Géographie de la Sarthe/6

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VI. — Histoire.


Avant la conquête de la Gaule par les armées romaines, les Aulerces Cenomans occupaient le territoire de la Sarthe. Tacite les compte parmi les peuplades gauloises qui envahirent l’Italie sous la conduite de Bellovèse et se fixèrent dans le nord de la Péninsule. Lorsque, 58 ans avant notre ère, Jules César entreprit la conquête de la Gaule, un de ses lieutenants, Crassus, soumit cette tribu, qui, plus tard, prit part à l’insurrection dont Vercingétorix fut à la fois le héros et le glorieux martyr.

Les sept voies romaines qui partaient du Mans, se dirigeant vers Jublains, Tours, Séez, Angers, Vendôme, Chartres et Orléans, les restes d’un amphithéâtre de 100 mètres de diamètre, découverts au Mans en 1791, les ruines de plusieurs aqueducs qui alimentaient les thermes de cette cité, et les restes de ses remparts, démontrent que le Mans, ancienne Suindinum ou Vindinum, était dès lors considérable. Les conquérants avaient fait du Mans une station des plus fortes, d’où ils pouvaient, en peu de temps, se porter sur le centre ou vers l’ouest de la Gaule.

Si la domination romaine s’était vigoureusement affirmée dans le premier siècle qui suivit la conquête, bientôt elle s’affaiblit graduellement ; et, sous les derniers Césars, le territoire des Cénomans, qui faisait partie de la troisième Lyonnaise, devint à peu près indépendant. Ces populations se réuniront à la République Armoricaine et conservèrent leur liberté jusqu’au milieu du cinquième siècle, époque à laquelle elles furent soumises par un chef franc, Régnomer, parent de Clovis. Le roi des Francs le fit massacrer avec ses autres parents, parmi lesquels il craignait de trouver des rivaux.

Dès le troisième siècle, le christianisme, prêché par saint Julien, avait fait de grands progrès dans ces contrées. Les évêques du Mans, qui succédèrent à cet apôtre, édifièrent beaucoup plus tard la superbe basilique qui porte son nom, sur le lieu même où il fit entendre ses premières prédications. Peu à peu ces prélats acquirent un pouvoir incontesté, devant lequel durent souvent s’incliner les comtes, révocables et viagers, nommés par le roi, qui gouvernèrent depuis l’époque de la conquête jusqu’à l’avènement de Hugues Capet.

L’influence bienfaisante des évêques procura aux habitants quelques années de calme et une sécurité relative, au milieu des troubles qui ensanglantèrent la France sous les successeurs de Clovis et sous les maires du palais.

En 515, l’évêque saint Innocent fonda au Mans le monastère de Notre-Dame-de-Gourdaine. L’abbaye de Saint-Vincent et le monastère de Saint-Pavin furent édifiés par saint Domnole en 560. L’hôpital de Pontlieue et le monastère de la Couture eurent pour fondateur saint Bertrand ; mais, de tous ces pontifes, le plus célèbre par ses vertus fut saint Aldric : c’est à lui que le Mans doit les hospices de l’Hôpitau et des Ardents, et maintes autres fondations charitables, ainsi que ses fontaines et l’aqueduc qui sert à les alimenter.

Lorsque, en 778, Charlemagne traversa le Mans pour se rendre en Espagne, cette ville était une des plus importantes et des plus industrieuses de la France. Mais, à la mort de Louis le Débonnaire, Lothaire ayant envahi le Maine qui était


Cathédrale du Mans.
échu à Charles le Chauve, et s’en étant emparé, sa décadence fut aussi rapide qu’elle devait être longue. Cette belle province, que se disputaient plusieurs souverains, est, en effet, à dater de cette époque, périodiquement ravagée par les Normands. Ces pirates surprennent le Mans, qu’ils pillent et dont ils massacrent les habitants ; ils entrent dans Sablé, où le pape Urbain II, en 1096, devait venir prêcher la première croisade. Ils s’emparent encore d’autres villes et ne se retirent que chargés de butin, se promettant de revenir bientôt.

