Aller au contenu

Grammaire de l’hébreu biblique/Syntaxe/Accord/Paragraphe 150

La bibliothèque libre.
Paul Joüon
Institut biblique pontifical (p. 458-463).
§ 150. Accord du verbe.

a I. À la 2e p. pl. le féminin est souvent supplanté par le masculin : Ruth 1, 8 עֲשִׂיתֶם ; Joël 2, 22 אַל־תִּֽירְאוּ ; Am 4, 1 שִׁמְעוּ.

En fait, les formes féminines de la 2e p. pl. sont rares (à savoir קְטַלְתֶּן, תִּקְטֹ֫לְנָה[1], קְטֹ֫לְנָה) ; avec suffixes elles sont supplantées par les formes masculines (§§ 62 a, 63 a, 64 a).

b II. À la 3e personne, l’accord du verbe présente de très nombreuses anomalies. Assez généralement le verbe s’accorde en nombre et en genre avec le nom (ou le pronom) auquel il se rapporte. Cependant il y a une certaine tendance 1) à négliger le féminin, soit le fém. sg. (§ k), soit surtout le fém. pl. (§§ c, l), principalement quand le verbe précède ; 2) à préférer le singulier au pluriel, principalement quand le verbe précède ; 3) à laisser la forme verbale non fléchie (sing. masc.) quand elle précède le nom. Enfin 4) on emploie parfois le fém. singulier avec certains noms conçus comme des collectifs (noms de peuples § e ; noms pluriels de choses ou d’animaux § g).

c A) Accord avec un sujet simple.

Une forme 3 pl. fém. n’existe pas au parfait (§ 42 f). Ce fait a pu contribuer à faire négliger la 3e pl. fém. au futur [תִּקְטֹ֫לְנָה[2]]. Cette forme est souvent supplantée par la forme 3e pl. masc., surtout quand le verbe précède : Jug 21, 21 יֵֽצְאוּ בְנוֹת־שִׁילוֹ les filles de Shilo sortiront ; 1 R 11, 3 b ; Lév 26, 33 עָֽרֵיכֶם יִֽהְיוּ חָרְבָּה vos villes seront une ruine ; avec un duel fém. : 2 Ch 6, 40 יִֽהְיוּ־נָא עֵינֶ֫יךָ פְּתֻחוֹת (cf. § d) ; avec un collectif : Gn 30, 39 וַיֶּֽחֱמוּ הַצֹּאן les brebis s’échauffèrent (cf. § e. Pour le fém. sg. négligé cf. § k).

d Avec un duel le verbe se met généralement au pluriel. Si le nom est féminin le pluriel peut être féminin ou masculin (§ c). Avec le duel fém. יָדַ֫יִם on a : toujours (5 f.) תֶּֽחֱזַ֫קְנָה יָדַ֫יִם (Jug 7, 11 ; 2 S 2, 7 ; Éz 22, 14 ; Zach 8, 9, 13) ; toujours (2 f.) יָדַ֫יִם תִּרְפֶּ֫ינָה (Is 13, 7 ; Éz 7, 17) ; mais toujours (4 f.) יִרְפּוּ יָדַ֫יִם (2 S 4, 1 ; Soph 3, 16 ; Néh 6, 9 ; 2 Ch 15, 7). Avec עֵינַ֫יִם : Mich 7, 10 עֵינַי תִּרְאֶ֫ינָה. Le duel (comme le pl. § g) peut être considéré comme un collectif et le verbe mis au fém. sing. (rare) : Mich 4, 11 וַתַּ֫חַז עֵינֵ֫ינוּ ; 1 S 4, 15 עֵינָיו קָ֔מָ֯ה (cf. § h).

e Avec un collectif le verbe peut se mettre au singulier ou au pluriel (lequel devient plus fréquent dans les livres postérieurs, notamment dans Chron.) : 2 S 23, 11 וְהָעָם נָס ; parall. 1 Ch 11, 13 וְהָעָם נָ֫סוּ (opposer encore 2 S 6, 19 et parall. 1 Ch 16, 43). On peut mettre un premier verbe, surtout s’il précède le nom, au singulier, et le second verbe, qui suit le nom, au pluriel : 1 R 18, 39 וַיַּרְא כָּל־הָעָם וַיִּפְּלוּ ; — Autres ex. : avec un collectif fém. : 1 S 17, 46 וְיֵֽדְעוּ כָּל־הָאָ֫רֶץ ; Gn 41, 57 וְכָל־הָאָ֫רֶץ בָּ֫אוּ ; avec un nom traité occasionnellement comme collectif : Gn 34, 24 וַיִּמֹּ֫לוּ כָּל־זָכָר ; Jug 9, 55 וַיִּרְאוּ אִישׁ־יִשְׂרָאֵל. — De même avec les noms de peuples le verbe peut être au sing. masc. ou au pl. masc. : sing. m. : Ex 17, 11 וְגָבַר יִשְׂרָאֵל ; Is 19, 16 ; Am 1, 11 ; 1 Ch 18, 5 ; 19, 15, 16, 18, 19 ; plur. masc. : 2 S 10, 17 וַיַּֽעַרְכוּ אֲרָם ; 1 R 20, 20 ; 1 Ch 18, 2, 5, 6, 13. De plus, un peuple pouvant être considéré comme une collection, le verbe, surtout s’il précède, peut être mis au féminin sing.[3] (cf. § g) : 2 S 8, 2 וַתְּהִי מוֹאָב ; vv. 5, 6 ; 10, 11 ; 24, 9 ; Jér 13, 19 ; 1 Ch 19, 12 ; Job 1, 15 (suivi du pluriel) ; cf. § 134 g.

