la santé, les aveugles la vue, les opprimés et les abandonnés y trouveront secours et consolation, et les mourans la vie. Khoutoukhtou ! tu es l’être gracieux destiné à annoncer la volonté du Bouddha à cet empire de neige. Selon ton exemple, un grand nombre de Bouddhas et de Bodhisatwas s’y montreront, dans les temps futurs, et y répandront la foi. Les six syllabes sont le sommaire de toute doctrine, et l’âpre empire de neige sera rempli de cette doctrine par la force de ces six syllabes :

OM MA ṆI PAD MÈ HOÛM. »

Après cette consécration, qui dans l’original mongol est encore très-longue, le Khoutoukhtou Nidoubèr uzèktchi s’agenouilla devant le Bouddha Infiniment resplendissant, joignit les mains et prononça le vœu suivant : « Puissé-je être en état de pouvoir faire parvenir à la béatitude les six espèces d’êtres vivans dans les trois royaumes ! Puissé-je, avant tout, conduire sur le chemin du bonheur, les êtres vivans de l’empire de neige (Tubet). Loin de moi le désir de retourner dans mon empire de joie, avant d’avoir achevé l’œuvre si difficile de la conversion de ces êtres. Si une telle pensée, produite par le dégoût et la mauvaise humeur, s’empare de moi, que ma tête se fende comme cette fleur d’Araka[36] en dix parties et mon corps comme cette fleur de lotus en mille. »

« Après ces mots, il se rendit dans le royaume de l’enfer, prononça les six syllabes et détruisit les peines des enfers froids et chauds. De là il s’éleva à la région des Birid[37], prononça les six syllabes et détruisit la peine de la faim et de la soif éternelles. Il monta au royaume des animaux, prononça les six syllabes et détruisit la peine que leur produit la chasse. Puis il se rendit dans l’empire des hommes, prononça les six syllabes et détruisit la peine de la naissance, de l’âge, des maladies et de la mort. Il s’éleva après à l’empire des Assouri (génies du ciel), prononça les six syllabes et détruisit l’envie qui les tourmente pour se disputer et se combattre. De là, il se rendit dans la région des Tègri (divinités inférieures), prononça les six syllabes et détruisit le danger de leur mort et de leur chute. Enfin, il aborda le grand Royaume de Neige (le Tubet) ; il y aperçut les trois districts supérieurs du Ngœri[38] comme un vaste désert ; il descendit dans le pays des bêtes fauves qui se nourrissent d’herbe, leur apprit les six syllabes et les rendit propres à la délivrance. Puis il vit les trois districts inférieurs d’Âmdoo’ k’hamgang[39] qui ressemblent à un grand parc, il descendit dans ce pays des oiseaux, leur apprit les six syllabes, et les rendit propres à la délivrance. Il aperçut les quatre districts du milieu d’Oui et de Zzang, descendit dans ce pays des bêtes farouches, leur apprit les six syllabes et les rendit propres à la délivrance. De là il se rendit dans le pays de Dieu (H’lassa), à la montagne rouge (Mar bo ri). Ici, il aperçut la mer d’Otang comme un enfer terrible ; il vit que, derechef, plusieurs millions d’êtres y étaient bouillis, brûlés et martyrisés ; il vit les tourmens insupportables qui leur étaient occasionés par la faim et la soif, et il entendit leurs vains cris et des hurlemens qui perçaient le cœur. Une larme tomba alors de son œil droit ; cette larme ayant atteint le sol, se changea en la puissante déesse couroucée[40], qui lui dit : « Fils d’illustre origine ! ne désespère pas du salut des êtres vivans dans l’empire de neige ; je viens à ton secours pour avancer l’œuvre de leur délivrance. » Après ces mots, elle se replongea dans l’œil droit du dieu. C’est elle qui plus tard est devenue la Dâra blanche de Bhalbo. De l’œil gauche du dieu tomba également une larme par terre, laquelle devint la puissante déesse Dâra[41]. Ayant dit les mêmes mots, elle se replongea dans son œil gauche, et c’est elle qui, dans un temps postérieur, devint la Dâra verte de la Chine[42]. »