Les comtes du Maine, auxquels Hugues Capet avait rendu la puissance héréditaire en la personne de Hugues Ier, ne parvinrent pas à repousser complétement ces obstinés envahisseurs, et l’un d’eux, Herbert, connu sous le nom bizarre et expressif d’Éveille-Chien, reconnut pour son suzerain Guillaume le Bâtard, lorsque le duc de Normandie, sous prétexte d’appuyer les droits de son fils Robert, qui avait été fiancé à la fille d’Herbert II, entra dans le Maine et soumit la province à son autorité.

Pour consolider la conquête du comté, qu’il ajoutait à son duché héréditaire de Normandie arraché par Rollon à la faiblesse de Charles le Chauve, Guillaume fit démanteler le Mans et construisit dans cette ville un château fort. Mais, désireux de s’attacher ses nouveaux sujets, il leur accorda des franchises municipales ou, du moins, leur conserva celles qu’ils possédaient déjà. Toutefois, les Manceaux ne se laissèrent ni intimider par la construction de cette forteresse, ni gagner par les faveurs que le vainqueur daignait leur accorder. Lorsque Guillaume se fut emparé de l’Angleterre, ils profitèrent de son éloignement pour se soulever (1066). Le pays tout entier suivit leur exemple ; mais le roi d’Angleterre leur imposa de nouveau son joug détesté. Trois révoltes successives furent ainsi comprimées. À la faveur des divisions qui s’élevèrent ; entre les ducs Robert et Guillaume le Roux, fils et successeurs de Guillaume le Conquérant, les Manceaux prirent de nouveau les armes. Ils furent soutenus dans cette lutte longue et acharnée par Hélie de la Flèche, représentant héréditaire des comtes du Maine, et dont le père, Jean de la Flèche, avait passé sa vie à combattre Foulques le Réchin, comte d’Anjou. Hélie finit par triompher de son adversaire et par rester seul maître de la province.


Légende ci-dessous
Notre-Dame de la Couture, au Mans.


Hélie de la Flèche maria sa fille Érenburge à Foulques V, et le comté du Maine fut ainsi réuni à celui d’Anjou. Geoffroi le Bel, surnommé Plantagenêt, fils de Foulques, ayant épousé en 1129 Mathilde, fille du roi d’Angleterre Henri II, il naquit au Mans, de cette union, un fils qui devint roi d’Angleterre en 1154, sous le nom d’Henri II.

Cette trop longue période de troubles, de révoltes, de guerres qui suivit la conquête du Maine par Guillaume le Conquérant fut suivie d’une effroyable famine (1085), à laquelle devaient succéder des guerres nouvelles, de nouveaux désastres.

Louis le Jeune avait reçu à Montmirail (1168) l’hommage d’Henri II d’Angleterre pour le duché de Normandie, et ceux de ses fils, Henri au Court-Mantel et Richard Cœur-de-Lion, pour l’Anjou, le Maine et la Bretagne. Dans la ville de la Ferté-Bernard eurent lieu ensuite des conférences destinées à rapprocher Philippe Auguste et Henri II et qui, malheureusement, n’aboutirent pas, comme à Montmirail, à cimenter la paix entre le roi de France et le roi d’Angleterre. Philippe Auguste se jeta alors sur le Maine et l’Anjou et en chassa les Anglais ; mais ces deux provinces ne furent définitivement conquises que lorsque Jean Sans-Terre (1203) eut été condamné à perdre tous les biens qu’il possédait en France, pour avoir fait assassiner son neveu Arthur de Bretagne. Philippe Auguste, qui s’était fait l’exécuteur de la sentence rendue contre son vassal, tint cependant compte des droits de la reine Bérengère, veuve de Richard Cœur-de-Lion. Il lui cède la ville du Mans, qu’elle habita jusqu’à sa mort (1230), et où elle fut inhumée dans l’abbaye de l’Épau, qu’elle avait récemment fondée. Louis IX, à la mort de Bérangère, assigne, comme douaire, à sa femme, Marguerite de Provence, le comté du Maine et le donna, en 1246, à son frère Charles, comte de Provence et roi de Naples.

Lorsque, en 1328, le comte du Maine, Philippe de Valois, parvint au trône, il habitait, au Mans, avec Jeanne de Bourgogne, sa femme, le château du Gué-de-Maulny. C’est là qu’était né l’infortuné roi Jean, surnommé le Bon, qui allait soutenir une guerre funeste contre Édouard III, roi d’Angleterre, prétendant à la couronne de France.