f Avec un pluriel d’excellence ou de majesté (§ 136 d) le verbe se met généralement au singulier (toujours dans la langue postérieure) : 1 Ch 17, 21 הָלַךְ הָֽאֱלֹהִים (mais parall. 2 S 7, 23 הָֽלְכוּ־אלהים) ; 1 R 12, 28 אֱלֹהֶ֫יךָ אֲשֶׁר הֶֽעֱל֫וּךָ ton Dieu qui t’a fait monter (plutôt que tes dieux) ; Ex 21, 4 אֲדֹנָיו יִתֵּן ; v. 29 בְּעָלָיו יוּמַת.

g Les noms pluriels (surtout fém.) de choses ou d’animaux peuvent être considérés comme équivalant à des collectifs ; le verbe se met alors au fém. sing. Les exemples sont assez peu nombreux, surtout en prose simple : Joël 1, 20 בַּֽהֲמוֹת שָׂדֶה תַּֽעֲרֹג les bêtes sauvages brament ; Is 59, 12 חַטֹּאותֵ֫ינוּ עָֽנְתָה בָּ֫נוּ nos péchés ont témoigné contre nous[4]. Autres ex. après le nom : Gn 21, 30 ; 49, 22 (poét.) ; Jér 48, 41 ; 49, 24 (deux synonymes : fém. sg. et m. pl.) ; Pr 15, 22 ; 20, 18 ; Job 12, 7 ; 20, 11 ⸮ (après un premier verbe au pl. !) ; 41, 10. Avant le nom : 2 S 24, 13 ; Is 34, 13 ; Jér 4, 14 ; 12, 4 ; Ps 18, 35 ; 37, 31 ; 103, 5 ; Job 14, 19 ; 27, 20.

h Remarques. 1) Quand la forme du parfait 3e fém. sing. et celle de la 3e p. pl. ne diffèrent que par la dernière consonne comme קָ֫מָה et קָ֫מוּ on a généralement un qeré demandant la forme du pluriel, p. ex. 1 S 4, 15 עֵינָיו קָ֫מָ֯ה, QOr קָמוּ (éd. Kittel) ; Dt 21, 7 ; Jér 2, 15 ; 51, 29 (éd. Ginsburg) ; Ps 73, 2, mais non Gn 49, 22 ; Jér 48, 41 (cf. § 42 f).

i 2) Dans le cas où un nom pluriel est suivi d’un génitif singulier, le sing. du verbe a pu être causé totalement ou partiellement par le sing. du génitif : 2 S 10, 9 הָֽיְתָה (probt d’après מִלְחָמָה) ; Éz 26, 11 תֵּרֵד ⸮ (p.-ê. influence du génitif עֻזֵּךְ) (cf. § n).

j Assez souvent la forme verbale reste non fléchie (sing. masc.) quand elle précède le nom, surtout si elle est séparée du nom par un ou plusieurs mots[5]. Cette construction, assez rare quand il s’agit de personnes, se trouve surtout en poésie et en prose élevée. En prose simple elle se trouve principalement avec le verbe הָיָה (surtout forme וַיְהִי). Exemples en prose simple[6] : Éz 14, 1 וַיָּבוֹא אֵלַי אֲנָשִׁים (var. וַיָּבֹ֫אוּ) ; 1 S 4, 10 וַיִּפֹּל מִיִּשְׂרָאֵל שְׁלשִׁים אֶ֫לֶף רַגְלִי (opp. Jug 20, 44 וַיִּפְּלוּ en contexte semblable) ; 2 S 24, 15 וַיָּ֫מָת מִן־הָעָם … שִׁבְעִים אֶ֫לֶף אִישׁ (opp. Ex 8, 9 וַיָּמֻ֫תוּ הַֽצְפַרְדְּעִים). Avec le verbe הָיָה : 1 S 1, 2 וַיְהִי לִפְנִנָּה יְלָדִים[7] ; 1 R 11, 3 וַיְהִי־לוֹ נָשִׁים שָׂרוֹת שְׁבַע מֵאוֹת ; Gn 39, 5 b. En dehors de la prose simple : Is 47, 11 וּבָא עָלַ֫יִךְ רָעָה ; Jér 51, 48 יָבוֹא־לָהּ הַשּֽׁוֹדְדִים ; Is 2, 17 ; 9, 18 ; 14, 11 ; 28, 18 ; Jér 13, 18 ; Ps 124, 5. — Dans Is 33, 9 אָבַל אֻמְלְלָה אָ֔רֶץ le 2d verbe s’accorde (⸮ opp. 24, 4) ; cf. 14, 9 ⸮.

