Gesellschaft für deutsche Erzichungs und Schulgeschichte

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Revue internationale de l’enseignement, volume 37, juin 1899, Texte établi par François PicavetSociété de l’enseignement supérieur37 (p. 228-232).

GESELLSCHAFT FÜR DEUTSCHE ERZIEHUNGS- UND SCHULGESCHICHTE


Il existe en Allemagne — et je n’ai pas la prétention de l’apprendre aux lecteurs de cette Revue — une société dite : « Société pour l’histoire de l’Éducation et de l’École allemandes ». Cette Société prend de jour en jour une importance plus grande, tant par l’étendue que par la valeur de ses travaux. Et parce que dans le domaine pédagogique elle joue, en Allemagne, un rôle considérable, parce que ses publications peuvent être d’un utile secours à tous ceux qui s’occupent des questions d’Enseignement et d’Éducation, je voudrais, ici, dire ce qu’est cette Société, à quels genres de travaux elle s’adonne, et cela brièvement, me réservant de parler avec plus de détails de la dernière entreprise de la Société : « (Tout ce qui concerne l’éducation et l’enseignement, dans les pays de langue allemande). »

Pourquoi cette Société s’est-elle fondée et quel est son but ? Vous trouverez la réponse dans l’article 1 de ses statuts : « Le but de la Société est de réunir dans une collection aussi complète que possible, par un travail critique, historique et scientifique, les matériaux — épars dans les archives et bibliothèques — touchant l’histoire de l’Éducation et de l’École, dans les pays de langue allemande ». Ce qui revient à dire que la Société est en quête, et des ordonnances scolaires — qu’elles émanent de l’État, de l’Église, des communes, de sociétés ou de personnes privées — cet des livres scolaires qui furent autrefois en usage, et de ce qu’elle appelle, les « Miscellanées pédagogiques », c’est-à-dire biographies, cahiers, représentations et discours scolaires, etc. Elle n’a garde même de négliger les Notices, Lettres, Chroniques, Inscriptions, etc., qui, de loin ou de près, touchent aux choses de l’Éducation ou de l’Enseignement. En un mot, c’est une encyclopédie de l’École — ce mot pris dans son sens le plus large — qu’elle veut tenter, par une chasse aux documents scolaires dans tous les temps et tous les pays de langue allemande.

Que ce soit là un travail de Bénédictins, nul n’y contredira, et les qualités qui étaient l’apanage des moines de Saint-Benoît, ardeur au travail, patience, érudition, ne firent pas défaut, à ceux qui entreprirent l’œuvre en question : car déjà se trouvent réalisés nombre de projets que nous trouvons indiqués en 1883, dans le plan que s’était proposé de suivre la Société. Il m’est impossible d’entrer dans le détail des travaux nés, jusqu’ici, des efforts de tous les membres : je n’en veux donner qu’un aperçu rapide.

On peut distribuer les publications de la Société en cinq groupes : En premier lieu, les « Monumenta Germaniæ Pædagogica » qui déjà comprennent quelque vingt volumes. J’en cite au hasard pour donner une idée de cette publication : « Histoire de l’Enseignement des mathématiques en Allemagne, au Moyen-âge », « Ratio studiorum et Institutiones scholasticæ Societatis Jesus », « Histoire de l’Éducation et de la Culture militaires en Allemagne », « Les ordonnances scolaires dans le duché de Brunswick depuis les temps les plus reculés jusqu’à 1828 ». On voit dans quel sens très large la Société entend le mot : « Erzichungs und Schulwesen ». À côté d’un ouvrage sur la technique des Jésuites en matière d’enseignement, s’en trouve un qui traite de la « pédagogie militaire », facteur important du développement d’un État, s’il est vrai que la Prusse doit sa grandeur politique à son excellente éducation militaire. La Société fouille même dans les archives princières (Histoire de l’éducation des Wittelsboch, jusqu’en 1750), persuadée que ces recherches peuvent donner des résultats, notamment en ce qui concerne la technique de l’Enseignement, par la découverte de cahiers et de livres scolaires qui ont à peu près disparu et qu’on ne peut guère retrouver que dans les archives et les bibliothèques des princes. Ces recherches, ces fouilles sont faites avec une telle conscience, une telle persévérance, que déjà un grand nombre de documents ignorés ont été mis au jour. Je n’en donne pour preuve que ces paroles tirées d’un discours fait en Assemblée générale par le professeur Kehrbach, le membre le plus éminent de la Société et sous la direction duquel se font toutes les publications : « La foule des documents jusqu’alors inconnus parus dans ces quatre volumes, dit-il en parlant de l’ouvrage sur l’enseignement dans la Société de Jésus, a surpris même ceux qui appartiennent à l’Ordre des Jésuites ».