Édouard débarque sur le continent à la tête d’une armée formidable. Vainqueur sur mer à l’Écluse (1340), sur terre à Crécy (1346), il porta le théâtre de la guerre dans la province du Maine. Après la sanglante défaite du roi Jean à Poitiers (1356), les Anglais restèrent maîtres de toute cette partie de la France ; mais, battus par le connétable du Guesclin et le vaillant Olivier de Clisson à Pontvallain, à sept lieues du Mans, entre Mayet et la Flèche (1370), et défaits dans plusieurs autres rencontres, ils durent se retirer. Malheureusement le fruit de ces victoires fut rapidement perdu sous Charles VI. C’est en traversant la forêt du Mans, lorsqu’il marchait contre le duc de Bretagne, que le roi ressentit les premières atteintes de la folie.

« On était au commencement d’août 1392, dit M. de Barante (Histoire des ducs de Bourgogne), dans les jours les plus chauds de l’année. Le soleil était ardent, surtout dans ce pays sablonneux. Le roi était à cheval, vêtu de l’habillement court et étroit qu’on nommait une jacque ; le sien était en velours noir et l’échauffait beaucoup. Il avait sur la tête un chaperon de velours écarlate orné d’un chapelet de grosses perles que lui avait donné la reine à son départ. Derrière lui étaient deux pages à cheval. Pour ne pas incommoder le roi par la poussière, on le laissait marcher presque seul. Le duc de Bourgogne et le duc de Berry étaient à gauche, quelques pas en avant, conversant ensemble. Le duc d’Orléans, le duc de Bourbon, le sire de Coucy et quelques autres étaient aussi en avant, formant un autre groupe. Par derrière, les sires de Navarre, de Bar, d’Albret, d’Artois et beaucoup d’autres se trouvaient en assez grande troupe. On cheminait en cet équipage, et l’on venait d’entrer dans la grande forêt du Mans, lorsque tout à coup sortit de derrière un arbre, au bord de la route, un grand homme, la tête et les pieds nus, vêtu d’une méchante souquenille blanche ; il s’élança et saisit le cheval du roi par la bride : « Ne vas pas plus loin, cria-t-il, tu es trahi ! » Les hommes d’armes accoururent sur-le-champ, et frappant du bâton de leur lance sur les mains de cet homme, ils lui firent lâcher la bride. Comme il avait l’air d’un pauvre fou et rien de plus, on le laissa aller sans s’informer de rien, et il suivit le roi pendant près d’une demi-heure, répétant de loin le même cri. Le roi fut fort troublé de cette apparition subite ; sa tête, qui était très faible, en fut ébranlée. Cependant on continua à marcher. La forêt passée, on se trouva dans une grande plaine de sable où les rayons du soleil étaient plus brûlants encore. Un des pages du roi, fatigué de la chaleur, s’étant endormi, la lance qu’il portait tomba sur le casque et fit soudainement retentir l’acier. Le roi tressaillit, et alors on le vit, se levant sur ses étriers, tirer son épée, presser son cheval des éperons et s’élancer en criant : « En avant sur ces traîtres ! ils veulent me livrer aux ennemis ! » Chacun s’écarta en toute hâte, pourtant pas si tôt que quelques-uns ne fussent blessés ; on dit même que plusieurs furent tués, entre autres un bâtard de Polignac. Le frère du roi, le duc d’Orléans, se trouvait là tout près ; le roi courut sur lui l’épée levée et allait le frapper : « Fuyez, mon neveu d’Orléans, s’écrie le duc de Bourgogne ; monseigneur est dans le délire. Mon Dieu, qu’on tâche de le prendre ! » Il était si furieux que personne n’osait s’y risquer ! on le laissait courir çà et là et se fatiguer, en poursuivant tantôt l’un, tantôt l’autre.