Le Khoutoukhtou se rendit alors au bord de la mer et dit : « Oh ! que les damnés qui, depuis un temps éternel, se trouvent par suite de leurs crimes accumulés dans cet enfer sans fond et sans bornes, puissent être délivrés de leurs tourmens et de leur désespoir, et conduits dans le royaume de la tranquillité. Oh ! que tous ceux qui bouillent dans cette mer de laquelle s’élèvent des exhalaisons empoisonnées, qui brûlent éternellement dans ce feu infernal, et tous ceux que des tourmens effroyables font crier et hurler, puissent être pour toujours rafraîchis par la pluie restaurante de la béatitude ! Que tant de milliers d’êtres qui se trouvent dans cette mer où ils souffrent des tourmens inexprimables par la chaleur, le froid, la faim et la soif, puissent rejeter loin d’eux leur enveloppe funeste et renaître dans mon paradis comme êtres supérieurs ! Om maṇi pâdmè hoûm. »

À peine le Khoutoukhtou avait-il prononcé ces mots que les tourment des damnés cessèrent ; leur esprit fut tranquillisé, et ils se virent transportés sur le chemin du Bôdhi (ou de la sagesse divine). Le Khoutoukhtou ayant ainsi rendu propres à la délivrance les six espèces d’êtres vivans dans les trois royaumes du monde, se trouva fatigué, se reposa et tomba dans un état de contemplation intérieure.

Après quelque temps ses regards se portèrent en bas du mont Bo ta la, et il vit qu’à peine la centième partie des habitans de l’empire de neige avaient été conduits sur le chemin de la délivrance. Son ame en fut si douloureusement affectée, qu’il eut le désir de retourner dans son paradis Souk’hâwati. À peine l’avait-il conçu, qu’ensuite de ce vœu, sa tête se fendit en dix et son corps en mille pièces. Il adressa alors une prière au Bouddha infiniment resplendissant, qui lui apparût dans le même moment, guérit la tête et le corps fendus du Khoutoukhtou, le prit par la main et lui dit : « Fils d’illustre origine ! vois les suites inévitables de ton vœu ; mais parce que tu l’avais fait pour l’illustration de tous les Bouddhas, tu as été guéri sur-le-champ. Il augmentera ta béatitude, ne sois donc plus triste, car quoique ta tête se soit fendue en dix pièces, chacune aura, par ma bénédiction, une face particulière, et au-dessus d’elles sera placé mon propre visage rayonnant, celui de Bouddha Amitâbha. Ce onzième visage[43] de l’infiniment resplendissant, placé au-dessus de tes dix autres, te rendra l’objet de l’adoration. Quoique ton corps se soit fendu en mille morceaux, ils deviendront, par ma bénédiction, mille mains qui représenteront les mille monarques, du monde. Dans les paumes de tes mille mains se formeront, par ma bénédiction, mille yeux qui représenteront les mille Bouddhas d’un âge complet du monde (Galab, en sanscrit Kalpa), et qui te rendront l’objet le plus digne d’adoration. »

Cette légende nous explique, non-seulement l’extrême importance que les Bouddhistes du Tubet et de l’Asie centrale attachent à la formule Om maṇi padme hoûm, mais elle nous démontre aussi que son véritable sens est celui que j’ai donné plus haut ; Oh ! le joyau (est) dans le lotus ; amen ! Il est évident qu’elle se rapporte à Avalokites’vara ou Djian raï ziïgh lui-même, qui naquit dans une fleur de lotus. Toutes les autres explications semblent donc futiles, parce qu’elles ne sont que mystiques et nullement basées sur le sens des mots sanscrits qui composent la formule.

