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Grammaire de l’hébreu biblique/Morphologie/Verbe/Paragraphe 40

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Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 92-94).

CHAPITRE II : VERBE

§ 40. Généralités et divisions.

a Conjugaisons. Le verbe hébreu comprend plusieurs conjugaisons[1] (בִּנְיָנִים bâtisses) : une conjugaison simple, appelée qal (קַל = léger) et plusieurs conjugaisons dérivées ou augmentées. La conjugaison simple est bien nommée car, par rapport aux autres, sa forme est la plus simple et l’action qu’elle exprime est également simple, p. ex. קָטַל il a tué[2]. Les conjugaisons dérivées ou augmentées ont une forme augmentée par rapport à la conjugaison simple, et l’action qu’elles expriment comporte une modalité objective surajoutée : modalité d’intensité ou de causalité, par exemple קִטֵּל il tua intensément (l’idée d’intensité est exprimée par le redoublement de la seconde radicale).

De plus la conjugaison de l’action simple, intensive, ou causative, peut être à l’une des trois voix active, passive, réfléchie, p. ex. קֻטַּל il a été tué intensément.

Le tableau des conjugaisons actuelles se présente de la façon suivante (en employant les désignations usuelles et en prenant comme exemples les parfaits du verbe inusité קטל[3] adopté comme paradigme) :

voix : active passive réfléchie
Action simple Qal קָטַל
   Il a tué
Cf. § 58 a Nifʿa̦l נִקְטַל
   Il s’est tué ; il a été tué
Action intensive Piʿʿẹl קִטֵּל
   Il a tué intensément
Puʿʿa̦l קֻטַּל
   Il a été tué intensément
Hiṯpa̦ʿʿẹl הִתְקַטֵּל
   Il s’est tué intensément
Action causative Hifʿīl הִקְטִיל
   Il a fait tuer
Ho̦fʿa̦l הָקְטַל
   On l’a fait tuer[4]

b Temps et modes. À ce que nous appelons temps répondent en hébreu deux formes que nous nommerons, faute de mieux (cf. § 111 b), parfait et futur, p. ex. dans la conjugaison simple : parfait קָטַל il tua, il a tué ; futur יִקְטֹל il tuera.

Au point de vue des modes, le parfait קָטַל et le futur יִקְטֹל sont à l’indicatif. Le futur peut recevoir, dans beaucoup de formes, deux modifications répondant à deux nuances volitives, d’où le mode jussif, p. ex. יַקְטֵל qu’il fasse tuer ! et (à la 1re pers.) le mode cohortatif p. ex. אֶקְטְלָה je veux tuer. L’impératif constitue le mode volitif de la 2e personne, p. ex. קְטֹל tue !

Outre ces formes temporelles et modales il y a deux formes atemporelles et amodales (et de plus impersonnelles) qui tiennent à la fois du verbe et du nom : l’infinitif et le participe. L’infinitif est un nom d’action avec force verbale ; on en distingue deux formes : l’inf. absolu et l’inf. construit. Le participe tient à la fois du verbe et de l’adjectif ; il désigne l’agent, celui qui fait l’action (participe actif) ou le patient, celui qui subit l’action (participe passif).

Dans la conjugaison simple (qal) nous n’avons jusqu’ici parlé que d’action. Mais, en fait, outre les verbes d’action ou actifs[5], comme קָטַל il a tué, il y a des verbes d’état ou statifs exprimant un état ou une qualité, p. ex. כָּבֵד il est lourd, il a été lourd (§ 41 b)[6].

c Classes de verbes. La plupart des verbes sont trilittères. Selon l’état de la racine les verbes sont dits forts ou faibles. Les verbes forts ont les trois consonnes radicales inaltérables. Le verbe fort présente quelques particularités de vocalisation quand une (ou plusieurs) radicale est une gutturale. Les verbes faibles présentent dans leur racine un élément faible consonantique (ou vocalique). Pour désigner ces verbes on se sert des lettres du verbe פָּעַל (poét.) faire (ancien paradigme[7] provenant de la grammaire arabe). Le פ désigne le 1er élément, le ע le 2d, le ל le 3e élément de la racine. Ainsi un verbe פ״ן est un verbe dont la 1re lettre est un nun. Les autres verbes faibles sont désignés semblablement : פ״א, פ״י, ל״א, ל״ה, ע״ו, ע״י (cf. § 71). On désigne par verbes ע״ע les verbes géminés, dont la 2de radicale est répétée, p. ex. סָבַב il a entouré.

d Nous traiterons d’abord du verbe fort régulier, en commençant par la conjugaison qal. Pour éviter les répétitions nous donnerons dès la première occasion ce qui vaut pour toute une catégorie de formes (conjugaisons ou classes de verbes)[8].

  1. Ce mot, employé ici faute de mieux, est pris, comme on le voit, dans un sens assez différent de celui qu’il a en grammaire française.
  2. Quand il s’agit simplement de désigner un verbe, on traduit souvent la forme du parfait 3e p. par l’infinitif, p. ex. קָטַל tuer. On désigne généralement un verbe hébreu par la 3e p. sg. m. du qal, sauf les verbes ע״ו et ע״י qu’on désigne par l’infinitif construit (cf. § 80 c N).
  3. Le verbe קָטַל, usuel en araméen (et en arabe قَتَلَ qatala, avec le t non emphatique primitif) ne se trouve que 3 fois en hébreu (dans des textes poétiques Ps 139, 19 ; Job 13, 15 ; 24, 14). Le mot usuel pour tuer est הָרַג, pour commettre un homicide רָצַח.
  4. Proprement : il a été fait tuer.
  5. Nous employons verbe actif, parfait actif, futur actif au sens de verbe d’action, etc. ; non au sens de verbe à la voix active (cf. § a).
  6. La transivité et l’intransivité sont des phénomènes de syntaxe, qui ne déterminent pas la vocalisation du verbe.
  7. D’où proviennent les termes reçus nifʿal, hifʿīl, etc. pour designer les conjugaisons.
  8. L’étudiant fera donc bien, à une première lecture, de passer rapidement sur les formes ou les détails économiquement anticipés.