Enfin, quand il fut lassé et trempé de sueur, son chambellan, Guillaume de Martel, s’approcha par derrière et le prit à bras le corps ; on l’entoura, on lui ôta son épée, on le descendit de cheval, il fut couché doucement par terre ; on défit sa jacque ; son frère et ses oncles s’approchèrent ; ses yeux fixes ne reconnaissaient personne ; il ne disait pas une parole : « Il faut retourner au Mans, dirent les ducs de Berry et de Bourgogne ; voilà le voyage de Bretagne fini. » On trouva sur le chemin une charrette à bœufs ; on y plaça le roi de France, en le liant, de peur que sa fureur ne le reprit, et on le ramena à la ville sans mouvement et sans parole. »

Le règne de ce prince fut désastreux pour la province comme pour le reste de la France. Mamers, Beaumont-le-Vicomte, Ballon, tombèrent au pouvoir des Anglais. La Ferté-Bernard, qui soutint un siège de quatre mois, fut prise

Charles VI dans la forêt du Mans.
par Salisbury qui, après la bataille de Verneuil, assiégea le Mans et s’en empara.

Le vaillant Ambroise de Loré reprit aux Anglais la plupart des places où ils s’étaient fortifiés. Le Mans, soulevé contre l’étranger, se vit de nouveau contraint de lui ouvrir ses portes, et Talbot fit mettre à mort les promoteurs de la révolte. Salisbury rasa les fortifications de Mamers. Le comte d’Arundel s’empara de Sillé-le-Guillaume, qui lui fut enlevé un instant par Gilles de Laval, maréchal de Retz, que ses crimes ont rendu célèbre, et plus tard définitivement par Ambroise de Loré. Enfin, Dunois (1447) entre dans le Mans, et les Anglais sortent du Maine pour n’y plus revenir. Cependant cette province ne fit définitivement retour à la couronne que sous Louis XI, en 1481. Ce prince accorde des priviléges à la ville du Mans. Cinq ans plus tard, à Sablé, où, après la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier, fut enfermé le duc d’Orléans, depuis Louis XII, fut signé un traité de paix entre Charles VIII et la Bretagne.

Cette contrée, si éprouvée par la guerre étrangère, ne jouit pas longtemps du repos auquel elle avait droit pourtant après tant de sang versé, tant de luttes ardentes où elle avait donné tant de preuves héroïques de son patriotisme. Pendant tout le seizième siècle, les passions religieuses y ramenèrent toutes les horreurs de la guerre, rendue de plus en plus cruelle par le sombre fanatisme de l’époque.

Henri Salvert et Merlin de la Rochelle, disciples de Théodore de Bèze, furent les premiers Calvinistes qui prêchèrent leurs doctrines dans la province. Gervais le Barbier continua leur œuvre. Mamers devint un des foyers les plus ardents du protestantisme. Un consistoire réformé fut tenu au Mans en 1560, et, l’année suivante, un édit ayant prescrit exclusivement la pratique et les usages de l’Église catholique, la guerre civile éclata et devint bientôt impitoyable. Le Mans fut pris par les protestants, et les catholiques y exercèrent plus tard de si terribles vengeances que la Saint-Barthélemy y fut inutile. Cette guerre féroce et impie dura jusqu’en 1589. À cette époque, Sablé, Beaumont, Fresnay, qui avait été saccagé par les protestants de Normandie, et plusieurs autres villes se soumirent à Henri IV. Le gouverneur Bois-Dauphin, qui tenait le Mans pour la Ligue, ouvrit les portes de la place à ce prince, et tous les partisans de la Ligue, si nombreux dans le Maine, en furent chassés ; mais, avant de partir, ils incendièrent la ville de Mamers. Enfin, l’édit de Nantes (1598) rendit le calme à cette malheureuse province, qui n’eut plus à souffrir, pendant les deux siècles suivants, que des mauvaises lois, des impôts excessifs, des règlements arbitraires et absurdes relatifs au commerce et à l’industrie ; mais tous ces maux elle les subissait avec le reste de la France.

En 1604, les jésuites fondèrent à la Flèche le collége qui devint en 1762, après leur expulsion du royaume, un établissement consacré à l’instruction gratuite de 150 fils de familles nobles qui se destinaient à la carrière des armes.

Sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV, si la contrée eut à subir de redoutables épidémies et à souffrir de la famine (1617), sa tranquillité au moins ne fut pas troublée. Vers 1733, furent ouvertes les grandes routes qui traversent le département, et que devaient plus tard parcourir les bandes vendéennes et les armées de la République.