Finalement, je dois remarquer que, si la phrase Om maṇi padme hoûm se retrouve dans l’Inde, elle pourrait bien avoir pris son origine parmi les sectateurs de Śiva ; car on sait que maṇi est aussi un des noms les plus usités du lingam, et padma ou le lotus est le symbole du yôni. Dans l’Inde, cette formule signifierait donc : Oh ! le lingam (est) dans le yôni, amen, et elle serait ainsi une formule désignant le mystère de la création. Peut-être était-ce là son sens primitif, et n’a-t-elle été qu’importée dans le Bouddhisme des Tubétains par les premiers apôtres qui ont répandu cette religion dans ce pays ; car, je le répète, je ne l’ai encore trouvée dans aucun ouvrage chinois ou japonais. Notre savant collègue, M. E. Burnouf, m’a dit aussi qu’il ne l’a jamais rencontrée dans les livres palis, birmans et siamois[44].


  1. Les dix kan ou troncs, souvent remplacés par les cinq couleurs principales et leurs nuances femelles. Savoir : Kia par Kuke (bleu), Y par Kuketchin (bleuâtre), Ping par Oulahu (rouge), Ting par Oulahktchin (rougeâtre), Ou par Chara (jaune), Ki par Charaktchin (jaunâtre), Keng par tsaghan (blanc), Sin par Tsaghuktchin (blanchâtre) ; Jin par Khara (noir), et Kouei par Karaktchin (noirâtre).
  2. On voit que, chez les Mongols, chaque élément est répété deux fois ; c’est pour cette raison qu’ils ajoutent souvent à la première le mot éré, mâle, et à la seconde émé, femelle.

    Les Tubétains forment, avec les noms des cinq élémens et les douze animaux ou branches, un cycle de 252 ans. Les douze premières années portent simplement les noms des douze animaux, puis ces mêmes noms sont précédés par ceux, des cinq élémens, jusqu’à l’année 72 du cycle ; on ajoute ensuite à ces combinaisons le mot po (mâle), qui conduit jusqu’à l’année 132 ; puis le mot mo (femelle) qui fait aller jusqu’à l’année 192 ; enfin, on fait alterner les mots po et mo jusqu’à la fin du cycle.

