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Gaston Chambrun/Obstination

La bibliothèque libre.
Éditions Édouard Garand (p. 40-43).

XII

OBSTINATION


Six mois s’étaient écoulés depuis l’incendie qui avait failli anéantir l’usine Blamon. Les agents de la Compagnie d’assurance, considérant d’une part, l’imminence de la ruine totale à laquelle l’établissement venait d’échapper et de l’autre, l’indemnité énorme qui s’en serait suivie, se montrèrent larges dans leur expertise. Les frais de réparation furent couverts bien au-delà et la maison retrouva la prospérité des jours anciens. De ce fait, les finances dépassèrent la moyenne des années précédentes. Redevable à Dieu d’abord, puis aux amis dévoués du jour de l’épreuve, Monsieur de Blamon voulut cette fois les associer à ses profits.

À l’occasion de sa fête, un dîner intime les groupa une seconde fois autour de lui ; après leur avoir réitéré l’expression de sa gratitude, il leur expliqua quel concours de circonstances lui permettait de joindre l’action aux paroles. Ayant porté la santé de ses hôtes, il remit à chacun d’eux un pli cacheté renfermant un chèque comme témoignage tangible de la sincérité de ses sentiments.

Désireux de montrer leur reconnaissance, les nouveaux obligés, à leur tour, s’empressèrent de publier la faveur reçue. Le samedi suivant, deux journaux illustrés de Winnipeg donnèrent en première page avec l’image de l’usine restaurée, les photographies du Directeur et de Gaston Chambrun.

On y louait le beau geste de Monsieur de Blamon envers ses employés, puis sommairement était rappelée la généreuse conduite du jeune contre-maître ; mais l’intérêt primordial dans la gratification de cinq mille piastres qui venait de lui être faite. On devine le bonheur du jeune homme à la réception de cette fortune inattendue.

Modeste autant que brave, il avait jusqu’alors gardé le silence sur sa brillante conduite passée. Cette fois, dans l’espoir de faciliter la mission délicate de Monsieur Richstone, il lui annonça l’heureux événement par l’envoi d’un numéro du journal. Sans aucun doute, celui-ci saurait en faire l’usage le plus opportun.

L’occasion était favorable pour entreprendre Alphée au sujet du mariage de son fils avec Marie-Jeanne. Depuis son isolement le commerçant fréquentait de plus en plus la maison Bellaire. Là du moins, il trouvait allègement à son deuil, il oubliait la solitude de son existence. Une affection, que chaque jour rendait plus étroite, le liait à la fille et à la mère. Le veuvage les rapprochait, et de la communauté de leurs peines, naissait une spéciale sympathie.

Monsieur Richstone croyait trouver chez la veuve Bellaire cette communion intime de sentiments qu’il n’avait pas su découvrir chez sa pauvre Annette.

Puis, son travail terminé, Marie-Jeanne s’asseyant près d’eux, ouvrait quelques livres prêtés par le bon curé Blandin et les distrayait d’une lecture attachante et pieuse. Parfois le prêtre lui-même survenait et la causerie s’animait alors ; un charme familial se dégageait de ces réunions. Aussi les visites de Monsieur Richstone étaient-elles désirées de part d’autre.

Celui-ci s’intéressait au bonheur de Marie-Jeanne comme si elle eût été sa propre fille. En plaidant la cause de Gaston, il songeait autant à la fiancée qu’au jeune homme…

Or ce matin-là, une espérance joyeuse lui chauffait le cœur, il venait de recevoir le journal de Gaston ; en proie à un bonheur qu’il avait peine à dissimuler, précieusement il mit le « papier » dans sa poche, monta en automobile et prit à bonne allure la route du « Val de la Pommeraie ».

Monsieur Richstone comptait bien être auprès d’Alphée l’annonciateur de la bonne nouvelle et profiter de l’attendrissement paternel pour gagner d’emblée sa cause. La matinée était radieuse ; la nature de nouveau s’était parée des frondaisons printanières.

En cours de route, une réflexion soucieuse le taquinait cependant : Chambrun dans ses relations devenues assez rares, n’avait plus avec lui l’expansion d’autrefois…

Il est vrai que les revers de fortune et la perte de ses espérances suffisaient amplement à expliquer l’aigreur de son caractère.