La révolution de 1789 fut accueillie avec faveur dans le Maine, mais quelques désordres regrettables en signalèrent les débuts. À Ballon, deux citoyens, MM. Cureau et Montesson, accusés d’avoir tenté d’entretenir la famine en accaparant des blés, furent massacrés par les paysans affolés ; toutefois leurs meurtriers furent punis.

En 1793, les Vendéens, soulevés contre le gouvernement républicain, pénétrèrent dans le département de la Sarthe, dont ils croyaient la population sympathique à leur cause. L’armée vendéenne, composée de 70,000 âmes, dont 15,000 combattants seulement, après s’être emparée de la Flèche, se dirigea vers le Mans, le 9 décembre 1793. Henri de la Rochejacquelein la commandait. Les habitants du Mans, à l’approche des Vendéens, se mirent en état de défense. Le pont du bourg de Pontlieue fut fortifié ; deux arches de l’ancien pont furent coupées. Mais tous ces préparatifs et les efforts de la garde nationale n’empêchèrent pas les Vendéens d’entrer dans le Mans le 10 décembre. Ils en furent chassés par les généraux républicains Marceau et Westermann, après une lutte sanglante, qui eut lieu sur la place de l’Éperon. Les Vendéens



Entrée du Prytanée de la Flèche.


s’enfuirent vers Laval et Alençon, jonchant les routes de leurs morts, abandonnant l’immense et riche butin qu’ils traînaient après eux. Cette défaite amena plusieurs trêves ou suspensions d’armes qui malheureusement ne furent pas définitives. La guerre civile continua sous le nom de chouannerie. Les Chouans, commandés par le général Bourmont, surprirent le Mans dans la nuit du 13 octobre 1799, et l’occupèrent trois jours. La pacification du département, commencée par le général Hoche, fut enfin terminée en 1800 par les généraux Brunet et Hédouville.

En 1870, après les défaites successives qui amenèrent la retraite de l’armée de la Loire victorieuse à Coulmiers, le Mans devint, le centre des opérations du général Chanzy, qui s’y



Prytanée de la Flèche


établit le 19 décembre. Ce fut près de cette ville, à l’est et au sud, que fut livrée, le 11 janvier suivant, la désastreuse bataille qui rendit désormais impossible la délivrance de Paris par les armées de province. Les troupes allemandes, fortes d’environ 150,000 hommes, commandés par le prince Frédéric-Charles, après avoir livré, les jours précédents, des combats partiels à Montfort, à Champagné, à Savigné-l’Évêque et à Changé, où les Français avaient, sauf sur ce dernier point, conservé leurs

positions, furent engagées vers dix heures du matin, et l’attaque devint peu à peu générale. La division Collin, postée entre Beillé et la station de Connerré, se vit forcée, après un combat acharné, de se replier sur la route de Saint-Célerin à Lombron. À Montfort et à Pont-de-Gennes, les Allemands furent refoulés par le général Jaurès. Le général Gougeard, attaqué par des forces supérieures, perdit les positions de Champagné et de Mars-la-Brière. Le général Colomb se maintint énergiquement pendant six heures sur le plateau d’Auvours, où, en 1874, a été érigé un monument commémoratif. Mais une portion de nos troupes ayant cédé, les ennemis occupèrent cette position importante, qui fut ensuite reprise par le général Gougeard. Au sud-est du Mans, l’amiral Jauréguiberry reçut vigoureusement les ennemis, et la journée, si honorable d’ailleurs pour la France, eût peut-être entièrement tourné à son avantage si la position importante de la Tuilerie, située sur un point culminant, à 2 kilomètres et demi de Pontlieue, n’eût pas été abandonnée par des mobilisés bretons mal armés et arrivés de la veille. Cette position perdue, l’armée pouvait être tournée. Le 12, par une nuit glaciale, le général Chanzy tenta vainement de la reprendre ; ce nouvel insuccès acheva de démoraliser nos troupes, et la retraite sur Laval fut décidée. Elle fut protégée par le général Jaurès, qui, à la tête du 21e corps, soutint pendant deux jours les efforts du duc de Mecklembourg. Nos pertes à la bataille du Mans furent de 4000 à 5000 hommes tués ou blessés et de 12,000 à 13,000 prisonniers.