Le deuxième groupe de publications a nom « Mitteilungen » (déjà 7 volumes de 320 à 350 pages), et renferme des compléments aux « Monumenta Bände », des publications de documents pédagogiques originaux, de courtes expositions des idées qu’on avait à telle époque et dans tel pays allemand sur la littérature pédagogique. Un troisième groupe intitulé « Texte und Forschungen zur Geschichte der Erziehung und des Unterrichts in den Ländern deutscher Zunge », est comme un moyen terme entre les deux précédents. Il comprend des publications que leur étendue ne permettait pas d’y introduire. Ce sont de petits écrits qui, eux aussi, sont puisés aux sources, mais qui concernent plus spécialement tel sujet restreint et déterminé. Ainsi, par exemple, « die lateinischen Schülergespräche der Humanisten », petit volume de 2 marks (2 fr. 50), alors que les Monumenta Bände coûtent de 12 à 20 marks.

Une quatrième série de publications comprend celles qui sont faites par des groupes spéciaux, chargés de recueillir dans le district, dont l’étude est confiée à leur soin, tous les matériaux qui peuvent servir à la reconstitution de l’École d’autrefois. Quand les recherches sont fructueuses, quand les matériaux sont en nombre suffisant, la Société les publie, c’est ainsi qu’ont déjà vu le jour le Bayern-Heft, l’Austria-Heft, etc.

Enfin, il existe un cinquième groupe de publications, nées de la plus récente des entreprises de la Société. De cette œuvre, qui est par excellence une œuvre bibliographique, je voudrais parler avec quelques détails.

Cette œuvre entreprise en 4896 et que la Société poursuit avec autant de succès que de persévérance, est, comme je l’ai dit, la bibliographie, au mois le mois, de tout ce qui est publié dans les pays de langue allemande (Allemagne, Suisse, Autriche), en tant que livres, écrits, ordonnances administratives se rapportant aux choses de l’École. C’est une œuvre, qui demande une grande rapidité d’information, et un travail d’autant plus considérable qu’elle est, autre chose et plus qu’une simple « table des matières » des publications et des écrits pédagogiques.

Depuis longtemps la Société pensait à créer une œuvre qui parât au manque de direction et d’orientation dans les recherches qu’on peut avoir à faire dans le vaste domaine des choses de l’Éducation et de l’Enseignement. Une œuvre donnant sûrement et rapidement des renseignements sur toutes les questions d’Éducation et d’Enseignement, traitées dans le cours d’une année (12 cahiers mensuels) par livres, brochures et circulaires, en même temps qu’elle informe de tous les moyens spéciaux d’enseignement à l’Université comme à l’École primaire, aussi bien en Allemagne, qu’en Autriche et en Suisse : une telle œuvre n’existait pas.

Il y avait donc là une lacune : la Société entreprit de la combler. Ce qu’elle avait fait pour le passé, elle voulut le faire pour le présent, et donner ainsi comme une suite à ses Monumenta-Bände. Il s’agissait d’avoir sans cesse l’œil et l’oreille au guet pour ne rien laisser passer qui intéressât l’œuvre entreprise, d’être en quelque sorte l’Argus de la presse et du perfectionnement pédagogique.

C’était une œuvre colossale que la Société entreprenait là, d’abord à cause des difficultés qu’elle devait fatalement rencontrer, ensuite à cause du travail qu’elle exigerait. J’ai parlé de difficultés : la Société devait, en effet, pour obtenir les renseignements nécessaires, s’adresser aux éditeurs, aux libraires, aux commissions scolaires, etc. Or, si elle trouve quelques auxiliaires, elle se heurta aussi fréquemment à des indifférents, ou même à de mauvais vouloirs. Nombre de libraires ou d’éditeurs ne comprirent pas qu’il était de leur intérêt d’aider aux recherches de la Société qui donnait plus de publicité à leurs productions.