En réalité, le père de Gaston, malgré tout ce qu’il devait à la généreuse amitié de Monsieur Richstone, lui gardait inconsciemment peut-être, une rancune d’avoir fait luire à ses yeux un espoir de revanche, que l’avenir ne devait pas ratifier. Il soupçonnait vaguement une entente mystérieuse entre le père d’Aurélia et son fils et ne voulait pas voir d’autre cause à la vocation de la jeune fille.

Tandis qu’il roulait sur la route poudreuse de Saint-Benoit, l’avocat de Gaston, tout escomptant une vigoureuse résistance de monsieur Chambrun, ne mettait point en doute sa victoire finale.

La chaleur montait forte ; pas un souffle n’agitait les feuilles ; le voyageur un instant arrêta sa machine pour humer la senteur résineuse des pins et jouir du frais ombrage produit par leur ramure puissante et serrée. Il se sentait moins allègre qu’au départ et à mesure qu’il approchait du terme, il voyait la confiance s’amoindrir.

La bifurcation sur Saint-Placide s’offrit à lui. Pourquoi ne passerait-il pas d’abord à la maison Bellaire raviver son courage par une visite à ses protégées ?

De la main, palpant à travers sa poche, le précieux journal reçu la veille, il s’épanouit en pensant à la joie dont il serait le dispensateur.

Devant le verger de l’humble demeure, Monsieur Richstone sauta lestement à terre, ouvrit la barrière, entra dans l’allée. Il souriait dans sa barbe, égayé par l’idée de ménager son effet.

Au bruit de l’automobile, Marie-Jeanne était accourue, le sourire aux lèvres ; puis tendant son front au visiteur, celui-ci y déposa un paternel baiser.

— Vous avez chaud, Monsieur Richstone, ajouta-t-elle aussitôt ; la température aujourd’hui est excessive.

— Oui ! ma fille. Allons chercher le frais dans la maison de votre mère.

Comme il entrait :

— Voilà une bonne surprise, Monsieur Richstone, fit l’aveugle.

Celui-ci insinuant ajouta :

— Ce ne sera peut-être pas la meilleure de la journée !

— Que voulez-vous dire ?…

— Rien !… rien !… marmotta le brave homme. Ses yeux pétillaient : il était impatient de jouir du bonheur de ses amies.

— Ce matin, dit-il, j’ai apporté une lecture qui va vous intéresser. Il tendit à la jeune fille le bienheureux journal, en désignant du doigt la photographie de Gaston.

Soudain un cri vibrant d’émotion et d’allégresse retentit :

— Gaston !… Gaston ! Mais, c’est lui !… ajouta la jeune fille. Puis Monsieur de Blamon ?… Quelle physionomie digne et sympathique !

Sur les indications de Monsieur Richstone, à haute voix, elle se mit à lire le récit du dévouement de Gaston.

Dès les premières lignes, ses yeux s’étaient remplis de larmes, mais, arrivée au passage de l’évanouissement du jeune homme, elle dut déposer le journal et raffermir elle-même ses énergies défaillantes. De son côté, la veuve avait peine à maîtriser sa muette admiration. Monsieur Richstone jouissait du spectacle en attendant le moment de la conclusion.

Un nouveau cri plus vibrant que le premier venait de jaillir des lèvres de Marie-Jeanne.

— Ô Maman ! as-tu compris ? Et la jeune fille de répéter :

— Gaston vient de recevoir cinq mille piastres de gratification pour son dévouement !

N’osant croire à tant de bonheur, Mademoiselle Bellaire en pleurs, s’accouda à la table, la tête dans les deux mains.

— Oh !… s’exclama la mère, c’est trop beau !…

— Trop beau ? s’insurgea Monsieur Richstone. Moi, c’est le double que je lui aurais donné !… Et vous ne dites rien ma petite Jeanne ?

Elle tourna vers lui ses yeux illuminés de larmes d’orgueil.