k Même au singulier, le féminin est parfois négligé. (Pour le pluriel cf. § c). En prose simple on trouve יִֽהְיֶה ל après un nom fém.[8] : Ex 12, 49 תּוֹרָה אַחַת יִֽהְיֶה ל׳ (= Nb 15, 29 ; cf. 9, 14) ; Dt 18, 2 נַֽחֲלָה לֹא־יִֽהְיֶה־לּוֹ ; Ex 28, 32 ; 2 Ch 6, 29 (parall. 1 R 8, 38 תּהיה) ; 2 Ch 17, 13. En dehors de ce cas : Gn 15, 17 ⸮ עֲלָטָה הָיָה ; Pr 2, 10 (après תָבוֹא !) ; Job 8, 7 (p.-ê. à l’analogie de והיה) ; 36, 18 ; Jér 50, 46 ⸮.

l Non seulement le féminin, mais encore le pluriel est négligé avec הָיָה ל (cf. § k) dans Gn 47, 24 אַרְבַּע הַיָּדֹת יִֽהְיֶה לָכֶם ; Ex 28, 7 ; 30, 4 (le pluriel dans Eccl 2, 7 בְּנֵי־בַ֫יִת הָיָה לִי). En dehors de ce cas, cf. Is 16, 8 ; Hab 3, 17.

m Certaines anomalies peuvent s’expliquer par l’influence du prédicat : Gn 28, 22 הָֽאֶ֫בֶן הַזֹּאת … יִֽהְיֶה בֵּית אֱלֹהִים (mais היה tend à rester infléchi § k N) ; 31, 8 נְקֻדִּים יִֽהְיֶה שְׂכָרֶ֔ךָ (id.) ; Lév 25, 32 תִּֽהְיֶה (cf. v. 33 הִיא, § 149 c) ; Éz 35, 15 תִּֽהְיֶה.

n B) Accord avec un sujet composé.

1) Sujet composé d’un groupe génitival (nomen regens et nomen rectum = génitif). Dans ce cas le verbe s’accorde généralement avec le nomen regens : 1 R 17, 16 כַּד הַקֶּ֫מַח לֹא כָלָ֔תָה la cruche de farine ne s’épuisa pas. Rarement le verbe s’accorde avec le nomen rectum : (ib.) וְצַפַּ֫חַת הַשֶּׁ֫מֶן לֹא חָסֵ֑ר et la jarre d’huile ne manqua pas (mais ⸮ ; cf. v. 14 תֶּחְסָ֑ר). Autres ex. d’accord avec le nomen rectum quant au genre : Ex 26, 12 ; Lév 13, 9 ; Jos 24, 33 ; Pr 29, 25 ; — quant au nombre[9], cf. § i.

o Remarque. Dans le cas où le nomen regens est כֹּל, le verbe s’accorde presque toujours avec le nomen rectum : Ex 15, 20 וַתֵּצֶ֫אןָ כָל־הַנָּשִׁים toutes les femmes sortirent ; Ps 150, 6 כֹּל הַנְּשָׁמָה תְּהַלֵּל יָהּ que tout ce qui respire loue Jéhovah ! (de même avec un suffixe, par ex. Jos 8, 24 וַיִּפְּלוּ כֻלָּם). Les exceptions sont très rares : Ex 12, 16 כָּל־מְלָאכָה לֹא־יֵֽעָשֶׂה aucun travail ne se fera ; Pr 16, 2 (où זַךְ est verbe plutôt qu’adjectif ; cf. Job 15, 15).

p 2) Sujet composé de deux (ou plusieurs) noms coordonnés avec (ou même sans) waw.