  3. Les quatre vérités fondamentales du bouddhisme sont, la douleur (de l’existence), la naissance en général, l’anéantissement final et la doctrine. Voyez le Nouveau Journal asiatique, vol. V, février, pag. 132.
  4. [texte mongol] Bourkhan en mongol est l’équivalent du nom sanscrit de Bouddha, en tibétain སངས་གྱས་ Sœng-ghie, en chinois Foe, en mandchou ᡶ᠋‍ᡠᠴᡳᡤᡳ Foutsikhi. — Kl.
  5. En mongol [texte mongol] Tegountsilan irèksèn, c’est-à-dire qui a véritablement passé (pour ne pas revenir) ; c’est la traduction du terme sanscrit Tathâgata, en tubétain Dheb jin cheig bha. Voy. le Nouveau Journal asiatique, t. I, pag. 417. — Kl.
  6. [texte mongol] Arighon ideghetou est la traduction mongole du nom sanscrit Souddhodani, qui signifie celui qui ne mange que des choses pures ; en tubétain Zas zzang ghi sras, en chinois 飯淨 Thsing fan, en mandchou ᠪᠣᠯᡤᠣ ᠠᠮᡠᠰᡠᠩᡤ‍ᠠ Bolgo amousoungga. — Kl.
  7. महामाया, Mahâ Mâyâ, en sanscrit, signifie la grande illusion ; les Tubétains donnent à cette princesse le nom de ལྷ་མོ་སྒྱུ་འཕྲུལ་ H’la mo ghiou p’hroul, ou la mère de dieu, l’illusion. — Kl.
  8. Rabdjoung, Namzoung et plus bas Dongngan et Brou-ak sont les noms d’années d’un cycle tubétain que nous ne connaissons pas encore suffisamment en Europe. — Kl.
  9. [texte mongol] Khourmousda tègri est, selon le dictionnaire bouddhique pentaglotte imprimé à Péking, le nom mongol de l’Indra des Hindous, en tubétain དབང་པོ་ Wang bo (le roi ou souverain), en chinois 釋帝 ti chy, en mandchou ᡴ‍ᡠᡵᠮᠣᠰᡩ᠋ᠠ Khormosda. M. J. J. Schmidt, de Saint-Pétersbourg, croit retrouver dans le nom de Khormousda celui d’Ormouzd, Hormouzd ou Ehora mezdao du Zend-Avesta. « Le Khormousda des Mongols bouddhistes, dit-il, réside avec les trente-trois Tègri sur la cime du mont Soumer, qui est le Merou ou Soumerou des Hindous ; de même l’Hormouzd des adorateurs du feu habite la cime du mont Albordj, avec les trente Amschaspands et Izeds, ou, selon les Iechts zadès, également avec trente-trois Amschaspands. « Cette hypothèse mérite d’être soigneusement examinée, et nous invitons M. Schmidt à recueillir d’autres faits propres à lui donner plus de certitude. — Kl.
  10. Nisbana, [texte mongol] en mongol, paraît être le mot sanscrit निष्पन्न​​ Nichpanna, qui signifie naissance. — Kl.
  11. Le mot mongol [texte mongol] Dyan, est dérivé du sanscrit ध्यान​ D’hyâna, qui désigne la plus profonde méditation sur les objets abstraits de la philosophie religieuse, par laquelle en parvient au plus haut degré de sagesse et de vertu. — Kl.
  12. Le mot mongol [texte mongol] Dyan, est dérivé du sanscrit ध्यान​ D’hyâna, qui désigne la plus profonde méditation sur les objets abstraits de la philosophie religieuse, par laquelle en parvient au plus haut degré de sagesse et de vertu. — Kl. Esroun tègri est le Brahma des Hindous, tubétain ཚདས་པ་ Tsœdhba, en chinois Fan. — Kl.
  13. Les quatre Mahâ radja tègri ou grands rois des esprits sont les gardiens des quatre régions du monde. — Kl.
  14. Naïman takil, ou les huit sacrifices, est la dénomination mongole des huit Vitarâga ou emblèmes des neuf Bodhisatwa, desquels il a été question dans le Nouveau Journal asiatique, tom. VII, pag. 114, note 1. Leurs noms et leur ordre en mongol sont :

    1. Dzighasoun (Dzâsoun), les poissons.
    2. Dôung ou Doungar, la conque marine.
    3. Œldzaitou tsoun, une figure de lignes entrelacées à la grecque.
    4. Badma, le lotus.

    5. Chikour, le parasol.
    6. Boumba, le vase pour l’eau bénite.

    7. Ilgaksoun djimik, une espèce d’étendard composé de six capuchons posés les uns sur les autres.
    8. Kurdu, ou la roue de la puissance.

    On verra par la note citée ci-dessus, que les Mongols remplacent la flamme Srivatsa et le Tchouri des bouddhistes du Népal, par la figure Œldzaitou tsoun et le Kurdu. — Kl.