— Voilà la meilleure réponse, approuva le digne homme. S’il vous voyait, notre Gaston se jugerait mieux payé par vos pleurs de joie, que par l’argent lui-même !  !  ! Ne vous avais-je dit à toutes deux que vous seriez fières de lui ?…

— Mais quand pourrais-je l’appeler mon gendre ? soupira Pauline Bellaire.

— Ça ne tardera guère, affirma Monsieur Richstone. De ce pas, je vais traiter la question avec Alphée, et j’espère vous l’amener, faire la demande au nom de son fils.

— Aujourd’hui ?… interrogea Marie-Jeanne, palpitante.

— Sur l’heure même !… Ayez confiance !… À tout à l’heure, mes amies !

Monsieur Richstone s’éloigna de toute la vitesse de sa puissante machine. Les deux femmes demeurèrent émues et silencieuses ; l’assurance de leur médiateur n’arrivait pas, néanmoins, à dominer leur anxiété.

— Mère, dit la jeune fille, je descends à l’église implorer la sainte Vierge pour qu’elle inspire notre ami et touche le cœur de Monsieur Chambrun.

— Va, mon enfant, concéda l’aveugle, Moi aussi je prierai pour toi.

Alphée Chambrun rentrait à la maison quand il aperçut l’automobile devant sa porte.

Que lui voulait encore le riche commerçant ?… Depuis, qu’entre les mains de celui-ci, le père de Gaston avait dû aliéner son bien, il lui semblait que l’autre, en venant dans la maison, faisait acte de propriétaire. L’amour propre d’Alphée en était froissé, bien qu’il sentît l’injustice de tels sentiments envers celui qui, à vrai dire, était son bienfaiteur ; mais sa déchéance l’avait rendu susceptible et ombrageux.

Il hâta le pas et s’arrêta surpris de trouver sa femme tout émue, dans les frais d’une conversation fort animée avec le visiteur.

Intrigué, Alphée dit :

— Que peux-tu raconter à ma femme qui l’agite ainsi ?

— Oh ! s’écria celle-ci, remercie-le, mon ami, il nous annonce un grand bonheur.

— Que dis-tu ? fit Monsieur Chambrun interloqué.

— Lis ! dit sèchement l’Anglais, froissé du ton de son interlocuteur. Et il lui tendit le journal.

Le père eut bientôt, avec un éclair d’orgueil, des larmes dans les yeux.

— Et tu es venu pour nous faire cette communication ?… C’est le geste d’un bon ami cela, et le fait d’un grand cœur. Sois-en remercié !… Excuse-moi si je ne t’ai pas fait meilleur accueil. Le trouble de Julie me faisait augurer de mauvaises nouvelles, d’autant plus que depuis longtemps, je ne connais guère que celles-là !

— En tous cas, en voici une qui rachète bien les autres, dit Monsieur Richstone. Ton fils te fait honneur, Alphée !

— Il me devait bien cela, reprit celui-ci, en compensation du désappointement qu’il m’a causé ; dire qu’il n’a pas voulu être ingénieur ! grommela le père.

— Tu lui en veux encore ?… Eh bien ! tu as la rancune têtue. C’est toi, plutôt, qui lui es redevable.

— Et de quoi, s’il vous plaît ?

— D’abord de l’oubli de tes vieux griefs, puis d’un accueil favorable à la requête que j’ai à te présenter en son nom.

— Ah !… Ah !… nous y voilà, modula ironiquement Monsieur Chambrun. Je me doutais un peu de vos manigances mystérieuses… Eh ! bien, compère, vas-y de ta petite histoire.

Monsieur Richstone secoua la tête.

— Je n’admets pas ce ton persifleur, quand j’ai à te parler sérieusement, Chambrun ! Tu me connais assez, j’espère, pour savoir que je ne suis pas homme à plaider une cause injuste ou futile. Est-ce le retour des preuves d’intérêt et d’amitié que je t’ai données ? et parce que j’étends ces sentiments à ton fils, suis-je donc si blâmable ?

— Ô mon ami, intervint Julie, oublies-tu ce que Monsieur Chambrun a été pour nous ?