Le verbe postposé se met généralement au pluriel : Ex 17, 10 משֶׁה אַֽהֲרֹן וְחוּר עָלוּ ; Gn 31, 14. Le verbe reste parfois au singulier quand les deux noms, formant une seule idée, sont pris per modum unius : Dt 8, 13 כֶּ֫סֶף וְזָהָב יִרְבֶּה־לָּ֑ךְ ; Os 4, 11 ; 9, 2 ; 10, 8 ; Pr 27, 9. Dans Is 9, 4 הָֽיְתָה s’accorde avec le dernier sujet. Dans Ex 21, 4 le waw a à peu près la valeur du waw d’accompagnement de l’arabe (= avec) : la femme, avec ses enfants, sera תִּֽהְיֶה (comp. 2 S 14, 9, § 148 d) ; cf. § 151 a.

q Le verbe préposé peut s’accorder avec le premier nom ou se mettre au pluriel. Accord avec le premier nom : Nb 12, 1 וַתְּדַבֵּר מִרְיָם וְאַֽהֲרֹן Marie et Aaron parlèrent (continué par : 2 וַיֹּֽאמְרוּ) ; Gn 33, 7 וַתִּגַּשׁ גַּם לֵאָה וִֽילָדֶ֫יהָ וַיִּשְׁתַּֽחֲווּ Léa aussi et ses enfants s’approchèrent et se prosternèrent ; 31, 14 וַתַּ֫עַן רָחֵל וְלֵאָה וַתֹּאמַ֫רְנָה Rachel et Léa répondirent et dirent ; 24, 61 וַתָּ֫קָם רִבְקָה וְנַֽעֲרֹתֶ֫יהָ וַתִּרְכַּ֫בְנָה ; 9, 23 וַיִּקַּח שֵׁם וָיֶ֫פֶת … וַיָּשִׂ֫ימוּ ; 11, 29 ; 2 S 12, 2 ; Am 8, 13 תִּתְעַלַּ֫פְנָה הַבְּתוּלוֹת … וְהַבַּֽחוּרִים les vierges et les jeunes hommes tomberont en défaillance. — Le verbe au pluriel : Gn 40, 1 חָֽטְאוּ מַשְׁקֵה מֶ֫לֶךְ־מִצְרַ֫יִם וְהָֽאֹפֶה l’échanson et le panetier du roi d’Égypte commirent une faute ; 1 S 31, 7.

r Remarques comparatives sur l’accord. De ce qui a été dit aux §§ 148-150 on peut dégager quelques remarques générales :

  1. 1) L’accord de l’adjectif est presque parfait ; aussi, du genre de l’adjectif peut-on conclure au genre du substantif. Au contraire l’accord du verbe et du pronom suffixe est très imparfait, p. ex. : 2 Ch 6, 40 יִֽהְיוּ־נָא עֵינֶ֫יךָ פְּתֻחוֹת (§ c) ; Gn 32, 16 גְּמַלִּים מֵֽינִיקוֹת וּבְנֵיהֶם (§ 149 b).
  2. 2) La supplantation du féminin par le masculin est fréquente dans le verbe et dans le pronom suffixe.
  3. 3) L’accord seulement partiel du verbe et surtout l’absence d’accord sont beaucoup plus fréquents quand le verbe précède le nom.

  1. La forme תִּקְטֹ֫לְנָה, comme 3e p. pl., est souvent négligée (§ c).
  2. La forme תִּקְטֹ֫לְנָה, comme 2e p., est rare (§ a).
  3. Cette construction, assez rare en hébreu, est ordinaire en arabe, p. ex. qālat il Yahūdu « les Juifs ont dit », Coran 2, 107 (cf. Brockelmann, 2, 174). La construction au fém. de 2 S 8, 2, 5, 6 a été remplacée par le pluriel dans 1 Ch 18, 2, 5, 6.
  4. Ici עָנוּ a p.-ê. été évité afin de ne pas avoir trois fois la finale nu.
  5. Le verbe a alors une sorte de valeur impersonnelle, comme dans le fr. il est arrivé de mauvaises nouvelles ; il manque deux francs ; dans l’ital. manca due lire ; mi è venuto voglia. Psychologiquement on pense d’abord à l’idée verbale seule, puis au sujet précis.
  6. En prose simple la forme verbale est généralement fléchie quand le nom suit immédiatement, p. ex. וַיִּפְּלוּ Jos 17, 5 ; Jug 9, 40 ; 1 S 17, 52 ; 31, 1 ; 1 Ch 10, 1 ; 2 Ch 13, 17 †.
  7. היה ל au sens d’appartenir à = avoir est généralement non fléchi.
  8. Phénomène non expliqué ; p.-ê. à l’analogie du fréquent היה ל non fléchi avant le nom (§ j N). En tout cas, il ressort des §§ j, k, l que היה ל tend à rester non fléchi. En mandéen le verbe הוא être reste très souvent non fléchi ; cf. Nöldeke, Mandäische Grammatik, § 281.
  9. Comp. avec un adjectif 1 S 2, 4 (poétique et étrange).