  15. Doung erdeni ou la précieuse coquille, est une grande coquille blanche de mer ; c’est le second des Naïman takil. Les lamas s’en servent souvent dans leurs cérémonies religieuses, pour donner des sons de corne. — Kl.
  16. Varṇachi est la ville de Benarès, dont le nom sanscrit est वरणसी Varaṇasî ou वराणासी Varâṇasî. — Kl.
  17. Voyez ce que j’ai dit sur cette expression dans le Nouveau Journal asiatique, vol. V, pag. 132. — Kl.
  18. Voyez le Nouveau Journal asiatique, tom. VII, page 106, note 1.
  19. Ici finit le morceau que M. Kranz m’a communiqué. On peut voir de plus amples détails sur la vie de Shâkya mouni dans le quatrième volume du Journal asiatique, pag. 9 et 65. — Kl.
  20. Sur la tablette, on lit par erreur la première fois, अँ Am au lieu d’Om.
  21. Bayer a publié cette formule écrite Om mam padma hoûm, en caractères Landza et tubétains, dans le III.e volume des Commentaires de l’Académie de Saint Pétersbourg, pag. 393. Dans l’ouvrage de Pallas, Sur les Mongols (t. II, p. 89), on lit Padma dans une des deux transcriptions en lettres Landza, et Padmè en tubétain. Sur le beau casque mongol trouvé à Moscou, et que j’ai publié dans l’Atlas qui accompagne le voyage de M. Timkovski planche 12), on lit également Padma pour Padmè. Le Père Giorgi écrit partout en caractères tubétains Padma, mais il prononce Padmè.
  22. Je n’ai pas encore trouvé cette formule dans les livres bouddhiques de la Chine ; cependant Pallas (Mongolische Voelkerschaften, II, page 89), citant un manuscrit de Messerschmidt, dit y avoir lu qu’elle était traduite du chinois (et non pas en indien, comme on l’a imprimé par erreur) par Pa dji gou peng ding ti, et en indien par Ommi tommi tokho pet. J’avoue que je ne suis pas en état d’ajouter aux mots chinois les caractères qui leur appartiennent, pour en trouver le sens.
  23. C’est vraisemblablement une traduction fautive du sanscrit Avalokites’vara. On y aurait lu à la fin स्वर Svara pour श्वर S’vara. — Kl.
  24. Ils le font précéder ordinairement par le mot [texte mongol] Erketou, qui, comme Vang tchough en tubétain, et Toosengga en mandchou, signifie le Tout-puissant.
  25. Le P. Kircher a donné une image de cette divinité dans sa China illustrata, elle porte le titre singulier de Typus Pussœ seu Cybelis aut Isidis Sinensitum. Une autre se trouve dans la Description du Japon par Kæmpfer, sous le nom de Quanwon multimanum Sinarum et Japonum idolum. Ex archetypo sinico musei Sloaniani.
  26. Les trois བུང་ཙུབ་ Djang tsioubh ou Bodhisat’wa, འཇམ་དབྱངས་ Dziamdjœng (en sanscrit Mandjous’ri) ཕྱག་ཎ་དོ་ཛེ་ Tchah na dho rdze (Vadjrapâni), et སྤྱན་རས་གཟིགས་ Djan raï ziïgh (Avalokites’vara, forment une espèce de trinité nommée མཆོག་སུམ་ངོ་པོ་ནམ་ཁའི་ནོར་བྱ་ Tsioh soum ngo bo nam k’haï nor bhou ou le joyau céleste des trois corps divins. Le mot Dziamdjang signifie l’excellent chanteur ou musicien.
  27. གངས་ཅན་ལུལ་ Ngœ djian youl, ou l’Empire neigeux, en tubétain, et [texte mongol] Tsasoutou oron, en mongol, est un des noms les plus communs que les Tubétains donnent à leur pays, parce que la plupart de ses hautes montagnes sont couvertes de neiges perpétuelles. — Kl.