— Loin de moi pareille idée, répliqua Alphée. Cependant, de ses titres à notre reconnaissance, il ne peut exiger qu’entre ses mains j’abdique mon autorité paternelle. Je reste chef de famille.

— Ma démarche auprès de toi, est la preuve que ni moi, ni ton fils, ne méconnaissons tes droits de père. En retour, je te demande de m’accorder ceux de l’amitié.

Monsieur Chambrun, loyalement lui tendit la main.

— J’ai tort !… Que veux-tu !… Le malheur m’a rendu ombrageux. Parle, mon ami. Je t’écoute et sois sûr que je suis prêt à te contenter si ta demande est raisonnable.

— Te la ferais-je, si elle était autre ? déclara Monsieur Richstone. Tu n’ignores pas que mon plus grand désir avait été de cimenter notre vieille amitié par les liens d’une union entre nos enfants. La vocation de ma fille a ruiné ce rêve ; mais ton fils m’est demeuré cher et c’est au nom de cette affection que je viens te dire : il aime !… il est aimé !… Si j’avais un fils, je ne lui choisirais pas d’autre fiancée que celle élue par Gaston, car je n’en connais point de plus accomplie, de plus capable d’assurer le bonheur d’un jeune homme.

— Son nom ?… interrompit anxieusement Monsieur Chambrun.

— Tu le connais, comme moi ; c’est celui d’une enfant de ce pays que tu as pu apprécier : c’est Marie-Jeanne Bellaire !

— Tu pouvais t’épargner le voyage et aussi ta salive ! jeta amèrement Alphée, qui d’un coup d’œil rapide, s’était enquis de la bonne foi de son interlocuteur… Quoi ! mon fils que tu estimais digne de ton Aurélia, s’accommoder d’une pareille déchéance ? d’une pauvresse qui a encore une mère infirme sur les bras !…

— Et qui sait lui rendre la vie douce, ajouta le commerçant.

— Qu’elle fasse son devoir, j’en conviens ; mais elle n’est pas de celles qu’épouse un jeune homme comme Gaston, riposta Alphée.

Se campant crânement devant lui, l’Anglais répondit :

— Et tu préférerais pour lui une poupée quelconque ou quelque coquette qui aurait du bien, n’est-ce pas ? Une élégante de Montréal qui mépriserait ton costume d’« habitant », les manières et le langage campagnards de ta femme. Heureusement que ton fils a du bon sens pour deux. Est-ce que celle qui se montre enfant pieuse et dévouée, ne sera pas une bru respectueuse et aimante ?…

Alphée haussa les épaules.

— Très beau !… Très beau ! tout cela, mais on n’en vit pas.

— N’aie pas de souci à ce sujet, reprit Monsieur Richstone. Comptes-tu pour rien ses économies, la gratification qu’il vient de toucher et les réserves d’énergie et de santé des futurs époux ?

— Et les enfants qui viendraient ? objecta Chambrun.

— Dieu y pourvoira. Excuse ma franchise, mais tu m’obliges à te demander : Est-ce que le secours t’a manqué dans le besoin ?… Vraiment ton égoïsme avait besoin d’une petite leçon. Tu avais rêvé pour ton fils un mariage brillant qui eût satisfait ta vanité. Ne vaut-il pas mieux aider ton enfant à trouver dans sa race, cette union des âmes, cette harmonie des cœurs, vraies sources du bonheur familial qu’on demande en vain à la beauté, à la fortune ou aux dignités ?

— Eh bien ! moi, je te dis, repartit Monsieur Chambrun que la gêne est le tombeau du bonheur. J’ai aimé Julie. Après trente ans, notre affection est aussi vive qu’au jour de nos noces et cependant depuis ma ruine, je ne suis pas heureux. J’ai supporté l’épreuve espérant le retour de la fortune avec le mariage de mon fils et tu voudrais que j’abandonne cette suprême espérance pour le précipiter lui-même dans cette misère qui empoisonne mon existence ? Non !… Non !… je l’aime trop pour cela !…

— Tu aimes trop ton orgueil, rétorqua hautement Monsieur Richstone, et voilà la principale cause de ta peine. Tu penses plus à ton amour-propre qu’au bien-être personnel de ton fils. Oublies-tu qu’ayant engagé son patrimoine, tu es moralement son débiteur. En retour, de toi, il ne sollicite qu’une faveur : ton consentement à une union à laquelle il est depuis six ans résolu. Oui, avant de partir pour Winnipeg, il aimait Marie-Jeanne ; revenu au pays l’année suivante avec le titre de contre-maître, il s’est fiancé à elle. Contrairement à ses projets et à ses goûts, il a prolongé son séjour à l’usine pour te complaire et après une si longue attente et une preuve de soumission si dure, tu mettrais encore obstacle à une joie tant méritée ?