Quant au travail que nécessitait une telle entreprise, je dirai seulement, lisant le rapport que j’ai sous les yeux, que la Société dans le cours de la première année, fit usage de 9.000 prospectus, de 28.200 circulaires, de 6.750 feuilles de papier à lettre, de 1.000 communications (mémorandum), de 15.950 cartes postales, de 29.275 enveloppes, de 1.000 factures, de 70.000 imprimés. Ces quelques chiffres sont significatifs, mais ce qui l’est plus encore, c’est le nombre de livres, d’écrits et de circulaires administratives qui furent examinés en une même année : 3.000 des premiers, 4.500 des seconds et 800 des dernières.

Quel travail ! si l’on pense que chaque ordonnance, brochure ou livre, est analysé, et qu’une indication concise du contenu s’ajoute au titre de l’ouvrage et aux noms de l’auteur et de l’éditeur. « Œuvre de géants ! » écrit un journal pédagogique allemand, et j’ajouterai, de géants qui ne s’effraient point des monceaux de livres à remuer, mais aussi de géants très cultivés, ayant à leur service une plume fine et sobre, qui condense en quelques lignes toute la « substantifique moelle » d’un ouvrage. Mais ce n’est pas ici le lieu et je n’ai pas qualité pour faire l’éloge, qui d’ailleurs n’est plus à faire, du Doctor Professor Karl Kehrbach qui, depuis vingt ans, avec le mine dévouement, s’efforce de réaliser les desseins de la Société, qu’il sert en même temps par son savant ouvrage « Formation des groupes territoriaux dans les pays de langue allemande ».

On a cependant fait un reproche à cette publication, celui de donner, des livres qu’elle mentionne, un résumé, qui n’est pas un résumé critique. Elle se borne à dire succinctement ce que contient le livre, mais ne le juge pas. Je n’ai pas l’oreille de la Rédaction, mais il me semble comprendre cette omission volontaire. La critique qui est l’œuvre d’un homme, se ressent toujours des idées personnelles de cet homme ; or, ce qui importe au « chercheur », c’est de savoir ce que contient tel livre sur tel ou tel sujet, et non point ce que pense de ce livre tel membre de la Société.

Toute la presse a accueilli avec enthousiasme la nouvelle publication. Dans ce pays où l’on s’occupe avec tant d’ardeur de pédagogie, où les livres et les brochures pédagogiques pullulent, le besoin d’un guide qui permit de se reconnaître dans ce vaste champ déjà labouré en tous les sens, se faisait vivement sentir. Qui pourrait être au courant ou tenir registre de tous les livres publiés sur tel ou tel sujet ? Et pourtant il semble que ce soit de toute nécessité, pour celui qui veut étudier à fond tel ou tel point, qu’il sache ce que déjà on en a dit avant lui. Grâce à la nouvelle publication il saura immédiatement et quels sont les livres publiés et ce qu’ils contiennent en gros.

Aussi, cette publication ne saurait laisser indifférents tous ceux qui s’intéressent aux questions d’éducation et d’enseignement. Il est vrai que le recueil concerne uniquement Îles pays de langue allemande, mais qui donc se refuserait à reconnaître l’influence qu’eut la pédagogie allemande sur la pédagogie française ? Si les théories de Rousseau se sont fait vivement sentir au delà du Rhin, celles de Pestalozzi et d’Herbart n’ont pas eu moins de répercussion chez nous. Et s’il est vrai que nous avons eu et que nous avons encore d’excellents éducateurs, et que notre méthode et nos procédés en matière d’éducation et d’enseignement comptent bien des succès à leur actif, il n’en est pas moins vrai que l’enseignement donné en Allemagne est un des meilleurs qui soit. D’où la nécessité pour les pédagogues français de savoir ce qui se tente et ce qui se fait chez nos voisins.

Il serait à souhaiter qu’une publication semblable à celle qu’a entreprise la « Société pour l’histoire de l’Éducation et de l’École allemande » eut lieu en France. Une Société, pareille à celle dont je viens de vous entretenir, naîtrait d’elle-même, pour peu qu’on eût connaissance des services qu’elle peut rendre. J’ai le ferme espoir qu’elle se fondera tôt ou tard, mais en attendant, et parce que les deux pédagogies ont des liens étroits de parenté, je me serais fait un reproche de ne pas signaler à tous mes compatriotes qui s’occupent de pédagogie et notamment de pédagogie allemande, ce guide précieux pour leurs recherches et leurs études.

Jean Genillon.