  28. Les Manggous des Mongols, appelés en tubétain Srim boi din, et en sanscrit रज्ञस् Rakchas, sont des esprits malfaisans, qui aiment à se nourrir de chair. On les dépeint sous des formes horribles. Ils ont cependant le pouvoir de prendre de belles formes pour séduire plus facilement les hommes, et s’emparer d’eux pour les dévorer ensuite. Ils hantent principalement les endroits déserts et éloignés. — Kl.
  29. बोधि Bôdhi, en sanscrit, désigne la plus profonde méditation religieuse qui, seule, peut entièrement dégager l’esprit de l’illusion de la matière. — Kl.
  30. Les trois précieux : sont Bouddha, la loi et le clergé. — Kl.
  31. पुण्डरीक​ Pouṇḍarîka, en sanscrit, désigne le lotus blanc. Voy. Cosha or dictionary of the sanscrit language by Amera sinha, with an english interpretation and annotations by H. T. Colebrooke, Printed at Serampore, 1808 ; IV, p. 63. — Kl.
  32. Souḱhâwati (en mongol Souḱhâwadi-oron, le royaume Souḱhâwadi) est la résidence d’Amida ou d’Amitâbha. Ce mot est sanscrit (सुखावति) et désigne le plus haut degré de plaisir et de joie ; en chinois 國樂極 Ky lo koue. Amitâbha, comme habitant ce paradis, porte également le nom de सुखावतिस्वर​ Souḱhâwatiśwara, ou le maître du Souḱhâwati. Les livres mongols en font une description qui surpasse tout ce qu’on est accoutumé à trouver de merveilleux dans les ouvrages des Asiatiques. — Kl.
  33. En tubétain འོད་དཔག་མེད O bakmèdh, ou lumière immense ; c’est l’épithète la plus commune du Bouddha Amitâbha. — Kl.
  34. Le mot [texte mongol] Khoubilkân, en mongol, désigne l’incarnation d’une âme supérieure. En tubétain, c’est སྭུལ་བ Broul ba, en mandchou ᡴᡡᠪᡠᠯᡳᠨ᠋ Kouboulin, en chinois Houa. Kl.
  35. [texte mongol] Khoutoukthou en mongol, signifie un saint maître, en tubétain c’est མཆོག་ tsioh, en sanscrit आर्य​ Ârya, en mandchou ᡝᠨᡩᡠᡵᡳᠩᡤᡝ Endouringe, et en chinois Ching. Kl.
  36. अरक​ Araka, nommée aussi शैवल​ S’aïvala, est une plante aquatique (Vallisneria). — Kl.
  37. Ce sont des démons tourmentés par une faim et une soif perpétuelles. — Kl.
  38. Le Ngæ ri est la partie la plus occidentale du Tubet ; elle se compose des trois provinces de Ngœri Tamo, Ngœri sangkar et Ngœri Pourang. La première est la plus orientale, elle a à l’ouest Ngœri Pourang, au nord le pays occupé par les Hor ou Mongols dans le Tubet septentrional, à l’est la province de Zzang et au sud l’Inde. Ngœri Pourang confine au sud-ouest avec Ngœri Sangkar, au nord avec les Hor, à l’est avec Ngœri Tamo, et au sud avec l’Inde. Enfin Ngœri Sangkar, la plus occidentale, est bornée à l’ouest par le pays de Ladak, au nord par le Kachkar et le pays habité par les Mongols, à l’est par Ngœri Pourang, et au sud par l’Inde. — Kl.
  39. C’est le Tubet oriental, situé entre la grande rivière Kagh bho zzang bo tsiou et la frontière occidentale de la Chine. — Kl.
  40. En tubétain ཁྲོ་གཉེར་ཅན་མ་ T’hro gnier djian ma, ou la mère brûlante de colère. — Kl.
  41. En tubétain སྒྲོལ་མ་ Trol ma, ou la mère puissante.
  42. La Dâra blanche de Bhalbo (ou Népal) et la Dâra verte de la Chine sont les deux épouses du roi tubétain Srong bdzan gambo, qui, au milieu du viie siècle, répandit le Bouddhisme dans son empire. — Kl.
  43. C’est pour cette raison que Djian raï ziïgh est aussi appelé en tubétain གཏོང་བཅུ་གཅིག་ Tong djou djigh (le dieu) à onze visages. — Kl.
  44. J’ai trouvé la formule Om maṇi padmè hoûm, écrite en caractères Landza, sur plusieurs bâtons d’encre de la Chine qui représentent des Fa lun, ou roues de la loi, et sur lesquels je compte donner plus tard quelques détails.