— Ah ! Ah ! riposta aigrement Alphée : voilà pourquoi il n’a voulu ni de ta fille ni du titre d’ingénieur, ni condescendre à mes désirs ?… Eh bien, cette revanche qu’il m’a refusée, je la prends sur lui à mon tour : je m’oppose nettement à son mariage… Je comprends tout maintenant… Inutile d’insister. Quant à toi, je n’oublierai jamais que tu as été son complice. Mon dernier mot, entends-le bien, est celui-ci : Je refuse ! Qu’il passe outre, s’il l’ose !

— Mauvais père ! gronda Monsieur Richstone, mauvais ami. Tu perds à mes yeux, l’estime que j’avais de ta race et j’en suis sûr, ceux du cimetière de Saint-Philippe d’Argenteuil te renient.

Effrayée du ton de la dispute, Julie se jeta entre les deux hommes dont les regards provocateurs semblaient se défier.

— Oh ! supplia-t-elle dans un déchirement de l’âme, taisez-vous tous les deux, je vous en prie. Ne vous quittez pas sur des propos si amers ; n’allez pas consommer notre malheur par une rupture si cruelle ; oubliez ces paroles offensantes, elles ne viennent pas de vos cœurs. Que dans une affectueuse étreinte, vos mains renouent la vieille et chère amitié qui vous a toujours unis.

Monsieur Chambrun demeurait sombre et fermé devant les objurgations de sa femme. Monsieur Richstone se détournait pour s’essuyer les yeux.

Derrière eux une voix s’éleva :

— C’est le Dieu de la paix qui m’a inspiré cette visite ; vous ne pourriez dire votre Pater en vous couchant ce soir, après de telles amertumes.

L’abbé Blandin s’approcha des deux hommes, leur prit les mains, et bien que rechignantes, les réunit dans les siennes.

— Séparez-vous sans rancune et laissez accomplir l’œuvre de Dieu.

Le bon curé avait trouvé Marie-Jeanne en larmes, prosternée devant l’autel de Marie. La jeune fille, ouvrant son âme à son pasteur, l’avait informé de la démarche de Monsieur Richstone auprès du père de Gaston.

Arrivé au plus fort de la crise, le prêtre avait appris que l’heure n’était plus aux explications décisives qui rallumeraient l’incendie dans les cœurs. Il se chargea lui-même d’aller informer Marie-Jeanne de l’échec de Monsieur Richstone, service dont ce dernier lui fut fort reconnaissant.

— Ayez confiance quand même, lui dit-il en le quittant, les causes des nobles cœurs ne sont jamais désespérées.

Revenu près des parents de Gaston, le prêtre leur parla de leur fils, de sa glorieuse conduite, de l’honneur qui rejaillissait sur eux.

Puis le nom de Marie-Jeanne fut prononcé. Longtemps il s’étendit sur ses mérites, sur l’honorabilité de sa famille, sur la supériorité du patrimoine de vertus, en regard de la dot la plus princière.

Ses paroles se heurtèrent à l’entêtement tenace de l’orgueilleux père, muré dans un mutisme invincible. Craignait-il en parlant de s’avouer vaincu ?… Le curé dut se retirer sans avoir rien obtenu.

Fidèle à sa promesse, tristement il se dirigea vers la demeure où les deux femmes attendaient anxieuses. Il ne put, hélas ! leur donner que de vagues paroles d’espérance dans le Dieu, qui à son gré, peut changer les cœurs les plus endurcis.

Monsieur Chambrun se cantonnait dans son obstination.